Les TPEc : travaux personnels encadrés critiques et démarche d'investigation en classe de première

Nous sommes nombreux·ses, pour les plus jeunes d’entre nous, à avoir enduré l’épreuve des TPE (Travaux Personnels Encadrés) en classe de première générale. Beaucoup y traînent des pieds, certain·e·s s’investissent énormément mais dans tous les cas on ne retrouve souvent que des lieux communs, des sujets un peu « classiques » qui amènent souvent les élèves à recopier ou reformuler des TPE des années précédentes trouvés sur le Web. Sachant que cet enseignement est le lieu d’une grande liberté pour les élèves, cela faisait un certain temps que je pensais y insuffler de la pensée critique dans le but de développer la démarche scientifique de manière concrète et atteignable. Voici quelques propositions pour quiconque aura envie de s’amuser un peu en TPE.

Le contexte

Les TPE constituent une épreuve du baccalauréat lors de laquelle les élèves doivent réaliser une démarche de groupe afin de répondre ou tenter de répondre à une problématique de leur cru. L’évaluation se fait suivant trois composantes : le suivi par les enseignant·e·s qui encadrent le TPE pendant la moitié de l’année, la production du groupe et l’oral (sorte de soutenance de la production). Les TPE sont présents pour les séries L, ES et S en première et constituent une épreuve anticipée du bac.

Les élèves doivent trouver un thème d’étude et poser une problématique à laquelle ils devront tenter de répondre par une recherche documentaire, par des expérimentations, par des rencontres de professionnel·les, visites et autres questionnaires.

La production peut prendre la forme d’un dossier, d’un site Web, d’une vidéo, d’un magazine, d’une exposition… bref, tout est permis ! Leur sujet doit normalement tomber dans un des six thèmes nationaux proposés par le Ministère (au passage, on pourra se délecter critiquement de ce nouveau thème sorti cette année, commun aux trois séries et totalement dans l’ère Macron1). Ces thèmes étant très larges, on peut donc avoir une certaine liberté d’action. Enfin, les TPE sont encadrés par plusieurs enseignant·e·s de matières différentes et les élèves doivent traiter un sujet faisant intervenir au moins deux matières.

Pourquoi les TPE ?

Pour ma part, étant enseignant de SVT (Sciences de la vie et de la Terre), j’ai suivi des élèves de 1ère S. Je pense que l’on peut proposer des thèmes de pensée critique dans les autres filières (ES et L) même si la démarche et la problématisation sont légèrement différentes. Tout cela part d’un constat souvent partagé entre filières : les élèves trouvent des thèmes d’étude un peu « bateau » et aboutissent à des problématiques n’amenant qu’à un « simple » exposé et non à une démarche de recherche originale. L’intérêt pour les élèves est donc de pouvoir trouver une problématique n’amenant pas une réponse « directe » mais ouvrant vers une réelle recherche personnelle. C’est là où j’y vois un intérêt pour la pensée critique et particulièrement pour la démarche zététique qui est un bon marche-pied pour développer l’enseignement de la démarche expérimentale et la recherche de preuves. En effet, trouver des sujets d’études peu étudiés, stimulants, pris dans  les controverses scientifiques ou les sujets-frontières entre science et croyance… permet aux élèves de mettre en place une réelle démarche d’investigation où ils·elles pourront tester et vérifier des affirmations de type scientifique.

Un cheval de Troie

En théorie, les enseignant·e·s ne sont pas sensés orienter les élèves sur tel ou tel sujet. Mais c’est là que le bât blesse (cf. plus haut) et je me suis mis en tête de leur proposer de travailler sur des thèmes liés au paranormal, aux phénomènes étranges, aux thérapies dites alternatives et croyances sociales. Pour des 1ère S, cela est orienté vers la démarche scientifique mais j’imagine déjà pas mal de thèmes pour les ES et les L (la condition animale, le genre, les conflits d’intérêts, la main invisible du marché, la répartition des pouvoirs dans un établissement scolaire, etc…). J’ai donc décidé de les orienter plus ou moins implicitement sur des sujets de cet ordre.

La démarche

Au final, je n’ai pas produit énormément de matériel pédagogique étant donné que les TPE sont essentiellement du travail personnel des élèves. Les premières séances sont généralement dédiées à l’explication des TPE, la notion de problématique et les bases de la recherche documentaire. J’en ai donc profité pour faire une séance autour de la démarche scientifique et de la problématique pour influer des notions de zététique.

Nous étions en charge, avec mes trois collègues, de deux classes de 1ère S. L’équipe était constituée d’un enseignant de physique-chimie, d’un enseignant de mathématiques, et de deux enseignant·e·s de SVT. Nous avons procédé à une première séance lors de laquelle nous avons présenté les TPE et avons laissé les élèves parcourir les thèmes nationaux et commencer à trouver un thème d’étude. Dès la deuxième séance, nous avons scindé le groupe (environ 60 élèves) en trois sous-groupes qui allaient tourner sur trois ateliers pendant trois heures. Pendant qu’un groupe était en recherche libre, l’autre était avec la documentaliste pour une formation à la recherche documentaire et le dernier groupe était avec moi pour une présentation zététique / démarche scientifique / problématique.

La présentation

La présentation se développe selon trois grands axes :

  • Une partie plutôt basée sur de l’épistémologie, et j’y développe la notion d’affirmation de type scientifique pour enchaîner sur le distinguo acte de foi vs. remport d’adhésion permettant d’amener au statut du témoignage et enfin à l’explication alternative (et donc le rasoir d’occam)
  • Une partie permettant de présenter les thèmes liés à la zététique en parcourant des choses comme l’archéo-fiction, la cryptozoologie, les pouvoirs du corps et les médecines dites alternatives. Je finis par la perception des probabilités pour arriver à l’idée que le « bizarre est probable »
  • Une dernière partie qui devrait prendre 30 minutes et qui s’intéresse à la démarche scientifique avec la notion de reproductibilité, le témoin, la taille et la représentativité de l’échantillon, l’aveugle et le double aveugle en finissant sur l’effet paillasson pour bien leur faire comprendre qu’ils·elles doivent travailler sur un sujet précis possédant une seule assertion dans le langage commun.

L’objectif de tout cela est de leur faire insuffler l’idée de trouver un sujet intriguant sur lequel ils·elles exercent leur curiosité et se fassent plaisir notamment à trouver des protocoles originaux.

J’insiste sur le fait qu’un « bon » TPE doit comporter des expérimentations mais pour ne pas leur faire trop peur, je leur dis aussi qu’un TPE avec une recherche documentaire solide qui croise des informations ou basé sur des analyses de données (épidémiologie par exemple) est tout aussi satisfaisant.

Je leur ai ensuite mis sur le réseau du lycée un document avec une multitude de thèmes issus des sujets traités par les étudiant·e·s de l’enseignement zététique de Richard Monvoisin sur plusieurs années ainsi que certains sujets proposés par Guillemette Reviron ou même cette magnifique page wikipédia sur les médecines non conventionnelles que m’a proposé Nelly Darbois.

Le matériel utilisé

Pour un peu plus de détail, voici le déroulé de la présentation avec les quelques vidéos que j’ai pu utiliser. La présentation est téléchargeable sous licence CC-by-SA :

Au format diaporama LibreOffice

Au format PDF

Je l’ai laissée telle quelle, mais il faut enlever des parties (voir plus bas, les erreurs commises).

Je questionne les élèves sur ce que leur renvoie le terme « science » pour proposer les quatre définitions du mot « science » et insister sur le fait que je ne parlerai que de la démarche scientifique.

Je présente quelques types d’informations/affirmations en donnant des exemples pour chaque pour ensuite arriver sur la particularité des affirmations de type scientifique. Je demande ensuite ce qui distingue une affirmation scientifique des autres types d’affirmation. J’ai pu remarquer que les élèves avaient de grandes facilités pour dire que l’affirmation scientifique est « testable ». Je donne ensuite quelques exemples d’affirmations de type scientifique (une pub de médium, des recettes de cuisine, du soin par magnétisme).

Cela nous amène à la notion du statut du témoignage et à la maxime de Hume. Cela permet de leur faire comprendre qu’un témoignage récolté n’est pas une preuve dans leur TPE mais aussi qu’ils·elles peuvent se baser sur un témoignage extraordinaire pour commencer à rechercher des preuves solides à ce témoignage.

Crédits : Cyrille Barrette
Crédits : Cyrille Barrette

On arrive tout doucement au rasoir d’Occam : face à un témoignage et une explication coûteuse à un phénomène, il est de logique d’épuiser d’abord les hypothèses alternatives moins coûteuses. Je présente une situation bizarre (un caribou pendu sur les fils d’un poteau électrique2) pour leur faire sortir des hypothèses puis leur donne la réponse3.

Je leur montre cette vidéo qui est sensée démontrer par l’humour cette notion du rasoir d’Occam mais au vu du peu de réactions de la part des élèves, je pense qu’il faut peut-être en trouver une autre. Richard Monvoisin me suggère d’utiliser la vidéo de Jeanne d’Arc présente sur cet article relatif au rasoir d’Occam. Un très bon épisode de Kaamellot existe également mais nous avons du le supprimer, voir l’article en question.

Je leur présente ensuite le cas des combustions humaines dites « spontanées »4 pour leur donner une idée de recherche d’explications scientifiques et cognitivement peu coûteuses.

Vient ensuite la présentation de divers thèmes de zététique (cryptozoologie, thérapies alternatives, archéo-fiction, pouvoirs du corps…).

Je fais un petit laïus sur le perceptions des probabilités à partir de la séquence suivante que j’ai montée à partir de différentes vidéos sur le Web. Cela me permet d’insister sur le tri des données (cette vidéo est un peu longue et on peut passer un peu plus rapidement à certains moments).

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Cela permet de faire le lien avec les faits « extraordinaires ». Je commence avec cette vidéo mythique de la tourterelle explosant en plein vol suite à un lancer de Randy Johnson, le 24 mars 2001.

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Les « miracles » de Lourdes permettent d’aborder la question de l’extraordinarité : des guérisons extraordinaires se produisent-elles à Lourdes, et si oui, se réalisent-elles à un taux supérieur à tout autre endroit, aux hôpitaux publics par exemple ? 5 Cela permet de montrer que le « bizarre est probable » et de leur faire prendre du recul sur les chiffres qu’ils·elles peuvent trouver, de les mettre en perspective d’une situation.

À partir de là, je développe les outils de la démarche expérimentale en commençant par la simple reproductibilité en me basant sur cette vidéo de catalepsie de spectacle par Franck Syx (je n’ai pas le temps de la reproduire mais je leur dis qu’on pourra essayer après la séance si ça leur dit) :

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Je ne développe pas les autres (témoin, aveugle et double aveugle, taille et représentativité de l’échantillon) car l’idée reste la même : leur présenter des protocoles inventées et méthodologiquement problématiques pour qu’ils·elles puissent lever le problème et comprendre comment on peut « objectiver » des données récoltées.

Je finis enfin par présenter l’effet paillasson car c’est un vrai problème dans la rédaction des problématiques en TPE : les élèves doivent restreindre leur recherche et ont tendance à placer des mots trop vagues ou ayant des définitions diverses et variées (les termes « énergie », « mémoire », « cerveau » ou « préserver l’environnement » en sont des exemples classiques). J’ai utilisé les cartes de thérapeutes d’un festival récent sur Grenoble, FestiZen, qui regorge d’effets paillasson et d’effets puits.

Les erreurs commises

J’ai vu un peu gros pour le format 1h et sur les deux premiers groupes je n’ai pas eu le temps de traiter correctement la dernière partie, pourtant essentielle. J’ai donc réduit pour le dernier groupe et c’était vraiment mieux. Je n’ai donc pas traité la définition de « science », l’épistémologie « critique » (matérialisme méthodologique, scepticisme, rationalité) ni acte de foi vs. remport d’adhésion. L’ensemble reste un peu chargé mais cela rentre en une heure

La suite…

Pour la suite des TPE, c’est surtout de l’improvisation. Nous, les enseignant·e·s, devons être présent·e·s pour répondre aux questions des élèves et leur éviter de partir sur des fausses pistes ou sur des sujets trop complexes en terme de notions pour leur niveau. Il faut faire en sorte que le sujet soit assez fécond (possibilité de tester, de reproduire, de vérifier, de trouver de l’information…) mais assez restreint pour pouvoir travailler sur un paramètre bien identifié.

En cette fin de TPE, il est temps de dresser un bilan. C’est un peu triste au final car sur les 20 groupes constitués, seulement 5 ont travaillé sur un sujet critique :

  • Le triangle des Bermudes (sujet « classique »)
  • Les personnes se disant électrosensibles sont-elles capables de détecter la présence de Wifi en expérimentation contrôlée ? Malheureusement, le groupe s’est retrouvé face à la difficulté sociale : il n’a pas pu trouver une seule personne se disant électrosensible voulant bien se prêter au jeu de l’expérimentation.
  • Le scénario catastrophe du film « Le Jour d’après  » dans lequel le Gulf Stream subit un dérèglement est-il scientifiquement plausible ?
  • La spiruline : petite déception, les élèves n’ont pas vraiment pris l’angle critique, étant déjà convaincues par les bienfaits de cette algue à la mode. C’est dommage, c’était un sujet fécond avec multiples problématiques possibles
  • Les magnétiseurs : groupe très stimulant ! Réalisation d’un protocole expérimental réalisé en collaboration avec un magnétiseur venu au lycée pour réaliser l’expérience. Juste pour ce groupe, je suis content d’avoir mis de l’énergie (c’est le cas de le dire) dans ce travail de TPE.

Les fondements de la sophrologie : entre conte New Age et pseudo-science – Parution dans Sciences et pseudosciences

Vous prenez une jeune et fringante doctorante, vous lui mettez sous le nez un thème qu’on prend pour évidemment solide, tellement il est incrusté dans la panoplie psychologique. Las ! Comme l’écrivait Aragon, « Rien n’est jamais acquis » 1. Et l’œil critique et bleu de Gwladys soulève le couvercle, et découvre la semi-vacuité de cette méthode, inventée et brevetée par un certain Alfonso Caycedo, décédé, il y a peu. Vient ensuite un spécialiste de la recherche bibliographique, mister Albin Guillaud, qui étoffe la revue d’études sur le sujet, mais rien n’y fait : que cela nous fasse plaisir ou pas, la Sophrologie caycédienne (marque déposée) est un brouet de sorcière, plein de tourbe, de vase, et de quelques ingrédients mystérieux qui semblent sortir directement de l’imagination du fondateur. Nous avons rédigé un travail complet, qui a été savamment réduit dans les pages du n°323 de la revue Sciences et pseudosciences de l’AFIS, sous le titre : Les fondements de la sophrologie : entre conte New Age et pseudo-science, par Gwladys Demazure, Albin Guillaud et Richard Monvoisin.

CorteX_SPS_323

Pour trouver l’article, et soutenir une revue au contenu rare, commandez le numéro ici.

Pour en savoir plus, nous mettrons sous peu notre article de départ.

Quatre travaux en kinésithérapie de 2017 autour des thérapies alternatives

Depuis 2011, le CorteX co-encadre des mémoires d’étudiant·es en kinésithérapie sur le sujet des « médecines alternatives » (voir notre dernier article de 2014). En 2017, trois mémoires sur le sujet ont été finalisé (l’un d’entre-eux sera mis en ligne courant 2018). Les auteur·es ont chaleureusement accepté de les partager afin de faire avancer la connaissance et la réflexion dans ce domaine. Les étudiant·es ayant suivi l’unité d’enseignement Santé & autodéfense intellectuelle et réalisé leur stage d’été au CorteX ont également bien voulu mettre à disposition leur travail.

 

Mémoires

CorteX_alexandre-petonAlexandre Peton de l’IFMK d’Alsace a réalisé une analyse critique de la méthode Concept global épaule (CGE) en vogue dans la formation continue des kinésithérapeutes prenant en charge des patient·es souffrant de pathologies de l’épaule. Il a été co-encadré par Julien Przybyla (IFMK d’Alsace) et Nelly Darbois (CorteX).

Télécharger le mémoire.

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Nelly Darbois – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – darbois [at] cortecs.org

CorteX_leo-druartLéo Druart, co-encadré par Nicolas Pinsault et Albin Guillaud a traduit depuis l’anglais vers le français un questionnaire permettant d’évaluer le taux de recours des patient·es aux « médecines alternatives ». Léo, Nicolas et Albin sont d’ailleurs en train d’écrire un article pour déconseiller l’utilisation de ce questionnaire en raison des trop nombreux problèmes qu’il présente. Nous rajouterons un lien vers cet article dès parution.

Télécharger le mémoire

Le poster

Pour tout détail, complément ou remarque, contacter Albin Guillaud – Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique et Sciences (CORTECS) Bibliothèque Universitaire de Sciences de Grenoble BP 66 38402 Saint-Martin d’Hères cedex – guillaud [at] cortecs.org

Rapports de stage

Chloé Micetta, co-encadrée par Nelly Darbois et Albin Guillaud, a crée une méthodologie d’analyse critique des sites internet commercialisant des produits de santé et appliqué cette méthode au site lesmauxdedos.com commercialisant le Nubax®, un appareil qui permettrait entre autres effets de diminuer les douleurs de dos.

Le travail en langue française et en langue anglo-étatsunienne.

CorteX_nicolas-gerard Nicolas Gérard, également co-encadré par Nelly Darbois et Albin Guillaud, s’est intéressé quant à lui au kinésio-taping (méthode qui utilise des bandes faites pour être collées sur la peau, parfois roses ou bleues) et à l’analyse de publications scientifiques sur l’efficacité du kinésio-taping dans les domaines de la santé et de la performance sportive.

Le travail en langue française et langue anglo-étatsunienne.

Livre – Parution de "La sécu, les vautours et moi", de R. Monvoisin et N. Pinsault

D’habitude, ce sont les cigognes qui livrent les paquets. Ici, c’est un magnifique vautour qui dépose un nouvel ouvrage qui devrait remplir de bons offices critiques. Richard Monvoisin et Nicolas Pinsault (qui ont déjà commis ensemble ceci) ont tenté de remédier au fait que nous sommes tou.tes plus ou moins ignares en terme de protection sociale, de Sécu, de mutuelles, d’assurance santé, et poser les équations morales auxquelles notre société doit répondre. Un livre sous forme de dialogue qui, du soin dentaire à la contraception, de la naissance à la mort, vous servira de guide si, comme nous, vous étiez terrorisé-e à l’idée de passer pour une nouille dans un parcours de soin.

Présentation

Marre de ne rien comprendre aux remboursements Sécu, aux mutuelles, Éditions du Détouraux caisses et aux régimes ? Fatigué de choisir entre renoncer à se soigner ou passer pour un abruti au premier guichet venu ? Perdu dès qu’une discussion s’engage sur les aides sociales ou le trou de la Sécu ?
Si la Sécurité sociale n’évoque pour vous que des formulaires runiques, ou des heures d’attente sur des sièges en plastique beige, alors ce livre est pour vous.
Découvrez un Far West impitoyable avec, au milieu des cactus et des buissons qui roulent dans la poussière, des personnages inouïs qui inventent un système qui soigne, qui prévient, qui prend soin… et dans leur sillage une nuée de vautours qui vont tenter de le dépecer et de prélever ce qu’ils peuvent.
Oui, la Sécurité sociale est un western, se la réapproprier un combat militant, et cet ouvrage un livre dont vous êtes le héros. Télécharger la plaquette de présentation

Le prix

Il est bon de savoir à quoi servent les sous que nous donnons quand nous achetons le livre.

  • 35% du prix va au libraire : par conséquent si,  comme nous, vous souhaitez défendre les petites librairies, évitez les grandes centrales d’achat.
  • La diffusion et la logistique représentent environ 15% du prix.
  • L’imprimeur, lui, a coût dépendant du nombre d’exemplaires. Dans notre cas, c’est 2,60 euros, pour l’instant.
  • L’édition et la composition est le fait de la maison d’édition. 1000 euros ont été consacrés à la relecture.
  • Enfin, 6% du prix hors taxe vont aux auteurs. Ici par exemple, les auteurs toucheront autour de 50 centimes chacun par livre.

Ce livre sera rentable pour les éditions si environ 1000 exemplaires se vendent.

Sachant qu’il faut compter environ 20 000e pour une piscine, il faut vendre 40 000 livres pour que Nicolas et Richard puissent s’en offrir une chacun. Pour rappel, les frères Bogdanoff ou Lorànt Deutsch vendent à coups de 100 000 exemplaires, pour une qualité bien moindre.

Mercis

CorteX_Juliette_Mathieu_Bertrand_Bernard_editiondudetourOn ne pense jamais à remercier suffisamment. D’abord, révérence appuyée envers nos deux responsables d’édition, Juliette Mathieu et Bertrand Bernard, merveilleux de patience et d’à-propos. Admirons leur joviaux minois, et posons un genou en terre devant leur travail de forçat.

Sans ordre aucun, merci à

  • l’imprimerie Chirat, de Saint-Just-la-pendue, dans la Loire, qui fait un très bon travail, en plus d’habiter un village au nom mythique.
  • Richard Cousin, alias Yumyum, pour la création graphique. Vous noterez que Richard Cousin n’est pas le voisin de Richard Monvoisin. Richard Monvoisin, lui, n’est pas le cousin, de Richard Cousin.
  • Carole Mathiot a été tellement remarquable dans la correction ortho-typographique  que ça en a été presque humiliant.
  • Julien Cau, qui a fait l’illustration de couverture – au passage, nos excuses envers les vautours, qui sont souvent associés à des comportements réprouvables, alors qu’ils sont des nettoyeurs essentiels de notre environnement.
  • la distribution Sodis, plate-forme Gallimard Flammarion.

Comme dit en introduction, ce livre n’est pas parfait, mais il aurait été miteux et lacunaire sans les lumières de Michel Étiévent, Olivier Reboul, Julien Caranton, Jean-Noël et Vincent Plauchu, Bertrand Ferragut, Oriane Sulpice, Guy Monvoisin, sans compter nombre d’auteurs sur les épaules desquels nous nous sommes juchés. Merci à l’équipe CorteX, notamment Nelly Darbois, Albin Guillaud, Clara Egger, Guillemette Reviron, Denis Caroti, Julien Peccoud, ainsi qu’à Caroline Bordin-Goffin, Matthieu Bordin, Tristan Livain, Chloé Guillard et Luc Moreau.

Bibliographie

Par manque de place, la bibliographie présente dans le livre est réduite au plus directement utile. Il nous parait essentiel de fournir la bibliographie complète de ce qu’il nous a été nécessaire de compulser.

  • Adam O. et Mermet D., Howard Zinn, une histoire populaire américaine, , vol. 1 (film), Les mutins de Pangée, 2015
  • Amossy R., « Les avatars du « raisonnement partagé » : langage, manipulation et argumentation », Repenser le langage totalitaire, Klemperer V. (dir.), CNRS Éditions, 2012.
  • Andrieu C., « Le programme du CNR dans la dynamique de construction de la nation résistante », Histoire@Politique, n° 24, Centre d’histoire de Sciences Po, 2014.
  • Audet M.-C. ; Moreau M. ; Koltun W.-D. ; Waldbaum A.-S. ; Shangold G. : Fisher A.-C. et Creasy G.-W., « Evaluation of contraceptive efficacy and cycle control of a transdermal contraceptive patch vs an oral contraceptive: a randomized controlled trial », Journal of the American Medical Association, 2001.Vol. 285, n°18), pp. 2347–2354.
  • Barsalou J., « La naissance de la IVe République », Le Bulletin de France-Documents, 18 octobre 1946.
  • Balbastre G., Vérités et mensonges sur la SNCF (film), CER SNCF Nord-Pas-de-Calais et Émergences, 2015.
  • Bertrand Y.-A., Home (film), EuropaCorp et Elzévir, 2009.
  • Frédéric Bizard, « Généralisation des complémentaires santé: une mesure avant tout politique! », www.huffingtonpost.fr
  • http://www.huffingtonpost.fr/frederic-bizard/generalisation-des-comple_b_4001682.html
  • Borgetto M., « Les convergences/divergences au sein du système français de protection sociale : quelle portée ? » Borgetto M. ; Ginon A.-S. et Guiomard F. (dir.), Quelle(s) Protection(s) sociale(s) demain ?, Dalloz, 2016.
  • Boual, J.-C., Bref historique de la protection sociale en France, www.associations-citoyennes.fr
  • Bourdrel P., La Cagoule : histoire d’une société secrète du Front populaire à la Ve République, Albin Michel, 1992.
  • Bourgeois L., Solidarité, Armand-Colin, 1896.
  • Brétecher C., Docteur Ventouse, bobologue, t. 1 et 2, Claire Brétecher, 1985, 1986.
  • Bulard M., « L’Assurance maladie universelle en question  », Le Monde diplomatique, avril 2017.
  • Callon J.-É., Les projets constitutionnels de la Résistance, La Documentation française, 1998.
  • Caranton J., Les Fabriques de la « paix sociale » : acteurs et enjeux de la régulation sociale (Grenoble 1842-1938), thèse de doctorat dirigée par Dalmasso A. et Judet P., 2017.
  • Caranton Julien, « À la conquête de la Sécurité ? La Mutualité et les mutualistes à Grenoble (1803-1945)  », Innovation, 2015.
  • http://innovacs-innovatio.upmf-grenoble.fr/index.php?id=304
  • Carles P., La sociologie est un sport de combat, (film), C-P. Productions, 2001.
  • Carpentier J., Journal d’un médecin de ville, Médecine et politique, 1950-2005, Le Losange, 2005.
  • Collombat B., Servenay David (dir.), Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours : Le vrai visage du capitalisme français, La Découverte, 2009
  • Condorcet, N. de, Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales
  • Conseil national de la Résistance, Les Jours Heureux, 1944
  • Crapez M., « De quand date le clivage gauche/droite en France ? », Revue française de science politique, n°1, 1998.
  • Damon J., « Rétrospectives et prospective de la protection sociale », Borgetto M. ; Ginon A.-S. et Guiomard F. (dir.), Quelle(s) Protection(s) sociale(s) demain ?, Dalloz, 2016.
  • Dawkins R., Pour en finir avec Dieu, Robert-Laffont, 2009
  • Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948
  • Delporte C., Une histoire de la langue de bois, Éditions Flammarion, 2009.
  • De Reuck N. et Dutilleul P., On a tué ma mère ! : face aux charlatans de la santé, Buchet Chastel, 2010.
  • Desroche Henri, Solidarités ouvrières. Tome 1: Sociétaires et compagnons dans les associations coopératives (1831-1900), Revue belge de philologie et d’histoire, 1986, Vol. 64, n°2.
  • Département des études, « Complémentaires et opticiens », UFC-Que choisir, mai 2014. Dodet R., « Sécurité sociale : que veut vraiment François Fillon ? », L’Obs, 1er décembre 2016.
  • Dreyfus P., Émile Romanet, père des allocations familiales, Arthaud, 1965.
  • Duval J., Le Mythe du « trou de la Sécu », Raisons d’agir, 2007.
  • Engels F., note au Manifeste communiste, 1888.
  • Étievent M., Ambroise Croizat ou l’invention sociale, Gap, 1999.
  • Étievent M., La sécurité sociale : l’histoire d’une des plus belles conquêtes de la dignité racontée à tous, Gap, 2013.
  • Étievent M., Marcel Paul – Ambroise Croizat : chemins croisés d’innovation sociale, Gap, 2008.
  • Étievent M., Trois vies pour changer l’avenir, (film), Étievent M.
  • Eric Fassin, Gauche, l’avenir d’une désillusion, Textuel, 2014.
  • Feidt (Monseigneur), Note du 4 juin 1986 publiée dans le Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements.
  • Fourastié J., Pourquoi nous travaillons ?, PUF,1970.
  • Friot B., « La qualification personnelle pour en finir avec la Sécurisation des parcours professionnels », Réseau salariat, 23 septembre 2011.
  • Friot B., Et la cotisation sociale créera l’emploi, La Dispute, 1999.
  • Friot B., Puissance du salariat, La Dispute, 2012.
  • Halimi S., Quand la gauche essayait, Arléa, 2000.
  • Halioua B., « La xénophobie et l’antisémitisme dans le milieu médical sous l’Occupation vus au travers du Concours Médical », M/s médecine sciences, vol. 19, o 1, 2003.
  • Hessel S., Indignez-vous, Indigène, 2010.
  • Hitchens C., Dieu n’est pas grand, Belfond, 2009.
  • Jarvis, C., The Rise and Fall of the Pyramid Schemes in Albania, International Monetary Fund, 1999.
  • Karel W., La Cagoule : Enquête sur une conspiration d’extrême droite (film), Companie des Phares et des balises, 1999.
  • Kesey, K., Vol au-dessus d’un nid de coucou, Stock, 2013.
  • Kuisel R. F., Le Capitalisme et l’État en France : modernisation et dirigisme au XXe siècle, Gallimard, 1984.
  • Lacroix-Riz A. Industriels et banquiers français sous l’Occupation, Armand-Colin, 2013.
  • La Hulotte, Vautour fauve, nos 91, 93 et 96
  • Le Crom J.-P. , « Les Assurance sociales  », dans Hesse P.-J. et Le Crom J.-P. (dir.), La Protection sociale sous le régime de Vichy, Presses universitaires de Rennes, 2001.
  • Leclerc P., La Sécurité sociale, son histoire à travers les textes, 1870-1945, tome 2, Association pour l’étude de la Sécurité sociale, 1996.
  • Lehmann C., « De la MNEFà la Mutuelle des Étudiants, à qui profite le crime ? », blog de l’auteur, 2014.
  • https://blogs.mediapart.fr/lehmann-christian/blog/050714/de-la-mnef-la-mutuelle-des-etudiants-qui-profite-le-crime
  • Lemahieu T., « Comment Pierre Gattaz se sucre sur l’argent public? », L’Humanité, 1er juillet 2014.
  • http://www.humanite.fr/comment-pierre-gattaz-se-sucre-sur-largent-public-546073
  • Lignières P., Vade Retro Spermato (film), les Films du Sud, 2011.
  • Lilti T., Hippocrate (film), 31 juin Films, 2014.
  • Manac’h E., « CICE, le casse du siècle », Politis, 21 septembre 2016. https://www.politis.fr/articles/2016/09/cice-le-casse-du-siecle-35410/
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Revue de presse

à venir

La force vitale : un vieux concept aux multiples facettes (Vangelis Antzoulatos)

Énergie, onde, résonance, fréquence, magnétisme, quantique, etc. Nombreux sont les termes scientifiques utilisés de manière abusive, car détournés de leur sens précis qu’il recouvre habituellement. Cet effet paillasson est d’autant plus difficile à détecter qu’il n’y a pas de règle absolue nous permettant de le repérer, mais simplement une vigilance de tous les instants face à des mots « qui en jettent » et que l’on rencontre dans de nombreuses pratiques pseudoscientifiques, comme dans des champs plus conventionnels. Dans cet article, Vangelis Antzoulatos, enseignant de Physique-Chimie en BTS au lycée de l’Escaut de Valenciennes, docteur en histoire et épistémologie des sciences, et membre associé du laboratoire Savoirs, Textes, Langages à l’Université de Lille 1, analyse un concept bien connu dans le domaine des thérapies dites « alternatives », celui de « force vitale », lui-même rattaché à un ancien courant philosophique et scientifique : le vitalisme. En revenant sur ses origines historiques, il apporte un éclairage critique sur l’utilisation de ces termes à travers les époques et jusqu’à nos jours. Nous ne pouvons que remercier Vangelis de partager ce travail avec nous, travail lui ayant demandé une énergie vitale à toute épreuve…

Introduction

« Libérez l’énergie vitale qui voyage en vous ! » ; « Surveillez votre force vitale, car c’est le principe même de la vie et de l’énergie qui en découle » ; « Sans énergie vitale, le corps meurt, se décompose, se résout en ses éléments chimiques » ; « Cette énergie universelle désigne la force fondamentale du Cosmos qui anime, vitalise, stimule tout être vivant ». On trouve aujourd’hui sur Internet de nombreuses références aux concepts de force vitale ou d’énergie vitale. En quelques clics, on constate bien souvent que ces références sont utilisées à des fins commerciales. Il s’agit, pour celui qui les invoque, de légitimer une pratique en la revêtant d’un vernis « philosophico-scientifique ». Au final, le lecteur est invité à indiquer son numéro de carte bancaire afin d’avoir la chance de réveiller les capacités d’auto-guérison de son corps à l’aide de remèdes « 100 % naturels ».

Afin de mieux cerner ce concept de force vitale, nous proposons d’en faire une mise en perspective historique afin d’en proposer une critique d’un point de vue scientifique. Nous chercherons ainsi à répondre aux questions suivantes : comment les tenants du concept de force vitale l’ont-ils caractérisé dans l’histoire ? Quelles sont aujourd’hui la validité et l’utilité scientifique de ce concept ?

Le vitalisme : une théorie ancienne aux multiples visages

Le concept de force vitale peut être rattaché à un courant philosophique ancien, le vitalisme. Il est difficile de tracer nettement les contours de cette doctrine, mais on pourrait la faire remonter à Aristote. Ce dernier, en effet, imaginait un principe de changement travaillant les choses de l’intérieur pour les faire évoluer conformément à leur nature. C’est en vertu de ce principe vital, par exemple, qu’une chenille devient papillon, ou qu’une graine devient plante.

En tant que doctrine philosophique, le vitalisme postule la chose suivante : les organismes vivants et les choses inanimées sont gouvernés par des lois fondamentalement différentes. La vie ne peut s’expliquer que par l’existence d’une force vitale, non réductible aux lois de la physique et de la chimie. À la mort d’un être vivant, cette force s’échappe, la partie matérielle de cet être est alors soumise aux mêmes lois que les objets inertes : dégradation, pourrissement, disparition, … . Par conséquent, le vitalisme est une doctrine qui s’oppose fondamentalement au mécanisme (conception matérialiste) qui considèrent les êtres vivants comme de véritables automates, dont il est possible de comprendre les rouages à partir des lois de la physique et de la chimie. Le débat entre vitalistes et mécanistes est donc d’abord une affaire de physiologistes, dont on peut situer l’apogée vers la fin du XVIIIe siècle. Marie François Xavier Bichat (1771-1801) est l’un des plus fervents défenseurs du vitalisme, et parvient à l’imposer comme grille d’analyse et d’interprétation des phénomènes du vivant. Ses principaux opposants, Jean-Baptiste de Lamarck (1744-1829), puis François Magendie (1783-1855) cherchent au contraire à rendre compte de la vie à partir de phénomènes physico-chimiques.

Au début du XIXe siècle, le débat se déplace sur le terrain de la chimie lorsque l’on commence à entrevoir la possibilité de synthétiser des molécules « organiques1 », autrement dit de fabriquer des composés du vivant au laboratoire. Pour de nombreux chimistes, il s’agit là d’une véritable hérésie. Leur argument : il est impossible de « fabriquer » des composés organiques complexes à partir de composés plus simples (leurs éléments, ou encore des composés minéraux) sans l’intervention de la force vitale. Or celle-ci échappe au chimiste. Seule une Puissance étrangère, une cause première, peut contrôler cette force vitale afin d’organiser les êtres pour certaines finalités. Bref, la création du vivant appartient au domaine réservé de Dieu !

Le cas de Jacob Berzelius (1779-1848) illustre bien cette position. Chez ce chimiste suédois, le vitalisme trouve son origine dans la foi religieuse. Pour lui, le mécanisme s’apparente à une forme d’athéisme qu’il ne peut accepter. La connaissance humaine est limitée en ce qu’elle ne peut pénétrer les secrets de la création. Dès 1814, il inclut dans ses publications des réflexions théologiques, expliquant que les phénomènes de la vie ne peuvent être compris sans l’intervention d’une Puissance étrangère. En 1818, il en vient à l’idée que la chimie inorganique et la chimie organique ne peuvent obéir aux mêmes lois. Dans son Traité de Chimie, publié en 1827 et traduit en français en 1831, il mentionne explicitement le concept de force vitale « qui dispose les éléments inorganiques communs à tous les corps vivants, à coopérer à la production d’un résultat particulier déterminé et différent pour chaque espèce2 ». Bien entendu cette force, qui permet donc le passage de l’inorganique à l’organique, n’est pas accessible à l’homme. La force vitale chez Berzelius est donc un concept négatif, limitant les possibilités du chimiste : ce dernier ne pourra obtenir un composé organique que par dégradation d’un autre composé organique, plus complexe. Sous la pression des faits, Berzelius modifiera par la suite sa conception de la force vitale, et adoptera une attitude moins dogmatique.

Mais la religion n’explique sans doute pas complètement les positions vitalistes. Précisons qu’au début du XIXe siècle, les pays germaniques et le nord de l’Europe sont largement dominés par un courant de pensée, le dynamisme. Héritier de la philosophie d’Emmanuel Kant (1724-1804), puis du mouvement romantique, ce mouvement débouchera sur une nouvelle manière de pratiquer la science, la Naturphilosophie. De ce courant, nous nous contenterons de citer les idées principales. D’abord la matière est perçue par nos sens en tant que force ; cette dernière est donc l’entité ultime qui constitue notre monde. Il s’agit là d’un argument très fort contre le mécanisme qui affirme au contraire le primat de la matière sur la force. Ainsi, pour les dynamistes, la Nature ne peut pas être conçue comme un automate : il y a au contraire quelque chose de vital qui circule dans la matière, qui l’anime, et qui ne peut être réduit à de la mécanique. Ce n’est donc pas un hasard si le médecin allemand Samuel Hahneman (1755-1843), père de l’homéopathie, utilise le concept de force vitale. Un déclin de la Naturphilosophie s’opérera cependant à partir des années 1830 car cette approche sera jugée trop spéculative.

La réfutation du vitalisme scientifique

La synthèse organique, qui émerge dès la fin des années 1820, va progressivement contraindre les vitalistes à réviser leur position. En 1828, un jeune chimiste allemand élève de Berzelius, Friedrich Wöhler (1800-1882), réussit à synthétiser de l’urée, substance alors connue pour être seulement produite par les organismes biologiques. L’opération nécessite de porter à ébullition, pendant 15 minutes, une solution aqueuse de cyanate d’ammonium (composé considéré comme inorganique). Il faut ensuite la refroidir dans la glace puis lui ajouter de l’acide nitrique. Il se produit alors une isomérisation du cyanate d’ammonium en urée. Wöhler fait part de ce résultat à son maître : « Je peux faire de l’urée sans avoir besoin de reins ou même d’un animal, fût-il homme ou chien3 ». Pas de quoi, cependant, ébranler les convictions vitalistes de Berzelius. Selon lui, l’urée fait partie des substances « placées sur la limite extrême entre la composition organique et celle inorganique4». La production de ce type de composé à partir de corps inorganiques est donc un cas tout-à-fait particulier, une « imitation est trop incomplète et trop restreinte pour que nous puissions espérer de produire des corps organiques5». Pour sceller le sort de la force vitale, la synthèse de l’acide acétique par Hermann Kolbe (1818-1884), élève de Wöhler, sera bien plus décisive. Mise au point entre 1843 et 1845, cette synthèse permet de montrer sans contestation possible qu’un composé organique, l’acide acétique, a été obtenu en partant d’un composé minéral, le disulfure de carbone. A partir de ce moment, les chimistes vitalistes nuancent quelque peu leur position et l’idée de l’impossibilité de la synthèse organique commence à vaciller.

Le chimiste français Marcellin Berthelot (1827-1907) va porter au vitalisme l’estocade finale. Véritable « saint laïc », Berthelot atteint durant la 3e République une dimension de héros national et de symbole de la science triomphante. Pour beaucoup, il est celui qui, en réalisant la synthèse des corps organiques, a fait naître selon Poincaré « l’aube d’une lumière inconnue qui éclaire une partie des mystères de la création6». Zola s’en inspire pour créer, dans son roman Paris,  le personnage de Bertheroy, « une des gloires les plus hautes de la France, à qui la chimie devait les extraordinaires progrès qui en ont fait la science mère, en train de renouveler la face du monde7». Né au beau milieu du Paris révolutionnaire, Berthelot est élevé dans la tradition républicaine. Les idées socialistes lui sont sympathiques, ce qui le conduit à s’affranchir assez rapidement d’une éducation catholique rigoureuse. Au cours de sa scolarité au lycée Henri IV, il se lie d’amitié avec le philosophe Ernest Renan (1823-1892) qui finit de le convaincre que la religion n’a plus aucun rôle politique à jouer, seule la science pouvant prétendre servir de guide à l’humanité. L’univers est dès lors conçu par Berthelot comme entièrement rationnel : plus de forces occultes, comme la force vitale, plus d’Entendement suprême, extérieur au monde physique … « Le monde est aujourd’hui sans mystère8», nous assure le chimiste, grand prêtre de cette nouvelle religion scientiste!

De 1851 à 1860, Berthelot se consacre exclusivement à la synthèse organique. Son premier fait de gloire est certainement la synthèse de l’alcool ordinaire, réalisée en 1855. Constatant que cette substance, en réagissant avec l’acide sulfurique, se dédouble en eau et en éthylène, il tente de renverser cette réaction. Pour cela, il introduit de l’éthylène gazeux dans un ballon de 30 litres environ, puis le met en présence d’acide sulfurique bouilli et de quelques kilogrammes de mercure. L’ensemble est alors soumis à une « agitation violente et continue9 » … 53000 secousses, sur une durée de quatre jours, seront nécessaires pour finalement obtenir 45 g d’alcool ! La même année, Berthelot va encore marquer les esprits en réussissant la synthèse totale, c’est-à-dire à partir de ses éléments, de l’acide formique, substance naturelle jusqu’alors extraite par distillation à partir de cadavres de fourmis10. L’image de prodige de la science du personnage est renforcée en 1862 par la synthèse de l’acétylène dans l’œuf électrique11. Il s’agit cette fois d’une synthèse directe, à partir des éléments : l’acétylène est obtenu en faisant passer du dihydrogène dans un arc électrique, produit entre deux électrodes de carbone. Mais c’est deux ans plus tôt, en publiant son premier ouvrage, la Chimie organique fondée sur la synthèse12, que le savant commence à étendre sa popularité au-delà du milieu scientifique. Mieux que Wöhler et Kolbe, il sait présenter au public la synthèse comme une connaissance systématique plutôt qu’un ensemble de réussites isolées. Mieux, il la décrit comme la seconde révolution chimique. La première, celle de Lavoisier, avait redéfini la notion d’analyse chimique. Mais l’analyse est un mode de connaissance passif, elle permet uniquement de rendre intelligibles des substances déjà existantes en leur attribuant une formule chimique. La synthèse, au contraire, consiste en la matérialisation au laboratoire des idées du chimiste. Il est désormais possible non seulement de reproduire des substances pré-existantes à toute intervention humaine, mais aussi d’en créer de nouvelles, jamais observées jusqu’alors ! Un nouveau monde s’ouvre, et on comprend l’enthousiasme du public, ainsi que l’espoir qu’a dû susciter un tel ouvrage…

Le vitalisme, chassé de la chimie, revient alors à sa version physiologique. D’accord, la synthèse organique est possible, mais on peut toujours affirmer que les phénomènes de la vie dépendent de la force vitale. C’est par exemple la position de Louis Pasteur (1822-1895). Très croyant, Pasteur faisait partie des opposants au matérialisme, et s’est ainsi opposé à des savants tels que Berthelot ou le physiologiste Claude Bernard (1813-1878). Citons pour exemple la controverse à propos de la fermentation alcoolique. Depuis la fin du XVIIIe en effet, les savants sont divisés sur la nature de la levure de bière, responsable du phénomène : est-elle un être vivant, auquel cas la fermentation s’apparente à la nutrition d’un animal ? Ou bien doit-elle être envisagée comme un simple catalyseur, dont l’action est purement chimique ? On voit bien le rapport avec la question du vitalisme : soit le processus de la fermentation s’explique par les seules lois de la chimie, soit il faut invoquer l’action vitale d’un être vivant. On l’aura compris, Pasteur est plutôt partisan de ce second point de vue. Pour lui, la fermentation est un processus vital permettant à certains êtres de vivre en l’absence d’oxygène libre13 ; ces êtres, il les nomme anaérobies. Preuve de cette affirmation : il est possible d’inhiber le processus en mettant la levure en présence d’oxygène libre, ce que nous appelons aujourd’hui « l’effet Pasteur ». Mais en juillet 1877, Claude Bernard montre que le phénomène de fermentation est dû à un ferment soluble libéré par la levure, et non à son action vitale. Il constate également que l’action de ce ferment n’est pas entravée par la présence d’air, ce qui va naturellement à l’encontre de la conception de Pasteur. Ces résultats ne seront pas publiés du vivant de Claude Bernard, qui meurt le 6 février 1878. C’est son ami Berthelot, conscient de leur importance, qui les fait publier à titre posthume le 20 juillet 1878 dans la Revue Scientifique14. Mécontent, Pasteur s’en émeut devant l’Académie des sciences. Il en résultera une longue passe d’armes (8 mois) entre Berthelot et lui, sous forme de communications à l’Académie des Sciences, sans qu’aucun des deux protagonistes ne parvienne à obtenir gain de cause. Mais le temps jouera en défaveur de Pasteur. En 1897, en effet, Eduard Buchner (1860-1917) parvient à réaliser expérimentalement une fermentation alcoolique sans faire intervenir d’organismes vivants15
. Ses travaux établissent que le phénomène est dû à une substance, issue de la levure, qu’il nomme zymase.

Le vitalisme a-t-il perdu la partie ?

A la fin du XIXe siècle, la position vitaliste n’est plus tenable pour la majorité de la communauté scientifique. Bien entendu, le réductionnisme mécaniste n’a pas remporté l’adhésion de tout le monde : il en est toujours pour affirmer que le vivant ne se réduit pas aux lois de la physique et de la chimie, qu’« autre chose » est à l’œuvre. Mais cette « autre chose » ne joue plus aucun rôle dans les théories scientifiques. Aujourd’hui, les recherches scientifiques sur les origines du vivant fournissent des modèles permettant d’expliquer les phénomènes de la vie sans avoir à évoquer une mystérieuse force vitale. La biologie moléculaire, par exemple, rend compte des processus vitaux en termes de phénomènes physico-chimiques. Dans son ouvrage Le hasard et la nécessité, Jacques Monod affirme que les thèses vitalistes sont avant tout le fruit du scepticisme à l’égard de la science, et se sont toujours appuyées sur l’ignorance ou les zones d’ombres laissées par les explications scientifiques. Par conséquent, son pouvoir explicatif est appelé à diminuer drastiquement :

Les développements de ces vingt dernières années en biologie moléculaire ont singulièrement rétréci le domaine des mystères, ne laissant plus guère, grand ouvert aux spéculations vitalistes, que le champ de la subjectivité : celui de la conscience elle-même. On ne court pas grand risque à prévoir que, dans ce domaine pour l’instant encore « réservé », ces spéculations s’avéreront aussi stériles que dans tous ceux où elles se sont exercées jusqu’à présent16

Le point de vue de Monod n’est pas isolé mais au contraire représentatif de l’opinion des scientifiques à l’encontre du vitalisme à la fin du XXe siècle. Et pourtant, alors même que la force vitale et ses concepts dérivés (« énergie vitale », « fluide vital », « élan vital », etc.) ont été chassés du champ de la recherche scientifique, ceux-ci demeurent très présents dans les fondements théoriques de nombreuses pratiques thérapeutiques dites « alternatives » ou « non conventionnelles ». Rappelons que la très populaire homéopathie fait appel à cette notion depuis son origine : « [L’homéopathie] sait que la guérison ne peut avoir lieu qu’au moyen de la réaction de la force vitale contre un médicament approprié, et qu’elle s’opère d’autant plus surement et promptement que cette force vitale conserve encore davantage d’énergie chez le malade17

Séquence pédagogique : mobiliser la raison sur des questions d'éthique – l'extension au numérique du délit d'entrave à l'IVG

Il y a quelques années, le CorteX animait sur les campus montpelliérains et grenoblois des « Midis critiques », occasions de débattre sur des sujets à forte dimension morale (voir par exemple ici). Nous continuons aujourd’hui à mobiliser la pensée critique pour décortiquer des problèmes moraux, au sein notamment de notre stage pour doctorant·e·s « De l’éthique à l’université » ou dans le cadre de l’Unité d’enseignement de sciences humaines à l’Institut de formation en kinésithérapie de Grenoble. Nous explicitons ici notre démarche par le biais d’une thématique ayant fait l’actualité du début de l’année 2017 en France : l’extension du délit d’entrave à l’intervention volontaire de grossesse (IVG).

Partie I – Ressources méthodologiques

CorteX_dufour-argumenterNous présentons en introduction de notre séquence pédagogique ce qui nous semble être le B.A.-BA de l’analyse argumentaire en nous inspirant (avec des adaptations) de l’excellent ouvrage de Michel Dufour, Argumenter – Cours de logique informelle de 2008 chez Armand-Colin. Il est malheureusement très difficile de rendre parfaitement justice à cet ouvrage car le propos, très clair et complet, peut difficilement souffrir de coupes sans être détérioré. Cependant, comme il n’est pas possible pédagogiquement de restituer tout cela sans faire un cours d’au moins trois heures, nous avons tenté d’en extraire la substance moelle pour l’utiliser avec des étudiant·es. Nous ne pouvons que vous recommander d’aller lire cet ouvrage pour approfondir. N’hésitez pas à nous faire partager une séquence pédagogique conduite différemment sur ce même thème.

1) Anatomie d’un argument

Quiconque souhaite défendre une idée, une thèse, une affirmation, doit recourir à l’argumentation. Mais qu’est-ce donc qu’un argument ? Nous commencerons par un peu d’anatomie argumentaire.

Un argument se compose de deux éléments :

  • une ou plusieurs prémisses : ce sont des affirmations dont il est possible de dire en principe si elles sont vraies ou fausses. « En ce moment, il pleut. » « L’espérance de vie à la naissance de la truite est de cinq ans. » « La cohésion d’un groupe est maximale lorsque ce groupe comprend cinq personnes. »
  • une conclusion : c’est l’affirmation que l’on a cherchée à justifier par les prémisses. Elle est le plus souvent introduite par des connecteurs logiques comme « donc », « par conséquent », « ainsi », « dès lors » ou « c’est pourquoi ». Dans le langage courant, il est d’usage, par raccourci, d’appeler « argument » la conclusion ou la prémisse d’un argument (mais pas le bloc « prémisse + argument » dans son entier).

Voici un exemple d’argument, sans doute un des plus célèbres :

Exemple A

Socrate est un homme. (Prémisse 1)

Tous les hommes sont mortels. (Prémisse 2)

Donc Socrate est mortel. (Conclusion)

Voici maintenant un argument constitué d’une seule prémisse :

Exemple B

Le CorteX existe depuis 2010. (Prémisse)

C’est pourquoi il doit continuer à exister. (Conclusion)

Souvent, de multiples prémisses précèdent une conclusion :

Exemple C

Les plagiocéphalies touchent un bébé humain sur dix à la naissance. (Prémisse 1)

Cette pathologie entraîne systématiquement de lourds handicaps moteurs et intellectuels à l’âge adulte. (Prémisse 2)

Les sutures du crâne du bébé humain ne sont pas encore complètement fermées à la naissance. (Prémisse 3)

L’ostéopathie crânienne permet d’agir manuellement sur ces sutures. (Prémisse 4)

L’ostéopathie crânienne appliquée dès les premiers jours de vie permet d’éviter toute séquelle liée à la plagiocéphalie. (Prémisse 5)

Ainsi, il faut permettre de pratiquer l’ostéopathie crânienne dans toutes les maternités. (Conclusion)

Le plus souvent, les prémisses ne seront pas aussi bien découpées et il faudra les démêler. C’est ce que nous avons dû faire dans la deuxième partie de cet article (voir la Partie II – Application des principes méthodologiques de l’analyse argumentaire ci-après).

2) Analyse d’un texte argumentaire

Identification des arguments

Il n’existe pas à notre connaissance de méthode algorithmique infaillible pour mettre  à jour identifier des arguments mais seulement quelques principes. Dufour nous livre certains de ces principes dans son ouvrage. En résumé, il s’agit :

  • d’identifier les conclusions défendues par les auteur·es et leurs prémisses en repérant les connecteurs logiques ;
  • de chercher à les retranscrire fidèlement. En effet, afin d’éviter un épouvantail, il est bon d’être le plus fidèle possible dans la restitutions des arguments. Dans l’idée, il faut s’évertuer à présenter l’argument mieux que son auteur·e ne l’aurait fait lui-même ou elle-même.

Évaluation détaillée des arguments (ou décorticage)

Pour chacun des arguments identifiés, on veillera à :

  • évaluer la valeur de vérité de ses prémisses. Il s’agit de vérifier que chacune d’elles repose sur des données factuelles ou est logiquement cohérente (qu’elle ne contient pas une contradiction), indépendamment de la conclusion de l’argument ;
  • évaluer la justification que chaque prémisse apporte à la conclusion de l’argument.

Dans l’exemple B :

Le CorteX existe depuis 2010. (Prémisse)

Valeur de vérité. Cette prémisse est vraie, si l’on en croit la page de présentation de notre collectif. Selon notre degré d’exigence et les enjeux de l’argumentaire, on pourrait aller plus loin dans la vérification de cette prémisse en allant lire les registres d’enregistrement des associations loi 1901.

C’est pourquoi il doit continuer à exister. (Conclusion)

Justification. Cette prémisse justifie-t-elle la conclusion « C’est pourquoi il [le CORTECS] doit continuer à exister. » ? Il est facile de trouver des situations où il est légitime d’interrompre une habitude qui perdure depuis sept ans. Par exemple, si une personne séquestre son enfant tous les soirs trois heures dans un placard depuis sept ans, il est légitime de dire qu’il serait plus raisonnable d’interrompre cette pratique pour le bien-être de l’enfant. Le fait qu’un processus existe depuis X années n’est jamais suffisant pour justifier la perpétuation de ce processus. Ainsi, bien que la prémisse de départ soit vraie, elle ne justifie en aucun cas la conclusion. C’est une variante du sophisme que l’on appelle argument d’historicité.

Dans l’exemple C :

Les plagiocéphalies touchent un bébé humain sur dix à la naissance. (Prémisse 1)

Cette pathologie entraîne systématiquement de lourds handicaps moteurs et intellectuels à l’âge adulte. (Prémisse 2)

L’ostéopathie crânienne permet d’agir manuellement sur ces sutures. (Prémisse 4)

L’ostéopathie crânienne appliquée dès le premier jour de vie permet d’éviter toute séquelle liée à la plagiocéphalie. (Prémisse 5)

Valeur de vérité. Ces quatre prémisses sont fausses1.

Les sutures du crâne du bébé humain ne sont pas encore complètement fermées à la naissance. (Prémisse 3)

Valeur de vérité. Cette prémisse est vraie2.

Justification. Cette prémisse justifie-t-elle la conclusion « Ainsi, il faut permettre de pratiquer l’ostéopathie crânienne dans toutes les maternités. » ? Non. Seule une prémisse est vraie (la prémisse 3) et elle ne justifie en rien la conclusion.

Évaluation générale d’un argument

L’argument ne sera d’office pas recevable si :

  • toutes ses prémisses sont fausses, ou ;
  • si aucune des prémisses ne justifie la conclusion.

Par exemple, l’argument B n’est pas recevable, parce que son unique prémisse n’apporte pas de justification à la conclusion. L’argument C non plus, puisque sa seule prémisse vraie ne justifie pas non plus la conclusion.

À l’inverse, l’argument sera d’office recevable si

  • au moins une de ses prémisses est vraie, et ;
  • cette même prémisse justifie la conclusion.

Dans les autres cas, il sera plus difficile (mais pas impossible) de trancher comme nous allons le voir par la suite.

Partie II – Application des principes méthodologiques de l’analyse argumentaire

Une fois les quelques conseils méthodologiques généraux présentés, nous utilisons un sujet spécifique pour les mettre en application : l’extension du délit d’entrave à l’IVG.

Choix du sujet et contexte

Logo du groupe « Les survivants » dont le site web lessurvivants.com est classé par de nombreux médias comme réputé hostile à l’IVG.

Dans les années 1990 en France, fut votée une loi interdisant d’empêcher physiquement les femmes d’accéder aux centres d’avortement. En octobre 2016, des député·es proposèrent d’étendre l’application de cette loi aux cas d’entrave « numérique ». Il existe depuis quelques années des sites Internet d’apparence purement informatifs mais dont les contenus révèlent assez vite un parti pris anti-IVG. La finalité de la nouvelle proposition de loi (PPL) était de lutter contre ces sites Internet en les interdisant – d’où la dénomination d’« entrave numérique ». La PPL fit débat au sein de l’Assemblée nationale ainsi que dans la société civile. Elle fut finalement adoptée sous une version modifiée en février 2017.

Voici la PPL initiale :

L’article L. 2223-2 du code de la santé publique 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
«– soit en diffusant ou en transmettant par tout moyen, notamment par des moyens de communication au public par voie électronique ou de communication au public en ligne, des allégations, indications ou présentations faussées et de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse ou à exercer des pressions psychologiques sur les femmes s’informant sur une interruption volontaire de grossesse ou sur l’entourage de ces dernières. »

Voici la PPL adoptée :

« soit en exerçant des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d’intimidation à l’encontre des personnes cherchant à s’informer sur une interruption volontaire de grossesse, des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans les établissements mentionnés au même article L. 2212-2, des femmes venues recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de l’entourage de ces dernières. »

Après avoir présenté ces données de contexte, nous rappelons qu’avant de chercher à se positionner, il convient d’identifier clairement quelles sont les différentes questions débattues. On peut par exemple envisager :

  • la question de l’adoption du texte de loi tel que mentionné ci-dessus ;
  • la question de l’adoption d’un texte de loi modifié ;
  • la question de l’interdiction des sites qualifiés d’anti-IVG ;
  • la question de la mise en œuvre de moyens publiques pour diminuer l’audience des sites qualifiés d’anti-IVG ;
  • la question de l’avortement comme droit ;
  • Etc.

Cet étape est indispensable afin d’éviter l’écueil du chevauchement des questions dans le débat. Le tout est de se mettre d’accord dès le début avec le groupe sur la question à débattre et d’insister sur le fait qu’il faudra éviter de sortir de ce cadre sous peine d’un risque d’appauvrissement de la discussion. C’est le rôle de l’enseignant·e de veiller sur ce point tout au long de la séquence pédagogique.

Objectifs et précautions

Cette séquence comprend trois objectifs principaux :

  • illustrer la difficulté de se positionner de manière rapide et tranchée sur ce type de sujet ;
  • repérer et analyser des arguments en apparence rigoureux mais en réalité fallacieux, les sophismes ;
  • permettre de formaliser une démarche rationnelle de réflexion sur un sujet aux forts enjeux moraux.

Comme la thématique peut être houleuse, nous précisons toujours avant d’entrer dans le vif du sujet :

  • que nous allons présenter des documents où figurent des personnes dont l’appartenance à des mouvements politiques ou religieux peut troubler. Il faudra faire attention à bien évaluer les propos des personnes, et non leurs actes antérieurs ou leur rattachement idéologique, pour ne pas tomber dans le déshonneur par association ;
  • qu’être contre la proposition de loi n’entraîne pas forcément le fait d’être contre le droit à l’IVG – deux positions qui peuvent pourtant facilement être associées.

Positionnement préalable

À ce stade, nous demandons à chaque étudiant·e d’écrire de manière anonyme sur une feuille de papier s’il est « pour » ou « contre » cette PPL (l’abstention n’est pas une alternative possible ; nous « forçons » les étudiant·es à jouer le jeu). Nous répéterons cette étape à la fin de la séquence pour voir si l’avis de certain·es a changé.

Lorsque nous avons réalisé ces enseignements, 96% des étudiant·es des 4 sessions que nous avons effectuées étaient « pour » la PPL à cette étape (N=72). 4% étaient « contre ».

Analyse des argumentaires des deux camps

Présentation

Afin de se faire une idée des différent·es actrices et acteurs présent·es dans le débat, et surtout de leur argumentaire pour ou contre la PPL, nous proposons de visionner ou lire six documents. Nous divisons le groupe d’étudiant·es en deux : une moitié du groupe travaillera sur les trois documents « contre », l’autre moitié sur les trois documents « pour ». Nous leur demandons d’extraire les principaux arguments en une trentaine de minutes. En fonction du temps dont nous disposons, et surtout du niveau d’expertise du groupe sur l’outillage de la pensée critique, nous leur proposons également d’extraire les principaux sophismes mobilisés.

  • Extrait d’un débat sur BFM TV de novembre 2016 où Laurence Rossignol, membre du Parti socialiste et ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes se positionne pour la PPL :

  • Intervention de Marion Maréchal-Le Pen, membre du Front national, députée, contre la PPL, à l’Assemblée nationale en novembre 2016 :

  • L’exposé des motifs publié en octobre 2016 de la PPL co-signé par plusieurs dizaines de député·es, lire les pages 4 à 6.

Sélection de sophismes

Ces documents sont tous de bon supports pour s’entraîner à détecter des sophismes, ces structures argumentaires qui semblent valables en apparence bien qu’en réalité défaillantes. Nous les appelons aussi des « moisissures argumentatives » en vertu de leur propension à altérer la plupart des débats, à étouffer des arguments pertinents et à décrédibiliser des discours judicieux sur certains points. Cette étape est souvent un temps très apprécié des étudiant·es et permet de mettre en évidence la fréquence des sophismes. Elle n’est cependant pas auto-suffisante car, s’il est assez aisé de relever des sophismes du côté des « pour » comme des « contre », il faut ensuite savoir identifier et analyser les arguments qui tiennent a priori vraiment la route.

Nous relevons ci-dessous quelques sophismes redondants sur le sujet en question ; la liste est loin d’être exhaustive.

Technique de la fausse piste :

  • « Comme vous le savez peut-être, depuis plusieurs mois, un groupe anti-IVG nommé les Survivants multiplie les actions sur les réseaux sociaux, mais aussi dans la réalité. Certaines actions vont même à l’encontre de la loi, comme la reprise sans autorisation du jeu Pokémon Go et de ses personnages, ou, plus récemment, un affichage lumineux sur l’Arc de Triomphe pour faire leur propagande. Il y a quelques semaines, ils ont même lancé une campagne diffamatoire à propos du Planning Familial. » (Cécile Pellerin) [La PPL ne cible pas ce type d’actions]

Technique de l’épouvantail :

  • « Leur positionnement [aux porteur/ses des sites anti-IVG] incite à la réflexion, et c’est justement ce qui leur est reproché. Il faudrait qu’ils adoptent d’emblée un positionnement favorable à l’avortement. Or, un sujet si grave ne peut être enfermé dans des postures militantes. » (Monseigneur Pontier)
  • « Faudrait-il nécessairement exclure toute alternative à l’avortement pour être considéré comme un citoyen honnête ? » (Monseigneur Pontier)
  • « L’amendement proposé en septembre par Madame Rossignol a déjà été rejeté par le Sénat, les femmes serait-elles des citoyens de seconde zone, ne méritant pas un accès à l’information sûr et neutre ? Nous aurons la réponse le 1er décembre. » (Cécile Pellerin)
  • « Et puis, il y a, en sous texte, toujours ce même jugement : les femmes qui ont recours à l’IVG sont des meurtrières, égoïstes, leurs actes ne sont motivés que par leur confort. (Cécile Pellerin)
  • « Vous avez l’air d’entretenir les femmes dans une forme de sujétion mentale, vous les prenez pour des femmes complètement stupides. Faut les prendre par la main, faut les protéger d’informations qui ne seraient pas compréhensibles, faut les orienter correctement dans la bonne voie parce qu’elles seraient vulnérables, fragiles, qu’elles n’auraient pas le discernement nécessaire, donc que l’État nounou, protecteur soit là pour leur garantir de faire le bon choix » (Marion Maréchal-Le Pen)
  • « Comment prétendre protéger la liberté de la femme lorsqu’on va lui interdire de poser un choix libre, de discerner, de prendre le temps de la réflexion face à un acte irréversible qui, loin d’interrompre une grossesse vient y mettre fin de manière irrévocable ? » (Cécile Edel)
  • « Comment nier la voix de celles qui viennent témoigner tous les jours sur
    ces sites des conséquences physiques et psychologiques douloureuses qu’elles endurent suite à leur IVG et continuer de soutenir que tout ceci n’est que pur mensonge ? » (Cécile Edel)

Appel au peuple :

  • « Ces sites ont du succès, preuve qu’ils répondent à une attente. » (Monseigneur Pontier)

Attaque à la personne :

  • « Ces extrémistes, pour la plupart du temps religieux, veulent nous en priver. » (Cécile Pellerin)
  • « Vous êtes totalement aveuglé par l’idéologie. » (Marion Maréchal-Le Pen)

Usage de mots à effet impact4:

  • «Texte complètement délirant. » (Marion Maréchal-Le Pen)
  • « Il est scandaleux de vouloir instaurer chez les jeunes (…) » (Cécile Pellerin)

Questions rhétoriques5

  • « Le moindre encouragement à garder son enfant peut-il être qualifié sans outrance de « pression psychologique et morale » ? » (Monseigneur Pontier)

Les procès d’intention6

  • « Que font réellement ces sites visés par le Gouvernement sinon pallier au silence du gouvernement qui, au travers de son site dédié spécifiquement à l’IVG, omet volontairement d’exposer les conséquences physiques et psychologiques de l’IVG. » (Cécile Edel)
  • « Il existe une prolifération importante de sites se prétendants neutres mais en fait anti-IVG, cherchant à tromper les internautes (opinions non clairement affichées, utilisation des codes officiels). » (Assemblée nationale)
  • « Il est scandaleux de vouloir instaurer chez les jeunes, la peur d’un organisme créé pour les aider (…) » (Cécile Pellerin)

Plurium affirmatum

  • « J’ose donc espérer  que, sensible aux  libertés  en cause,  vous  ne laisserez pas  une  telle mesure  arriver à  son terme. » (Monseigneur Pontier) [Sous-entendu l’affirmation suivante : si vous êtes sensible aux libertés en cause, vous ne laisserez pas une telle mesure arriver à son terme. Affirmation qui elle-même présuppose, tel un assortiment de poupées russes, l’affirmation : la présente mesure [la PPL] porte atteinte à certaines libertés.]

Synthèse des arguments

À ce stade, nous demandons aux étudiant·es de chaque groupe de venir écrire sur un tableau (ou un autre support) les principales prémisses contenues dans les documents permettant de soutenir la conclusion « La PPL est justifiée (Il faut voter pour.). » ou « La PPL n’est pas justifiée (Il faut voter contre.). »

La PPL est justifiée (Il faut voter pour.).

La PPL n’est pas justifiée (Il faut voter contre.).

La PPL ne relève pas de la liberté d’expression et d’opinion.

Cette PPL met en cause les fondements de nos libertés, particulièrement la liberté d’expression.

Ces sites détournent les internautes d’une information fiable et objective.

Ces sites fournissent une information exhaustive sur les conséquences d’une IVG et les alternatives à l’avortement, qui ne sont présentées sur aucun document officiel émanant du gouvernement ou des planning familiaux.

Ces sites sont populaires.

Ces sites répondent à une attente.

Ces sites limitent l’accès de toutes les femmes au droit fondamental à l’avortement.

La PPL viendra aliéner la liberté de la femme de choisir la vie.

 

La détresse ressentie par les femmes ne pourra plus s’exprimer.

Ces sites cherchent à tromper délibérément.

 

Il est bien sûr possible d’être plus précis dans la synthèse des arguments mais cela nécessite un temps dont nous ne disposons pas forcément en cours avec un grand groupe. À titre d’exemple, voici une synthèse plus fournie des arguments présentés dans un texte du corpus.

On remarquera que la plupart des arguments avancés ne concernent pas la PPL en tant que telle mais le fait d’interdire certains sites Internet. Or, ce n’est pas l’objet de la discussion, qui est bien de trancher « pour » ou « contre » la PPL. C’est un point important sur lequel nous attirons l’attention des étudiant·es.

Analyse des arguments

Une fois la synthèse des arguments réalisés, nous invitons  les étudiant·es à se positionner concernant la valeur de vérité et la justification de chacune des prémisses en leur proposant un nouveau temps de travail en groupes restreints. Un accès à un ordinateur avec une connexion Internet est fortement recommandé pour cette étape.

Certaines des prémisses réunies dans la synthèse seront rejetées sans trop de discussion : 

  • la détresse ressentie par les femmes ne pourra plus s’exprimer. =>  Prémisse fausse. Divers lieux existent pour s’exprimer au sujet de l’IVG et de l’éventuelle « détresse » associée. C’est le cas par exemple des plannings familiaux.
  • Ces sites limitent l’accès de toutes les femmes au droit fondamental à l’avortement. => Il y a deux façons de comprendre cette prémisse, une version forte et une version faible. Pour la version forte, ces sites constituent une entrave physique aux femmes souhaitant exercer leur droit de recours à l’avortement. Dans ce cas, la prémisse est évidemment fausse. Concernant la version faible, l’existence de ces sites a pour effet de réduire le taux de recours à l’IVG dans la population. Pour évaluer la valeur de vérité de cette prémisse, il faudrait au minimum avoir des données montrant que la population qui consultent ces sites présente un taux de recours à l’IVG inférieur à celle qui ne les consultent pas. À défaut, le principe de la charge de la preuve et l’utilisation du rasoir de Hitchens7 imposent et permettent, à défaut de juger cette prémisse fausse, de l’écarter de l’argumentation.

D’autres analyses de prémisses nécessiterons un temps plus long d’échange. Assez rapidement, le groupe peut se rendre compte que l’essentiel du débat tourne autour de la question de la liberté d’expression : la PPL est-elle une entrave à la liberté d’expression ? Nous laissons le débat se faire entre les étudiant·es, en veillant à ce que la parole tourne et à ce que chaque personne s’interroge sur la valeur de vérité des affirmations qu’elle émet.

Conclusion

En guise de conclusion, nous demandons à nouveaux aux étudiant·es de se positionner « pour » ou « contre » la PPL, avec toujours pour consigne de ne pas s’abstenir. À ce stade, 65 % étaient « pour », 15 % étaient « contre » et 20 % ont choisi l’abstention malgré la consigne, en répondant ne pas savoir.

Nous ne présentons pas dans le cadre de cette séquence notre argumentation et notre position au sujet de la PPL car ce n’est pas l’objet de l’intervention. Nous insistons plutôt sur l’importance de prendre du recul sur nos positionnements hâtifs face à des sujets délicats et d’exiger ou de fournir les preuves nécessaires pour soutenir les arguments produits. Nous rappelons une nouvelle fois le caractère essentiel du fait de bien délimiter la question dont on souhaite débattre, dans le cas présent la question de la pertinence de la PPL.

Vidéo – Conférence "La sophrologie Caycédienne"

La sophrologie est un incontournable des techniques de bien-être et de développement personnel. Présentée (et vendue) comme une simple méthode, nous nous sommes interrogé·es sur les piliers sur lesquelles elle repose, et sur les preuves de son efficacité réelle. À notre grande surprise, elle a rarement fait l’objet d’une analyse circonstanciée, aussi ébauchons-nous un chantier sceptique qui permettra de faire gagner du temps aux éventuel·les chercheuses et chercheurs, mais surtout apportera une touche contradictoire argumentée à ce que le marché cognitif du web et des ouvrages de librairies vend et survend.

A l’heure actuelle, il existe de multiples courants de sophrologie (la sophro-analyse, la sophrologie existentielle, la sophrologie dynamique ou la sophro-substitution sensorielle, etc.). Nous nous intéressons particulièrement à la sophrologie Caycédienne car elle reste la base de tous les autres types de sophrologie existants, chaque courant reprenant plus ou moins ses fondements théoriques.

 

Voici la vidéo de la conférence effectuée par Gwladys Demazure et Albin Guillaud, organisée par l’Observatoire Zététique en Février 2017 à Chambéry. 

 

Ce travail a été réalisé par Gwladys Demazure, Albin Guillaud et Richard Monvoisin.

Ressources sur les conflits d'intérêt à l'Université

Alors que certaines universités au Canada et aux États-Unis se sont dotées de politiques vis-à-vis de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt (CI) depuis les années 1990, rares sont les universités françaises à adopter de tels dispositifs 1. De plus, ce sont uniquement les chercheuses et chercheurs membres de quelques institutions sanitaires en France qui sont obligés de déclarer leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment en public ou participent à des commissions. Pourtant, les mécanismes psychologiques en jeu dans les situations de CI existent en dehors du secteur sanitaire et les conséquences de ces situations peuvent être tout aussi graves en termes de confiance et d’intérêt collectif. C’est pour cela qu’il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet auprès des doctorant·e·s de l’Université Grenoble-Alpes lors du stage DFI De l’éthique à l’Université que nous animons depuis plusieurs années. Voici ci-dessous une partie de notre matériel.

Définition

De nombreux collectifs et institutions se sont penché.es sur la définition du conflit d’intérêt dans différents milieux : médical, paramédical, gouvernement, tribunaux, etc. Nous trouvons celle donnée par l’Université de Montréal pertinente pour le milieu universitaire 1 .

Un CI peut survenir quand des activités ou des situations placent un individu ou une organisation en présence d’intérêts (personnels, institutionnels ou autres) qui entrent en conflit avec les intérêts inhérents aux devoirs et responsabilités liés à son statut ou à sa fonction.

Ces conflits risquent d’altérer l’intégrité des décisions prises et ainsi de causer des torts et de compromettre la confiance du public à l’endroit de l’organisation et de ses membres.

Notons qu’il est plus facile de trouver des situations de CI là où la plupart des personnes d’un groupe sont d’accord pour dire qu’il s’agit bien d’une situation de CI, que de trouver une définition exhaustive et satisfaisante en toute situation.

Terminologie

Nous utilisons à la fois les termes de :

  • lien d’intérêt, lorsqu’une personne (physique ou morale) tire un avantage ou désavantage (principalement financier, mais aussi matériel, direct ou indirect) dans sa relation avec un objet ou une personne (physique ou morale) ;
  • conflit d’intérêt, lorsqu’une personne entretient au moins deux liens d’intérêts (dont au moins un financier ou matériel) qui entrent en contradiction.

Exemples

On peut piocher :

  • dans son expérience personnelle d’enseignement ou de recherche ;
  • dans des situations théoriques classiques de CI proposées par exemple par l’Université de Montréal ici ou l’Université de Sherbrooke ici ;
  • dans des expériences vécues par les personnes constituant le public ;
  • dans les cas médiatisés plus ou moins récents, comme l’affaire des logos nutritionnels en 2016-2017 2.

Déconstruire quelques idées reçues

« Les CI, c’est en médecine et en politique. »

CorteX_google_conflits-interets
Cinq premiers résultats dans Google Image lors d’une recherche « conflits d’intérêt »

Nous faisons l’hypothèse que viennent plus facilement à l’esprit les situations de CI dans les champs politique et médical, car des cas de ce type ont souvent fait la une des médias : affaires du sang contaminé, du Médiator®, Woerth-Bettencourt, François Fillon, etc. À titre d’illustration, nous montrons les cinq premiers résultats d’une recherche menée en décembre 2016 sur Google Image à parti des mots-clés « conflits d’intérêt » (voir ci-contre), où quatre des cinq illustrations mettent en scène des actrices et acteurs du champs sanitaire (professionnel·le·s de santé, laboratoires pharmaceutiques, ou membres de commissions décisionnelles en santé).

Or, de nombreuses situations de CI impliquent des individus d’autres professions , provenant d’autres champs disciplinaires, comme nous le développerons dans la suite de l’article. Rares sont les secteurs de recherche à ne pas recevoir de financements d’entreprises à but lucratif, ou d’instituts publics ayant intérêt à ce que les résultats des études aillent dans un sens plutôt que dans un autre.

« Moi, j’ai trop d’éthique pour avoir des conflits d’intérêt. »

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits. C’est l’illusion de l’unique invulnérabilité, un biais cognitif que l’on peut illustrer avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ? », la réponse du chercheur est sans hésitation « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

Ce biais cognitif a été mis en évidence tout d’abord chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.3 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

« Ce n’est pas parce que je suis payée par l’industrie que les résultats de mes recherches sont influencés. »

Cette idée reçue permet d’introduire le biais de financement : une étude financée par l’industrie, ou dont les investigatrices et investigateurs sont financés par l’industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie toutes choses égales par ailleurs. On peut introduire cette problématique avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel il a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis) critiquant les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ? », le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue ».

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Figure B

On pourra alors citer par exemple l’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 4, dans laquelle les chercheurs et chercheuses ont référencé toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 5, pharmaceutiques 6, du tabac 7, des organismes génétiquement modifié 8, des télécommunications 9, des nanotechnologies 10 ou encore du nucléaire 11 sont impliquées.

Arrivé à ce stade, il est possible d’introduire comme hypothèse explicative potentielle du biais de financement, le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs et les revues scientifiques ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif.

« Moi qui ne reçois que des petits avantages, je ne suis pas ou peu sous influence. »

Le principe de réciprocité ou de contre-don a été mis en évidence expérimentalement dans les années 1970 : il s’agit d’une tendance de l’être humain à s’efforcer de rendre les avantages perçus d’autrui, même si ces avantages sont de tous petits gestes. Le simple fait, par exemple, qu’une serveuse ou un serveur donne un bonbon au moment de l’addition conduira les individus à donner en moyenne un pourboire plus élevé ; et s’il en donne un de plus à une personne qu’à ses collègues, et en douce, le pourboire sera encore plus important 12. Au quotidien, ce principe se traduit souvent par un sentiment d’obligation à rendre un service, une invitation ou un cadeau en retour.

Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales
Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales

L’acceptation par des médecins d’échantillons gratuits provenant de laboratoires pharmaceutiques peut les conduire à prescrire plus souvent ces médicaments même s’ils sont non recommandés dans la situation de soin en question ; ce qui n’est pas le cas si on interdit la distribution d’échantillons 13.

De petits cadeaux ou des petites sommes d’argent peuvent engendrer le principe de réciprocité ; une chercheuse ou un chercheur comme tout être humain en fait les frais.

Les conflits d’intérêt, est-ce moralement condamnable ?

En adoptant une démarche conséquentialiste 14 nous interrogeons les conséquences potentielles et avérées engendrées par des situations de CI. Nous évoquons :

  • les conséquences sanitaires : décès ou altération de la qualité de vie à cause de retard d’interdiction de mise sur le marché pour certains médicaments et certaines indications (affaires du Médiator®, de la Dépakine® etc.), de retard de mise en place de politiques de santé publique efficaces (cas notamment du tabac) etc. ;
  • les conséquences sur l’objectivité des recherches et la qualité des connaissances produites (voir le biais de financement) ;
  • la perte de confiance du « grand public » vis-à-vis des institutions, de la communauté scientifique, des professionnel·le·s de santé (cas entre autres des organismes génétiquement modifiés, des vaccins (affaire Wakefield) ;
  • les choix en non connaissance de cause qui sont réalisés par les patientes et patients, les consommatrices et consommateurs, les électrices et les électeurs ;
  • les accusations et attaques infondées de conflits d’intérêt pouvant décrédibiliser à tort des travaux (nous en avons d’ailleurs fait les frais, lire ici).

Imaginer des solutions

Quelles solutions mettre en place pour prévenir ou gérer les liens d’intérêt financiers à l’échelle individuelle, d’un laboratoire de recherche, d’une université, d’une revue scientifique, ou encore d’un état ? Cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective.

Nous citons à titre d’exemple :

  • la politique de l’Université de Montréal qui oblige chaque étudiant·e à partir du deuxième cycle et chaque travailleuse ou travailleur à déclarer chaque année ses liens d’intérêts financiers et familiaux (le document à remplir est téléchargeable ici). Ces déclarations ne sont pas rendues publiques mais sont destinées à des cadres de l’Université chargés d’évaluer les risques de CI et de prendre des mesures en conséquence (interdire un partenariat, une présidence de jury, suspendre une fonction, etc.). On pourrait imaginer que ces déclarations soient rendues publiques, à l’image de ce qui est fait pour les professionnel·le·s de santé ;
  • le Ministère français des affaires sociales et de la santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. En pratique, chaque personne peut se rendre sur la Base transparence santé, inscrire le nom d’un ou une professionnel·l·e de santé, et connaître les liens financiers qu’il ou elle entretient avec différentes entreprises. On pourrait imaginer une base similaire pour les chercheuses et chercheurs de la fonction publique, ce qui permettrait plus de transparence pour le grand public. Cependant, ce n’est évidemment pas une solution suffisante pour combattre les conséquences négatives des situations de conflits d’intérêt. Il y a certes plus de transparence, mais l’État tolère ainsi en connaissance de cause des situations où des professionnel·le·s de santé touchent des sommes d’argent très importantes des industries pharmaco-industrielles, et l’efficacité de ces mesures en terme de santé publique est encore peu étudié ;
  • l’existence des sites tels que Prospero et ClinicalTrials.gov qui permettent d’enregistrer des revues de littérature et essais cliniques avant que leurs résultats soient connus. Une généralisation de ces initiatives permettrait de limiter le biais de publication ;
  • les travaux des associations Formindep et Mieux prescrire qui militent toutes deux pour limiter les situations de CI en santé.

Se documenter

Bibliographie

CorteX_interets_lessigLawrence Lessig est, entre autres fonctions, professeur de droit aux États-Unis. Il aborde dans Republic, lost le sujet des conflits d’intérêt principalement dans le système politique états-unien, mais les cent premières pages environ abordent également des situations de CI en recherche.

Le livre est gratuitement téléchargeable en .pdf ou .epub sur le site de l’auteur (ce qui est tout à son honneur), hélas uniquement en langue anglo-américaine : http://republic.lessig.org/.

CorteX_interets_hirsch

Martin Hirsch est un haut fonctionnaire français qui évoque dans Pour en finir avec les conflits d’intérêts certaines situations en France ayant fait la une des médias et impliquant différents fonctionnaires entretenant des liens d’intérêts d’intérêts avec des entreprises privées. Il explicite en quoi le système législatif français permet de faire perdurer ce type de situation et propose des solutions pour les prévenir.

Ce livre est disponible dans la bibliothèque grenobloise du CorteX à la Bibliothèque universitaire de sciences.

CorteX_bad_pharma_goldacreBen Goldacre est un psychiatre britannique. Il développe dans Bad Pharma la problématique des CI dans le milieu de la recherche et de la pratique biomédicale et propose des solutions à différents niveaux pour prévenir et limiter les conséquences négatives de ces situations. Ben Goldacre a participé au projet COMPare, qui démontre que dans les cinq plus grandes revues médicales, des résultats d’études prévus pour être reportés a priori ne le sont pas, alors que d’autres non prévus sont finalement reportés, dans des proportions très importantes.

Filmographie

L’Université de Montréal propose cette conférence d’une heure quinze expliquant pourquoi une politique de prévention et gestion des CI est mise en place et comment elle s’organise.

Webographie

CorteX_logo_formindepCorteX_interets_montrealTexte

Comment je suis devenu militant, texte de 1971 d’Alexandre Grothendieck, chercheur français en mathématique (merci à Richard Monvoisin pour la trouvaille.)

Utiliser la série Black Mirror pour incrémenter la critique (et avoir une excuse pour regarder des séries)

Black Mirror, créée par Charlie Brooker est une série de (pour l’instant) deux saisons de  3 épisodes, diffusées sur Channel 4 de 2011 à 2014 – auxquels s’ajoute un épisode spécial Noël, et d’une troisième saison de 6 épisodes produite par Netflix en 2016. Plusieurs d’entre nous l’ont lorgnée à des fins didactiques. Que peut-on faire avec un tel matériel ?

Black Mirror ?

L’idée d’utiliser une série, en particulier de science-fiction (SF), dans un cadre académique pourrait en surprendre plus d’un.e (bien que nous l’ayons déjà fait ici, dans un atelier doctoral sur les neurosciences et la fiction, en 2013), l’une des principales raisons étant la mauvaise réputation dont jouit la science-fiction en France. Dernier exemple en date : l’émission du 2 décembre 2016 de France Culture consacrée à « L’héritage de Dune de Franck Herbert » lors de laquelle on a pu entendre, concernant le livre Dune de Franck Herbert : « ce n’est pas de la science-fiction, c’est un roman » (affirmation qui n’a été démentie ni par les autres intervenant.es, ni par le journaliste). Cette phrase qui peut paraître anodine est lourde de sens pour l’amateur/trice de science-fiction qui doit régulièrement justifier et défendre son intérêt pour ce (sous-)genre qui n’est pas considéré comme «  noble ». Toujours est-il qu’affirmer que Dune n’est pas de la SF est vraiment osé ! Assumons le fait d’apprécier des œuvres de SF pour ce qu’elles sont : à savoir des œuvres de SF, et laissons la notion de mauvais genre aux tristes figures.

Justifier le matériau : pourquoi la science-fiction ?

Contexte contemporain

Dans Species Technica, Gilbert Hottois écrivait que le « progrès techno-scientifique se fraye dans une atmosphère dense de phantasmes, de légendes, de fictions »1.

La sociologue Marina Maestrutti donne le constat suivant :

« dès que l’on veut rendre compte de la manière dont les faits et les discours s’entremêlent dans l’émergence de nouvelles configurations de la technoscience, on constate le rôle omniprésent de la métaphore : étudier de près les histoires ne signifie pas compromettre la réalité des faits mais plutôt montrer comment la mise en récit reflète le croisement des désir, raisons et mondes matériels qui forment la texture de la réalité même […] elle est constituée en partie de narrations littéraires, en premier lieu de la science-fiction, mais aussi dans des rapports officiels, les essais de divulgation ou les brochures publicitaires, où l’argumentation ne cesse de se faire narration, récit […] le répertoire des figures, images, personnages et symboles [est] continuellement réactualisé pour être adapté à de nouveaux contexte où émergent des concepts, des pratiques, des objets, des stratégies marketing »2.

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Le 12 mai 2014 le journal Le Monde publiait un article concernant les « robots tueurs » accompagné d’une image du célèbre Terminator, archétype du robot tueur dont le dessein est de réduire l’humanité à néant. Les récits de science-fiction constituent une trace écrite de l’imaginaire et des représentations d’une époque. En cette période de développement technoscientifique, ils constituent une ressource précieuse dans le cadre de l’analyse des débats contemporains (qui se situent souvent entre deux positions qui sont certes caricaturales, mais surtout symboliquement chargées : technophobie vs. technophilie).

Autre cas emblématique, celui d’Eric Drexler (l’auteur de Engins de Création) : de par ses travaux de prospectives, il participa à l’avènement et au développement des nanotechnologies. Son œuvre revêt encore aujourd’hui une importance cruciale dans l’imaginaire « technoscientifique »3. Il a créé une impulsion poussant les politiques et les acteurs économiques à se lancer dans une course aux nanotechnologies. Drexler a ensuite perdu le soutien (si ce n’est sa crédibilité) auprès des scientifiques. Il a par exemple été écarté de la National Science Fondation et du rapport NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), commandité par cette dernière, qui vise à questionner l’accroissement des performances humaines. Ce rapport, sous-titré « convergence technologique pour l’amélioration des performances humaines »,  vise à dresser un panorama du développement à venir de ses quatre technologies. Sont évoqués notamment les technologies d’amélioration physique et cognitive, les implants bioniques, l’intelligence artificielle ou encore les nano-robots.

Autre exemple concernant l’influence de la SF sur nos représentations (et notre vocabulaire) : Le mot « robot » apparaît pour la première fois en 1921 dans la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robot) de l’écrivain tchèque Karel Čapek. Le terme « robotique » est quant à lui inventé par Isaac Asimov.

La SF comme laboratoire d’expérience de pensée

Travailler à partir de la SF n’est pas seulement ludique et divertissant, c’est surtout utiliser un laboratoire d’expériences de pensée qui permet notamment de tester des hypothèses qui servent de propédeutique aux questions philosophiques, éthiques, politiques. Les champs de l’éthique et de la philosophie de l’esprit ont une grande tradition d’expériences de pensée4.

En guise d’exemple de création de concept par la SF, on trouve entre autre dans l’ouvrage de Marina Maestrutti, l’expression « paradigme Gattaca » dérivée du film d’Andrew Niccol, Gattaca (Bienvenue à Gattaca), sorti en 1998. Ce paradigme évoque le thème du film qui montre la mise en place progressive d’une humanité à deux niveaux  : d’un côté les personnes dont les caractères génétiques ont été sélectionnés avant leur naissance ; de l’autre les « enfants de la providence » qui naissent sans que les parents n’aient même effectué un diagnostic prénatal. Ces derniers sont exclus de la société, du moins des postes à responsabilité : « la discrimination est devenue une science », et elle est génétique.

Black Mirror

La série Black Mirror dans ce contexte semble tout indiqué. Série d’actualité à succès, elle anticipe une société dystopique liée à un mauvais usage des nouvelles technologies et en particulier les usages des technologies de l’information et de la communication, le « miroir noir », auquel fait référence le titre de la série, étant celui des écrans de télévisions, ordinateurs, tablettes et autres smartphones. La série explore de multiples scénarios qui sont une bonne base pour introduire certaines questions d’esprit critique.

Saison 3

Cette troisième saison de 6 épisodes s’ouvre et se ferme sur deux scénarios parallèles qui extrapolent certaines pratiques actuelles liées aux réseaux sociaux. L’épisode 3 surfe également sur cette thématique.
On peut introduire ces épisodes de diverses façons : en évoquant les différents faits d’actualités sur les suicides liés aux réseaux sociaux, sur les informations « fakes« , sur la pression sociale et l’acceptation des normes.

Épisode 1 Chute libre (Nosedive)

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L’épisode est encombrant, car à notre avis insécable, mais c’est un excellent support de départ pour un débat sur la réputation comme monnaie d’échange, et sur les curseurs utilisés pour donner plus ou moins de droits aux gens – en quoi l’argent serait-il moins stupide que le critère de réputation sur 5 ? Il est tout indiqué pour travailler sur la théorie des jeux (Axelrod, Rapoport, etc.5)et la notoriété ou réputation, valeur d’échange dans les sociétés humaines6.
Reste un cliché camionneuse – réputation basse – alcool qui laisse un peu perplexe.

Épisode 2 Playtest (Playtest)

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Cet épisode est difficile à utiliser. Il extrapole le désir de frisson des afficionados de jeux d’horreur (on trouve de nombreuses vidéos sur Youtube de tests de jeux d’horreur avec casque réalité virtuelle). Il ne s’agit pas dans cet épisode d’une société dystopique, mais d’une phase test d’un jeu vidéo qui tourne mal, avec cette question lancinante : comment trancher entre ce qui est réel et ce qui est le produit d’une substance ou d’un souvenir recréé – thème qui est par exemple traité dans Inception, de Christopher Nollan (2010) ou dans Total Recall, tiré d’une nouvelle de Philipp K. Dick (We Can Remember It for You Wholesale) et adaptée en 1990, et possédant une sorte de suite,  Total Recall : Mémoires programmées de Len Wiseman (2012).

Épisode 3 Tais-toi et danse (Shut Up and Dance)

Cet épisode parle essentiellement de sécurité informatique, de négligence vis-à-vis de la technologie, de sadisme, de jeux vidéo poussé à l’extrême en mode réaliste avec absence d’intérêt des manipulateurs autre que le plaisir sadique. L’axe de traitement de cet épisode sera sûrement l’importance de la sécurité informatique, et son existence via les communautés de logiciel libre.

Dans cet épisode, le protagoniste principal se retrouve à céder au chantage de pirates informatiques qui l’ont filmé via sa webcam alors qu’il se masturbait devant des vidéos pornographiques. Le thème de cet épisode permet assez facilement d’aborder la question du revenge porn7 et dans la foulée celles de l’humiliation publique, du chantage et de l’escalade d’engagement. 

L’épisode permet également d’aborder la problématique d’une certaine justice populaire. Il est tout à fait possible de faire le lien avec, par exemple, le piratage du site de rencontres extraconjugales « Ashley Madison ». Il est également possible d’aborder la question de la pédophilie et de problèmes éthiques tels que : est-il moralement juste de révéler publiquement que x est pédophile/infidèle.

Toutefois, le côté chantage sans aucune raison peut-être très dilatoire. Il prend, en effet, toute la place de l’histoire. Il est toujours possible de couper l’épisode; au moins après l’homme noir à mobylette.

Épisode 4 San Junipero (San Junipero)

Nous sommes partagés : trop mou, trop long, trop poussif, selon les un.es, mais thème classique en SF pourtant, que celui de la réalité virtuelle (décliné avec les Matrix, par exemple).

Avec cet épisode, on peut néanmoins aborder :

  • l’une des ambitions des transhumanistes (à savoir vaincre la mort en uploadant son esprit dans un cyber-paradis) ;
  • à la rigueur la place sociale des personnes âgées (discrimination qu’on appelle l’âgisme) et des homosexuel.les. ;
  • les différentes théories de l’esprit : dualiste, matérialiste, physicaliste, computationaliste ….

Exemple : le computationalisme est une théorie en philosophie de l’esprit qui conçoit l’esprit l’humain de manière analogue à un programme informatique. Comme le hardware (« support dur ») pour l’informatique, le cerveau humain peut être pensé comme un wetware (« support humide »), c’est-à-dire comme un système de traitement de l’information reposant sur des opérations de calcul. Bien que l’analogie entre l’informatique et le cerveau humain soit essentiellement heuristique, cette perspective conduit certains transhumanistes à envisager l’idée de télécharger l’esprit humain sur un support numérique hardware.8

Épisode 5 Tuer sans état d’âme (Men Against Fire)

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Probablement le meilleur à notre avis : l’épisode soulève la dépersonnalisation, l’état agentique en psychologie sociale, la guerre, les mécanismes racialistes. L’analogie Roaches/cafards et  Inyenzi en langue kinyarwanda pour désigner les Tutis sur la Radio des 1000 collines au Rwanda est volontaire pensons-nous. Il reste incompréhensible que roaches ait été traduit par « déchets » (au moins dans les sous-titres) – ce qui permet, à tout le moins, de discuter des biais de traduction.

Ce thème de la déshumanisation de l’ennemi permet d’ouvrir le débat sur l’utilisation de drones de combats téléguidés et la guerre à distance. Plus éloigné, peut-être, on peut également envisager d’étendre l’épisode sur la thématique des jeux vidéo de guerre. Un bon exemple se trouve dans le jeu vidéo servant d’outil de recrutement à l’armée étasunienne America’s Army. L’US Army a investi près de 30 millions de dollars pour développer ce jeu qui a été distribué gratuitement sur PC. 

Épisode 6 Haine virtuelle (Hated in the Nation)

Sommes-nous influencé.es par l’actrice Kelly Macdonald et son épais accent écossais9.

En tout cas il y a du très bon, insécable là encore. La trame de l’épisode ne rend pas aisée l’utilisation. Pis, la fin louche, et le rôle de Shaun Li invraisemblable à son niveau de la NCA affaiblissent le tout. Mais l’idée de harcèlement, de vindicte populaire digne de Koh Lanta, et le jeu des Hashtags est vraiment utilisable. Cela pose l’impunité des appels à la haine/violence sur le web. Il est intéressant que la « geek » casse les codes patriarcaux et soit une femme, comme dans Millenium de Stieg Larsson (2005). La question du remplacement de pollinisateurs par des robots est un sujet à part entière, avec les moyens de contrôle associés. Ici, la solitude de Markus devant des dizaines de milliers de ruches électroniques à 4000 individus fait un peu « peine », et ils passent vite sur leur réplication type imprimante 3D qui est bien tirée par les cheveux et violentera un peu les féru.es d’apiculture.

Une analyse des autres saisons est à venir. Bon visionnage !

Rapport ostéopathie crânienne – réponses aux réactions

Voici une compilation des réactions au rapport produit pour le Conseil national des masso-kinésithérapeutes sur l’ostéopathie crânienne. Nous mettrons l’article à jour au fur et à mesure des réceptions ; la dernière mise à jour date du 19 février 2017 (voir en toute fin de page).

Il y a différents types de questions (ou d’invectives, mais nous les prenons pour des questions) et remarques.

1. Les questions épistémologiques

(…)  Lors des commissions ministérielles dès 2002, j’avais prôné le fait que l’osteo soit reconnue à l’identique des psychologues cliniciens ; c’est-à-dire que cela ne peut être du domaine des sciences dures, et la nécessité de créer nos propres outils. En effet si les uns travaillent avec le verbe, nous en plus, c’est avec le toucher et les mains qui « parlent et écoutent ». Difficile de l’évaluer ! (…)  J.L., février 2016

Que chaque discipline ait des outils d’évaluation un tantinet différents selon les objets étudiés est évident. Si on considère la science comme une activité de production de connaissances « communisables » sur le monde (cf. notre dialogue  La science (complet) – Base d’entraînement pour les enseignants qui voudraient parler de science) alors il n’existe plus de dichotomie sciences dures / sciences molles : il n’est que des champs de connaissances plus ou moins solides. Enfin, les méthodes de gynécologie par exemple sont des méthodes éprouvées, reposant sur le toucher, et faisant partie des méthodes reposant sur les faits. Si l’on récuse l’évaluation des méthodes ostéopathiques, cela signifie que le choix de chaque thérapeute sera subjectif – auquel cas, ce n’est plus un statut de scientificité qui est recherché, mais celui d’un art. Peu probable que quelqu’un cherchant un soin souhaite avoir affaire à (seulement) un artiste.

« C’est l’éternel débat entre empirisme et positivisme ,au demeurant fort intéressant car l’un contribue à faire progresser l’autre ». J.L., février 2016

Nous allons être pointilleux sur les termes philosophiques, puisqu’il s’agit de l’un de nos violons d’Ingres. Que l’empirisme nourrisse la connaissance, certes, moyennant recoupement et reproduction de cet empirisme. On « sent » que quelque chose marche, on n’est pas très sûr, alors on le soumet à ses pairs, qui valident objectivement ou récusent la méthode. Lorsque l’empirisme est répété sans examen collectif, on appelle ça une tradition, voire une superstition.

Quant au positivisme, ce mot est ambigu dans votre phrase. Si vous faites appel au programme positiviste d’Auguste Comte, il  n’est évidemment pas le nôtre. Sur ce que ce terme sous-tend, voici une excellente lecture de J. Bricmont dans la revue DOGMA, Comment peut-on être  » positiviste  » ?

(…)  et comment s’il vous plaît, pourrions-nous reproduire un acte qui par nature est relationnel c’est-à-dire qui engage l’entièreté de deux personnes (corps, mental et être) ? (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

La description du coït est très bien décrite scientifiquement, n’est-ce pas ? 🙂 Nous prenons cet exemple à dessein : on peut souhaiter une part de mystère dans l’acte charnel si on le veut, c’est un choix subjectif. Mais si quelqu’un souhaite une efficacité à l’acte (pour ce qui est du plaisir, ou de la fécondation, ou autre) la part de mystère n’a guère sa place.

Toute la psychologie sociale, les sciences politiques, s’élaborent sur des théories basées sur les faits. Si un acte ostéopathique a une validité en soi, une « efficacité propre » (à bien dissocier pour la discussion de l’efficacité globale qui comprend les effets contextuels ; voir sur ce point la conférence de N. Pinsault) alors elle doit pouvoir être reproduite. Ce débat a déjà eu lieu en sciences biologiques, et même en sciences médicales, il y a plus de cinq siècles, pourquoi le reprendre ici ?

Mais, s’il vous plaît, retournons les choses : ce travail montre effectivement que l’ostéopathie crânienne (mais aussi je pense, l’ostéopathie en général) ne parvient pas à s’inscrire dans le cadre scientifique que l’on voudrait lui imposer. Mais il montre surtout que le cadre scientifique qu’on voudrait lui imposer ne lui convient tout simplement pas ! Et du coup, ce travail considérable (merci de l’avoir fait à notre place) montre qu’utiliser un outil inadéquat pour analyser quelque chose donne des résultats fantaisistes. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous supposons, à tort peut être, que vous faites une erreur classique sur le plan épistémologique. De tout temps, lorsqu’une hypothèse n’était pas corroborée par les faits, les défenseurs de celle-ci ont toujours résolu leur dissonance cognitive en incriminant les critères de scientificité. Pourtant ces critères, qui s’agrémentent avec le temps, ne sont pas pris en défaut, tandis que le cimetière des hypothèses rejetées est lui plein à craquer. Si la science était un simple jeu, assisterions-nous stoïquement à la renégociation des règles du football par une équipe de 5ème division étrillée au dernier match ? Que nous nous fassions bien comprendre : que les ostéopathes crâniens viennent avec tout ce qu’ils ont comme prémisse de phénomène, tentent de caractériser celui-ci pour que de manière inter-subjective on en fasse l’étude, et là on verra s’il faut de nouveaux critères de scientificité. En attendant, sans plus d’éléments que ce que nous avons trouvé, il n’y a pas de raison de donner du crédit aux techniques (nous disons bien aux techniques, pas au soin global, plus complexe) ostéopathiques crâniennes. Si nous en donnions, il faudrait en donner aux magnétiseurs, aux révérends prédicateurs évangéliques, qui eux non plus n’ont pas de corpus de preuve – et eux aussi, contestent les critères de scientificité. De ce fait, votre profession deviendrait une pratique ésotérique, et vous n’auriez guère à y gagner.

« Et le grand tort des ostéopathes est d’avoir cherché (pour des raisons de reconnaissance) à s’inscrire dans un cadre ne leur convenant pas au lieu de faire le nécessaire pour se doter des outils épistémologiques adaptés à leur approche. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous sommes navrés de vous contredire. Tout notre rapport montre que justement, les ostéopathes crâniens n’ont semble-t-il pas souvent souhaité s’inscrire dans le cadre de la recherche scientifique, même à prémisse empirique (sur ce point voir plus haut, courrier de J.L). La preuve en est la somme d’études indigentes sur le plan méthodologique.

C’est que même si les preuves ne sont pas apportées à la satisfaction des critères « scientifiques » exigés, l’ostéopathie crânienne a, de toute évidence, aidé et continue d’aider des millions de personnes de par le monde. Cela est un fait. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Certes. Ne s’agit-il pas d’un sophisme du pragmatisme ?

En tous les cas la question change : que des personnes soient aidées par les soins de l’ostéopathie crânienne, c’est très probable. Il en est qui sont aidés par les religions, d’autres par la détestation d’une autre caste, race, culte, tribu, région, et tant d’autres versions de se faire du bien. La question est de savoir s’ils sont aidés :

1) parce que vous êtes très agréable humainement ?

2) parce qu’ils parlent d’eux pendant la consultation ?

3) parce que vous avez un fort argumentaire d’autorité ?

4) parce que la méthode est efficace en propre ? 

5) etc. ou la somme de tout cela ? Nous ne pouvons que vous renvoyer à la conférence de N. Pinsault sur le sujet, ou dans l’ouvrage « tout ce que… » sur la différence entre efficacité globale et efficacité propre.

Je ne vois pas pourquoi elle continuerait d’exister si elle n’était pas utile ! (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Sans vouloir vous déprimer, il est beaucoup de choses qui remplissent une fonction, sans pour autant avoir d’efficacité propre – la religiosité en est une (et on sait étude à l’appui que l’efficacité des prières d’intercession est nulle).

Le fait qu’elle ne puisse le « prouver » selon certains critères très précis ne suffit pas à prétendre qu’elle est inutile. Et je m’attriste toujours devant l’incapacité à accepter qu’une pratique puisse être efficace et utile bien qu’elle échappe aux moyens d’investigation d’un système. Et si c’étaient le moyen d’investigation et les critères retenus qui devaient être remis en cause, plutôt que la technique ? (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Une fois encore nous n’avons jamais prétendu l’inutilité de la discipline puisque l’utilité présente des caractères bien plus vaste que l’efficacité. L’utilité peut-être sociale par exemple, mais c’est un autre débat que nous n’auront pas ici.

Nous attendons toutes propositions, que ce soit sur un phénomène isolé, un « effet », une « efficacité », ou même sur de nouveaux critères d’évaluation. Nous saurons faire amende honorable le cas échéant.

L’absence de preuve scientifique concernant l’efficacité de la pratique n’est pas une nouveauté en soi. Ce fait est connu et c’est pourquoi des études sont toujours en cours pour essayer de démontrer un effet et une indication de ce type de thérapie (Raithet al, 2016, Haleret al, 2015, Elden et al, 2013) avec des protocoles plus ou moins bien bordés. Les résultats sont mitigés en fonction des études mais certains semblent montrer un effet intéressant ainsi qu’une absence d’effets secondaires gênants. Actuellement, il n’y a que 2 articles relevés par les auteurs qui montrent un résultat intéressant sur les cervicalgies et le syndrome douloureux pelvien gravidique. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Concernant les études de Haller et al et de Elden et al, comme vous l’avez lu dans notre rapport nous ne partageons pas votre interprétation. Nous écrivions :

« Les deux preuves méthodologiquement valables que nous avons trouvées présentent de modestes résultats qui, pour diverses raisons que nous avons évoquées, peuvent raisonnablement s’interpréter en terme d’efficacité non spécifique des traitements. »

Bien sûr, cette interprétation est longuement argumentée dans notre rapport et ne tombe pas du ciel.

Pour l’étude de Raith et al nous n’avons rien exprimé et pour cause ! Cette publication est postérieure à notre revue de littérature.

Ce rapport est référencé à partir d’articles pour leur grande majorité « vieux » de 20 et 100 ans (Seulement 14,5% des ouvrages cités et 23% des articles tirés de revues scientifiques ont moins de 5 ans) Comment déduire des conclusions scientifiques crédibles avec une telle bibliographie ? C’est vraiment dommage de ne pas considérer la littérature récente qui remet en cause le MRP pour se faire un avis au sujet de l’ostéopathie crânienne ! (Ostéopathes Plus)

Pour information, l’ancienneté d’un travail expérimental ne permet en rien de juger de sa valeur. Dans l’histoire de la médecine par exemple, il existe des essais cliniques anciens qui ont fait date. C’est par exemple le cas du tout premier essai contrôlé randomisé en double aveugle sur la streptomycine dans le cadre de la tuberculose à la fin des années 1940 [Streptomycin in Tuberculosis Trials Committee, « Streptomycin treatment of pulmonary tuberculosis. A Medical Research Council investigation, Br Med J,  v.2(4582),‎ pp. 769–82 ]. On trouve aussi moult études récentes à la méthodologie défaillante. C’est malheureusement la règle en ostéopathie crânienne. Mais s’il existe des études récentes et méthodologiquement rigoureuses qui nous ont échappé, rien ne vous empêche de nous les faire parvenir, bien au contraire ! Contrairement à beaucoup d’interlocuteurs plus ou moins amènes dans ce débat, nous ne serions pas gênés de changer d’avis. Si ces études n’existent pas, alors, vous ne pouvez en tenir rigueur qu’aux acteurs/actrices du champ de l’ostéopathie crânienne de ne pas avoir réalisé plus d’expérimentations rigoureuses ces dernières années. Pas à nous.

2. Les questions de procès d’intention

(…) C’est bien que ce rapport soit fait, il a aussi ses limites dans la mesure où il fait preuve de scientisme (…) J.L., février 2016

Le scientisme ne fait pas partie de notre programme intellectuel. Nous ne souhaitons pas, comme écrivait Renan, « organiser scientifiquement l’humanité », juste évaluer la validité, la reproductibilité et l’inter-subjectivité d’un corpus scientifique. Nous pourrions faire la même chose sur une théorie sociale, une théorie politique, une théorie physique ou mathématique (dans la limite de nos compétences additionnées).

[sur la biodynamie] (…) Là, on sent que les auteurs se sont vraiment fait plaisir ! On sent qu’ils font un très gros effort pour masquer leur bienveillance vis-à-vis du concept. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous avons une posture neutre sur le plan philosophique, c’est-à-dire une suspension de jugement, comme les sceptiques Grecs anciens, qui se résume ainsi : donnez-nous de bonne raison de penser ce que vous pensez, et on le pensera aussi. En attendant, les affirmations sans preuves peuvent être réfutées sans preuves (voir à ce sujet nos articles Rasoir d’Occam, etc).

Et pour conclure, la méthode ne présente finalement « aucune efficacité prouvée » (p. 244). Chapeau bas, Messieurs Dames, voilà du travail de pro ! Il a dû prendre beaucoup de temps, coûter beaucoup d’investissement personnel et sans doute financier.(…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

C’est effectivement du travail de pro. Il a pris de nombreux mois, à plusieurs (comptons entre 600 et 800 heures), il a effectivement coûté beaucoup d’investissement personnel, et sur le plan financier nous ne souhaitons pas nous substituer au CNOMK pour vous répondre : sachez seulement qu’on est bien loin d’un SMIC horaire.

« Je suppose que, sous couvert d’objectivité, le but était dès le départ de démontrer que l’ostéopathie crânienne, c’est de la foutaise. L’objectif est atteint. » (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Convenons que nous sortons là d’un débat scientifique. Il suffit juste de savoir que si l’ostéopathie crânienne avait des bribes de validité, nous l’aurions écrit de la même façon. Que le résultat vous déplaise, c’est en faire une affaire personnelle. Nous, nous faisons de ce rapport une chose publique, qu’il vous appartient de prendre en défaut.

« N’étant pas prescripteurs de recommandations, nous nous sommes limités à une analyse impartiale… » Impartiale ? Il semble que ce mot n’ai pas pour les rédacteurs le même sens que pour le dictionnaire… Ce qui est écrit ci-dessus à propos de la biodynamique est en contradiction flagrante avec une telle affirmation. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Dire que la Terre n’est pas plate, qu’il n’y a pas d’ether et que le complot Illuminati est une vue de l’esprit serait aussi partial ? Méfions-nous de l’effet bi-standard. Nous ne voyons pas où serait la partialité dans ce paragraphe cité.

Nous ne savons pas vraiment comment et pourquoi ça fonctionne, mais ça fonctionne !

Alors montrons-le. Montrez-le, c’est votre métier, cela devrait rendre les choses plus faciles.

Refuser cette évidence revient à se moquer des millions de gens qui ont été aidés par cette technique et qui, Dieu merci, le seront encore demain.

Vous usez ici d’une technique de l’épouvantail. C’est dommage.

Elle revient à prendre tous les patients pour des « gogos extatiques » pour reprendre les mots outrageants de J-M Abgrall dans son livre Les charlatans de la santé.

Même technique. Nous n’avions aucun lien avec J-M. Abgrall – non qu’on ne le souhaite pas. Nous connaissons ses livres. Le ton n’y est effectivement pas le nôtre.

Quel manque de respect pour les patients que de les considérer comme de gogos incapables de juger ce qui est bon pour eux ! (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

C’est de votre plume. Nous n’avons pas écrit ce genre de chose.

Quelle suffisance, quel mépris d’autrui de la part de gens se prétendant thérapeutes ! Cette incapacité à observer et à accepter l’évidence, même lorsqu’on ne peut pas l’expliquer est une maladie mentale grave et hélas, incurable.  (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Gagez que là, la teneur de la discussion ne permet plus le questionnement collectif. C’est dommage.

Ici, c’est Alain Andrieux sur www.enfantsdestill.com qui nous éreinte dans

Ceux qui se cachent derrière un tel acronyme, sans doute mûrement réfléchi,

Vous semblez prompt à juger nos intentions, nous ne nous risquerions pas à en faire de même pour les vôtres. Pourtant nous ne nous cachons de rien, l’ensemble du processus est transparent, nos écrits signés, nos liens d’intérêt déclarés, nos photos disponibles et nos contacts faciles d’accès.

[…]
ne pouvaient avoir qu’une seule intention : passer pour des gens
intelligents voire supérieurement intelligents. Des gens qui ne
plaisantent pas avec la science, enfin, leur façon d’envisager la
science. Des gens qui… chez ces gens-là Monsieur on ne sort pas de la
doxa même si celle-ci est extrêmement rhumatisante et en très mauvais
état pour défiler de façon convaincante au moins sur le fait qu’on sait
marcher. (Alain Andrieux)

Doxa, gens intelligents… Nous avons
fait le travail demandé, avec des canons scientifiques que nous n’avons
pas inventés, et qui ne tombent pas du ciel. Ce n’est pas parce que les
résultats qu’ils donnent ne vont pas dans le sens de ce que vous pensez
qu’il faut jeter la démarche scientifique critique.

Des gens qui ont consacré deux cent quatre-vingt-six pages
à la compilation de tous les textes possibles et imaginables pour
tenter de détruire un pan de la pratique ostéopathique auquel ils n’ont
pas accès, car vous pouvez en être certains aucun praticien digne de ce
nom n’a participé à ce travail de démolition, car chez ces gens là
Monsieur on bave, mais on ne pratique pas. (Alain Andrieux)

Heureusement que nous ne sommes pas faciles à vexer. Baver sur 286
pages, c’est long, il ne suffit à vous lire que de quelques lignes. Par
ailleurs vous faites erreur, il y a trois praticiens sur quatre qui ont
rédigé ce rapport. Ne faisons pas d’erreur d’attribution : ce n’est pas
nous qui détruisons un édifice, c’est plutôt vos collègues qui ne l’ont
pas construits. Alors construisez-le, et notre rapport sera changé. Et
comme vous semblez féru de citations de Jacques Brel, vous ne
découvrirez certainement pas celle-ci : dès qu’il y a des gens qui
bougent, les immobiles disent qu’ils fuient.

Et bien ce bref moment d’humeur ne m’entrainera pas vers
la rédaction d’une seule page pour dénoncer une telle médiocrité aussi
besogneuse soit-elle. Bon courage aux kinésithérapeutes qui vivent sous la protection
d’un tel ordre qui, comme d’autres ordres, montre à quel point la zone
des ouïes ( figurées parait-il par le sphénoïde ! ) a été terriblement
comprimée. – mais le choc vint de la contemplation d’un crâne de la
collection de Still et de l’analogie qu’il fît entre la forme de l’os
sphénoïde et celle des ouïes de poissons, «
indiquant une mobilité pour un mécanisme respiratoire- ».(cortes.org) (Alain Andrieux)

Pourriez-vous mettre la bonne adresse s’il vous plait ?

Pour ces gens-là, pour ce groupe-là, même pas capables de
reproduire une citation correctement, l’intention d’apparaître comme
une personnification de l’intelligence et de la raison est débusquée
mais pour ce qui est du but à atteindre, il est totalement raté. Nous
attendons avec impatience d’autres productions du Cortecs sûrement
toutes porteuses de cette ouverture d’esprit qui va jusqu’à créer des
courants d’air dans cette production mal cortiquée. (Alain Andrieux)

Là, nous ne savons pas quoi dire. Il n’y a rien d’autre dans l’article.

Le site Osteopathes Plus, quant à lui, tente de déverser du poison dans l’eau du puits à notre sujet :

Le rapport CORTECS n’a aucune légitimité et objectivité scientifique vu qu’il a été demandé par le CNOMK pour évaluer l’ostéopathie crânienne et réalisé sous la direction de son vice-président Mr Vaillant.
Mr Vaillant, personne très influente, est également directeur de L’IFMK
de Grenoble où il encadre une équipe pédagogique constituée entre autre
des auteurs du rapport CORTECS. Peut-on parler de conflit d’intérêts ?

Ostéopathes Plus adjoint à ces quelques lignes un schéma intitulé « Le rapport « indépendant » du CORTECS commandé par le CNOMK est-il réellement dénué de conflits d’intérêts ? ».

L’article et le schéma, malgré leur brièveté, regorgent d’erreurs que nous énumérons ci-dessous :

– le rapport n’a pas été réalisé sous la direction de M.Vaillant ;

– seul un des quatre auteur.e.s, Nicolas Pinsault, faisait partie de
l’équipe pédagogique de l’IFMK de Grenoble en tant que cadre de santé au
moment de la rédaction du rapport. Son traitement est administré par le
CHU Grenoble-Alpes et provenait d’une enveloppe du Conseil Régional
(comme pour toutes les formations sanitaires et sociales) ;

– Richard Monvoisin n’est actuellement pas chargé de cours à l’IFMK
de Grenoble (il a seulement fait quelques heures de cours entre 2009 et
2012) ;

– les deux autres auteur.e.s (Nelly Darbois et Albin Guillaud)
enseignent ponctuellement à l’IFMK de Grenoble en tant que vacataire
(moins de 10 heures par an) sur des thèmes sans lien avec l’ostéopathie ;

– les auteur.e.s n’ont reçu aucune rétribution financière à titre
individuel pour la rédaction du rapport par le CORTECS ou le CNOMK.
L’argent versé par le CNOMK au CORTECS permet à cette structure de
financer des bourses d’étudiant.e.s et du matériel pédagogique, en
l’occurrence des livres critiques, prêtés gratuitement à toute personne
qui en fait la demande.

Quant au qualificatif de « personne très influente » adossé à la
personne de M. Vaillant, nous ne comprenons pas à quoi il renvoie.

Le terme de conflit d’intérêt est utilisé à deux reprises par
Ostéopathes Plus. Il est utile de rappeler qu’une rétribution financière
pour un travail rendu n’entraîne pas nécessairement un conflit
d’intérêt, comme cela est questionné par Ostéopathes Plus. Dans le cas
qui nous intéresse, il pourrait y avoir conflit d’intérêt si les
conclusions du rapport allaient dans un sens qui servait les intérêts du
CNOMK, du CORTECS ou des auteur.e.s. Quels seraient donc ces intérêts ?
Dans l’article et d’Ostéopathes PLUS il n’est nullement expliqué en
quoi les liens d’intérêt des auteur.e.s, déclarés de manière
transparente à la fois sur le site du CORTECS et sur celui de l’ordre,
seraient sources de conflit d’intérêts.

En résumé, Ostéopathes Plus ne donne aucun argument pour justifier en
quoi le fait que le CNOMK soit le commanditaire de notre rapport
entraverait notre légitimité, et plus encore notre objectivité
scientifique à travailler sur l’ostéopathie crânienne.

Et pour la petite histoire, c’est parce que Vaillant, directeur,
connaît bien la qualité du travail du CORTECS qu’il a suggéré au CNOMK
de le contacter pour des rapports scientifiques. Il faut en outre savoir
que ce rapport a entraîné des débats au sein du CNOMK lui-même, de même
qu’au CORTECS quand le CNOMK a émis ses avis

Avec une phrase comme « Peut-on parler de conflit d’intérêts ? », il
est facile d’instiller du doute gratuit et fallacieux. Nous pourrions
répondre par « Peut-on diffamer tranquillement chez Ostéopathes
Plus ? », mais nous préférons renvoyer ses auteurs aux leçons des grands
classiques, comme Francis Bacon dansDe la dignité et de l’accroissement des sciences (1623), livre VIII, chapitre II  : « Va ! calomnie hardiment, il en reste toujours quelque chose (audacter calumniare, semper aliquid haeret).

À aucun moment les auteurs n’ont eu envie de remettre en cause leur jugement bien dommage pour des « scientifiques ». (Ostéopathes Plus)

Cette affirmation est assez gratuite. Ne serait-ce pas tout
simplement parce que la conclusion ne va pas dans le sens que vous
auriez souhaité ? Rappelez-vous : nous n’avons aucun problème à changer
d’avis preuves à l’appui. Et vous ? Changerez-vous d’avis en l’absence
de preuve ?

Le Cnomk se contente de l’avis de mk opposés à
l’ostéopathie (Richard Monvoisin, Nicolas Pinsault
« La kinésithérapie piégée par les mages »
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/12/MONVOISIN/54379. (Ostéopathes Plus)

− Précisions d’abord que l’un des auteurs n’est pas kiné, ni même professionnel de santé ;

− il n’y est pas question de l’ostéopathie dans son ensemble ;

− s’il y a des raisons d’être rétifs à certaines de ses branches,
c’est que les professionnels de celles-ci n’ont pas fait le travail
requis ; ce n’est pas une critique a priori, et encore moins une
querelle de chapelle – même si c’est, cela se comprend, plus facile pour
vous de scénariser de cette façon.

− Vous conviendrez que l’article que vous citez est publié dans un
journal dont la portée est bien plus politique que scientifique ou
technique. Or si nous pensons qu’il n’y a pas de raisons a priori de
s’opposer à des pratiques thérapeutiques comme celles de l’ostéopathie,
nous sommes en revanche opposé à un modèle de politique de santé non
redistributif et au saccage permanent des acquis sociaux de 1946. Si
l’ostéopathie est mentionnée dans cet article, c’est parce qu’elle offre
un exemple de l’évolution des politiques que nous dénonçons.

Karine Krzeptowski est une des premières a avoir réagi à la sortie du rapport :

Ce rapport ne peut être considéré par l’Ordre et par les
pouvoirs publics car il y a faute grossière de procédure dans le choix
du profil de ses auteurs, (tous kinésithérapeutes connus pour leur
position négative à l’égard de l’ostéopathie). (Karine Krzeptowski sur
le Site de l’Ostéopathie)

Il y a là une erreur et une confusion. Tout d’abord, seulement 3 des 4
auteur.e.s sont diplômés en kinésithérapie. Il vous revient d’expliquer
en quoi la formation initiale de ces auteurs constitue un critère
douteux quant au choix de leur confier une tâche d’évaluation
scientifique de l’ostéopathie crânienne. Ensuite, vous confondez
« position négative » et scepticisme. Ce dernier est consubstantiel de
la démarche scientifique et implique un doute préalable à toute
investigation. Nous n’avions pas de position de départ morale ou
affective sur le sujet, et quand bien même, une démarche méthodique
s’abstrait des préalables subjectifs lorsqu’elle est bien menée. Ce
n’est pas parce que les conclusions ne vont pas dans le sens que vous
souhaitez qu’il faut déligitimer artificiellement les compétences des
auteurs.

Quand on est à la recherche de preuve d’efficacité ou de
justification d’un concept, il faut s’adresser aux personnes directement
concernées, ici les ostéopathes et non aux détracteurs. (Karine
Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

L’efficacité d’une technique ou la validité scientifique d’un concept
n’est pas une affaire de personnes mais de données expérimentales. Nous
nous sommes tournés vers les auteurs, ostéopathes ou non,
« détracteurs » ou non, qui ont contribué à la connaissance sur le
sujet.

De surcroît, le mot détracteur n’est pas très heureux : s’il y a des
détracteurs, c’est qu’il y a des promoteurs. Nous ne nous inscrivons pas
dans ce débat : que nous soyons détracteurs ou promoteurs de la
gravitation, elle fonctionne, quel que soit notre avis. Que nous soyons
détracteurs ou promoteurs des humeurs d’Hippocrate, elles n’existent
pas. La connaissance scientifique s’abstrait du point de vue personnel.

Ce rapport ne peut être retenu et présenté décemment aux
pouvoirs publics car il y a conflit d’intérêt dans le choix même des
auteurs. (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Voir notre réponse aux rédacteurs du site Ostéopathe Plus dans la présente section, ci-dessus.

Les auteurs eux-mêmes auraient dû refuser cette mission
qui ne leur revenait pas, ils terminent la conclusion de leur rapport
CORTECS : « Avec le soutien du CNOMK, nous avons accepté de faire le
travail laborieux qui revenait logiquement aux prétendants. De fait,
alors que nous pensions qu’il n’y avait pas a priori de raison
scientifique de défendre cette discipline, désormais nous le savons. »
Cette
phrase dans les conclusions en dit long ! Ils partaient d’un a priori
négatif et ne trouvaient pas logique eux-mêmes que cette tâche leur fut
demandée à eux plutôt qu’aux ostéopathes ! (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Peut-être devons-nous insister sur ce qui est pourtant une évidence :
le travail scientifique est une remise en question permanente de ce
qu’on croit acquis. La posture de départ est « méfiante », sceptique. Au
fond, vous faites la même chose : si nous affirmons guérir le cancer
par massage du cou, vous serez sceptique au premier abord. La charge de
la preuve incombe d’ailleurs à celui qui prétend. Donc en tout état de
cause, c’était aux ostéopathes de démontrer leur théorie, mais ils ne
l’ont pas fait. On a demandé à des sceptiques (non détracteurs, donc) de
regarder de près, pour voir si quelque chose tenait tout de même. Si la
conclusion vous déplaît, refaites nos recherches, ou produisez de
nouvelles données. Alors seulement, s’il y a lieu, nous changerons nos
conclusions.

Je pose la question au CORTECS : Pourquoi avoir accepté
cette mission si d’emblée elle n’était pas honnête sur le plan éthique ?
Ceci est une première erreur qui fausse votre approche et vous vous
targuez d’avoir l’esprit scientifique ! (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Votre question est un plurium interrogationum. En nous
sollicitant pour y répondre, vous posez comme prémisse que la mission du
CORTECS concernant l’ostéopathie crânienne n’était pas « éthique » (ou
décente, comme vous l’avez glissé plus tôt) S’il vous plaît, essayez de
juger de notre esprit scientifique à la méthode que nous avons utilisée.
Ne laissez pas la colère de votre lien d’intérêt avec le sujet chercher
à s’évacuer par des vindictes gratuites.

L’Ordre finance des rapports mal ciblés dès le départ. De
manière pragmatique, Si l’Ordre des MKDE souhaite encore dans l’avenir
s’éclairer sur le thème de l’ostéopathie, ne serait-il pas plus sain
d’instauré au sein de l’Ordre un conseil représentant des MKDE-D.O. qui
pourrait dès lors œuvrer positivement lorsqu’il s’agit de faire
comprendre les spécificités et l’actualisation des compétences de leur
métier d’ostéopathe ? (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Il ne faut pas confondre démarche de communication (« œuvrer
positivement ») et démarche d’évaluation scientifique. Mais si vous
substituez la communication à la science, ce seront les meilleurs
lobbies qui imposeront leurs vues, et c’en sera fini de la science. Un
lobby de la Société de la Terre Plate pourrait imposer ses vues à tous les géologues. Nous pensons que ce n’est pas souhaitable.

3. Les questions méthodologiques

Malheureusement, ce ne sont pas là les seules sources sur
le concept. Il manque l’ouvrage de Nicette Sergueef , sans parler de
celui d’A Croibier sur le diagnostic général ostéopathique (qui reste un
livre important pour étudier en partie le fonctionnement du
raisonnement ostéopathique) aux éditions Masson ou un ouvrage de
référence de T Liem aux éditions Maloine. Il faut noter que certains
ouvrages apparaissent sur le site de l’ostéopathie en fouillant les
articles sur les ouvrages ou avec des termes comme « crâne », « crânienne »,
« crânien ». (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Nous vous encourageons à lire ou relire en détail la méthodologie
suivie dans cette partie du rapport pour comprendre pourquoi ces
références n’apparaissent pas. En effet, nous avons relevé uniquement
les concepts élaborés par le fondateur et les continuateurs de
l’ostéopathie crânienne, identifiés dans la partie précédente du
rapport ; Nicette Sergueeg, A Croibier et T Lien ne font pas partie de
ces personnes. Ce choix méthodologique, qui a ses limites, permet de
rendre notre méthode reproductible et incrémentale. Nous ne travaillons
plus directement sur ce sujet, mais rien n’empêche qu’une autre équipe
aille plus loin en exploitant d’éventuels points aveugles de notre
méthodologie..

Je suis étonné que, les auteurs du rapport ayant
l’occasion d’échanger avec des ostéopathes (c’est noté dans les
remerciements), ces sources n’aient pas été évoquées. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Elles n’ont effectivement pas été suggérées par les différentes
personnes contactées – mais il est difficile de leur en tenir grief. Il
est probable qu’autant de contacts, autant de sources possibles. Cela
corrobore notre impression que si le « feuillage » de l’ostéopathie
crânienne est partout, il est assez difficile de bien distinguer un
tronc solide.

De même, puisqu’utilisant un moteur de recherche
généraliste qui est probablement google (on peut le supposer étant donné
que google scholar est cité plus tard dans le rapport), les auteurs
auraient pu utiliser google books où toutes les références citées plus
haut ressortaient.(Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Détrompez-vous : ces références ne ressortent pas si l’on suit de
manière précise la méthodologie décrite dans le rapport, qui cherchait à
identifier les sources bibliographiques du fondateur et des
continuateurs (voir supra). Maintenant, rien ne vous empêche de changer
de méthodologie et de refaire le travail.

Poussons un peu plus loin et soyons indulgents sur le
fait qu’ils ne connaissent pas les ouvrages d’ostéopathie en dehors des
éditions Sully (car n’étant pas du métier).(Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Merci de votre indulgence – au sens canonique, l’indulgence est une rémission de la peine encourue du fait d’un péché. Ouf !

Vous faites assurément un effet paillasson en mélangeant « ne connaissent pas » et « ne jugent pas majeurs selon la méthodologie employée »

Et comme vous pouvez le constater vous-même les ostéopathes avec
lesquels nous avons échangé semblent eux non plus soit ne pas connaître,
soit ne pas juger majeurs les ouvrages que vous évoquez. Pensez-vous
réellement qu’il suffit d’« être du métier » pour connaître tous les
ouvrages pertinents en rapport avec ce métier ? Appliquer cela à de
nombreux métiers, de boulanger à prêtre, de cordonnier à prostitué,
suffit à en douter.

Ils préviennent que ce sera succinct, sauf que même en
suivant leur méthode, il y a une part du concept plus récente (basée la
tenségrité) qui n’est pas prise en compte comme l’ouvrage de Gilles
Boudéhen qui fait partie du catalogue des éditions Sully. Alors comment
ont-ils vraiment fait leur recherche bibliographique?  (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Si vous lisez le rapport, vous saurez comment notre recherche
méthodologique a été faite. Il vous appartient de l’améliorer si vous le
jugez nécessaire. A toutes fins utiles, vous pouvez agglomérer toutes
les études qui vous paraissent manquer et contacter le Conseil national
de l’ordre ici
pour pousser plus loin notre rapport. Mais la question reste celle-ci :
ces « nouvelles » publications vont-elles infléchir les conclusions de
notre rapport ? Croyez bien que si nous le redoutons par pur péché
d’orgueil, nous le souhaitons à l’ostéopathie crânienne – et c’est ça
qui compte.

Celle-ci est vraiment limitée, comment juger
objectivement de l’aspect scientifique d’un concept en étudiant la
partie qui n’a pas été mise à jour au niveau des connaissances
scientifiques actuelles? (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

L’ostéopathie crânienne n’est pas un concept mais un champ (une
« sphère » disait Sutherland) recouvrant plusieurs concepts (MRP,
membrane de tension réciproque, etc.) S’il est toujours possible que
nous soyons passés à côté d’un concept particulier – encore faut-il nous
le montrer – en quoi cela remet-il en question le reste de notre
analyse ? Vous savez, la connaissance fonctionne par parcimonie des
hypothèses depuis Aristote, puis William d’Occam. Il s’agit d’essayer de
comprendre au moyen du moins grand nombre d’entités possibles une gamme
de faits. Le problème majeur de votre discipline, l’ostéopathie
crânienne, c’est qu’elle prend des concepts un peu flous, pour nimber de
mystère une gamme de faits que personne n’a réellement objectivé. Avant
de faire des châteaux de sable en Espagne, aurait dit R. Mianajbaro,
penseur du XIXe siècle, vérifions d’abord qu’il y a bien du sable. Et
Fontenelle l’a très bien décrit ici .

Au sujet de la tenségrité, non seulement ça n’est pas un concept
spécifique à l’ostéopathie crânienne mais encore moins à l’ostéopathie
tout court. C’est une notion d’abord architecturale (créée par
Buckminster Fuller), puis importée en biologie avec une définition
relativement précise puis, devenant concept nomade, a été adapté à de
nombreuses sauces (dont celles des héritiers du mystique Carlos
Castaneda, qui en firent un agglomérat de prétendus exercices
spiritualistes et magiques sinon toltèques, au moins venus des pratiques
des natives américains.). Encore une fois, si l’on suit notre méthode
scrupuleusement décrite, il est normal que ce concept n’apparaisse pas
puisqu’il n’a pas été émis par un des fondateur et continuateurs
identifiés.

D’autre part, nous nous interrogeons sur la pertinence d’évaluer a
posteriori ce concept puisque vous dites vous-même dans la conclusion de
votre article :

Le concept étudié est amputé de sa partie la plus récente
basée sur d’autres principes que le MRP. J’ai cependant quelques
réserves sur ce nouveau concept qui ne fait pas davantage preuve de sa
véracité dans le cadre de l’ostéopathie crânienne que l’ancien concept. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

(…) Cette erreur rédactionnelle met aussi en évidence
qu’il est sans arrêt question de manipulation crânienne sans jamais que
soit défini ce terme. C’est embêtant d’évaluer l’ostéopathie dans le
champ crânien sans définir le geste que ça implique. Si on fait une
recherche dans le document avec les termes « manipulation crânienne »,
jamais le terme n’est associé à une quelconque définition. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Le principe juridique de l’onus probandi s’applique
aussi et surtout en science : la charge de la preuve incombe à celui
qui prétend. Il est difficile de nous en vouloir de ne pas avoir défini
la « manipulation crânienne » alors que Sutherland lui-même n’a pas pris
soin de le faire de manière claire. Cela ressemble aux discussions
sceptiques vs. théologiens : des théologiens reprochent souvent aux
sceptiques de critiquer la notion de Dieu sans le définir. Mais
lorsqu’il s’agit de prendre l’avis des théologiens sur ce qu’est Dieu,
personne n’est d’accord. Finalement, de quoi parle-t-on ?
D’ailleurs,
dans les textes identifiés se rapportant à l’ostéopathie crânienne,
 « manipulation crânienne » n’est jamais présentée comme un concept
central. Il y a comme qui dirait un bug dans l’épistémologie de votre
discipline.

[Concernant la partie Fondement physiopathologique de l’ostéopathie crânienne]La
méthodologie est décrite et semble avoir essuyé quelques écueils. Il
semble que ces difficultés ne leur aient pas permis de faire une revue
de littérature dans les « règles de l’art ». (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Nous avons tenu précisément le propos suivant : « Nous avons
rencontré des difficultés pour mener, dans les « règles de l’art », une
revue de littérature systématique compte-tenu principalement : […] », et
les raisons sont listées pages 58 et 59. En fait, l’expression « règle
de l’art » est mal choisie car contrairement à d’autres disciplines, ,
il n’existe à notre connaissance pas de « règle de l’art » pour réaliser
une revue systématique de littérature sur des concepts
physiopathologiques, surtout issues d’une littérature essentiellement
non-indexée ! Ce qui montre que bien plus urgent que la critique de la
méthodologie que nous avons prise, serait de faire de la littérature
scientifique indexée ! En gros, faire de la recherche d’objectivation.
C’est ce qui aurait dû être fait depuis plus d’un siècle. Par
conséquent, vous pourriez tout aussi bien dire que ce que nous avons
réalisé est une première et ajouter « bravo au CORTECS d’avoir essayé de
démêler l’écheveau d’une discipline éparpillée et peu scrupuleuse sur
la méthode expérimentale, et d’avoir construit un bon socle
méthodologique (probablement améliorable) à quiconque souhaiterait
entreprendre un travail similaire » N’est-ce pas ?

Sachant qu’un certain nombre d’ouvrages de référence dont
nous avons parlés précédemment ne seront pas cités davantage dans cette
partie, il va donc manquer un pan entier des modèles
physiopathologiques. Néanmoins, concernant les modèles étudiés, il est
évident que leurs conclusions sont valides: (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Rappelons-nous : avant de multiplier les modèles, il faut des faits.
C’est un des critères de pseudoscientificité que de faire des modèles
sans fait caractérisé (il y a même des modèles de physiologie des
« vivants dans l’au-delà », à la suite des EVP de Konstantin Raudive).
Si malgré tout vous estimez qu’émerge ou ont émergé des concepts
spécifiques à la sphère crânienne que nous n’aurions pas traité,
n’hésitez pas à nous transmettre les références des études
expérimentales qui les soutiennent. Et si vraiment vous argumentez que
ces concepts ont leur place dans l’historique de l’ostéopathie
crânienne, vous pouvez en faire une synthèse et la rendre publique (car
un des critères scientifiques de la connaissance est la connaissance
partagée). Nous pourrions ainsi la publier dans un addendum du rapport
grâce à vous.

[Sur la fiabilité et la validité des tests ostéopathiques
employés dans le champ crânien] Cette analyse repose sur l’utilisation
d’une grille d’analyse QUAREL (qui en fait s’écrit correctement QAREL).
C’est un outil d’une bonne qualité (Lucas et al, 2013)pour évaluer la
reproductibilité de certains tests dans un contexte de revue
systématique. Il a cependant quelques limites surtout quand le test en
question n’a pas de moyen d’évaluation fiable disponible (une sorte de
gold standard). Les Items 9 et 10 sont notamment source de biais pour
cet outil où les questions sont subjectives. Ces limites sont soulevées
par les auteurs qui pointent notamment :

  • L’absence d’un gold standard,
  • Pour évaluer la constance de la mesure dans le temps, il manque la preuve du MRP et de mesures fiables.
  • L’absence d’interprétation des résultats par les évaluateurs (pour savoir si le test a été fait correctement).

En conséquence, les auteurs font un questionnaire simplifié
mélangé à celui du groupe Cochrane (risk of bias tool). Ils procèdent à
l’ajout d’un item crée pour l’occasion. Ce choix peut être discutable
dans le sens où le mélange et la modification de questionnaires valides
ne créent pas forcément un outil exempt de biais. Néanmoins, en
l’absence d’outils standardisés pour la situation en question, cet outil
permet une première approche.

Mais pour faire simple :

  • Un risque de biais est quasiment jugé élevé à chaque fois car le
    contenu d’un item est non décrit dans l’article (souvent les deux
    derniers items).
  • Les scores de corrélation ICC inter-observateurs sont en général
    assez faibles signant un manque de reproductibilité des tests
    ostéopathiques.
  • Les scores ICC intra-observateurs peuvent être parfois élevés en revanche avec un risque de biais non négligeable.

En résumé, l’analyse faite pour cette partie est intéressante
mais l’outil employé pour l’analyse des biais est discutable du fait de
ses modifications par rapport à l’outil validé et de l’attribution d’un
biais élevé systématique par manque de description du protocole. Les
scores ICC parlent d’eux-mêmes, et sans analyser le biais, la
reproductibilité est de toute façon faible. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Permettez-nous de récapituler le premier argument de ce paragraphe
(que nous étoffons d’une prémisse glanée dans le troisième paragraphe de
cette partie « La fiabilité et la validité des tests ostéopathiques
employés dans le champ crânien » ; nous intitulerons cette dernière
« prémisse (1) »). Si nous vous comprenons bien, cela donne la chaîne
logique suivante :

Prémisse (1) – « […] le mélange et la modification de questionnaires valides ne créent pas forcément un outil exempt de biais. »

Prémisse (2) – L’outil utilisé pour l’analyse des biais des études de
reproductibilité a été modifié par rapport à l’outil validé ; 

Prémisse (3) – Il a été attribué un risque de biais élevé systématique par manque de description du protocole ; 

DONC

Conclusion – L’outil pour l’analyse des biais des études de reproductibilité est discutable.

Discutons d’abord de la prémisse (1). Nous sommes d’accord avec vous.
Comme vous le faites vous-même remarquer dans le texte à la suite de
cette prémisse : « Néanmoins, en l’absence d’outils standardisés pour la
situation en question, cet outil permet une première approche. ». C’est
ce que nous nous sommes dit lors de la création de l’outil.

Abordons maintenant la prémisse (2). Comme vous l’avez vous-même
pointé (voir prémisse (1)), notre outil compile deux outils existants
(QAREL et Cochrane risk of bias tool). Ce n’est donc pas qu’une simple
modification d’un outil particulier comme vous le dites ici. Nous
fondrons donc cette prémisse avec la prémisse (1) dans la suite de
l’analyse.

Considérons enfin la prémisse (3). Cette prémisse n’est vrai que pour
un item sur sept (l’item n°6). Pour tous les autres items, quand le
protocole était insuffisamment décrit, nous avons attribué une
incertitude sur le risque de biais. Autrement dit, la prémisse (3) de
votre propos est fausse pour 6 items sur 7. Nous avons développé
largement l’argumentaire de la création de l’outil qui s’étale pour
mémoire de la page 155 à la page 159 du rapport.

Examinons enfin la conclusion de votre argument et tentons de voir
dans quelle mesure les prémisses la justifie. Vous dites que notre choix
méthodologique est discutable. Certes, mais tout choix méthodologique
étant discutable per se, donc ce propos est trivial et il vous
appartient d’en choisir un autre. Outre la trivialité de cette critique,
il pourrait y avoir quelque chose d’intéressant à en tirer tout de
même, moyennant de par exemple (a) pointer le type de biais émergeant de
l’application de l’outil ; (b) expliquer comment tel ou tel type de
biais influence ou modifie les résultats ; (c) faire des suggestions qui
permettraient soit d’améliorer l’outil en question pour éviter ou
diminuer ces biais, soit de le remplacer par un autre outil existant
plus adapté qui ne serait pas venu à notre connaissance. Sinon, cette
phrase ne sert à rien.

Quant à la prémisse 3, elle est fausse dans 6 cas sur 7. Pour l’item
6, nous avons justifié notre choix méthodologique page 159 du
rapport que nous citons à nouveau ici :

« À propos de l’item 6 « Est-il prévu un dispositif pour empêcher les
évaluateurs d’avoir accès à des indices additionnels sur les sujets
(tatouage, taille, genre, etc.) et qui ne faisaient pas partie du test ?
» : étant donnée l’importance que prend le dispositif nécessaire à sa
réalisation (voir par exemple l’étude d’Halma et al. de 2008) nous
considérerons qu’une absence d’information au sujet de cet item équivaut
à l’absence de dispositif, c’est-à-dire à un risque de biais élevé. En
toute honnêteté, ce choix pourrait être fait pour d’autres items.
Seulement celui-ci nous apparaît très particulier car le dispositif
nécessaire, sur le plan logistique, est tellement important que nous
pressentons peu crédible le fait qu’aucun mot n’en soit dit dans la
publication à cause de contraintes éditoriales ou par simple oubli. »

N’est-ce pas suffisant ?

C’est une chose assez facile de dire qu’une méthodologie est
discutable. C’est une autre paire de manche que de la discuter de
manière circonstanciée. Mais peut être le ferez-vous, à notre grand
plaisir.

Venons-en maintenant à votre dernier énoncé de cette partie : 

« Les scores ICC parlent d’eux-mêmes, et sans analyser le biais, la reproductibilité est de toute façon faible. »

Oui, vous avez raison. La volonté de procéder à une analyse des biais
relève de plusieurs motifs. Nous n’en évoquerons ici qu’un seul en
citant un passage de notre rapport : 

« La majorité des études existantes et disponibles échouent à mettre
en évidence ces reproductibilités pour tous les paramètres considérés,
cela malgré des risques de biais souvent favorables à l’émergence de
résultats positifs. » p. 195 (nous surlignons)

Autrement dit, ce que nous apprend l’analyse des biais, c’est que
même en utilisant des méthodologies biaisées favorables à l’obtention de
résultats reproductibles, les chercheurs échouent à mettre en évidence
la reproductibilité des techniques crâniennes utilisées par les
praticiens. Ceci est selon nous un indice majeur en faveur du fait que
même en améliorant la méthodologie, il est probable que les chercheurs
continuent malheureusement à échouer. Pour quiconque souhaiterait
entreprendre une étude de reproductibilité d’une technique d’évaluation
issue de l’ostéopathie dans le champ crânien, ce fait nous parait
essentiel à considérer. Avant l’élaboration de ce rapport, nous avons
rencontré des ostéopathes motivés pour faire ce type d’étude avec nous.
Dès lors, nous leur avions proposé de nous recontacter quand nous
aurions terminé le rapport, ceci pour que d’une part nous puissions
éventuellement saisir des contraintes méthodologiques inhérentes à la
pratique que nous aurions sous-estimées, et que d’autre part les
ostéopathes intéressés puissent aisément accéder aux travaux déjà
réalisés ainsi qu’aux difficultés s’y rattachant pour mesurer l’ampleur
de la tâche.

[Concernant l’efficacité thérapeutique]

Les auteurs ont mis en évidence 4 revues de littérature sur les sujets :

Nous
observerons que ces quatre revues convergent toutes vers un défaut de
preuve de l’efficacité des techniques et stratégies thérapeutiques
issues de l’ostéopathie crânienne.
Rapport CORTECS p204

Les
auteurs, devant le fait qu’il y ait eu depuis la dernière revue d’autres
publications, vont effectuer eux-mêmes leur propre revue de
littérature.

Ils relèvent qu’un protocole en triple aveugle
(patient, praticien, analyste) n’est pas applicable en thérapie manuelle
pour le praticien, mais que les protocoles qui tentent de le faire pour
les deux autres acteurs vont dans le bon sens.

Les auteurs vont utiliser l’outil de cochrane cité précédemment, mais seul (sans le QAREL, non adapté à l’analyse).

En
résumé, il y a en général un grand risque de biais du fait de l’absence
de données sur l’aspect aveuglement des trois acteurs de la recherche,
soit sur la randomisation dans le protocole, soit sur les données
manquantes. Les articles ne sont donc pas assez détaillés pour que les
résultats puissent être correctement analysés, et quand ils le sont, il y
a des manques qui portent préjudice aux résultats.

Seuls 2 études sortent du lot avec un risque de biais raisonnable (Elden et al., 2013, Haller et al., 2015).

(…)

L’utilité
même d’un tel rapport (dont la responsabilité incombait à ceux qui
pratiquent l’ostéopathie crânienne d’après les auteurs) est discutable
du fait que des travaux de revue de littérature sur le sujet ont déjà
été faits (Jackel & Von Hauenschild, 2012, Jackel & Von
Hauenschild, 2011, Green et al, 1999), de même que la remise en question
du concept existe depuis longtemps et a toujours cours (Gabutti &
Draper-Rodi, 2014,Tricot, 2000, Roger & Witt, 1997). Enfin, parfois
les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Comme précédemment, il nous faut pour ne pas perdre l’éventuel lecteur, décortiquer l’argument de ce paragraphe.

Prémisse (1) – Des revues de littérature ont déjà été réalisées sur le sujet.

Prémisse (2) – « […] la remise en question du concept existe depuis longtemps et a toujours cours. »

Prémisse (3) – « […] parfois, les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. »

DONC

Conclusion – L’utilité du rapport CORTECS sur l’analyse scientifique de l’ostéopathie crânienne est discutable.

Concernant la prémisse (1), nous n’y trouvons rien à redire puisque
effectivement, des revues de littérature ont déjà été réalisées sur le
sujet. Non seulement nous les mentionnons dans le rapport mais en plus
nous en faisons la synthèse.

Au sujet de la prémisse (2), nous sommes au courant qu’il existe des
divergences d’opinions chez les ostéopathes concernant les différents
concepts (voir par exemple la page 59 du rapport qui concerne le MRP).

Quant à la prémisse (3), nous en avons déjà discuté : propos trivial et sans fondement (voir ci-dessus).

Regardons maintenant la conclusion et observons dans quelle mesure les prémisses la justifie.

Prémisse (1) À propos des revues de littérature déjà réalisées sur le
sujet et sur l’intérêt d’en réaliser de nouvelles nous l’avons expliqué
dans le rapport en deux endroits. Pour la revue sur la reproductibilité
nous avons écrit ceci : 

« Nous constatons que ces trois revues convergent toutes sur le
défaut de preuve de la reproductibilité intra et inter-observateurs des
tests et procédures diagnostiques issus de l’ostéopathie crânienne.
Cependant, nous allons pousser plus loin notre enquête car :

1) de nouvelle études ont été publiées depuis les travaux de Green et al. et Hartman & Norton ;

2) nous avons recensé dans notre recherche systématique un document que le travail de Fadipe et al. n’incluait pas;

3) il n’existe pas de travail similaire au nôtre en français ;

4) enfin, il en va de notre légitimité que de réaliser sa propre analyse, la plus attentive possible. »

Pour la revue sur l’efficacité nous précisons : 

« Nous observons que ces quatre revues convergent toutes vers un
défaut de preuve de l’efficacité des techniques et stratégies
thérapeutiques issues de l’ostéopathie crânienne. En dépit de cette
convergence, nous avons tout de même fait notre propre investigation
pour des motifs similaires à ceux évoqués lors de notre revue sur la
reproductibilité des procédures diagnostiques. »

Nous constatons qu’il est nécessaire d’apporter quelques précisions supplémentaires pour la revue sur l’efficacité : 

(a) depuis la parution des revues les plus récentes en 2012 (les
revues de Jäkel et Von Hauenschild et celle de Ernst de 2012), il y a eu
5 nouvelles publications ; 

(b) ces revues n’ont pas les mêmes critères d’inclusion et de
non-inclusion que la nôtre. La conséquence est que notre revue ne
comporte en commun avec ces revues que 3, 3 et 4 publications
respectivement (sur les 8 publications que nous avons analysées hors
celles publiées après 2012).

Pour conclure sur cette articulation prémisse (1) / conclusion (B),
encore une fois ici vous faites une critique à laquelle nous avons déjà
donné des éléments de réponse . Nous faisons l’hypothèse que ces
passages vous ont échappés.

Prémisse (2) – « […] la remise en question du concept existe depuis longtemps et a toujours cours. »

D’expérience, nous savons malheureusement que même quand la critique
d’un concept est ancienne elle gagne toujours à être réactualisée et
maintenue (l’astrologie, la chiromancie pour ne prendre que des exemples
« faciles », la psychanalyse freudienne pour prendre un exemple plus
complexe, etc.).

Prémisse (3) – « […] parfois, les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. »

Nous y sommes déjà venu. Dans votre commentaire, c’est un propos
trivial et sans fondement qui ne peut justifier en rien la conclusion de
votre argument.

En résumé, nous dirons encore une fois que c’est une chose de dire
que quelque chose est discutable mais que s’en est une autre de la
discuter sérieusement. L’analyse de vos arguments démontre que ceci
n’est, hélas, pas le cas.

3. Concernant la phrase « Les critères de qualité n’étant
pas mentionnés, nous ne pouvons exclure un tri sélectif, volontaire ou
non des données », nous avons écrit dans notre publication (page 166 du
JAOA) :
Descriptive statistics. Twelve subjects participated
in the study. Of these, 11 provided high-quality data for analysis. For
subject 12, the signal-to-noise ratio observed in the laser-Doppler
(time-domain) output was too low for precise quantitative measurement.
However, the Fourier transform (frequency-domain) record of subject 12
included all of the features observed for the other 11 subjects.
(Statistiques
descriptives. Douze sujets ont participé à l’étude. Parmi ceux-ci, 11
ont fourni des données exploitables pour l’analyse. Pour le douzième, le
rapport signal-bruit observé dans la production du laser-Doppler
(domaine-temps) était trop bas pour une mesure quantitative précise.
Pour autant, la transformation Fourier de l’enregistrement du sujet 12
contenait toutes les caractéristiques observées chez les autres onze
sujets
).
Les auteurs du rapport n’ont-ils pas compris cette partie ?
S’ils
ne comprennent pas le rapport signal-bruit, nous les renvoyons à notre
chapitre “Physiological Rhythms/Oscillations”, page 182, paragraphe
« additional observations » et fig 11-18. Ils y trouveront
l’interprétation du rapport signal-bruit dans nos travaux.
(“Physiological
Rhythms/Oscillations”, Glonek, Sergueef, Nelson. chapt. 11. In: Chila
A, ed., Foundations of Osteopathic Medicine. Baltimore, MD: Lippincott,
Williams & Wilkins; 2011;162-190.) (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Merci de vous préoccuper de notre
compréhension du rapport signal-bruit. Cette publication devrait en tout
état de cause délivrer tous les éléments permettant de comprendre et
d’analyser la méthode suivie. Toutefois, notre remarque concernant
l’absence de mention des critères de qualité s’appliquait en cas
d’exclusion de sujets évalués, ce qui n’est pas le cas (voir infra).

Dans une seconde partie, les auteurs ont étudié les
articles parlant de la fréquence du rythme crânien et la restriction de
mobilité des os du crâne. Selon eux, on ne retrouve pas de
reproductibilité inter et intra observateur sur le plan scientifique à
ce sujet (exclusion des études ayant des résultats positifs pour un
risque de biais important). Dans une dernière partie, les scientifiques
ont évalué 12 études sur l’efficacité thérapeutique des techniques
crâniennes. Ils en ont exclu 10 présentant des résultats positifs pour
risques de biais élevé. 2 études sérieuses ont été conservés. Une
concerne les syndromes douloureux pelviens de la femme enceinte (Elden
et al 2013. Acta obstetricia et gynecologica Scandinavia). Les résultats
positifs de cette étude sont modérés par les auteurs qui encouragent la
poursuite des recherches en ce sens. (Ostéopathes Plus)

[Autre
citation] Les études référencées ayant un risque de biais élevé ont été
analysées de manière bien différentes tout au long de ce rapport. Elles
ont été qualifiées de non sérieuses et employées pour remettre en cause
l’ostéopathie crânienne (ex : concept de la mobilité suturale) Ou alors
elles ont été purement exclues des résultats lorsqu’elles étaient
favorables à l’ostéopathie crânienne. (ex: le chapitre sur l’efficacité
thérapeutique de l’ostéopathie crânienne). (Ostéopathes Plus)

Nous pensons que votre problème vient du terme « exclusion », nous
entendons « exclusion avec critères », en l’occurrence une méthodologie
bien construire. Par ailleurs, il est inexact de dire que les études
présentant un risque de biais élevé ont été exclues. Ceci n’est
méthodologiquement pas possible dans la mesure ou l’évaluation du risque
de biais des études survient après et non avant l’application des critères d’inclusion et de non-inclusion.

[…] MAIS… « en science on publie plus facilement les
résultats positifs que ceux négatifs » il s’agit d’un biais de
publication. « Il faut donc considérer la proportion des études
positives par rapport aux négatives » ils utilisent également le
principe de symétrie « si un très petit nombre d’études existe avec des
résultats positifs il existe également un petit nombre d’études avec
résultat négatif, cela doit nous encourager à ne rien conclure de
favorable à travers ces études. » (Ostéopathes Plus)

Cela fait plusieurs fois que vous faites de fausses citations de
nous. Nous vous serions reconnaissant d’utiliser des citations réelles
pour alimenter la discussion.

À aucun moment l’avis d’un organisme de formation en
ostéopathie agréé ou formateur écrivant des livres de références
actuelles en ostéopathie crânienne n’a été consulté (Tricot, Boudehen,
Gehin etc.). (Ostéopathes Plus)

La seule façon permettant à un organisme de formation ou une
quelconque personne de nous aider eut été de nous fournir des
comptes-rendus de travaux expérimentaux. Nous avons fait tout ce qui
était en notre pouvoir pour récolter un maximum de ces compte-rendus.
Pour mémoire, nous avons contacté :

  • L’Upledger Institute Belgium
  • L’Upledger Institute International
  • La Biodynamic Craniosacral Therapy Association of North America
  • La Sutherland Cranial Teaching Foundation
  • La Sutherland Cranial Academy of Belgium
  • La Société Française d’Ostéopathie
  • Association Française de Thérapie Cranio-Sacrale
  • La Société Suisse de Thérapie Cranio-sacrale
  • Le Collège d’Ostéopathie Sutherland Atlantique
  • La Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique
  • Le Collectif de Développement de l’Ostéopathie Périnatale
  • L’Académie d’Ostéopathie de France
  • L’Académie Sutherland d’Ostéopathie du Québec
  • L’European Federation of Osteopaths
  • Le Forum for Osteopathic Regulation in Europe
  • L’Osteopathic Cranial Academy

Aucune de ces organisations ne nous a fourni de référence que nous
n’ayons pas trouvée par d’autres moyens. Il est certes toujours possible
que nous soyons passés à côté de travaux importants mais le problème
reste le même : où sont-ils ? Montrez-nous ces fameuses études
essentielles et fantomatiques à côté desquelles nous aurions pu passer.
La charge de la preuve incombant à celui qui prétend, ce n’est
théoriquement pas à nous, mais aux auteurs dont vous parler de fournir
matière à leur discipline, et cela ne devrait pas être à nous de
parcourir la Terre entière à la recherche de la potentielle publication
en wano ou en espéranto que nous aurions pu manquer.

4. Les questions sur nos sources

Ailleurs, il est fait référence à un projet de loi sur
l’ostéopathie initié par le professeur Debré, projet de loi
particulièrement contesté à l’époque et qui n’a jamais été discuté à
l’Assemblée nationale et encore moins en commission. Pourquoi les
auteurs font-ils référence à ce projet Debré, qui n’a ni queue ni tête ?
(6): « Pour un rappel historique de l’évolution du cadre législatif de
l’ostéopathie, nous renvoyons à la proposition de loi portant sur la
création d’un Haut Conseil de l’ostéopathie et de la chiropraxie
enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre
2011 (dite proposition de loi Debré). Elle rappelle notamment que
jusqu’en 2002, « l’exercice de l’ostéopathie et de la chiropraxie
était réservé aux seuls médecins, toute autre personne pratiquant ces
disciplines relevait de l’exercice illégal de la médecine
» (p. 52-53 du Rapport). (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Il vous revient d’expliquer en quoi ce projet n’a « ni queue ni
tête ». Comme nous l’avons précisé dans le texte que vous citez, nous
avons fait référence à ce projet de loi car il décrit l’historique de
l’évolution du cadre législatif de l’ostéopathie. Sur ce point précis il
s’avère tout à fait pertinent.

Mais pourquoi n’ont-ils pas noté dans leur rapport que
les manipulations dites d’ostéopathie et de chiropraxie ne sont devenues
réservées qu’aux seuls médecins par un arrêté du 6 janvier 1962 :

«
Article 2 : Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine,
conformément à l’article L. 372 (1°) du code de la santé publique, les
actes médicaux suivants : 1° Toute mobilisation forcée des articulations
et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes
manipulations vertébrales, et, d’une façon générale, tous les
traitements dits d’ostéopathie, de spondylothérapie (ou
vertébrothérapie) et de chiropraxie. Arrêté du 6 janvier 1962 fixant
liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins
ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par
des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins. »
(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Nous vous remercions pour votre complément à la partie législative du
rapport. Nous n’avons effectivement pas été exhaustif sur la
législation au sujet de l’ostéopathie car cela nous éloignait de notre
sujet de départ, la validité scientifique et l’efficacité thérapeutique
de l’ostéopathie crânienne. Nous avons donc préféré renvoyer à un
document synthétique, cf. réponse ci-dessus.

5. Les (fausses) erreurs relevées

Un exemple : la critique des travaux de Jean-Claude
Herniou, du moins le résumé qui en est fait va totalement à l’encontre
de ce que j’ai lu de son article publié sur le Site de l’Ostéopathie
par mes soins : « Le mécanisme respiratoire primaire n’existe pas ».
Son étude sur le mouton cherchait : « à évaluer et à comparer la
mobilité de la suture et de l’os frontal du mouton soumis à faible
contrainte (p.99 du rapport). Or de cette étude, il en est ressorti pour
Herniou que le MRP n’existait pas ! En effet, dans l’interview qu’il
donne à la revue Æsculape (2)
Herniou précise parfaitement ceci: « Depuis 1987, j’ai la preuve que le
liquide céphalo-rachidien (LCR), très cher à mes confrères ostéopathes,
n’est pas le moteur de la mobilité crânienne. Le LCR n’est le moteur de
rien du tout. Et, plus important encore, j’ai la preuve que le
« mécanisme respiratoire primaire », tel qu’il est habituellement décrit
en Ostéopathie, n’existe pas. Quand je lis ce qui est écrit à ce niveau
je suis, pour le moins, perplexe !… Il me semble que de nombreux
auteurs, par culte de Sutherland, perpétuent une erreur grossière. Cette
idée bien explicable pour l’époque est aujourd’hui totalement obsolète.
À mon avis, elle décrédibilise l’ostéopathie. » Fallait-il donc tout
cela pour démontrer ce qui est déjà démontré ? (Jean-Louis Boutin sur le
Site de l’Ostéopathie)

Nous écrivons page 59 que « D’autres ostéopathes crâniens, certes
isolés comme l’ostéopathe français Jean Claude Herniou, contestent
l’existence-même du MRP. ». Le résumé et l’analyse de son étude sont
insérés dans la partie relative à la mobilité des os du crâne et non à
l’existence du MRP. Donc il n’y a pas de contradiction entre ce que vous
dites et ce que nous avons rédigé.

En ce qui concerne votre question : « Fallait-il donc tout cela pour
démontrer ce qui est déjà démontré ? », nous ne prétendons pas avoir
démontré que le MRP n’existait pas (On ne peut pas démontrer
l’inexistence d’un phénomène, grande injustice épistémologique), mais
démontré qu’il n’y a aucune preuve de l’existence du MRP, ce
qui est différent. Ensuite, rappelons-le, nous n’avons pas fait cela
uniquement pour le présumé phénomène « MRP » mais aussi pour la mobilité
des os du crâne, la mobilité involontaire des articulations
sacro-iliaques, le rôle des membranes de tension réciproque, le souffle
de vie et enfin la reproductibilité des procédures diagnostiques de
l’ostéopathie crânienne ainsi que l’efficacité de ses techniques
thérapeutiques. En outre, vous conviendrez que d’un point de vue
scientifique, si nous nous étions contentés au sujet du MRP de renvoyer
aux travaux de Herniou, il est assuré que certains de vos
confrères-sœurs auraient trouvé cela quelque peu insatisfaisant, et
entre nous ils ou elles auraient eu raison.

Bien que le concept d’ostéopathie crânienne soit fort
bien exposé dans ces pages, les auteurs ont du mal – il faut les
comprendre – pour bien analyser ce qu’est le MRP et ce qu’est l’IRC ou
l’impulsion rythmique crânienne (4) au point, semble-t-il, parfois de
les confondre : « Le fait de percevoir un phénomène rythmique et de
pouvoir caractériser sa fréquence ne permet pas de conclure quant à
l’existence du phénomène rythmique, encore moins quant à l’existence
d’un MRP ou IRC. » (p.73 du Rapport).(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Effectivement, il est difficile de s’y retrouver dans ces
dénominations tant elles varient selon les auteur.e.s et les époques.
Cependant, nous avions bien précisé page 59 du rapport les liens et
confusions possibles entre MRP et IRC : « Lorsqu’il s’agit de quantifier
ce qui s’apparente au MRP, une majorité d’ostéopathes emploient le
terme d’impulsion rythmique crânienne (IRC). En fait, la nomenclature
employée est très diverse pour qualifier ce mouvement qui en théorie
parcourt le crâne et probablement le corps. Pour certains ostéopathes,
IRC et MRP sont sensiblement la même chose, l’IRC étant la manifestation
du MRP, mais il existe des voix divergentes. »

S’il existe des certitudes en ostéopathie crânienne,
c’est celle du sens que les ostéopathes donnent à l’abréviation MRP et
notamment au « M » : c’est un mécanisme et non un mouvement. Même
si cela est faux, au sens où le mécanisme n’est pas démontré
scientifiquement, le MRP est et reste un mécanisme et en tant que tel il
est impossible de soutenir que c’est un phénomène rythmique que l’on
pourrait palper… (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Certes, nous lisons et entendons souvent « mécanisme » plutôt que
« mouvement » pour le M du MRP, mais les deux appellations co-existent.
Une recherche avec Google books l’illustre : « mouvement
respiratoire primaire » donne 90 occurrences contre 194 pour « mécanisme
respiratoire primaire ». La certitude du sens du « M » de « MRP » pour
les ostéopathes n’en est donc pas une. Comme nous l’avons rappelé plus
haut, il est très difficile de s’y retrouver dans le fouillis des
nomenclatures ostéopathiques, entretenu par les ostéopathes eux et
elles-mêmes. Quant au fait que : « il est impossible de soutenir que
c’est un phénomène rythmique que l’on pourrait palper… », c’est pourtant
ce que font de nombreux et nombreuses ostéopathes, à l’image de celles
et ceux que nous citons dans la partie relatant les études ayant essayé
de mettre en évidence ce phénomène rythmique supposé.

Et plus loin encore : « Il est important de préciser que
dans cette étude [Frymann 1971] n’est pas évoqué un mouvement des os du
crâne entre eux, mais un mouvement crânien global, de type MRP ou IRC »
(p.93 du Rapport). Le MRP pas plus que l’IRC ne sont des mouvements
globaux. Le MRP est un essai d’explication donné par Sutherland, une
sorte de formalisation explicative, d’hypothèse liée à la palpation
qu’avait Sutherland, mais n’a jamais été donné par son créateur comme
une vérité scientifique absolue. (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Il s’agit de votre interprétation des écrits de Sutherland. D’autres
explicitent les choses autrement. Nous avons préféré ne pas qualifier le
MRP de « vérité scientifique absolue », pas plus que de « formalisation
explicative ».

Ce sont ses élèves qui en ont fait une théorie qui se
voudrait scientifique pour essayer d’expliquer ce que ressent un
ostéopathe quand il met les mains sur le crâne. Le Dr Dominique Bonneau a
essayé d’éclairer ce phénomène de palpation dans un article publié dans
la revue de Médecine Manuelle Ostéopathie (5). Mais le fait
d’avoir voulu en faire une théorie scientifique pure et dure a amené les
ostéopathes crâniens à s’enfermer dans une conception qui ne devrait
plus avoir cours, même si leur palpation pourrait avoir un sens…
(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Là encore, il s’agit de votre interprétation et de votre
compréhension de l’histoire de l’ostéopathie. Peut-être est-ce une
discussion qu’il faudrait avoir entre ostéopathes pour fixer clairement
les terminologies employées ? Les choses en seraient grandement
facilitées.

Une autre imprécision surprenante pour des scientifiques, c’est d’associer le new âge avec la Société de théosophie :
« … Passé par la Société théosophique de Helena Blavatsky, association
ésotérico new-ageuse empruntant nombre de ses concepts à l’Hindouisme, à
l’occultisme et à l’astrologie, Steiner fonda ensuite la Société
anthroposophique… » (p.136 du Rapport). Je reste confondu devant cette
assimilation, non pas que je sois un adepte de la Société théosophique,
mais parce que je me suis posé la question de la date de création de
cette société. Si on en croit Wikipédia, la Société théosophique a été
« fondée à New York le 17 novembre 1875, par Helena Petrovna Blavatsky,
ainsi que par le Colonel Henry Steel Olcott et William Quan Judge ».
Mais qu’allait donc faire le new âge en cette affaire même si ses
adeptes ont cherché dans les écrits anciens des références et des
appuis ? (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Nous nous faisons fort de ne pas vous laisser trop longtemps
confondu : le New Age, avec un petit R marque déposée, comme courant
étiqueté comme tel, n’existe pas vraiment : il est généralement présenté
comme le fuit des « travaux » de Ferguson, années 1970, sur l’aquarian conspiracy,
on est d’accord., mais ses racines, ainsi que le concept d’un nouvel
âge à venir, viennent du XIXe, de la convergence entre la société
anthroposophique, les courants type Lebensreform, retour à la Nature avec des gens comme Adolf Just, la Naturphilosophie
dans ses différentes formes, etc. avec des soupçons de millénarisme, de
maîtres ascensionnés pris à l’hindouisme et de retour du Christ-roi
d’Alice Bailey – on est dans les années 20 à ce moment-là. Mais le New
Age est tellement éclectique qu’on pourrait -certains auteurs le font –
remonter à Swedenborg. Donc nous sommes raccord avec un bon nombre
d’historiens en faisant naître la mouvance New Age dans le brouet
spiritualiste de la fin du XIXe. En 1864 par exemple, le très
swedenborgien Warren Felt Evans publia The New Age and its Message, ;
en 1907 Alfred Orage and Holbrook Jackson firent paraître un hebdo
mélange de socialisme et de libéralisme chrétien intitulé The New Age. Ensuite, il y aura Disciplineship in the New Age (1944) and Education in the New Age (1954), d’Alice Bailey.

Donc oui, le New age a des racines très profondes, et
l’anthroposophie n’en fut pas l’une des moindres.. Pour cette filiation,
vous pouvez lire en anglais Sarah M. Pike, New Age and Neopagan
Religions in America. Columbia University Press, ou Sutcliffe, Steven J.
Children of the New Age: A History of Spiritual Practices. London and
New York: Routledge (2003) ainsi qu’en français Marhic et Besnier, le
New age, son histoire ses pratiques ses arnaques, Castor Astral 1998.

6. Les (vraies) erreurs relevées

Concernant le côté du résumé du cadre législatif, il y a un petit problème avec ce paragraphe
C.3 Pratique

Les ostéopathes n’ont pas le droit de pratiquer un certain nombre
d’actes s’ils ne sont pas « soumis à diagnostic médical préalable de non
contre-indication ». Parmi ces actes, on note les « manipulations du
crâne ».

Rapport CORTECS, p53
Or, dans les décrets
qui auraient pu être cités en entier, il était fait mention d’un élément
supplémentaire qui change le champ d’application de la restriction de
prise en charge. Premièrement ça ne rajoutait pas beaucoup plus de
lignes et surtout, deuxièmement, ça évitait une erreur factuelle:

Article 3
(…)
Décrets du 27 mars 2007
On voit que cette restriction concerne la prise en charge des nourrissons. Il existe donc un risque de confusion. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Vous avez raison, il aurait fallu préciser que cette
contre-indication s’appliquait uniquement pour la prise en charge des
nourrissons. Nous nous sommes nous aussi rendus compte de cette
imprécision hélas peu de temps après le rendu du rapport. Nous sommes
ravis que vous l’ayez pointé du doigt. Même si cette erreur ne change
rien aux conclusions, nous ferons un addendum au rapport en vous
remerciant.

« Cette analyse repose sur l’utilisation d’une grille
d’analyse QUAREL (qui en fait s’écrit correctement QAREL). » (nous
surlignons). (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Exact ! Coquille qui s’est subrepticement insinuée puis répliquée dans l’intégralité du document. Nous avons probablement fondu QUAREL, quarrel en anglais (la querelle ou dispute oratoire), et peut être même squirrel, l’écureuil. Merci pour cette remarque.

Suite à la lecture du rapport sur l’ostéopathie crânienne
rédigé par le Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique
et sciences (Cortecs), en date du 26 janvier 2016, à la demande du
Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes, nous
voudrions apporter quelques remarques.

Dans ce rapport, nous nous
sommes particulièrement intéressés à la revue des publications que nous
avons réalisées au Chicago College of Osteopathic Medicine, Midwestern
University, Downers Grove, Il, USA. (Nelson KE, Sergueef N, Glonek T).

1.
Page 69 du rapport du Cortecs, les auteurs évaluent notre étude :
« Cranial rhythmic impulse related to the Traube-Hering-Mayer
oscillation: Comparing laser-Doppler flowmetry and palpation”. Nelson,
Sergueef, Lipinski, Chapman, Glonek. JAOA March 2001:163-73.
Ils
écrivent : « Pour se faire, l’oscillation de THM était mesurée chez 20
sujets en bonne santé par le biais d’une sonde Doppler positionnée sur
le lobe de l’oreille gauche de chaque sujet ».
Page 70 : « En analysant
cette publication, on sera étonné que seulement 12 sujets sur les 20
initiaux font l’objet d’un traitement statistique, du fait de la
mauvaise qualité d’acquisition des autres enregistrements, selon les
auteurs. Les critères de qualité n’étant pas mentionnés, nous ne pouvons
exclure un tri sélectif, volontaire ou non des données ».

2. En
fait, dans cette étude, nous avons mesuré l’oscillation de THM chez 12
sujets, et non 20 comme l’auteur de ce rapport le mentionne. Il est donc
évident que nous ne pouvions traiter les données statistiques de 20
personnes. On peut lire dans notre publication (page 163 du JAOA) :
« Twelve healthy subjects over 18 years of age (6 males; 6 females, none
pregnant) were recruited from the faculty and students of the Chicago
College of Osteopathic Medicine ».
(Douze sujets en bonne santé, de
plus de 18 ans (6 hommes, 6 femmes, aucune enceinte)ont été recrutés
parmi les professeurs et les étudiants du Collège de Médecine
Ostéopathique Chicago)
(Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Nous vous remercions d’avoir relevé cette coquille qui s’est
subrepticement glissée dans le rapport et a ensuite échappé à notre
vigilance lors des relectures. Effectivement, il s’agit d’une erreur
factuelle importante de notre part – probablement une confusion twelve / twenty.
Nous vous remercions de nous l’indiquer, et déplorons vivement notre
erreur. Les données ont pu être recueillies de manière satisfaisante
pour 11 sujets sur les 12 inclus dans l’étude, et non 20.
Précisons
cependant que, vous en conviendrez que, cela ne remet pas en cause nos
remarques ultérieures concernant les limites intrinsèques de l’étude.
Nous écrivions :

« En outre, compte tenu du faible nombre de sujets analysés l’analyse
statistique se révèle insuffisamment détaillée pour conclure à sa
validité. Enfin, notons que quand bien même il y eut coïncidence entre
les deux ondes, il faudrait plus de contrôles dans la méthodologie
utilisée pour que l’onde palpée puisse effectivement être reliée au MRP.
»

4. Les auteurs du rapport décrivent ainsi la prise
utilisée par le praticien … »L’examinateur presse légèrement de dehors
en dedans, de manière à provoquer une rotation externe des deux os
pariétaux ». Il s’agit d’une extrapolation, car nous avons écrit : « the
examiner, at the head of the table, palpated the CRI using light touch
with the hands in a biparietal-hold position » (le praticien à la tête de la table, palpait l’IRC avec un toucher léger et une prise bipariétale). La prise bipariétale n’implique pas une induction de mouvement. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Merci d’apporter plus de précisions concernant les modalités des techniques appliquées qui ont pu nous échapper.

5. L’étude référencée en bas de la page 72, n’a rien à voir avec les remarques qui sont faites dans ce paragraphe. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Vous relevez aussi une erreur de notre part de référencement. L’étude
correspondant à l’analyse figurant en p72 est celle-ci : Sergueff N.,
Nelson K. E., Glonek T., The effect of cranial manipulation upon the Traube-Hering-Mayer oscillation as measured by Laser-Doppler flowmetry, Alternative Therapies. (2002) Nov/Dec ; 8(6) que l’on retrouve citée en page 267 et 285.

Nous sommes heureux que les auteurs aient
pris le temps d’examiner notre travail, mais déçus par la fausse
représentation qu’ils en ont faite. Les auteurs n’ont manifestement pas
lu notre étude attentivement, et leurs conclusions ne peuvent être
validées par le fait des erreurs d’interprétation qu’ils ont faites. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Nous partageons sincèrement votre déception
concernant les erreurs que nous avons commises concernant cette
publication. Cependant, nos conclusions ne nous semblent pas affectées
par ces erreurs, comme nous l’avons précisé précédemment lorsque nous
avons rappelé les autres limites intrinsèques de cette dernière.

Il reste à dire quelques mots de l’orthographe. Je
suppose que le clavier n’avait pas toujours les accents français car de
très nombreuses fois nous trouvons ou au lieu de
ce qui perturbe momentanément la lecture. Et que dire alors de cette
confusion de verbe : « Nous considérons que l’expérience minimale est le
fait d’avoir terminé une formation spécifique à la pratique. Il nous
semble en effet indispensable, en tant que patients, de ne pas devoir
attendre qu’un praticien est (sic au lieu de ait)
plusieurs années d’expérience pour pouvoir fonder ces choix
thérapeutiques sur des examens reproductibles » (p.158 du Rapport).
Finalement c’est bien peu de choses, et je me suis même posé la question
de savoir : fallait-il le signaler ? (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Question qui ressemble à une prétérition, puisque finalement vous
avez choisi de le faire. On pourrait dire trois choses sur ce point :
primo, c’est un angle de critique assez pauvre, vous en conviendrez.
Secundo, sans relecteur professionnel à rémunérer, c’est impossible sur
un aussi long travail de relever toutes les coquilles. Enfin, dernier
point, il y a une façon plus élégante de nous aider : au lieu d’exposer
en public en les citant nos fautes d’orthographe, ce qui manque un peu
de… style… Vous auriez pu les noter, nous les envoyer, et nous permettre
de remettre en ligne une version expurgée, avec nos remerciements et
l’impression d’une collaboration, pas d’un tir au pigeon.

7. Les extrapolations

A l’aide de la littérature, ils concluent : […] – la
circulation du LCR est admise mais il n’existe aucune preuve de lien de
cause à effet entre fluctuation du LCR et mobilité du crâne ; […] (Ostéopathes Plus)

Vous nous amenez ici hors de notre sujet. La question d’un lien entre
fluctuation du LCR et mobilité du crâne n’est abordée nulle part dans
notre travail et pour cause : aucune donnée expérimentale consistante
pour soutenir l’hypothèse d’une mobilité des os du crâne entre eux n’a
été découverte.

[…] – aucune étude au sujet des membranes de tensions
réciproques et toujours ce même raisonnement « vu qu’on a montré que le
MRP n’est pas démontrable, il n’est pas soutenable de lier les membranes
de tensions réciproques à la mobilité crânienne ». (Ostéopathes Plus)

Notre citation exacte est substantiellement différente de celle que vous rapportez. La voici :

« Le concept de MRP n’étant pas lui non plus démontré, il n’est pas
soutenable de penser que les membranes de tension réciproque jouent un
rôle dans la mobilité des os du crâne et de la face (elle non plus
infondée scientifiquement) ou dans la mobilité involontaire du sacrum (idem). » (page 132)

En fait, l’imbroglio est un peu de notre faute car faire apparaître
le MRP ici était dilatoire. S’il nous appartenait de changer notre
phrase, nous mettrions : « Il n’est pas soutenable de penser que les
membranes de tension réciproque jouent un rôle dans la mobilité des os
du crâne ou dans la mobilité involontaire du sacrum dans la mesure où
ces deux types de mobilité ne sont pas démontrées. »

Le dernier article étudie les techniques crâniennes sur
les cervicalgies chroniques. Les auteurs reconnaissent l’efficacité de
l’ostéopathie crânienne dans ce cadre […] (Ostéopathes Plus)

Vous allez vite en besogne ! Nous vous encourageons à nous relire :
ce que nous reconnaissons, c’est la valeur de l’étude de Haller et al.
en tant que données expérimentales pour soutenir l’efficacité de
l’ostéopathie crânienne dans le cadre des cervicalgies chroniques. Ceci
n’est pas la même chose que de dire que nous reconnaissons l’efficacité
de l’ostéopathie crânienne dans ce cadre. Pour cela, il nous faudrait
plusieurs études épurées des biais méthodologiques présents dans l’étude
de Haller et al. En gros, ostéopathes, retroussez vos manches !

8. Les redites

Rappelons également que Sutherland s’est largement servi
des écrits de Swedenborg (1688-1772) pour inventer son MRP. Et quitte à
être iconoclaste, Sutherland a simplement rajouté le mouvement des os du
crâne et celui du sacrum entre les iliaques à la théorie de Swedenborg
exposé dans son livre « The Brain ». (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Oui, nous évoquons cela page 17 du rapport : « Swedenborg est un
philosophe et théologien suédois du XVIIIe siècle. Deux travaux
d’ostéopathes ont suggéré que Sutherland connaissait les idées de
Swedenborg concernant la physiologie et l’anatomie cérébrale et
crânienne et s’en est inspiré pour élaborer son modèle du mécanisme
respiratoire primaire. Jordan T., Swedenborg’s influence on Sutherland’s
‘Primary Respiratory Mechanism’ model in cranial osteopathy,
International Journal of Osteopathic Medicine.(2009) Sept ;
12(3):100–105, et Fuller D.D., A Comparison of Swedenborg’s and
Sutherland’s Descriptions of Brain, Dural Membrane and Cranial Bone
Motion, The new philosophy. (2008) Oct–Dec ; 619-650. » Swedenborg
apparaît même dans notre tableau page 46 où nous faisons la synthèse des
principaux concepts et pratiques associées, développés par Sutherland
et ses continuateurs.

9. Les questions concernant l’intérêt du rapport

D’où ma question sur ce rapport, où est la surprise? Il
n’y a rien d’étonnant sur les résultats, il y a seulement 79
publications sur pubmed dont la majorité date d’avant 2000. Comment le
niveau de preuve aurait pu changer du tout au tout avec si peu d’études
récentes? Y avait-il vraiment besoin d’un rapport pour nous faire
l’historique incomplet du concept et nous livrer des conclusions que des
revues de littérature datant de 2012 et 1999 nous avait déjà apprises
(quasi-absence de preuves, manque de reproductibilité de tests, besoin
de recherche)? (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Votre dernier paragraphe nécessite quelques réponses.

1) Personne (et certainement pas le CorteX) n’avait promis de
surprise ou quelque chose d’étonnant. Nous ne sommes pas des producteurs
de sensationnel.

2) Vous dites :

« […] seulement 79 publications sur pubmed dont la
majorité date d’avant 2000. Comment le niveau de preuve aurait pu
changer du tout au tout avec si peu d’études récentes? »

Cinq nouvelles publications sont parues depuis les dernières revues
de 2012. Libre à vous de juger que cela fait peu. En attendant, pour des
raisons redondantes, nous ne pouvions pas nous contenter de citer les
revues existantes en ignorant les publications récentes sous prétexte
qu’il y en avait peu. Et bien nous en a pris car les études présentant
les plus faibles risques de biais font partie des études récentes.

3) Concernant les revues de littérature, nous en avons déjà discuté.

4) Vous jugez l’historique incomplet ? Voir nos réponses précédentes.
Nous estimons qu’aucun des auteurs et concept que vous avez évoqués ne
peuvent être cités (aujourd’hui en tout cas) dans un historique
spécifique de l’ostéopathie crânienne. Et il est très probable qu’ad nauseam,
quand bien même nous aurions eu la chance de citer vos auteurs,
seraient venus d’autres professionnels nous notifiant d’avoir manqué tel
ou tel nom. Sans vouloir être cinglant : peut être n’y avait-il pas
besoin d’un rapport comme le nôtre, certes. Mais posons le problème
autrement : comment se fait-il que sans réelle avancée majeure de la
discipline en dépit des rapports précédents, les ostéopathes crâniens
dans leur majorité ont continué à professer, sans tressaillir, sans
faire des « assises » urgentes de leur discipline ? Comment se fait-il
qu’il n’y ait pas eu urgence dans votre profession, devant un « bazar »
épistémologique et scientifique pareil ? C’est cette question à laquelle
il faudrait répondre.

L’équipe du rapport

Plus d’un an après la mise en ligne de
notre rapport, des réactions nouvelles surviennent encore. Voici la
dernière en date d’Eric Goyenvalle : ici et notre réponse ici.
Cette réponse sera la dernière de notre part, notre temps étant hélas
limité. Dorénavant, nous répondrons uniquement aux critiques qui, en
apportant des éléments nouveaux (nouvelles études expérimentales ou
études que nous aurions pu manquer) mettraient en cause nos conclusions
concernant l’efficacité ou la validité de l’ostéopathie crânienne.