CorteX Quantox Monvoisin

Avril 2013 Le CorteX dans Le Monde – Les charlatans de la physique quantique

 CorteX Quantox MonvoisinUn petit tour sur le vaste Web convainc vite qu’une théorie scientifique majeure du XXe siècle, la physique quantique, s’épanouit ailleurs que dans les labos de recherche. Médecines ou thérapies alternatives, voyance ou sectes religieuses en raffolent.

 

Les charlatans de la physique quantique

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | par David Larousserie

Ce grand foutoir ésotérico-thérapeutico-quantique a agacé Richard Monvoisin, enseignant en épistémologie et didactique des sciences à l’université de Grenoble. Au point de vouloir désintoxiquer le lecteur des fausses idées qui fleurissent sur la mécanique quantique, répandues par souci commercial par quelques gourous. Fidèle à la ligne de la maison d’édition Book-e-book, spécialisée en zététique, la discipline qui enseigne l’art du doute et développe l’esprit critique, l’auteur en profite aussi pour expliquer ce que dit ou ne dit pas cette fameuse mécanique quantique. Car son côté bizarre (mais qui marche, dans les transistors, les disques durs ou les lasers…) prête le flanc à moult récupérations.

L’équivalence masse-énergie sert à justifier que l’énergie du corps peut réparer ou créer de nouvelles cellules de notre organisme. La dualité onde-particule se confond avec le duo corps-esprit. Le fameux principe d’incertitude d’Heisenberg ouvre grandes les portes d’une incertitude générale de la connaissance, que d’autres notions, mystérieuses, pourraient combler. Le chat de Schrödinger, « mort et vivant », est utilisé comme preuve que la conscience peut tout. Bref, avec des mots nouveaux et des concepts scientifiques subtils, il est facile d’impressionner le chaland.

A qui la faute ?

Avec humour et pédagogie, l’auteur démonte toutes ces constructions et surinterprétations. À l’aide d’un phare, il réalise un dispositif permettant de filer plus vite que la lumière. Avec un cylindre, vu selon l’angle tantôt comme un cercle ou comme un rectangle, il crée une dualité qui, certes, n’a rien de quantique, mais qui correspond à la version faussée de quelque charlatan. Des démonstrations sans appel.

Une dernière partie, provocatrice, pose une question dérangeante : à qui la faute ? Certes, les gourous eux-mêmes peuvent séduire et tromper sciemment. Mais la faute repose aussi, selon l’auteur, sur un acteur inattendu, la vulgarisation scientifique. Autrement dit, les rois du genre que sont les mensuels Science & Vie et Sciences et avenir auraient une part de responsabilité dans ces distorsions quantiques. En jouant avec les concepts pour séduire les lecteurs, ils créeraient plus de confusion que d’information. Et planteraient des graines qui germeront en crédulité… Malheureusement, cette audacieuse et très critiquable hypothèse n’est que trop peu développée. Pour en savoir plus, le lecteur curieux devra se référer à la thèse de Richard Monvoisin, soutenue en octobre 2007, Pour une didactique de l’esprit critique (accessible sur www.cortecs.org/bibliotex).

Dans la même collection, signalons aussi la parution d’Esprit critique es-tu là ? 30 activités zététiques pour aiguiser son esprit critique. Riche et amusant.

Quantox, par Richard Monvoisin (Book-e-book, 60 p., 11 €).

CorteX_Femmes-Machine_Herstal

Histoire et luttes des femmes – Projet Histoire des luttes sociales

Vous avez lu les bases du Projet Histoire des luttes sociales, paysannes, populaires, féminines... Vous voici dans l’onglet Histoire et luttes des femmes. Dans quelle mesure se sont orchestrées les luttes contre les discriminations liées au sexe biologique féminin ou apparenté ?
 
Attention – Il ne s’agit pas de la place des femmes dans l’histoire des sciences, qui fait l’objet d’un autre article : Histoire alternative des sciences.

 

Madeleine Pelletier

Une vie, une œuvre, sur France Culture, le 30 septembre 2017 porte sur Madeleine CorteX_Madeleine_PelletierPelletier, première femme médecin diplômée en psychiatrie en France, mais surtout figure féministe de premier plan. Autrice de nombreux articles, essais, romans et pièces de théâtre, elle est rendue hémiplégique en 1937 par un accident vasculaire cérébral, puis se fait interner de force en asile psychiatrique en 1939, inculpée pour avoir pratiqué un avortement.

Télécharger

Les féministes en Inde : deux siècles de combats

CorteX_manifestation_viols_Calcutta_3.01.2014« Les Français qui s’intéressent de près à l’évolution de l’Inde sont moins nombreux que les Britanniques, en conséquence très directe de la colonisation. Il n’empêche que l’essor économique et scientifique de ce pays a tourné vers lui les regards, chez nous, bien davantage depuis quelques temps. Et qu’en conséquence directe a grandi l’intérêt pour les équilibres et les déséquilibres de cette société qui nous paraît à tant d’égards si lointaine en dépit de la mondialisation. La situation qui y est faite aux femmes suscite en particulier sous l’effet de cette curiosité renouvelée une attention qui est ranimée de loin en loin par des nouvelles impressionnantes pour ne pas dire terrifiantes. Voici un peu plus d’un an, le viol collectif et les tortures qui ont causé la mort d’une jeune femme dans un autobus de New Dehli, ont frappé d’autant plus les esprits qu’ils ont provoqué une formidable vague de protestation et de solidarité parmi la classe urbaine moyenne. Le procès des criminels a été retentissant. La chaîne de télévision NDTV a affiché en boucle sur l’écran : « En Inde une femme est violée toutes les 22 minutes ». Si bien que l’on a vu surgir ici en France un intérêt inédit non seulement pour l’histoire dans ce pays d’une subordination atavique d’un sexe à l’autre, mais pour la vaillance, l’énergie, les stratégies de celles qui depuis deux siècles ont conduit à tous risques un combat contre l’oppression. Le passé du féminisme en Inde, fort méconnu en France, est propre à éclairer ses avancées et ses faiblesses contemporaines. Martine van Woerkens, de l’École pratique des hautes études, s’est penchée sur ce sujet avec une compétence reconnue, et je l’ai priée de venir en traiter pour nous aider à restituer la profondeur temporelle sans laquelle la tragédie dont il s’agit risquerait de nous apparaître comme un fait divers difficile à déchiffrer ». Jean-Noël Jeanneney . L’émission a été diffusée le 18 janvier 2014 sur France Culture.

Bibliographie :

– Martine VAN WOERKENS, Nous ne sommes pas des fleurs : deux siècles de combats féministes en Inde, Albin Michel, 2010.

– Catherine WEINBERGER-THOMAS, Cendres d’immortalité. La crémation des veuves en Inde, Seuil, 1996.

– Bénédicte MANIER, Quand les femmes auront disparu. L’élimination des filles en Inde et en Asie, la Découverte, 2006.

– VIRAMMA et Josiane et Jean-Luc RACINE, Une vie paria. Le rire des asservis en Inde du Sud, Plon-Éd. de l’Unesco, « Terre Humaine », 1994.

Moi, Phoolan Devi

Phoolan Devi, femme indienne au chemin politique exceptionnel, a été assassinée le CorteX_Phoolan_Devi25 juillet 2001 à Dehli.  Ce documentaire en deux parties, enregistré en janvier 2015 dans l’état de l’Uttar Pradesh, raconte  le parcours de cette  femme, issue d’une basse caste, insoumise, hors la loi, puis élue députée de son état. Au-delà du mythe, c’est son combat profondément féministe, et son héritage, que nous interrogeons quatorze ans après.  Un documentaire de Julie et Jean-Philippe Navarre, prise de son en studio et mixage d’Alain Joubert, diffusé les 9 et 10 mars 2015 dans Sur les docks, sur France Culture. Merci à Yannick Siegel pour cette trouvaille.

Partie 1 : du village aux ravines. Télécharger

Partie 2 : de la geôle au Parlement. Télécharger

Gamal Abdel Nasser et le voile

Extrait de discours de Gamal Abdel Nasser, président d’Égypte, 1953, à propos du voile.

Télécharger

Filles et garçons à l’école depuis Jules Ferry

CorteX_filles_ecoleVoici peu de semaines, une rumeur s’est répandue sur la Toile avec la vélocité que celle-ci peut offrir aux extravagances les plus débridées. Une vaste opération aurait été en cours, dans toute l’école publique du pays destinée à déformer le cerveau des jeunes enfants des écoles élémentaires en brouillant leur identité sexuelle. Il s’agirait d’imposer une théorie du genre, formulation venue des États-Unis, selon laquelle, à en croire ses détracteurs, la différence entre les garçons et les filles seraient exclusivement de l’ordre de l’acquis et nullement de la nature. Cette prétendue entreprise était évidemment un fantasme. À l’origine on trouve une expérimentation d’ateliers destinés à lutter dès le plus jeune âge contre un certain nombre de stéréotypes sur les filles et les garçons et la répartition de leurs rôles, expérimentation intitulée ABCD de l’égalité. La rumeur, reprise par divers politiques de l’opposition de droite, fut assez efficace pour appuyer un appel au boycott à l’initiative de parents, d’une journée de classe, JRE, c’est-à-dire Journée de Retrait de l’école. Non sans un certain succès. À la fin de janvier dernier, le directeur de l’Enseignement scolaire a dénombré publiquement cent établissements touchés dans quatorze académies. Cette émotion artificielle devrait retomber assez vite, mais elle invite impérieusement à un examen, à ce micro, de la question plus sérieuse des relations entre les filles et les garçons à l’école depuis le XIXe siècle, et en particulier depuis les réformes de Jules Ferry : éclairage utile sur les équilibres successifs d’une société au primordial d’elle-même. Rebecca Rogers, professeur à l’Université Paris Descartes, spécialiste appréciée de ce sujet, est l’invitée de Jean-Noël Jeanneney ce 12 avril 2014 sur France Culture.

Télécharger

Les « remarques », cartes à jouer fixées sur les couffins abandonnés

Chronique de Perrine Kervran, La Fabrique de l’histoire, sur France Culture le 16 mai 2014. Cet extrait revient sur les modalités d’abandon des bébés du XVIIIe siècle à maintenant, avec les dilemmes classiques du type : l’invention du tour d’abandon (sorte de cavité en bois qui tourne) pour placer les bébés afin d’éviter les chiens errants, les roues de carrosse et les intempéries, permet aussi l’anonymat. Or vaut-il mieux ne rien organiser, ou encadrer l’abandon pour protéger les enfants, quitte à voir le nombre d’abandons augmenter ?

Télécharger

Ordonnance interdisant aux femmes de porter des vêtements d’homme

Ordonnance du préfet de police de porter des habits que la coutume attribue à l’autre SONY DSCsexe, 16 brumaire an 9, 16 novembre 1800, jamais abrogée depuis.

C’est chose faite depuis… 2013 – voir Abrogation de l’interdiction du port du pantalon pour les femmes. Référence est faite au livre de Christine Bard, Une histoire politique du pantalon,Paris, Seuil, 2010, 392 p.

Télécharger

Publications et organes génitaux

Dans PlOS1, une suédoise et deux australiens ont étudié 400 publications parues entre 1989 et 2013 sur les organes génitaux toutes espèces confondues. 42 % portent sur les deux sexes, 50 % ont porté sur le pénis, 8 % sur le vagin. Est-ce du sexisme ? Ca dépend. Explication de Tatiana Giraud, et contre-avis d’Elisabeth Gimenez. Extrait de la tête au carré sur France Inter le 12 mai 2014

Télécharger

Loi sur l’avortement de 1920

par Amélie Meffre, Fabrique de l’histoire, France Culture,28 novembre 2014

Chronique « Un saut dans la loi« , diffusée dans La Fabrique de l’histoire, sur France Culture, le 29 novembre 2014.

Télécharger

Mercredi, les députés ont adopté une résolution réaffirmant le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), quarante ans après l’ouverture des débats de la loi Veil instaurant le droit à l’avortement. Une loi qui, après celle de 1967 sur la contraception, abolissait le texte de 1920 qui condamnait la provocation à l’avortement. C’est l’occasion de revenir sur ce texte.

En fait, cette loi du 31 juillet 1920, elle vise avant tout à s’attaquer aux néo-malthusiens qui prônent une restriction des naissances, parce que l’avortement est déjà réprimé par l’article 317 du Code pénal de 1810. Ce dernier prévoit que « Quiconque par aliments, breuvages, médicaments, violences, ou par tout autre moyen, aura procuré l’avortement d’une femme enceinte, sera puni de réclusion ». La même peine sera appliquée à l’avortée. Tout au long du 19e siècle, les débats vont portés sur cet article 317, certains réclamant son abrogation, d’autres son renforcement. Alors qu’on assiste à une généralisation de l’avortement due notamment à un assouplissement de la tutelle religieuse sur les mœurs et à de nouveaux moyens comme les sondes intra-utérines, une bataille s’ouvre entre les néo-malthusiens et les natalistes. Celle-ci devient plus âpre à la fin du 19e siècle, au lendemain de la guerre franco-prussienne de 1870, quand on constate un fléchissement des naissances en France et une hausse en Allemagne. Dès lors, comme l’expliquent fort bien Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti dans leur « Histoire de l’avortement », ce dernier devient un problème politique et pas seulement moral.

Sous le slogan : « Assez de chair à plaisir ! De chair à travail ! De chair à canon ! Femmes, faisons la grève des mères ! », les néo-malthusiens prônent une restriction des naissances au sein du prolétariat. Celle-ci améliorera les conditions de vie, augmentera les salaires, du fait d’une baisse du nombre des travailleurs, et à plus long terme, ébranlera la société bourgeoise. Ils organisent davantage une propagande sur les moyens anticonceptionnels que sur l’avortement, même si ce dernier est un moyen de tuer dans l’œuf la misère. Leurs thèses s’étalent dans les journaux, les tracts et lors de conférences publiques. En 1896, le pédagogue libertaire Paul Robin fonde la Ligue pour la Régénération humaine. La légalisation de l’avortement fait encore son chemin chez certains médecins qui ont montré qu’au premier stade de la gestation, l’embryon n’est pas encore un être humain. Pour le docteur Madeleine Pelletier, féministe et socialiste radicale : « La femme enceinte n’est pas deux personnes, elle n’en est qu’une et elle a le droit de se couper les cheveux, les ongles, de se faire maigrir ou engraisser. » Elle déclare : « Sur notre corps, notre droit est absolu puisqu’il va jusqu’au suicide.»
Au nom de l’eugénisme ou de la défense de la dignité de la mère, certains défendent aussi le droit à l’avortement. Ainsi, le docteur Klotz-Forest déclare : «En punissant l’avortement, la société force la femme à faire naître un enfant, elle ne s’inquiète pas des tares héréditaires auxquelles cet enfant peut être condamné, elle ne protège même pas la femme contre une maternité particulièrement odieuse: celle du viol. […] »
En face, les natalistes crient au crime antipatriotique et créent l’Alliance nationale contre la dépopulation. « Comment maintenir sur la terre la race française ?» s’alarme le docteur Bertillon qui voit dans l’avortement un péril national. Les repopulateurs comme on les nomme réclament un renforcement des sanctions contre les femmes qui avortent. Il faut dire que l’article 317 du Code de 1810 est peu appliqué, les jurys d’assises sont cléments envers les avortées. Le total des condamnations annuelles ne dépasse qu’exceptionnellement la trentaine. En guerre contre les néo-malthusiens, les natalistes s’emparent de certains procès retentissants pour mener bataille. Ainsi, en 1891, éclate l’affaire Thomas qui fait grand bruit. Clémence Thomas avoue avoir pratiqué des dizaines d’avortements depuis 20 ans. Lors de son procès, 49 femmes avortées comparaissent. Si la faiseuse d’anges écope de 12 ans de travaux forcés, les 49 prévenues sont acquittées. Le 17 décembre 1891, le député Georges Trouillot avec 11 de ses collègues déposent un projet de loi pour que les affaires d’avortement soient jugées en correctionnelle, afin d’éviter la clémence des jurys d’assises. En 1910, le garde des Sceaux Louis Barthou et le sénateur Odilon Lannelongue font de même, demandant aussi une répression accrue de la propagande néo-malthusienne. La Première Guerre mondiale interrompt les discussions qui ne reprennent qu’en 1919. Par souci de faire passer le texte rapidement, on extrait les mesures les plus consensuelles du projet de loi, à savoir la provocation à l’avortement et la propagande anticonceptionnelle. L’avortement reste un crime. La loi est adoptée le 31 juillet 1920 à une très large majorité. Le conflit de 14-18 est passé par là, pour beaucoup, il y a urgence à repeupler la France. Emprisonnement de six mois à trois ans et amende de 100 à 3000 francs pour quiconque aura fait campagne contre l’avortement ou aura vendu des moyens abortifs. Un mois à six mois de prison et une amende de 100 à 5000 francs envers ceux qui ont mené une propagande anticonceptionnelle. En fait, la loi de 1920 entrave toute forme d’information sexuelle et veut réduire au silence les néo-malthusiens. Malgré la loi, le nombre des avortements ne fléchit pas. En 1923, une autre loi va tenter de renforcer la répression, en abaissant les peines et en faisant passer l’avortement du statut de crime à celui de délit, afin d’éviter les jurys populaires. Mais là encore, rien n’y fait, les avortements sont aussi nombreux et la baisse de la natalité continue. Les théories anglo-saxonnes sur le contrôle des naissances vont se répandre dans les années 1930, la fameuse méthode Ogino a le vent en poupe, comme quoi la répression ne sert pas à grand chose.
Il faudra attendre les lois Neuwirth de 1967 et Veil de 1975 pour que les textes de 1920 et 1923 soient abolis. Enfin, sur le territoire français, car elles restent applicables dans les anciennes colonies comme actuellement au Burkina Fasso et jusqu’en 2006, au Togo.
On peut lire sur le sujet de Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti, « Histoire de l’avortement, XIXe-XXe siècle », paru chez Aubier en 2003.

1974 : le débat autour de la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse

CorteX_Simone_VeilCeux qui avaient voté Mitterrand au second tour de la présidentielle de 1974 n’attendaient pas de grands changements de la part de Valéry Giscard d’Estaing, mais pas non plus ceux qui avaient voté pour lui. Qui prévoyait que les mots prononcés pendant la campagne auraient un contenu ? Et voilà soudain que s’ouvrent des pistes qui paraissent inouïes. Par exemple, dans le domaine dit aujourd’hui « sociétal » : la majorité à 18 ans, le divorce par consentement mutuel, l’allocation au parent isolé, la suppression du registre dans les hôtels qui permettait de repérer les couples illégitimes…

Le débat sur l’avortement s’inscrit dans ce climat de réforme. A l’époque, la loi de 1920 était encore en vigueur et il suffisait d’un juge d’instruction vindicatif pour la réveiller. Des cars partaient chaque week-end pour Amsterdam, remplis de candidates à l’avortement. Michel Poniatowski, le premier conseiller de VGE, jugeait qu’il fallait agir vite, d’autant qu’une minorité de catholiques fondamentalistes chauffait les feux pour transformer la question en un enjeu politique de première grandeur.

Plus que des autorités religieuses, la difficulté allait venir des parlementaires de droite. VGE n’avait pas osé convoquer de législatives après la présidentielle. Sa toute neuve ministre de la Santé, Simone Veil, venue de la magistrature entra donc pour la première fois dans l’arène face à une majorité, en principe la sienne, mais déterminée à dire non comme elle l’avait déjà fait l’année d’avant pour une réforme de l’avortement bien moins libérale.

La sincérité n’allait pas suffire à Simone Veil. Il allait lui falloir le soutien personnel du Premier ministre Jacques Chirac, celui du président de l’Assemblée Edgar Faure et celui de la gauche.

Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 14 mai 2014.

Écouter ici : 

Télécharger

Joëlle Brunerie-Kauffmann et le Planning familial

CorteX_Joëlle_Brunerie-KauffmannJoëlle Brunerie-Kauffmann a été formée par le Planning familial. Avec elle, c’est l’histoire  de ce mouvement que nous allons retrouver. Les médecins et les hommes y jouaient un rôle éminent au départ. Et puis il y eut dissémination des savoirs, démocratisation des conduites. Nous étions dans l’après-68, à l’époque des Lip de Besançon. En parallèle se constituait un nouveau féminisme qui faisait du corps et de la sexualité des objets politiques. Le congrès de 1973 marque une coupure dans l’histoire du Planning avec l’avènement au premier rôle d’une génération de militantes qui ne craignaient pas la convergence avec ces mouvements.

Cette émission a été diffusée sur France Inter le 8 novembre 2013.

Écouter ici : 

Télécharger (29Mo)

Grossesse pour autrui

Émission Questions d’éthique, sur France Culture du 28 février 2013. Télécharger
(même si Madame Canto-Sperber a tout un tas de propos empreints de moralisme).

Sexisme chez les Geeks

Émission Sur la toile, sur France Culture du 6 avril 2013. Télécharger.

Le procès de Bobigny

Émission Les coulisses du condamné, sur France Culture du 17 avril 2013. Télécharger.

Féministes, et vous ?

Émission Sur les docks sur France Culture du 23 février 2012. Télécharger.

Femmes et pantalons

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 17 novembre 2012. Télécharger

Filles et garçons à l’école

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 avril 2014. Télécharger.

Histoire du viol et procès du viol

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 12 janvier 2013. Télécharger.

La silhouette

Émission Concordance des temps, de Jean-Noël Jeanneney sur France Culture du 13 octobre 2012. Télécharger

Manifeste des 343 salopes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 11 septembre 2013. Télécharger.

Loi Neuwirth

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 13 mai 2012. Télécharger

Mini-jupe

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 10 octobre 2012. Télécharger.

CorteX_Jane_ShrintonCorteX_Cathy_McgowanCorteX_Noele_Noblecourt

Anecdote : Noële Noblecourt (au téléphone) présentait l’émission Télé Dimanche en 1964 mais fit scandale, le port de sa jupe laissant apparaître ses genoux. Elle fut alors convoquée et licenciée par la chaîne, signe d’un puritanisme encore vivace dans les années 1960. Le magazine Télérama a mentionne « deux cents lettres de protestation » reçues par la RTF. C’est seulement une trentaine d’années après, dans une entrevue avec Vincent Perrot, qu’elle explique avoir été en réalité renvoyée pour avoir refusé les avances discrètes de Raymond Marcillac, alors directeur de l’information de la première chaîne.

Fermeture des maisons closes

Émission Au fil de l’histoire, de Patrice Liegibel sur France Inter du 21 mai 2014. Télécharger.

Émilie Carles, institutrice libertaire du briançonnais

CorteX_Emilie-CarlesC’est un remarquable ouvrage-témoignage que le livre de la vieille Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages.

Survol de la vie d’une femme du briançonnais engoncée dans de rudes montagnes, cette autobiographie sans complaisance narre l’histoire de cette institutrice, qui épousa un ouvrier anarchiste pacifiste, en épousa également les idées, et affronta les affres de son temps : 14-18, l’affaire Sacco & Vanzetti, 39-45, pétainisme, guerre d’Algérie et même, sur la fin, des revendications écologistes sur sa vallée, la vallée de la Clarée. Cet ouvrage court est un excellent support à offrir ou prêter, pour montrer que le vent de la contestation libertaire et des principes de justice ne naît pas forcément de la haute instruction et des bancs de l’université, et émerge parfois des terreaux les plus arides. La dureté de son existence, mis en rapport avec la solidité de ses engagements m’ont fait monter plus d’une fois les larmes aux yeux. Vous me direz, dans tout rationaliste il y a un sensible qui se cache et ne fait pas le malin.

Grand merci à Gilbert Charles pour m’avoir fait découvrir ce petit trésor. Emilie Carles, Une soupe aux herbes sauvages (1977) Pocket.CorteX_Carles_Soupe

Lucie Baud, syndicaliste soyeuse du Dauphiné

Petit entretien avec Michelle Perrot, à propos d’une syndicaliste oubliée et meneuse de grève en Dauphiné, Lucie Baud (1870-1913). Extrait de l’émission 26 octobre 2012 du La fabrique de l’histoire, sur France Culture.

CorteX_Lucie_Baud_Greve_Soierie

Michelle Perrot tente dans son nouvel ouvrage de reconstituer l’histoire d’un article « Les tisseuses de soie dans la région de Vizille » paru dans Le Mouvement socialiste, de Hubert Lagardelle en juin 1908 (pp. 418-425) et republié dans Le Mouvement Social dans le numéro d’oct-déc. 1978 (ici).

Michelle Perrot, Mélancolie ouvrière, Éditions Grasset, Paris 2012, 187 pages, 11 euros

On pourra lire également :

  • Ouvrières de la soie, d’Andrée Gautier, (en pdf ici)
  • Les syndicats féminins libres de l’Isère 1906-1936, de Martine Rattier et Andrée Gautier, CLIO. Histoire, femmes et sociétés, 3 | 1996 ().

Anecdote : depuis le 27 août 2012, un square portant le nom de Lucie Baud a été inauguré à Voiron.

Simone de Beauvoir

Émission Une vie une œuvre sur France Culture du 10 mai 2014 (rediffusion).

Nounous d’Afrique en France, le combat syndical des auxiliaires parentales

CorteX_Sylvie_Fofana_nounousCoup d’œil sur une lutte actuelle, dans ce reportage d’Aude-Emilie Judaique, pour l’Afrique enchantée, sur France Inter (diffusé le 20 mai 2012). « Elles sont nombreuses, ces femmes africaines qui en France gardent les enfants des Français. A croire qu’il n’y a qu’elles pour accepter ce travail pas reconnu, mal défini et source de bien des abus. Qui sont ces femmes qui s’occupent des enfants de la patrie ? » Avec Sylvie Fofana (en photo), Caroline Ibos et Oumou.

Écouter ici.

Pour en savoir plus sur la formation de L’ANIF (Association des nounous d’Ile-de-France) et du  SYNN (Syndicat National des Nounous) créées « pour apprendre aux nounous à ne plus se faire exploiter par des employeurs peu scrupuleux », on pourra consulter ceci ou cela.

Combat militant de la médecin féministe athée Taslima Nasree

Taslima NasreenEntrevue avec la médecin et femme de lettre féministe athée bangladaise Taslima Nasreen, tirée de l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. Sont abordés ses combats, l’exil forcé dans lequel elle se trouve depuis 17 ans, ses valeurs sécularistes humanistes et laïques ainsi son appel à l’athéisme et à la rationalité.

Sont montés dans le même document sonore l’introduction de S. Duncan et la suite de l’entrevue. Écouter :

Pour le site de Mme Nasreen, cliquez là.

La grève des ouvrières d’Herstal en 1966, un tournant pour l’histoire des femmes

Documentaire de CorteX_Femmes-Machine_HerstalSéverine Liatard et Christine Robert, La Fabrique de l’histoire, France Culture, 14 juin 2011, rediffusion du 13 décembre 2005.  

Écouter :

Télécharger

« En février 1966, les 3000 ouvrières de la Fabrique nationale d’arme d’Herstal (la FN) près de Liège en Belgique partent en grève, sans préavis, pour que soit appliqué l’article 119 du Traité de Rome visant à réduire les écarts salariaux entre hommes et femmes. Dans cette Fabrique (la FN) qui date de la fin du XIXème siècle, les ouvrières sont ponceuses, colleuses, monteuses d’armes, laveuses, emballeuses, contrôleuses, dégraisseuses. On les appelle les femmes-machines. Leurs tâches sont répétitives, leurs conditions de travail déplorables et elles n’ont pas accès à la formation professionnelle interne à l’entreprise. Elles ne disposent donc d’aucune possibilité de promotion dans l’entreprise et leur salaire est inférieur à celui d’un manœuvre masculin débutant. Des pourparlers sont en cours entre les syndicats et les entreprises mais la mise en application du principe toujours retardée. Les ouvrières décident spontanément d’arrêter le travail le 9 février. Elles demandent 5 francs d’augmentation. Une dizaine de jours plus tard, les syndicats reconnaissent la grève, un comité de grève est mis en place pour venir en aide aux grévistes. Bientôt l’usine est paralysée puisque les hommes de la FN sont mis au chômage. La direction de la FN résiste et ne propose que 50 centimes d’augmentation alors que d’autres usines du bassin liégeois sont également paralysées par des grèves. Au terme de négociations qui durent trois mois entre les syndicats (CSC et FGTB), la direction de la FN, et un délégué du Ministre de l’emploi et du travail, on aboutit à un accord : une augmentation de 2,5 francs. Lors de l’assemblée générale extraordinaire des grévistes, le 5 mai, le débat est houleux entre les ouvrières et les représentants syndicaux. On en vient finalement au vote par bulletin secret. C’est la reprise du tavail qui l’emporte. La déception est grande, pourtant ce mouvement a une réelle portée européenne : des délégations syndicales françaises, italiennes sont venues soutenir le mouvement ; la grève remet en débat la question de l’égalité des rémunérations à la Commission européenne et dans chacun des États membres ; elle marque aussi l’entrée plus massive des femmes dans l’action syndicale et oblige la société à s’interroger sur les problèmes posés aux travailleuses et la condition des femmes en général. Avec les témoignages de Charlotte Hauglustaine, Rita Jeusette, Jenny Magnée (toutes anciennes ouvrières grévistes) ; de Claude Gaier (cadre à la FN et historien), Annie Massay (déléguée syndicale) et Elyane Vogel-Polsky (juriste).
 

Une histoire des femmes, de Michelle Perrot

France Culture (octobrealt et novembre 2006)

Énorme et élégant travail de Michelle Perrot sur une histoire transversale des Femmes comme groupe social et anthropologique. C’est grâce à Myriam Benguérine que j’ai eu accès à cette œuvre (également hébergée sur le site L’agitation dans la boîte à outils).
 
 
 
 

1. Mon histoire des femmes

A télécharger ici.

2. Le silence rompu

A télécharger ici.

3. Les femmes représentées, discours et images

A télécharger ici.

4. Sources femmes dans les archives

A télécharger ici.

5. Voix de femmes, bibliothèque

A télécharger ici.

6. Les âges de la vie d’une femme

A télécharger ici.

7. Les apparences les cheveux des femmes

A télécharger ici.

8. Le sexe des femmes

A télécharger ici.

9. La maternité

A télécharger ici.

10. Le corps assujetti

A télécharger ici.

11.  Femmes et religions

A télécharger ici.

12. Hérétiques et sorcières

A télécharger ici.

13. L’accès au savoir

A télécharger ici.

14. Femmes et création, écrire

A télécharger ici.

15. La vie d’artiste

A télécharger ici.

16. Paysannes

A télécharger ici.

17. Le travail domestique

A télécharger ici.

18. Ouvrières

A télécharger ici.

19. Employées, institutrices, infirmières

A télécharger ici.

20. Comédiennes et danseuses

A télécharger ici.

21. Femmes en mouvement migrations et voyages

A télécharger ici.

22. Les femmes dans le temps de l’Histoire

A télécharger ici.

23. Les formes de l’action collective

A télécharger ici.

24. Féminismes

A télécharger ici.

25. Et maintenant ?

A télécharger ici.

Pour aller plus loin, on pourra regarder cette entrevue de fin 2010 et consulter :

CorteX_Perrot_Mon_histoire_des_femmesMon histoire des femmes, Éditions du Seuil, Paris, 2006, 251 p., que Michelle Perrot présente ici le 19 mai 2006 en quelques trop courtes minutes.

CorteX_Perrot_Duby_Histoire_des_femmesGeorges Duby et Michelle Perrot (dir.), Histoire des femmes en Occident, Plon, Paris, 1990-1991 (5 volumes).

Combat de la Begum Hazrat Mahal contre l’Empire Anglais dans l’Uttar Pradesh en 1856

CorteX_Begum_Hazrat_MahalVoici une histoire pratiquement oubliée, narrée par la journaliste et romancière Kénizé Mourad dans l’émission de Stéphanie Duncan Les femmes, toute une histoire, sur France Inter, enregistrée lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois le 16 octobre 2011. L’histoire porte sur une femme, Hazrat Mahal, qui faillit bouter les anglais hors des Indes en prenant la tête de la révolte des cipayes vers 1856-1857 à Lucknow, et en tenant tête à l’armée britannique pendant presque deux ans.

CorteX_Hazrat_Mahal_Dans_la_ville_dor_et_d_argent

Sont collés dans l’extrait l’introduction par S. Duncan et l’histoire de Mme Mourad (6mn45).

Quitte à être critique, on regrettera dans la fin de l’extrait un exemple involontaire de racisme ordinaire, que nous avons laissé : dire que les Indiens sont « d’une tolérance remarquable » (ou non) est du même tonneau que de dire que les Africains sont sympas, les Asiatiques sages et les Auvergnats radins (cf. Racisme ordinaire).

Le roman de K. Mourad, basé sur les faits politiques réels, s’appelle Dans la ville d’or et d’argent (R. Laffont).

Les vies radicales d’Helen Keller, sourde, aveugle et rebelle

CorteX_helen_KellerDocumentaire d’Inès Leraud, en deux parties sur la vie d’Helen Keller (1880-1968,) atteinte de surdi-cécité à l’âge de dix-neuf mois.

« Grâce aux soins d’Ann Sullivan, elle réussit à communiquer, à lire, à écrire, à parler. Elle fut diplômée de l’université et devint un des personnages les plus célèbres des États-Unis, reçue aussi bien par Eisenhower que Kennedy. Mais ses engagements de femme progressiste sont aujourd’hui gommés des mémoires. Socialiste, féministe, militante, Helen Keller fut de tous les combats« .

Diffusé dans les émissions du 13 et 14 septembre 2011 de Là-bas si j’y suis de Daniel Mermet, sur France Inter.

Écouter l’émission 1 :

Le second épisode poursuit le reportage, et donne la parole à Annie Van Espen, présidente du CRESAM (Centre de Ressource Expérimental pour enfants et adultes Sourds-Aveugles et sourds-Malvoyants).

Écouter l’émission 2 (avec quelques messages du répondeur en lien avec l’émission 1) :

 

 

Pour aller plus loin ? On regardera également ces deux documents d’époque.

Anne Sullivan expliquant comment Helen Keller apprit à parler (1930 Newsreel Footage)

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=Gv1uLfF35Uw]

Et Helen Keller s’exprimant.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=8ch_H8pt9M8]

Filmographie :

  • Miracle en Alabama (The miracle worker) d’Arthur Penn (1962)
  • Black, de Sanjay Leela Bhansali (2005)

Bibliographie :

  • Helen Adams Keller, Sourde, muette, aveugle (autobiographie) (rééd. 2001).
  • Margery Weiner, Helen Keller (1971).
  • Margaret Davidson, La métamorphose d’helen Keller (2001).
  • Lorena A. Hickok, L’histoire d’Helen Keller (2005).

Nous avons également parlé de la BD portant sur sa vie et celle de son professeur Ann Sullivan ici.

Le National Woman’s Party et le droit de vote des femmes aux Etats-Unis

Voici des extraits de la série Boardwalk Empire, de Martin Scorsese et Terence Winter, 2011.

[dailymotion id=xmmgsu]

[dailymotion id=xmmgvb]

Ces passages font référence au National Woman’s Party (NWP) créé en 1915 qui militera pour le droit de vote des femmes aux États-Unis. C’est en août 1920 que le dix-neuvième amendement de la Constitution va concéder le droit de vote aux femmes en ces termes :alt

« Le droit de vote des citoyens des États-Unis ne pourra être dénié ou restreint pour cause de sexe par les États-Unis ni l’un quelconque des États. Le Congrès aura le pouvoir de donner effet au présent article par une législation appropriée. »

Vous voulez voir d’autres représentations des sciences dans les fictions TV ou cinéma ? C’est là.

Vous avez vu / entendu quelque-chose au sujet des luttes des femmes ? Ecrivez-nous.

Collection gérée par Richard Monvoisin & Nicolas Gaillard

documentaire de Séverine Liatard et Christine Robert

Sophisme écologique

Nous avons rencontré le sophisme écologique pour la première fois chez Skrabanek et McCormick, dans « Idées folles et idées fausses en médecine » (Odile Jacob, 1993, p. 36).


Le cas typique est celui de la recommandation à un individu d’un trait de régime particulier propre à un peuple réputé vivre vieux (Sardes, Japonais, etc.). Ces auteurs insistent sur l’importance que prend ce sophisme dans des domaines comme la prévention des cardiopathies ischémiques. La mortalité due à cette affection a été corrélée à de très nombreuses variables, parfois différentes d’un pays à l’autre. De nombreux médecins ont ainsi été conditionnés à recommander des modifications de régime et de style de vie sans l’appui démonstratif de données expérimentales. « Fait étonnant, ajoutent-ils, le taux de mortalité infantile et le nombre de médecins sont parallèles dans dix-huit pays développés (référence : éditorial, « The anomaly that wouldn’t go away », Lancet, nov. 1978, 4;2(8097)). Ce serait cependant pousser le bouchon un peu loin que de recommander, sur la foi de cette observation, de limiter le nombre de médecins. » On retrouvera ce sophisme agrémenté de l’argument d’exotisme dans les thérapies Nouvel-Âge : parce que nos anciens/les Bushmen du Kalahari/les Aborigènes/Les Indiens d’Amazonie/les Tibétains ont telle ou telle aptitude, il est conseillé d’emprunter un élément de leur régime qui corrobore la pseudo-théorie médicale. De tels argumentaires sont vantés dans les thérapies ayurvédiques et dans le mouvement du crudivorisme et de l’instinctothérapie en France.

D’autres exemples simples :
  • tirer de la moyenne des tailles du pénis humain d’un pays un « pénis » moyen (cf. Monvoisin, Baudruche médiatique : Linux et les pénis)
  • tirer d’une suite de commentaires ou de témoignages un avis « moyen » (cf. Décortiqué – Argumentaires sur Le Mur – II)
  • tirer d’une moyenne des Quotients Intellectuels d’un pays un QI moyen du pays.

Pour une approche plus poussée de ce sophisme, voir S. Greenland et J. Robins, « Invited commentary: ecological studies-biases, misconceptions, and counterexamples », Am. J. Epidemiol., 1994, 139:747-60.

alt

Décortiqué – Argumentaires lacaniens sur Le Mur, par J. Van Rillaer

Vous venez du  TP « A décortiquer – Argumentaires lacaniens sur Le Mur« . Voici l’analyse de l’analyse de M. Gosset, proposé par le Pr. Jacques Van Rillaer*, et montrant des sophismes classiques des lacaniens, à savoir :

Mensonges (points 1 et 2)

Insinuations malveillantes (point 3)

Récit d’un cas pour démontrer la pertinence de leurs cures (point 3)

Conception grotesque de ce qu’est la science (point 4)

Logomachie (point 5)

Double langage (point 6)

Pseudo-explications par de simples analogies (point 7)

Le « tic de l’étic » (point 8)

et autres points…

À vous de juger sur pièce.


 Mensonges

1) P-Y. Gosset écrit :

« [Sophie Robert] œuvre selon ce grand principe de toutes les méthodes comportementales : réduire l’autre au silence, le faire taire. C’est le fil conducteur de toute cette propagande »

Gosset ne cite pas un seul propos écrit d’un comportementaliste de renom affirmant qu’il faut réduire l’autre au silence ou qui, tout simplement, suggère une attitude aussi grotesque.

La psychologie scientifique a montré depuis des décennies toute l’importance de l’écoute, de l’empathie, de la bienveillance. Le/la comportementaliste qui négligerait une attitude d’empathie bienveillante non seulement manquerait d’éthique, mais encore agirait en opposition avec ce que sa discipline a démontré.

Rappelons :

a) Il ne suffit pas d’« on dit » pour argumenter sérieusement.

b) La majorité des psychanalystes (surtout les lacaniens) qui parlent du comportementalisme racontent des choses totalement fausses et souvent tout à fait extravagantes. En lisant par exemple le texte suivant, d’une vingtaine de pages, le lecteur pourra se faire un avis en connaissance de cause, avec des informations basées sur des preuves solides (et non sur des caricatures ridicules) : Les TCC : la psychologie scientifique au service de l’humain.

c) Contrairement aux titres légaux « psychiatre » et « psychologue », ceux de « comportementaliste » et de « psychanalyste » sont des titres dont n’importe qui peut se prévaloir dans n’importe quel pays de la planète, ayant fait des études ou non.

Il est donc parfaitement possible qu’il y ait « quelque part » des comportementalistes qui se conduisent comme le dit Gosset. Mais il ne s’agit évidemment pas du « grand principe de toutes les méthodes comportementales ». Cette affirmation est un mensonge. Il suffit d’interroger des parents d’autistes qui ont eu affaire à des psychanalystes et d’autres qui ont eu affaire à des comportementalistes, par exemple l’adorable Francis PERRIN : Témoignage de Perrin.
 
Note de N. Gaillard : Voici un court montage vidéo avec justement Francis Perrin qui évoque les méthodes comportementales, et dénonce l’immense difficulté en France pour choisir une prise en charge plutôt qu’une autre.
[dailymotion id=xmv6cg]

 

2) P-Y. Gosset :

« En contraste, un plan de cette vidéo présente une chercheuse de l’INSERM qui développe à l’aise, sans interruption aucune ni commentaires, les résultats de sa recherche devant un écran plat. »

Est-ce un acte manqué ? Une manipulation ?  Dans le film « Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme », la chercheuse de l’INSERM n’apparaît pas une seconde. Il s’agit d’un autre film !

Selon Freud, un acte manqué masque toujours une intention cachée. Selon ce postulat, P-Y. Gosset essaie de dissuader de visionner le film « Le Mur », comme Mme Roudinesco a tenté de dissuader de lire Le Livre noir de la psychanalyse ou Le crépuscule d’une idole de Michel Onfray, en lançant sur l’Internet des analyses remplies de mensonges (voir ici).

Insinuations malveillantes & récit d’un cas pour démontrer la pertinence de leurs cures

3) P-Y. Gosset :

« Cette chercheuse a, grâce à des moyens techniques sophistiqués, enregistré le parcours oculaire d’enfants qu’elle dit autistes […] Elle peut ainsi montrer ce que les enfants qu’elle dit autistes ont regardé sur les scènes présentées »

P-Y. Gosset distille le doute sur le fait que les enfants examinés soient des enfants présentant un trouble autistique. Ils sont « dits » autistes par la chercheuse… mais ne le sont peut-être pas.

Par contre, un peu plus loin, il parle de façon louangeuse de « Jacqueline BERGER, mère de deux enfants autistes », qui a écrit un livre qui s’insurge contre l’explication purement génétique de l’autisme. N’aurait-il pas dû écrire ici également que Mme Berger est mère de deux enfants qu’elle « dit » autistes ? Je veux bien croire Mme Berger, mais je ne puis m’empêcher de rappeler, à cette occasion, que des psychanalystes ont inventé des récits de cas. Voyez par exemple le Journal d’une adolescente, un faux magistral de Hermina Hug-Hellmuth, la première psychanalyste d’enfants. Le long récit, inventé de toutes pièces, fut qualifié par Freud de « petit bijou » … parce qu’il illustrait parfaitement sa théorie de la sexualité.

Des milliers d’enfants présentant un trouble autistique sont passés par les mains des freudiens, des kleiniens, des lacaniens. On attend toujours une étude méthodique sur leurs résultats, publiée dans une des centaines de revues de médecine ou de psychologie scientifiques de haut niveau. Le récit, sans doute émouvant de Mme Berger (je ne l’ai pas lu), n’est en rien une preuve de l’efficacité de l’approche freudienne ou lacanienne d’enfants présentant un syndrome autistique.

La médiocrité des résultats des cures freudiennes et lacaniennes ne concerne pas seulement l’autisme. Elle se constate dès que les problèmes sont sérieux. Il faut lire à ce sujet le livre du meilleur historien actuel du freudisme (qui a travaillé des années aux archives Freud à Washington), Mikkel Borch-Jacobsen :

CorteX_Borch-J_Patients_Freud

Les patients de Freud. Ed ? Sciences Humaines, 2011, 224 p., 14 €

  • Interview de cet historien

Sur les 31 patients de Freud bien identifiés, seulement 3 se sont améliorés après la cure !

Note de R. Monvoisin : une émission sur France Inter (La Tête au carré) a été consacrée à ce livre.
On peut l’écouter ici :

 

Conception grotesque de ce qu’est la science

4) P-Y.Gosset :  

« Si violence il y a envers les enfants autistes et les parents d’enfants autistes, elle est ailleurs, dans le fait de la ségrégation que génère le discours de la science »

Qu’est-ce que la démarche scientifique ? Tout simplement une recherche qui veut des faits observables pour bâtir des hypothèses et d’autres faits observables pour accepter ou réfuter des hypothèses. Mais ceci implique de conceptualiser, distinguer, classer, évaluer, vérifier. Gosset est lacanien, c’est un homme du Discours. Il cite son Maître à penser pour dire les choses les plus banales, que plus personne ne conteste :

« Entre tous les groupes humains, la famille joue un rôle primordial dans la transmission de la culture et […] prévaut dans la première éducation » (Lacan, Autres Ecrits p. 24-25)

J’aurais préféré qu’il ose citer ces propos de Lacan, désabusé, au terme de sa vie :

« La psychanalyse est une pratique délirante, mais c’est ce qu’on a de mieux actuellement pour faire rendre patience à cette situation incommode d’être homme. C’est en tout cas ce que Freud a trouvé de mieux. Et il a maintenu que le psychanalyste ne doit jamais hésiter à délirer » (Ouverture de la section clinique, Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1977, n° 9, p. 13).

« La psychanalyse n’est pas une science. Elle n’a pas son statut de science, elle ne peut que l’attendre, l’espérer. C’est un délire — un délire dont on attend qu’il porte une science. On peut attendre longtemps! Il n’y a pas de progrès, et ce qu’on attend ce n’est pas forcément ce qu’on recueille. C’est un délire scientifique » (L’insu que sait de l’une-bévue s’aile a mourre [sic], Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1978, n° 14, p. 9).

« La psychanalyse est à prendre au sérieux, bien que ce ne soit pas une science. Comme l’a montré abondamment un nommé Karl Popper, ce n’est pas une science du tout, parce que c’est irréfutable. C’est une pratique, une pratique qui durera ce qu’elle durera. C’est une pratique de bavardage » (Une pratique de bavardage. Ornicar? Bulletin périodique du champ freudien, 1979, n° 19, p. 5).

Logomachie
 

5) P-Y. Gosset :

« Les psychanalystes, depuis FREUD, ne font que travailler sur le nouage entre corps, langage et imaginaire. FREUD a d’ailleurs commencé par là : voir ses Etudes sur l’hystérie. »

Ceci demande une explicitation qui, malheureusement, est absente. C’est presque aussi obscur que les affirmations par lesquelles Lacan terminait son interview à l’ORTF, publiée après relecture dans son livre Télévision (éd. Seuil, 1973) :

« L’interprétation doit être preste pour satisfaire à l’entreprêt. De ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parie que du père au pire » [sic] (dernières lignes du livre ; réédité dans : J. Lacan, Autres écrits, Seuil, 2001, p. 545).

Faut-il rappeler qu’un savant aussi éminent que Claude Lévi-Strauss ne comprenait pas ce que Lacan racontait à son séminaire … et a fini par oser le dire : témoignage de Lévi-Strauss

Lacan était un génie de la mystification verbale. Il a réussi à dissimuler la pauvreté de ses nouveautés théoriques et son inefficacité pratique par une logomachie pédante, voire délirante, qui fera date dans l’histoire des impostures intellectuelles.

Double langage
 

6) P-Y. Gosset :

« La relation mère-enfant comprend quelque chose de la folie ». Oui ! Toute relation humaine a quelque chose de « fou », dans le sens de « singulier », hors normes, car il n’y a pas de normalité en cette affaire si l’on veut bien ouvrir les yeux et les oreilles. »

P-Y. Gosset illustre ici parfaitement le double langage des psychanalystes.

Relisez bien : « singulier » = « fou ».  Mais, par certains aspects, nous sommes tous « singuliers ». Mes empreintes digitales et mon histoire, comme les vôtres, se distinguent de celles de tous les habitants de la planète. Donc tous « fous » ? Mais que veut dire alors ce mot ? Cette façon d’équivoquer, avec des termes comme « sexualité », « Œdipe », « castration », « Phallus », etc., permet de répondre à toute objection : « Mon pauvre ami, vous n’avez rien compris »

Un exemple typique de Lacan : le 26 février 1977, Lacan fait une conférence Bruxelles, où il déclare :

« Notre pratique est une escroquerie, bluffer, faire ciller les gens, les éblouir avec des mots qui sont du chiqué, c’est quand même ce qu’on appelle d’habitude du chiqué. […] Du point de vue éthique, c’est intenable, notre profession ; c’est bien d’ailleurs pour ça que j’en suis malade, parce que j’ai un surmoi comme tout le monde. […] Il s’agit de savoir si Freud est oui ou non un événement historique. Je crois qu’il a raté son coup. C’est comme moi, dans très peu de temps, tout le monde s’en foutra de la psychanalyse. » (Extraits publiés dans Le Nouvel Observateur, 1981, n° 880, p. 88).

Pour calmer ses disciples parisiens avertis par des collègues belges, Lacan fait son séminaire suivant à Paris (15-3-1977) sur « L’escroquerie psychanalytique » et précise :

« Je pense que, vous étant informés auprès des Belges, il est parvenu à vos oreilles que j’ai parlé de la psychanalyse comme pouvant être une escroquerie. […] La psychanalyse est peut-être une escroquerie, mais ça n’est pas n’importe laquelle — c’est une escroquerie qui tombe juste par rapport à ce qu’est le signifiant, soit quelque chose de bien spécial, qui a des effets de sens » (L’escroquerie psychanalytique. Ornicar ? Bulletin périodique du champ freudien, 1979, n° 17, p. 8).

On pourra lire des détails sur la tactique du double langage.

Pseudo-explications par de simples analogies

7) P-Y. Gosset approuve tout à fait l’épisode du crocodile. Relisons ce qu’il écrit :

« La gueule du crocodile qu’il faut toujours empêcher de se refermer à l’aide d’un bâton ». On peut voir dans ce montage vidéo une psychanalyste qui témoigne de son travail avec des enfants autistes. Elle fait des constructions théoriques dans son cabinet, en jonglant avec les animaux en peluche qui font partie de ses outils de travail. Comment nier l’immense intérêt des enfants pour la vie des animaux et ce qu’ils leur permettent de symboliser ! Le premier cas d’enfant amené par son père chez FREUD, n’était-il pas un petit garçon de 5 ans et demi, envahi par une phobie des chevaux, du temps où ceux-ci couraient encore les rues ?

La gueule du crocodile ? Mais elle représente l’irreprésentable : ce qui risque de vous bouffer tout cru ! Ce n’est pas la mère proprement dite, bien entendu ! Mais dans l’imaginaire fantasmatique de l’enfant, sa toute puissance sur lui, qui pourrait bien n’être pas que bienveillante. Le bâton ? Ce n’est pas le père en tant que tel, bien sûr (il n’a plus beaucoup de poids, de nos jours), mais ce que LACAN a redéfini d’une fonction : ce qui dirige le désir de l’enfant sur autre chose que sur sa mère et qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant. N’oublions pas qu’une mère est une femme et l’enfant, son objet.

7.1. Rappelons que le premier cas d’enfant analysé par Freud, auquel Gosset fait allusion, est le Petit Hans, qui avait développé une peur des chevaux après que des chevaux, tirant une lourde voiture, soient tombés bruyamment. Freud avait étiqueté : « hystérie d’angoisse » (Angsthysterie). Ce pauvre enfant a été l’objet d’un conditionnement massif par la théorie freudienne. On pourra lire un exposé du cas de Hans (Fritz) et des réflexions critiques

S’y trouve aussi présenté le patient le plus célèbre de Mélanie Klein : le petit Fritz, dont on a appris longtemps après la publication qu’il était son propre fils ! C’est ce qui s’appelle, dans le jargon freudien, une « analyse incestueuse ». 

7.2. La réponse du lacanien illustre une fois de plus le principe de l’interprétation « profonde » par de simples analogies et le principe « trouver le sens inconscient = guérer »

Relisez : le bâton = « ce qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant ».

Avec ce même type d’« herméneutique », Freud expliquait n’importe quoi, par exemple que le tabagisme est le substitut inconscient de la masturbation. Soulignons que Freud, malgré la connaissance de la signification « profonde » de cette dépendance, n’a jamais réussi à s’en délivrer en dépit de plusieurs tentatives.

Faut-il encore rappeler le dogme fondamental du freudisme ? Freud écrit, dans les célèbres Leçons d’introduction à la psychanalyse (1917) :

« J’entends affirmer avec Breuer ce qui suit : chaque fois que nous sommes en
présence d’un symptôme, nous pouvons en conclure qu’il existe chez le malade
des processus inconscients déterminés qui justement contiennent le sens du
symptôme. Mais il est nécessaire aussi que ce sens soit inconscient afin que le
symptôme se produise. A partir de processus conscients il ne se forme pas de
symptômes ; dès que les processus inconscients en question sont
devenus conscients, le symptôme doit disparaître. Vous reconnaissez
ici, d’un seul coup, un accès à la thérapie, une voie pour faire
disparaître des symptômes (G.W. XI, 288s ; trad. PUF, OEuvres complètes, XIV, p. 289 ; je souligne).

Pour le/la psychanalyste, le sevrage tabagique n’est pas — contrairement à ce que pense la/le psychologue scientifique — une question d’efforts bien ciblés, mais seulement une question de significations à dévoiler. Quand le psychanalyste Peter Gay, auteur d’une biographie louangeuse de Freud, explique pourquoi le Maître n’est jamais parvenu à arrêter de fumer, il invoque simplement une analyse trop peu profonde :

« La jouissance que fumer procurait à Freud, ou plutôt son besoin invétéré, devait être irrésistible, car après tout, chaque cigare constituait un irritant, un petit pas vers une autre intervention et de nouvelles souffrances. Nous savons qu’il reconnaissait son addiction, et considérait le fait de fumer comme un substitut à ce “besoin primitif” : la masturbation. À l’évidence, son auto-analyse n’avait pas atteint certaines strates ».

(Pour les références précises de ces citations de Freud et Gay, voir Le Livre noir de la psychanalyse, Les Arènes, 2e éd., p. 236 et sv.)

Autrement dit : si vous n’arrivez pas aux changements que vous désirez, analysez, analysez, analysez des strates de plus en plus « profondes ».

Otto Rank, qui fut longtemps un des disciples préférés de Freud, disait que tout finit par s’expliquer par le traumatisme de la naissance (Cf. Le Traumatisme de la naissance, 1924, trad. Payot, 1968).

Surtout soyez patients. Comme le dit un des psychanalystes interviewés :

« La position du psychanalyste, c’est avoir ni mémoire, ni attente. C’est le fait d’abdiquer l’idée d’une progression »

Le « tic de l’étic »

8) P-Y. Gosset :  

« Les gens avisés, avec une éthique, savent que ce n’est pas avec des petits cartons, encore moins en « bouffant du psychanalyste » que les choses vont se dénouer. »

Il n’est pas possible de débattre avec un-e psychanalyste (surtout lacanien-ne) sans qu’il/elle parle d’éthique et suggère que vous n’en avez pas. Pour le dire à la manière de Lacan : c’est le tic de l’é-tic.

8.1. En fait, s’en tenir aux textes freudo-lacaniens et ignorer ce qui se fait dans le reste du monde en matière d’éducation d’enfants présentant un trouble autistique (en particulier dans les meilleures universités : Cambridge, Oxford, Harvard, Stanford, etc.), c’est une grave faute professionnelle, un manque d’éthique évident. Les freudiens et lacaniens sont comparables à des médecins qui soigneraient des troubles graves avec des fleurs de Bach ou des dilutions homéopathiques.

8.2. Faut-il rappeler que Jacques-Alain Miller, gendre de Lacan, n’hésitait pas à dire :

« La morale de Lacan relève d’un cynisme supérieur »

(Débat avec Onfray, in Philosophie magazine, 2010, n° 36, p. 15).

8.3. Celui qui n’a pas lu des ouvrages de psychanalysés de Lacan, racontant comment le Maître œuvrait, devrait consulter l’article publié dans la revue Science et pseudo-sciences « Comment Lacan psychanalysait ».

8.4. A ma connaissance, aucun comportementaliste membre des associations françaises (AFTCC, AFFORTECC) ou belge (AEMTC) ne pratique une méthode aussi douloureuse que celle du psychanalyste Pierre Delion : le « PACKING », une camisole de force new look, qui fait songer à des pratiques barbares des siècles passés !

Sa méthode consiste à emmailloter l’enfant présentant un syndrome autistique jusqu’au cou dans un cocon de contention, mouillé et glacé (au moins 10° en dessous de la température du corps), pendant 45 minutes. Quand la température de la peau a chuté de 36 à 33 degrés, l’enfant est progressivement réchauffé. Ainsi, un enfant agité se trouve maté. Le procédé se renouvelle jusqu’à 7 fois par semaine (Voir annexe, ci-dessous).

C’est ce même psychanalyste, Prof. Délion (Univ. Lille 2), qui ose dire, quand on lui demande de parler des effets des traitements :

« Je ne peux pas répondre à ça. Ce n’est pas une question de psychanalyste, ça ! »

Cependant, il n’y aura pas à s’étonner que, grâce à sa technique, Pierre Délion constate des résultats « positifs », à savoir : que des enfants s’adaptent davantage aux normes de son Service.

Toute l’histoire de la psychiatrie est remplie de traitements barbares (voir échantillon ici), qui ont motivé des malheureux à se comporter comme l’exigeaient les « soignants », tout simplement pour éviter des « doses » supplémentaires de « traitement »

(Pour un ouvrage avec excellente iconographie sur les supplices endurés, voir : C. Quetel & P. Postel, Les fous et leurs médecins, de la Renaissance au XXe siècle. Hachette, 1979).

8.4. Pour avoir été membre de l’Ecole belge de psychanalyse pendant 15 ans et être devenu ensuite comportementaliste, j’ai constaté que le goût de l’argent et du pouvoir est plus fréquent chez les freudiens et surtout chez les lacaniens que chez les comportementalistes. S’il y a des abus partout, les lacaniens en tout cas n’ont de leçons à donner à qui que ce soit.

9) Freud était plus avisé : il trouvait inutile de discuter

Il écrivait à Oskar à Pfister :

« Que nous attachions si peu d’importance à paraître dans les Congrès me semble très compréhensible. Il n’est guère possible d’argumenter publiquement sur la psychanalyse. […] Les débats ne peuvent que demeurer aussi infructueux que les controverses théologiques au temps de la Réforme » (28-5-1911).

La psychanalyse a commencé comme une recherche scientifique, puis est devenue une religion laïque qui n’a plus sa place dans la « République des Sciences ». Ce qui est écrit ci-dessus par Mr. Gosset l’illustre une fois de plus.

10) Une chose m’étonne : l’absence de psychiatrisation de Sophie Robert

Freud psychiatrisait tous ses opposants. Selon lui, Adler était un paranoïaque, Bleuler un homosexuel refoulé, etc., etc. Comment se fait-il que Sophie Robert ne soit pas encore étiquetée « hystérique » ou un truc comme ça ?

Dans la classification freudienne, on n’a pas beaucoup le choix (moins que dans le DSM…) :

perversion, neurasthénie, névrose d’angoisse, névrose de caractère, hystérie de conversion, hystérie d’angoisse (= névrose phobique), névrose obsessionnelle, névrose narcissique, paranoïa.

Je suis curieux de voir quel étiquetage sera choisi.

Si Elisabeth Roudinesco (la principale avocate du freudisme en France) se prononce, ce sera évidemment, la « Haine ». Pour elle, ce sentiment et l’antisémitisme sont l’explication ultime du comportement de tous ceux qui osent remettre en question la Parole révélée de Freud.

11) Une chose ne m’étonne pas du tout : la hargne des lacaniens

Rappelons qu’à partir de 1963 les analyses didactiques menées par Lacan n’ont plus été reconnues par l’Association internationale de Psychanalyse (IPA), parce que Lacan faisait des séances qui ne duraient que quelques minutes au lieu des 50 minutes traditionnelles et qu’il a refusé obstinément d’abandonner sa pratique des « séances à durée variable » invariablement très très courtes.

Lacan a réagi en fondant l’année suivante sa propre Ecole. Il s’est vengé de l’IPA en acceptant comme « analyste » quasi n’importe qui et en déclarant — à juste titre — que « le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même ». Dès lors, les freudiens reconnus par l’IPA ont été noyés sous le tsunami des lacaniens.

Une grande partie des analystes lacaniens n’ont pas de diplôme de psychiatre, ni de psychologue. C’est le cas d’Éric Laurent (anthropologue-psychanalyste), qui fait un procès à Sophie Robert. C’est aussi le cas des très médiatiques É. Roudinesco (historienne-psychanalyste), J.-A. Miller et son frère Gérard (philosophes-psychanalystes). C’est évidemment le cas des psychanalystes les plus agressifs à l’égard de méthodes psychologiques dont les résultats observables deviennent de plus en plus évidents.

Si la psychanalyse se trouve discréditée, ils ne pourront pas se rabattre sur le titre universitaire de psychiatre ou de psychologue. Leur hargne n’est pas simplement une question de joute intellectuelle : il y va de leur gagne-pain. Pour en savoir plus sur le titre d’analyste lacanien et l’abondance de lacaniens en France.

 

12) Pour un historique de la tentative de faire interdire la vision du film « Le Mur », voir :

Rappelons que tout le monde peut faire de l’« analyse psychologique » ou de la « psychanalyse ». Pour une discussion de cette question, voir l’article paru dans Science et pseudo-sciences.

Jacques Van Rillaer

Bruxelles, 2 décembre 2011

Parmi les Français les plus connus, citons Chr. André, J. Cottraux, C. Cungi, F. Fanget, G. Georges, P. Légeron, Chr. Mirabel-Sarron, D. Pleux, L. Véra.

 

« Rappelons d’abord un principe : le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même. Ce principe est inscrit aux textes originels de l’Ecole et décide de sa position. Ceci n’exclut pas que l’École garantisse qu’un analyste relève de sa formation. Elle le peut de son chef. Et l’analyste peut vouloir cette garantie » (Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École. Réédité dans Autres écrits, Seuil, 2001, p. 243).

Ci-dessous

Iconographie en rapport avec le « Packing » (N° 8, § c) traitement du psychanalyste Pierre Délion (prof. à l’Université de Lille 2)

CorteX_packing.1 CorteX_packing.2

CorteX_packing.3

CorteX_packing.4
CorteX_packing.5 CorteX_packing.6

Pour tout commentaire éclairant ou contribution, écrivez-nous

 

* J. Van Rillaer, outre le fait d’être venu faire des cours pour nous sur Grenoble, a déjà mis à disposition sur le CorteX un TP analyse d’affirmations d’E. Roudinesco.

Vous avez probablement suivi la polémique autour du documentaire Le Mur – la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Non ? Alors cliquez là

CorteX_Lacan_Larcenet

A décortiquer – Argumentaires lacaniens sur Le Mur

Vous avez probablement suivi la polémique autour du documentaire Le Mur – la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme. Non ? Alors cliquez là.
Les retours ne se sont pas fait attendre, et comme lors de chaque contestation de l’institution psychanalytique un festival d’argumentaires très discutables affleurent et pourraient remplir les pages web du corteX.

En guise de Travail Pratique, traitons ensemble un exemple.

  • Dans un premier temps, lisons attentivement l’analyse ci-dessous du film « Le mur », par Pierre-Yves Gosset, psychanalyste lacanien publiée sur le site de l’Association pour la Cause Freudienne Champagne Artois Picardie Ardennes (ci-dessous). Essayons d’y repérer par nous-mêmes les arguments fallacieux.
  • Puis dans un second temps, on pourra aller là et suivre l’analyse de notre collègue Jacques Van Rillaer, professeur de psychologie.

« Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme »

ou : Comment se servir de l’autisme pour « casser du psychanalyste »

C’est ce qu’illustre la réalisatrice du pseudo-documentaire intitulé: « Le Mur : la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme ».

Le titre en lui-même est a priori engageant, puisque nous mettons toujours, et c’est un grand principe depuis Freud, la théorie à l’épreuve de la clinique et l’une ne va pas sans l’autre. LACAN en donne la ligne dans ses Ecrits lorsqu’il nous dit qu’il faut toujours repenser notre théorie en fonction de notre objet, et non l’inverse (« Ecrits » p.126).

On comprend vite cependant que cette vidéo est un piège, une véritable diatribe contre la psychanalyse. Non pas une « querelle » au sens noble du terme, où arguments seraient échangés pour aboutir à une discussion constructive sur le thème de l’autisme. Il s’agit de bien autre chose, insidieux autant que simple : c’est une véritable propagande contre la psychanalyse, au profit de méthodes comportementales aux fondements douteux. Au fur et à mesure, cette vidéo nous plonge dans l’indignation et devient insoutenable.

Le Procédé 

La réalisatrice a interviewé des psychanalystes de renom, toutes écoles confondues. Ensuite, elle a manipulé l’enregistrement en effectuant des coupures et en ajoutant des commentaires a posteriori, visant à dénaturer et tordre les propos recueillis. Le but évident est de présenter les psychanalystes comme non crédibles.

Nous attirerons l’attention sur le fait qu’ainsi elle leur coupe la parole et qu’elle oeuvre selon ce grand principe de toutes les méthodes comportementales : réduire l’autre au silence, le faire taire. C’est le fil conducteur de toute cette propagande.

En contraste, un plan de cette vidéo présente une chercheuse de l’INSERM qui développe à l’aise, sans interruption aucune ni commentaires, les résultats de sa recherche devant un écran plat. La question lui est posée sur les causes de l’autisme. Elle répond sans hésiter : « génétiques ! ».

Cette chercheuse a, grâce à des moyens techniques sophistiqués, enregistré le parcours oculaire d’enfants qu’elle dit autistes, placés en face de scènes sociales filmées. Ce parcours a ensuite été visualisé sur l’écran, en fonction des images qui ont été présentées. Elle peut ainsi montrer ce que les enfants qu’elle dit autistes ont regardé sur les scènes présentées. Apparemment, explique-t-elle, « Ils regardent autre chose que ce que regarde la moyenne des gens. » Ils regardent les bouches et le bas du visage, pas les yeux. La chercheuse arrive à cette conclusion : « Ils regardent ailleurs que là où se trouve l’information ; comment voulez-vous qu’ils comprennent ? ». Outre les objections que l’on pourrait aisément faire sur ce que constitue l’ « information » et l’endroit où elle est censée être contenue, la principale est celle-ci : n’est-ce pas placer l’autiste en position déficitaire à partir de présupposés plus que douteux ? Il ne vient pas à l’idée de cette chercheuse ceci : ce que les enfants autistes ne regardent pas, ce qu’ils évitent, c’est ce qui les angoisse : l’objet regard. Ils se protègent aussi de l’objet voix, support de la parole : ceux qui côtoient des enfants dits autistes auront remarqué qu’ils se bouchent fréquemment les oreilles en présence de voix et de paroles. Soulignons aussi leur rapport singulier à la voix. Enfin, l’attention de ces enfants, portée sur la partie basse des visages témoigne de leur intérêt tout particulier pour la bouche en tant qu’orifice du corps. Les rapports singuliers des dits autistes à la bouche ne peuvent non plus passer inaperçus de tous ceux qui les côtoient. En outre, nous poserons une question éthique sur les conditions de réalisation de l’expérience : comment les enfants autistes testés l’ont-ils vécue ?

Enfin, une famille nous est montrée en compagnie de leur fils Guillaume qui se présente comme suit: « Je suis autiste à 80 pour cent ». On y entend les parents vantant les mérites d’une méthode qui consiste à utiliser des petits cartons (on ignore ce qu’il y a dessus, mais vraisemblablement, on peut le supposer, de petits dessins) et qui aurait permis à Guillaume de ne plus vomir l’eau qu’on lui présentait. Aucune explication supplémentaire n’est donnée quant aux hypothèses qui soutiendraient cette méthode ni sur les ressorts de sa prétendue efficacité. Ces parents ne tarissent pas de critiques contre les psychothérapies et contre la psychanalyse en particulier.

Discussion

La réalisatrice évoque, entre les lignes, les thèmes qui « fâchent ». A savoir, le pire : « On dit que les psychanalystes auraient culpabilisé les mères d’enfants autistes ». Pourtant, rien de cela ne s’entend dans le discours des psychanalystes interviewés.

Si violence il y a envers les enfants autistes et les parents d’enfants autistes, elle est ailleurs, dans le fait de la ségrégation que génère le discours de la science par ses méthodes de dépistage, d’évaluation et de classement. Nous recommanderons la lecture de l’ouvrage (« Sortir de l’Autisme », éditions Buchet-Chastel) où l’auteur, Jaqueline BERGER, mère de deux enfants autistes, en témoigne avec justesse. Que dire de l’exclusion de toutes les structures sociales qu’ont à subir les enfants et les parents d’enfants autistes, sans que des lieux d’accueil soient créés en suffisance ? Et que dire encore du revers de cette exclusion : l’ « intégration » forcée des enfants autistes dans les écoles en France ?

Si les psychanalystes ont placé la relation parents-enfant au cœur de la formation du sujet, c’est bien parce que « Entre tous les groupes humains, la famille joue un rôle primordial dans la transmission de la culture et […] prévaut dans la première éducation » (LACAN : Autres Ecrits p. 24-25)

La réalisatrice et les « chercheurs » comportementalistes veulent l’ignorer ou le nient.

« Les psychanalystes rejettent les « théories organiques » mais n’hésitent pourtant pas à y recourir. » Absurde ! Les psychanalystes, depuis FREUD, ne font que travailler sur le nouage entre corps, langage et imaginaire. FREUD a d’ailleurs commencé par là : voir ses « Etudes sur l’hystérie ».

« La relation mère-enfant comprend quelque chose de la folie ».

Oui ! Toute relation humaine a quelque chose de « fou », dans le sens de « singulier », hors normes, car il n’y a pas de normalité en cette affaire si l’on veut bien ouvrir les yeux et les oreilles. Il n’y a pas non plus de prétendue « harmonie » dans la relation mère-enfant, Jaqueline BERGER le souligne très justement dans son précieux ouvrage (cité ci-dessus, p 92) : «Il faut en finir avec l’idée qu’élever des enfants est la chose la plus naturelle qui soit, que les femmes sont dotées d’un instinct maternel inné et que les défaillances de leur progéniture les disqualifient, elles et leur compagnon. »

Cette relation, quand on ne le nie pas, est faite de chair et de langage. Car c’est dans un bain de langage, « bouillon de culture » qu’arrive le corps de tout être humain et non pas dans un « programme génétique ».

« La gueule du crocodile qu’il faut toujours empêcher de se refermer à l’aide d’un bâton ». On peut voir dans ce montage vidéo une psychanalyste qui témoigne de son travail avec des enfants autistes. Elle fait des constructions théoriques dans son cabinet, en jonglant avec les animaux en peluche qui font partie de ses outils de travail. Comment nier l’immense intérêt des enfants pour la vie des animaux et ce qu’ils leur permettent de symboliser ! Le premier cas d’enfant amené par son père chez FREUD, n’était-il pas un petit garçon de 5 ans et demi, envahi par une phobie des chevaux, du temps où ceux-ci couraient encore les rues ?

La gueule du crocodile ? Mais elle représente l’irreprésentable : ce qui risque de vous bouffer tout cru ! Ce n’est pas la mère proprement dite, bien entendu ! Mais dans l’imaginaire fantasmatique de l’enfant, sa toute puissance sur lui, qui pourrait bien n’être pas que bienveillante. Le bâton ? Ce n’est pas le père en tant que tel, bien sûr (il n’a plus beaucoup de poids, de nos jours), mais ce que LACAN a redéfini d’une fonction : ce qui dirige le désir de l’enfant sur autre chose que sur sa mère et qui fait que la mère puisse ne pas s’occuper que de son enfant. N’oublions pas qu’une mère est une femme et l’enfant, son objet. Dans son ignorance, la réalisatrice croit et veut faire croire qu’il s’agit de promouvoir une concurrence entre père et mère. C’est absurde !

« Je suis autiste à quatre-vingts pour cent »

Nous discuterons enfin de la question du diagnostic. D’abord, quelles peuvent être les conséquences, sur l’avenir d’un enfant, de se trouver dès son plus jeune âge, identifié, par les tenants de ces méthodes de diagnostic et d’évaluation, à : «Je suis autiste à 80 pour cent ».

Ensuite, pour Guillaume, enfant un peu turbulent certes, les choses ont l’air de plutôt bien se passer. Tant mieux. Mais que dire de ces enfants autistes pour qui les choses sont autrement plus compliquées ? « […] chez ces jeunes gens, tout est différent, la voix, les gestes, le regard, les mimiques, le tempo. […] Il y a la mutisme total des uns, au point qu’on pourrait les croire aphones, les cris étranges des autres, des mots répétés en écho sans fin, de l’agitation mal cordonnée ou mécanique, à la manière d’une marionnette. Il y a les trop familiers ou ceux qui vous rendent transparents. » (J. BERGER op. cit. p 28)

Les gens avisés, avec une éthique, savent que ce n’est pas avec des petits cartons, encore moins en « bouffant du psychanalyste » que les choses vont se dénouer. Et, en regardant plus loin que les écrans des chercheurs de l’INSERM, nous voyons nous aussi, avec Jaqueline BERGER, que « Sortir de l’autisme concerne tout le monde, parce que les « autistes » sont le signe autant que le produit de la désagrégation du lien à autrui. Miroir grossissant de nos propres souffrances, ils sont peut-être notre ultime chance d’ouvrir notre regard. »  

Analyse du film « Le Mur »

Disponible sur : http://www.autistessansfrontieres.com/

par Pierre-Yves Gosset,

psychanalyste lacanien

CorteX_homeopathie

Trame de cours – étude critique de l'homéopathie

Voici en partage la trame du cours que j’ai développée sur l’homéopathie au fil des années, en la testant sur des étudiants en sciences et en santé.


Diaporama du cours (pdf)

Le diaporama n’est pas complètement autonome, donc inutile de le faire circuler tel quel. Je le mets à disposition pour inspirer d’autres kamikazes (car c’est un sujet qui mérite tact, doigté et grande précision dans les informations données) à prendre cet objet conceptuel et social comme support pédagogique à l’esprit critique, et je suis à leur disposition pour un coup de main.
Attention : il faut bien insister sur le fait que prendre de l’homéopathie est un choix personnel. C’est seulement lorsqu’on découvre les mécanismes internes et les fondements de l’homéopathie que les questions germent : peut-on parler d’”alternative” et d’alternative à quoi ? On comprend alors que le débat ne se résume pas à Pour ou contre (voir faux dilemme) mais pour ou contre quoi ?

Alors seulement un débat serein peut s’ouvrir.

1ère étape – la pensée magique
 
a. Je donne des exemples alimentaires car ils ont l’avantage de bien marquer l’esprit
b. J’aborde ensuite les notions de pensée magique de contagion et de similitude :
– description du schème pensée magique par les sociologues Mauss et Frazer CorteX_Paracelse
– illustration par les expériences alimentaires de Rozin & Nemeroff
– illustration dans l’histoire des sciences (pharmacobotanique de Paracelse, « théorie » des signatures)
– introduction de la facette « le bizarre est probable »
 
c. Je prends des exemples de stratégies publicitaires et d’instrumentalisation du corps (occasion de pointer un publisexisme archaïque)
d. Je finis avec des exemples thérapeutiques comme les réflexologies, ce qui me permet d’aborder la question des preuves,  les arguments d’historicité ou le sophisme du pragmatisme
 
2ème étape – Homéopathie : histoire, preuve et questions posées

Tous les outils nécessaires ont été introduits en douceur. Alors seulement j’aborde l’homéopathie, sous l’angle double, historique et sources des preuves. Qui possède bien les effets et facettes de la zététique trouvera beaucoup de diapositives sur lesquelles les illustrer, et de nombreux points d’achoppement pour des réflexions sociopolitiques. J’aime bien pointer le mélange des genres et des institutions, scientifiques, académies, Sécurité sociale, Affsaps, etc. Qui dit quoi, et où ? Qui tranche ? C’est l’occasion également d’aborder les questions de conflit d’interêt.

J’ai pris pour principe de préciser que je n’ai aucun conflit d’intérêt, banalisant ainsi une loi applicable aux médecins et que je rêve de voir appliquée par tout conférencier, tout enseignant (voir à ce sujet Indépendance de la formation et formation à l’indépendance, de nos collègues du Formindep).

a. Hahnemann et l’Organon – contexte
b. Elaboration de la théorie
c. Piliers de la théorie
d. Examen de la théorie

e. Etude des effets contextuels (remarque : le terme placebo, mot valise trop ambigü, n’est plus utilisé qu’avec des pincettes)

f. Questions autour de l’efficacité de l’homéopathie sur les enfants, les animaux

Voici sur la questions des animaux les publications de McMillian

Télécharger les fichiers compressés :

g. Représentations sociales
J’utilise parfois, si j’ai le temps, un extrait du film La Crise, de Colline Serreau (voir Fictions, sous peu).

3ème étape : pour ou contre ? Pour ou contre quoi ?

C’est le moment d’introduire les questions sociopolitiques. Remboursement de la sécurité sociale, lobbying, AMM allégée, droit des patients, libre choix, information délivrée par les médecins etc. Je recommande de bien connaitre son sujet pour animer / modérer un débat sur l’homéopathie.

Pour aller plus loin : je choisis parfois entre deux prolongements du cours

  1. une analyse de discours médiatique (quand j’ai peu de temps)
  2. une analyse de la publication de la fameuse « mémoire de l’eau » (plus technique, et nécessite quelques bases de sciences et de statistiques) avec une analyse des stratégies des revues scientifiques et éventuellement un encart sur la notion de fraude scientifique.

 Dans la première option, il s’agit d’aborder la publication dans le Lancet en 2005 de la mammouthesque méta-analyse d’Aijing Shang & alde l’université de Bern (télécharger le fichier compressé ici), qui démontrait qu’aucune efficacité propre de l’homéopathie n’a été mise en évidence.

Les médias abordent le sujet de l’efficacité propre de l’homéopathie comme si cette méta-analyse n’apportait aucun élément nouveau sur le sujet. Pourtant, il conclue qu’aujourd’hui, en l’état actuel des connaissances et jusqu’à preuve du contraire, cette efficacité propre n’a pas été mise en évidence. C’est une donnée importante qui, nous semble-t-il, doit être prise en compte dans tout débat sur le statut de l’homéopathie : remboursement, AMM allégée, droit des patients à l’information, libre choix, etc…

L’analyse du journal télévisé de France 2 qui s’ensuit est un exercice de style pédagogique tout à fait stimulant (que je mettrai en ligne sous peu).

 Si vous choisissez la seconde option, vous pouvez télécharger le fichier compressé (contenant également l’édito) de la publication de Benvéniste & al. qui mit le feu aux poudres

Sont disponibles toutes les informations de base chez le Pr. Broch, moyennant quelques mises à jour.

Il est alors loisible d’aborder la critique des médias scientifiques, notamment de la stratégie de scoop choisie par la revue Nature en 1988, la manière de se « couvrir » puis de faire une investigation avec entre autres James Randi. 

Au gré des années, j’ai fait évoluer ce cours. Je dois entre autres une fière chandelle à H. Broch, J. Brissonnet, J-J. Aulas, ainsi qu’à la quinzaine de promotions de licence qui ont accepté de débattre parfois vigoureusement sur ces sujets

Je mets ce diaporama en source libre pour tous les enseignants. Soyez aimables de m’informer de vos utilisations
Des questions, des suggestions ? Contactez-moi 

Richard Monvoisin

La Kinésiologie Appliquée à l'épreuve du CorteX

La Kinésiologie Appliquée à l’épreuve du CorteX


La Kinésiologie Appliquée (Applied kinesiology ou AK) est une méthode prétendument diagnostique et thérapeutique créée par George J. Goodheart en 1964. Cette méthode est basée sur un mélange de principes empruntés entre autres à la chiropraxie (manipulation de l’appareil locomoteur) dont l’efficacité est discutée (1) et de concepts énergétiques empruntés à la médecine traditionnelle chinoise (particulièrement les supposés méridiens et la notion de Qi). Le postulat de départ est un des grands classiques vitalistes : le corps serait en permanence traversé d’un flux d’énergie curative, et ce seraient les blocages lors du passage de ce flux qui seraient cause des maladies. Ces blocages proviendraient essentiellement de traumatismes physiques, psychologiques, ou les deux, s’engrammant dans toutes les cellules de notre corps et créant en quelque sorte une mémoire. Une palpation des diverses chaînes musculaires permettrait non seulement de mettre en évidence ces blocages, mais également de les résoudre.

En 2007, les étudiants de l’UE Esprit Critique du Master de l’UFR Pharmacie de Grenoble ont établi un protocole sous les directives de R. Monvoisin et C. Routaboul visant à vérifier la capacité diagnostique du Test Musculaire (TM). Celui-ci serait un outil capable de déterminer l’intensité du stress dans le corps. Il est la base de l’essentiel de la Kinésiologie Appliquée. Par manque de temps, cette expérience n’avait pas pu être mise en place (cf. annexes).

En 2011, A. Madelon, A, Mourier, A. Pelloux & J. Tournier, étudiants de l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle de R. Monvoisin ont ressorti le « Dossier K » dans le but de réaliser l’expérience, avec l’aide de N. Pinsault, enseignant-chercheur de l’Ecole de Kinésithérapie de Grenoble.

Elle consistait à tester la capacité d’un expert kinésiologue retrouver une substance « nuisible » pour le patient selon le principe suivant : selon la CorteX_Protocole_schema_merid« théorie », cette substance empalmée affaiblirait le tonus musculaire du deltoïde controlatéral, tandis qu’une substance « neutre » n’aurait aucun effet sur ledit tonus musculaire.

L’hypothèse que nous avons testée est la suivante : un kinésiologue confirmé peut-il retrouver par le TM une substance certifiée comme mauvaise pour le patient (allergène, acide sulfurique…) parmi 9 fioles au contenu explicitement neutre pour l’organisme (du sucre par exemple) lors d’un protocole avec « test en blanc », randomisation et double-aveugle ? Pour réaliser cette expérience, nous avons fait appel à l’un des deux plus importants formateurs en Kinésiologie Appliquée de France (qui tint à garder l’anonymat, et sera appelé « Monsieur K« ), qui valida les conditions expérimentales et les critères d’évaluation. La patiente, quant à elle, avait une allergie attestée scientifiquement par un médecin allergologue. Avant de débuter l’expérience, le kinésiologue indiquait qu’il ressentait bien l’allergène, avec des fioles au contenu connu.

 

 

[dailymotion id=xm5s6a]
TM positif : Monsieur « K » durant l’expérience, 15 avril 2011

[dailymotion id=xm5s7l]
TM négatif : Monsieur « K » durant l’expérience, 15 avril 2011

En prenant pour seuil de significativité p <0,01, 15 essais auraient nécessité un nombre de réussites de 5 (2).

Sur 15 essais, le kinésiologue n’a retrouvé aucune des fioles allergènes.

Dans le cadre de cette expérience, le Test Musculaire utilisé pour trouver une substance allergène pourtant avérée par l’expert kinésiologue, ne s’est pas présenté plus efficace que le hasard dans le cadre d’une expérimentation randomisée et en stricte double aveugle.

Chose étrange mais prévisible : l’échec patent n’a pas entraîné chez le thérapeute de changement dans sa pratique. Il reste néanmoins ouvert pour tenter des protocoles différents, en changeant de substance placebo, de substance allergène, et en multipliant les patients comme les thérapeutes. En attendant, le TM, socle de la thérapie, attend toujours et depuis longtemps de faire ses preuves.

Affaire à suivre…

A. Madelon, R. Monvoisin, N. Pinsault, J. Tournier

Annexes

Merci à Guillemette REVIRON, Denis CAROTI, Christel ROUTABOUL & Victor FORMUSO.

(1)   Ernst E.,  Canter PH., A systematic review of systematic reviews of spinal  manipulation, J R Soc Med. 2006 Apr;99(4) pp. 192-6. .

(2) Voir l’excellent logiciel Prozstat, réalisé par Stanislas Antczak et Florent Tournus, de l’Observatoire Zététique.

alt

Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.


Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.

Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org


Sophie Robert a travaillé pour le collectif Autisme sans Frontières en réalisant le documentaire « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » avec Océan Invisible Production. Une trentaine de pédopsychiatres et psychanalystes français ont été rencontré, pour qui « il y a beaucoup à voir entre autisme et psychose ». Pour les psychanalystes interrogés, l’autisme pourrait être la conséquence d’une dépression maternelle, d’une mauvaise relation avec l’enfant, voire d’un refus de l’apport masculin pour la conception (2). Certains parlent de mère « psychogène »,CorteX_Autisme_LeMur_Danon_Boileau de « stade de folie transitoire » de la mère, voire de « désir incestueux »…Que font les psychanalystes devant un enfant autiste ? « J’en fais très peu, j’attends qu’il se passe quelque-chose », dit l’un. « J’essaie d’apprivoiser l’enfant, je me tiens en retrait », dit un autre.
Ce documentaire laisse la parole à des psychanalystes très connus, notamment les Pr. Delion ou Golse, responsables et chefs de service dans de grands hôpitaux de France et met en lumière l’extraordinaire imposture de l’approche psychanalytique de l’autisme, pourtant archi-présente dans les milieux de la psychiatrie, du soin et du travail social.

Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.

Partie 1 : [vimeo 28297548]

Partie 2 : [vimeo 28304221]

Partie 3 : [vimeo 28312069]

Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.

Bonus 1 : [vimeo 28396329]

Bonus 2 : [vimeo 28403514]

Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.

Nous ne pouvons qu’encourager toute personne touchée de près ou de loin par le problème de l’autisme à regarder ce documentaire. Bien sûr, il y a des critiques de montage à faire, des coupes, des plans musicaux sur les enfants, l’utilisation d’un seul sujet pour soutenir la thérapie comportementale et ses différentes méthodes, mais cette plongée dans l’idéologie gomme ces quelques défauts, et fait de ce reportage un véritable outil critique pour l’enseignement.
Nous avons proposé à Sophie Robert (dont on écoutera une excellente interview ici) de venir présenter son film à l’université de Grenoble, puisqu’aucune chaîne ne souhaite diffuser son documentaire. Elle viendra le 30 novembre 2011. Préparez vos calepins.
Accessoirement, se prépare semble-t-il une demande d’interdiction :
Selon Rue89 (4 novembre 2011)

« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.

Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :

  • « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
  • ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
  • ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
  • ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
  • ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».

« A​tteinte au secret des sources des journalistes »

La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).

Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».

Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.

L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :

« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »

Sophie Robert met à disposition le document de son assignation en justice demandée par l’Ecole de la cause freudienne ainsi que l’appel à souscription pour la création d’une série documentaire en 3 volets sur la psychanalyse.
Brigitte Axelrad a également écrit sur ce film un article, qui sera publié dans le prochain numéro (299) de la revue SPS (Science et pseudo-sciences) avec une mise à jour rapportant l’issue du procès.altSur les antennes de la RTBF Jaques Van Rillaer évoque l’assignation en justice ainsi que les procédés douteux de l’école de la cause freudienne.

Voici l’interview de Sophie Robert dans le magazine de la santé sur France 5, le 20/11/2011.
[dailymotion id=xmmck9]
Merci à Carole Contaut, du collectif Autisme Infantile de nous avoir informés.

Vous souhaitez nous faire part de vos impressions ? Ecrivez-nous.
Richard Monvoisin


(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).

(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».

CorteX_Autisme_LeMur_Loison_crocodile(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».

(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :

La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.

CorteX_Matrix

Quantox : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Il y a une pléthore de dérives autour des notions de « quantique ». Surinterprétations, incompréhensions, entretiens de faux mystères… À en croire certains articles, le monde de la physique quantique ressemblerait à celui de Matrix.
Cet article explique comment je m’y suis pris pour élaborer ma conférence et mon enseignement sur ce que j’ai appelé l’art d’accommoder le quantique à toutes les sauces, que j’ai présenté pour la première fois au colloque du GEMPPI (Groupe d’Etude des Mouvements de Pensée et de Prévention de l’Individu), à l’hôpital de la Timone, à Marseille, le 3 octobre 2009. J’encourage tout-e enseignant-e à s’en inspirer et à l’améliorer. Je précise que cette conférence a été pensée pour un public qui n’a jamais fait de physique.

Dans cet article seront abordés sommairement quelques éléments des théories quantiques et de leurs avatars pseudoscientifiques, puis une série de concepts physiques plutôt malmenés. Nous aborderons le problème des surinterprétations dont ce domaine est l’objet, puis quelques exemples de détournements idéologiques pouvant avoir des conséquences graves. Enfin, nous tenterons de cerner des responsabilités, et il faudra se rendre à l’évidence que les médias de vulgarisation jouent un rôle non négligeable dans la diffusion de pseudo-information. 

Note 1 : cet article a été publié en juin 2011 dans le Bulletin de l’Union des Physiciens (BUP Vol. 105 N°935 pp 679-700). La version publiée, un peu plus « froide » et moins illustrée que celle du site, est téléchargeable ici.

Note 2 : le tout a fait l’objet d’un livre, Quantox, Mésusages idéologiques de la mécanique quantique, paru en janvier 2013 aux éditions book-e-book.com, Collection : Une chandelle dans les ténèbres.

 

Introduction

La mécanique quantique est la théorie scientifique qui, en mêlant dans l’esprit du public science, fiction, complexité et mystère, créé probablement l’un des plus forts complexe d’infériorité intellectuelle. Ceci a au moins deux conséquences directes. La première est de laisser croire que de se pencher sur la physique actuelle est réservée aux génies, aux cerveaux et que le profane devra se contenter de vulgarisation plus ou moins hasardeuse. La seconde, plus tragique, est la prolifération des emplois abusifs du mot quantique, que ce soit dans le champ des pseudosciences, du paranormal ou de certaines thérapies discutables. C’est lorsque le mésusage du quantique s’est développé dans certaines dérives aliénantes ou sectaires que le GEMPPI s’est emparé du problème, et m’a demandé de développer simplement… ce que n’est pas le quantique. Cet article est tiré de la conférence faite à l’Hôpital de la Timone, à Marseille, le 3 octobre 2009, devant un parterre de grand public et de thérapeutes. Il développe tous les concepts abordés ce jour-là, avec la panoplie d’outils critiques nécessaires et les documents que j’ai choisi d’employer, pour donner à tout enseignant souhaitant aborder la possibilité de s’en inspirer.

Démarche critique

Il ne s’agira pas ici d’étudier la MQ elle-même, bien entendu, mais bien de voir en quoi les mauvaises interprétations de la théorie sont récupérées par une petite gamme de pseudo-sciences qui dévoient la théorie et entraînent des dérives à forte consonance sectaire. Et comme je vois la démarche critique zététique comme une forme d’éducation populaire, je vais présenter ce que j’ai dit pendant la conférence, en mettant à disposition toutes les diapositives et les documents dont je me suis servi, ceci afin que quiconque le souhaitant, enseignant ou non, puisse reprendre mon outillage ou s’en inspirer.

Dans la première partie, je donnerai une définition vague de ce qu’on entend par quantique. Dans la deuxième, j’aborderai les concepts développés par les « récupérateurs » du quantique. Je consacrerai une troisième partie à un retour sur les images culturelles et les idées reçues sur le quantique les plus ressassées dans les médias. Une quatrième partie tentera de montrer les dérives idéologiques et parfois sectaires que ces images culturelles sur-interprétées peuvent servir, tandis que dans la dernière partie, j’essayerai de montrer que la faute ne revient pas forcément à qui l’on croit.

Pour être totalement dénué de mathématiques, je resterai à fleur du sujet, faisant parfois de grossiers raccourcis, en espérant que les puristes de la discipline ne me lapideront pas à coups de quantons. Je donnerai à la fin quelques liens vers des œuvres ou ouvrages qui poussent le bouchon un peu plus loin. Car il n’y a pas besoin d’être spécialiste en physique quantique pour déjouer une grande majorité des pièges qu’elle tend.

1. Théories quantiques

Feynman plaisantait

Comment ai-je commencé ma présentation ? Par une brève histoire : ma première diapositive montrait les grands visages sévères des fondateurs de la mécanique quantique, tous du XXe siècle. Bohr, Fermi, Heisenberg, Planck, Pauli, Einstein, et en gros plan, Richard Feynman.

Feynman, physicien états-unien décédé en 1988 est un peu plus récent que les autres. Il reçut le prix Nobel en 1965, et devint surtout célèbre pour ses qualités pédagogiques et son humour. altMais il a été aussi l’artisan du mythe de la MQ en déclarant cette phrase devenue célèbre :

« Je peux dire de manière sûre que personne ne comprend la mécanique quantique1 ».

Quand un expert d’un domaine nous dit que personne – même lui – n’y comprend goutte, cela calme les ardeurs d’aller se frotter à la théorie. Et quand ils sont plusieurs à le dire, on frise l’apoplexie. Niels Bohr, par exemple :

« Ceux qui ne sont pas choqués quand ils rencontrent pour la première fois la théorie quantique ne l’ont probablement pas comprise »,

ou John Wheeler, récemment décédé :

« Si vous n’êtes pas complètement désorienté par la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas ».

Revenons à Feynman : sa phrase, aussi belle soit-elle, est purement marketing et ne veut pas dire grand chose. On pourrait tout à fait écrire aussi « Je peux dire de manière sûre que personne ne comprend la théorie de la gravitation » car c’est tout aussi vrai. Certains épistémologues nous rassureraient en nous disant que de toute façon, la science n’a pas pour objet de comprendre, mais de décrire, et en ce sens, la MQ propose une description ultra-précise des phénomènes sur lesquels elle se penche. Que demander de plus ? Pourquoi alors Feynman a-t-il dit cela ? Probablement parce que la MQ, on va le voir, a ceci de particulier qu’elle est parfois contre-intuitive, c’est-à-dire que ce qu’elle décrit ne ressemble pas vraiment à ce que l’on voit tous les jours. Entre nous, ça ne doit pas pour autant engendrer une grande déférence : la vie des cloportes, la survie des pandas sont aussi contre-intuitives, et personne n’est complexé pour autant devant un spécialiste des cloportes ou des pandas.

Donc foin de complexe ! Oublions la phrase de Richard Feynman.

Quantique, c’est le beurre en plaquettes

Qu’est-ce donc que la MQ ? Aussi surprenant cela soit-il, ce n’est pas si terrifiant. Quantique vient de quantum, qui veut dire petite quantité. Jusqu’au début du XXe siècle, les notions physiques étaient des notions continues. Continu veut dire qu’on peut envoyer valser un objet avec une vitesse de 150 kilomètres à l’heure, de 151, de 150,5, 150,45 ou 150,9999999, bref toutes les valeurs que vous voulez. CorteX_plaquettes_beurrePareil pour la chaleur, la température, la conductivité, la force, etc. Or advint une gamme d’observations de phénomènes qui obligea les physiciens à considérer que dans le monde des particules, à une échelle minuscule, il y a des notions qui ne sont pas continues et font des petits sauts de valeur, comme des sauts de puce. Pour faire une analogie, disons que chez le crémier, vous pouvez acheter une valeur continue de beurre (par exemple 147,52 grammes) alors que dans le monde quantique, vous êtes, comme chez l’épicier, contraint d’acheter par plaquettes de 250 ou 500 grammes. Comme ces notions font des sauts, on parle de phénomène quantique, « qui fait des sauts ». C’est tout ? C’est tout.

N’est pas quantique qui veut

On parle alors de mécanique quantique, – au sens mécanique de description du déplacement (comme dans « mécanique céleste »). On parle de théorie quantique aussi, qui est plus vaste, car elle englobe d’autres aspects dont nous n’avons pas besoin ici, comme la théorie quantique des champs. On parle également de chimie quantique, lorsqu’on utilise la MQ pour comprendre comment des propriétés chimiques naissent entre les atomes. En toute rigueur, mécanique n’est pas le meilleur terme, puisqu’il implique qu’on étudie vitesse et position, ce qui n’est pas tout à fait possible (cf. chap. 3). Physique quantique serait la formulation la plus juste : mais Mécanique Quantique est plus utilisé par les récupérateurs du quantique. Quant à Physique Quantique, cela donnerait PQ, ce qui fait tout de suite moins sérieux.

Depuis quelques temps en France, on voit naître le mot quantique dans des endroits saugrenus. Cette tendance remonte aux années 80 aux États-Unis, mais elle est plus récente en France et offre des surprises de taille. Nous entendons par exemple parler de « thérapies quantiques », dont traitent de plus en plus d’ouvrages aux titres fleuris, au premier rang desquels se trouvent en pagaille ceux de Deepak Chopra, le gourou de la santé, initiateur de ce courant et auteur de Le corps quantique, Trouver la santé grâce aux interactions corps/esprit (2003) ; mais on trouve également L’ADN et le choix quantique, de Kishori Aird (2005), Médecine, le grand tournant vers la médecine quantique, de Simone Brousse (2004) et B.A-BA Médecine quantique, de Jean-François Mazouaud (2007).

CorteX_03_ADN_choix_quantique CorteX_04_Brousse_Tournant_Medecine_quantique CorteX_05_Mazouaud_BA-BA_Med_Q CorteX_06_Chopra_corps_quantique

Les thérapies revendiquant une notion « quantique » portent parfois d’autres noms, comme l’Holoanalyse ou la Reconnexion.

CorteX_07_Holoanalyse_Fleury CorteX_08_Reconnex_Poisonnet

Il arrive même que ces ouvrages, bien achalandés, soient rangés au milieu des livres de physique dans les grandes surfaces. En parallèle est née toute une gamme de produits quantiques, c’est-à-dire des objets qui revendiquent la MQ pour prouver leur efficacité. Entre autres des lasers quantiques thérapeutiques, des physioscans quantiques, des couvertures quantiques et des patchs quantiques, comme ceux de Lifewave, qui ont pour slogan la puissance de la science quantique de demain associée à l’acupressure millénaire (sic !).

CorteX_09_Laser_Quantum_Therapy

 

 

CorteX_10_physio_scan

CorteX_11_Lifewave

 

CorteX_12_Quanta_relax

 

 

 

 

 

 

 

 

Une sorte de foirfouille du quantique s’est donc peu à peu créée, noyant le client/patient dans une cacophonie de sollicitations dans lesquelles il va falloir essayer de s’y retrouver.

2. Concepts

On peut recenser trois grands domaines, hors sciences physiques, dans lesquels le quantique est utilisé. Il y a le champ des thérapies dites quantiques, les voyances quantiques et une branche qu’on pourrait qualifier de paranormal quantique. Comme nous allons le voir, les concepts utilisés par les nouveaux théoriciens quantiques ne sont pas très nombreux. Ils se chevauchent tous un peu, et empruntent au quantique sensiblement les mêmes images, les mêmes lieux communs. Cela va grandement nous faciliter la tâche.

Thérapies quantiques

Dans le champ des thérapies, voici les notions centrales développées par D. Chopra, le plus célèbre des défenseurs de la médecine quantique. Ces notions sont sensiblement les mêmes chez tous les « thérapeutes quantiques ».

1. La physique quantique permet d’expliquer une « communication intercellulaire ».

2. La dualité onde-particule de la MQ (cf. 3 Surintérprétations) est une analogie de la dualité en soi, entre le corps et l’esprit. Si l’on prend en compte cette dualité, on peut réveiller des énergies nouvelles, fortement curatives.

3. Le principe d’incertitude d’Heisenberg, grand pilier de la MQ (cf. 3 Surintérprétations) montre que la science n’est pas suffisante pour tout connaître, et qu’il faut trouver un paradigme complémentaire. Chopra propose en l’occurrence l’Ayurveda, qui est une combinaison religieuse de textes sacrés qui édictent des principes (comme les cinq éléments ou les trois doshas) pour atteindre un bien-être durable.

4. L’observateur a un rôle dans le monde quantique, donc l’observateur peut influer sur la matière, donc la conscience peut influer sur la matière, donc l’observateur peut décider sa guérison.

« Dualité », « incertitude », « inter-cellularité » et « observateur qui peut influer sur la matière » : quatre images très courantes, souvent répétées, et couramment reprises. Quatre images qui se marient très facilement avec d’autres pseudo-médecines : exemple pris chez Jean-Louis Garillon, « docteur » en naturopathie (voir ci-dessous Documentation). On apprend qu’en vertu de la MQ, matière et onde sont une seule et même chose, et qu’un organe sain émet une vibration précise que la fatigue, le stress ou la maladie viennent dérégler. Or, grâce à la MQ, chaque cellule contient l’information de tout l’organisme. Par conséquent, il suffit d’agir par résonance sur l’organe, grâce à l’aromathérapie, pour redonner la bonne fréquence, réparer les données altérées et ré-harmoniser tout l’organisme. C’est beau comme du Prévert, et c’est raconté en vidéo sur Internet. Mais est-ce vrai ?

Voyances quantiques

Le quantique vient également servir le monde de la voyance et de quelques autres capacités présumées du psychisme humain. On lit fréquemment sur la toile des choses comme :

– « [La MQ montre] qu’au niveau de l’infiniment petit, les particules se moquent de l’espace… mais aussi du temps linéaire » (http://www.guidedelavoyance.com/)

– Il existe une autre dimension du réel où les relations de cause à effet seraient purement et simplement abolies, et qui ainsi expliquerait que des esprits particuliers puissent capter des choses échappant au commun des mortels. À ce niveau, est généralement convoqué à citation un auteur spiritualiste, parfois Trinh Xuan Thuan, mais généralement le défunt Olivier Costa de Beauregard, avec des phrases du type :

« [une autre dimension] qui imprégnerait tout l’univers, en reliant entre eux les points les plus éloignés aussi bien que les plus proches et dans un temps qui rassemblerait passé, présent, futur dans un même instant immuable et comme immobile… L’éternité, en somme, telle que s’appliquent à la définir les catéchismes de la plupart des grandes religions ».

– Il serait donc possible pour les voyants, grâce à leur mystérieux 6ème sens empruntant cette dimension, de deviner le futur et le passé dans le présent.

« Paranormal » quantique

Question paranormal, les concepts sont sensiblement les mêmes. Par le principe d’incertitude de Heisenberg, l’observateur fait corps avec le système mesuré, ce qui implique que tout système physique serait donc en relation holistique avec tout l’Univers. Cette cohésion universelle cachée, cette intrication (cf. chap. 3) permettrait ainsi que tout changement quantique dans un système donné implique un changement quantique dans un autre, ce qui expliquerait par exemple les actions à distance.

Ainsi, les phénomènes de psychokinésie et de Poltergeisten

« ne seraient que le résultat inévitable d’un transfert de K-quanta entre le système conscient qu’est le sujet psi et se système fait de l’objet mobilisé psychiquement ».

CorteX_13_JPGirardJean-Pierre Girard, célèbre psychokinète français spécialisé dans une prétendue torsion des métaux par l’esprit, a tenté lui aussi dans son Essai de théorisation du phénomène P.K, d’impliquer la MQ :

« L’élaboration d’une théorie ressortant du domaine de la mécanique quantique et de l’interaction Esprit-Matière est tout à fait cohérente, si je pose le postulat que la Conscience est capable de faire collapser la fonction d’onde

C’est absolument séduisant. Mais comme se le répète le zététicien, le soir dans son lit à baldaquin : les yeux du cœur ont mauvaise vue.

3. Surinterprétations de la MQ

 

Je vais me cantonner à battre en brèche les interprétations abusives courantes sur cinq des objets culturels les plus cités de la MQ : la formule E=mc2, la dualité onde-corpuscule, le principe d’incertitude de Heisenberg, le chat de Schrödinger et l’intrication quantique.

E=mc²

Célébrissime équation, E=mc² ne relève pas vraiment de la MQ – au contraire, elle pose encore des problèmes d’intégration à la théorie CorteX_14_E_mc2_biographiequantique. Mais peu importe, elle est incessamment brandie à tort et à travers. Elle est perçue comme l’aboutissement du génie humain, capable en une sorte de théorie du tout, de résumer le monde en quelques lettres. J’utilise à ce niveau de l’exposé un court extrait du docufiction E=mc² biographie d’une équation, de Johnstone Gary (2005).

[dailymotion id=xksv0f]

Outre l’image un peu facile et très exploitée médiatiquement d’Einstein comme symbole de l’intelligence humaine, cette équation laisse penser principalement deux choses. D’une part, que tout est énergie ; d’autre part que toute énergie est matière.

Prises comme telles, ces interprétations engendrent plusieurs représentations fausses. Tout est énergie, par exemple, nous laisse penser que toute matière est convertible en énergie, et comme le facteur c² est immense, (c est la vitesse de la lumière) tout corps, en particulier le corps humain, renferme une quantité d’énergie incroyable qu’il faudrait apprendre à utiliser. Une masse même petite comme 1 gramme possède potentiellement une quantité énorme d’énergie (environ cent mille milliards de joules, de quoi largement faire des millions de biscottes).

Le monde ne se plie pas à nos exigences

Ce qui est rarement précisé, c’est qu’il s’agit d’une équivalence entre la masse et l’énergie « de masse », purement calculatoire, et on ne peut pas passer de l’un à l’autre directement. Il y a d’autres lois qui montrent qu’on ne peut espérer convertir la matière en énergie suivant cette formule. Un peu comme si, en regardant les icebergs du Groenland, on imaginait combien de parcelles de déserts on pourrait arroser.

Penser que la matière recèle autant d’énergie vient à l’appui de toutes les croyances postulant des énergies mystérieuses, que ce soit dans le champ des interactions personnelles, des capacités extraordinaires ou dans le domaine thérapeutique. E=mc² sert de viatique pour appuyer l’idée, par exemple que les énergies vitales et curatives existent matériellement – ce qui semble accrédité par l’idée que toute énergie est matière. Ce qu’on conclut trop vite, c’est que même si l’énergie (au sens physique) a une équivalence avec la matière, cela ne rend pas matérielle et physique les énergies des médecines énergétiques, par exemple, qui n’ont que le mot énergie en commun. Voici par exemple ce que l’on peut lire chez Jean-Marie Bataille, dans Le biomagnétisme humain :

« Partant du principe d’Einstein démontrant que la matière est de l’énergie, nous sommes tous capables avec les énergies électromagnétiques qui sortent de nos mains de créer un plasma énergétique immatériel, pour le transformer en cellules biologiques matérialisées ».

Hélas (je dis bien hélas, car j’aimerais bien que ce soit vrai), l’équation d’Einstein n’est en rien un gage de l’existence d’énergies auto-proclamées, et encore moins une caution de techniques comme l’utilisation des mantra.

« Einstein formula sa fameuse équation E = mc2, et en accord avec la pensée moderne scientifique qui dit que chaque molécule est issu de l’énergie d’une vibration, chaque atome, at-Om, provient de la vibration primordiale qui est symbolisée par OM » (www.omsweetom.com).

Lire ceci doit nous encourager à la méfiance. Même si cette équation ne relève pas du quantique, E=mc² est importante, et explique par exemple pourquoi lors de certaines collisions de masse de l’énergie peut être libérée, ou de la masse créée. Mais il ne faut pas se servir de ce qu’on croit avoir compris pour accréditer ce qu’on aimerait qu’il soit vrai. Comme il se dit souvent en philosophie des sciences, le monde et sa réalité ont peu tendance à se plier à nos exigences.

La dualité onde-corpuscule

La dualité onde-corpuscule est le deuxième des objets culturels dévoyés. Il part d’une bizarrerie physique des objets micro-microscopiques (tout petits, quoi) : ces objets possèdent des propriétés d’ondes ET de corpuscules : je mets ET en majuscule pour bien souligner qu’à l’échelle macroscopique, celle de notre vie de tous les jours, ces deux descriptions sont parfaitement incompatibles. Une onde, c’est un déplacement de déformation, comme des ronds dans une flaque d’eau, mais la matière ne bouge pas. Un corpuscule, c’est un grain de matière. Or il n’y a pas d’objet présentant des caractères ondulatoires et des caractères corpusculaires en même temps.

Plus surprenant encore, il semble que le comportement de ces objets se comportent soit comme une onde, soit comme un corpuscule, selon comment l’observateur cherche à les observer. Un document vidéo que j’utilise ici est une partie animée montrant l’expérience des fentes d’Young tirée de What the bleep do we know (cf. Documentation).

[dailymotion id=xks0bv]

Fentes d’Young, What the bleep do we know

Cela lança le festival des interprétations abusives, qui fleurirent comme la mandragore sous les gibets. Elles entretinrent, et entretiennent encore des idées reçues, dont voici les trois plus graves : la matière est duale ; la matière obéit à l’esprit de l’observateur ; et la MQ rompt avec un déterminisme froid et lugubre.

L’ornithorynque quantique CorteX_16_double_nature_ornithorynque

Que la matière soit prétendue duale est une manière de parler qui a permis à de nombreux spiritualistes (personnes qui postulent que l’esprit n’est pas réductible à la matière, et qu’il existe des entités, comme l’âme qui échappent à la description des sciences) de faire des ponts faciles avec des courants religieux. On y lut la dualité corps-esprit, commune aux religions monothéistes. On a cru y trouver aussi une preuve de la dualité dite orientale, type bouddhiste ou hindouiste, qu’on se représente souvent sous la forme de la boule noire et blanche Yin-Yang. Pourquoi ces ponts avec les courants spirituels, aussi séduisants soient-ils, sont-ils trompeurs ? Parce qu’il n’y a pas de réelle dualité de la matière. C’est une dualité de description seulement. Prenons une analogie rigolote : l’ornithorynque. Imaginons qu’un explorateur du XVIIIe siècle en Australie, tombant face à face avec la bestiole, veuille le décrire : il dira vraisemblablement que cet animal ressemble à un canard. Imaginons maintenant un second explorateur, le voyant de dos, ou de loin : l’animal ressemble plus volontiers à quelque chose proche d’une taupe. Mais l’ornithorynque n’est ni une taupe, ni un canard. CorteX_15_OrnithorynqueC’est un ornithorynque (qu’en anglais on appelle d’ailleurs duck-mole, canard-taupe). On ne parlera pourtant pas de « dualité canard-taupe » ! On dira qu’il existe un autre animal, qui n’est ni un canard, ni une taupe, mais qui selon comment on le regarde, ressemblera au canard ou à la taupe. Il ne viendra pas à l’idée du lecteur d’y voir un pont avec le Yin et le Yang (merci à J-J. Lévy-Leblond, à qui je crois devoir cette analogie).

Pour la MQ, c’est pareil. Les modèles d’objets microscopiques ont des propriétés et d’onde, et de corpuscule, ce sont de nouveaux modèles d’objets.

Un autre exemple facile à utiliser est le cylindre : si son ombre est projetée selon son axe principal, elle sera ronde.

Si son ombre est projetée de côté, elle aura l’air carré. Personne ne dira néanmoins que le cylindre est une dualité carré-cercle.

CorteX_17_Dualite_cylindre

Le cylindre est-il à personalité multiple ?

La matière n’a pas pour but de nous faire plaisir

Puisqu’on étudie l’objet quantique comme une onde, il se comporte comme une onde. Si on le souhaite corpuscule, il se plie à notre exigence. De là à conclure que la matière obéit à l’esprit, il n’y a qu’un entrechat rapidement franchi. Reprenons l’exemple du cylindre : si on le regarde de face, on le voir rond ; de côté, on le voit carré. Se plie-t-il à notre exigence pour autant ? Nous touchons là un point sensible de la MQ : le langage. Si les enseignants et les vulgarisateurs s’astreignaient à ne plus parler de dualité onde-corpuscule, mais simplement d’un nouvel objet, qu’on appellerait par exemple quanton2, alors les dérives interprétatives seraient plus limitées, de même que l’ornithorynque a été distingué rapidement de sa dualité canard-taupe.

Le déterminisme et les fossoyeurs empressés

Le déterminisme est la théorie selon laquelle la succession des événements physiques est due au principe de causalité. On l’illustre souvent par cette parabole : si on pouvait connaitre toutes les positions et les vitesses de tous les fragments de matière de l’univers à un moment précis, on pourrait potentiellement connaître leur position et leur vitesse à n’importe quel moment ultérieur. En gros, connaître la position et la vitesse de toutes les particules du chanteur Carlos à un moment donné aurait pu permettre de prédire ses chansons-phare, comme Big Bisou ou Tirelipimpon sur le chihuahua.

Le déterminisme est un peu le croquemitaine de la philosophie des sciences : beaucoup craignent que si déterminisme il y a, alors tout est prédéterminé, le libre arbitre s’évapore, nous ne serions plus que des machines dont même les créations les plus artistiques et les plus sensibles ne seraient que le résultat d’une immense équation. La frayeur qu’exerce sur le pape Benoît XVI la théorie de l’évolution est de cet ordre. Très récemment, en décembre 2009, il écrivait :

(…) lorsque la nature et, en premier lieu, l’être humain sont considérés simplement comme le fruit du hasard ou du déterminisme de l’évolution, la conscience de cette responsabilité [de l’exploitation de l’environnement] risque de s’atténuer dans les esprits. Au contraire, considérer la création comme un don de Dieu à l’humanité nous aide à comprendre la vocation et la valeur de l’homme.

Situation en faux dilemme : soit on accepte le déterminisme, et on perd sa responsabilité dans le combat écologique, soit on le refuse, et on retrouve la valeur de l’humain. Cette peur du déterminisme est tellement sur-employée comme un levier rhétorique qu’elle a également amené N. Sarkozy à la dénoncer lui aussi dans son livre La république, les religions, l’espérance (pour une analyse de ce livre, voir ici). Pour résumer, qui refuse les religions et opte pour l’athéisme tombe dans le déterminisme le plus froid, source de toutes les désespérances, et donc d’une frange des délinquances. Raisonnement magique, mais très efficace.

Bref, qui veut tuer le déterminisme l’accuse de la rage. Mais l’enjeu est de taille : qui montre la fin du déterminisme impose d’introduire une nouvelle variable non physique, une volonté immanente, une main invisible. Et comme on nous bassine de dualité onde-corpuscule, l’idée de dualité matière-esprit aidant, la question de Dieu et de ses avatars est réintroduite (ce qu’on appelle couramment une intrusion spiritualiste) au nom du libre-arbitre dans la science, par tous les orifices, si vous me passez l’expression. La MQ, semblant montrer que la matière avait plusieurs facettes dont certaines sensibles à la volonté de l’observateur, devient tout à coup la « preuve » que le déterminisme est mort. Des livres entiers ont chanté cette fin du déterminisme – je pense notamment à certains livres de Jean Staune et de l’« Université » Interdisciplinaire de Paris.

Imprévisible n’est pas indéterministe

Or, n’en déplaise aux grincheux, le problème est sensiblement le même que précédemment : le monde physique est comme il est, et non comme on voudrait qu’il soit. Et rien ne montre que la MQ n’est, heureusement ou non, pas déterministe. Le débat étant vite complexe sur cette question, je vous renvoie si vous êtes curieux à l’excellent document de Jean Bricmont qui détaille un peu ce problème (La mécanique quantique pour les non-physiciens, cf. Documentation). Contentons nous en attendant d’insister sur un seul point : ce n’est pas parce que quelque chose est imprévisible qu’il est indéterministe.

Je m’explique. Prenons le tirage du loto, chaque soir. Le tirage est imprévisible, au sens où il est peu probable de tomber sur la bonne série de nombre parmi les millions de possibilités. Mais le tirage est déterministe : si nous avions la position et la vitesse de toutes les boules, nous pourrions potentiellement suivre les trajectoires de chacune et trouver le bon résultat. Autre exemple : le temps qu’il fera dans une semaine est difficilement prévisible, mais entièrement déterministe. L’équation centrale de la MQ, l’équation de Schrödinger, tout comme les équations de Navier-Stokes qui régissent les turbulences météorologiques, sont des équations 100% déterministes. Imprévisible ne veut pas dire mort du déterminisme – par conséquent n’est en rien une occasion de réintroduire Dieu, ou un dessein intelligent qui guiderait le monde vers un but prédéfini à l’avance.

CorteX_18_equation_Schrodinger

CorteX_19_loto
Points communs entre l’équation de Schrödinger et le loto : imprévisibilité mais déterminisme.
 

Relation d’incertitude de Heisenberg

Au tout début le la MQ, un brillant physicien du nom de Heisenberg posa ce qu’on commença à appeler le principe d’incertitude. C’était en 1927. Il s’écrit Delta X Delta P ge {hbar over 2}.

La signification de ce que disait Heisenberg est qu’il n’est pas possible d’imaginer un environnement expérimental permettant de définir la position (ici X) et et la vitesse (ici P, la quantité de mouvement) de façon aussi précise que l’on veut, car vitesse et position n’ont pas de sens en même temps dans le monde quantique. Oui, c’est bizarre, mais c’est ainsi.

Pressentant qu’il allait être mal compris, Heisenberg transforma vite incertitude en indétermination, mais la traduction en anglais le devança, et installa durablement le terme incertitude. Beaucoup y virent alors un simple problème de mesure, un peu comme vouloir mesurer la taille d’un atome avec un double-décimètre. Mais c’était plus compliqué que cela ; ce n’est pas l’observateur qui n’a pas les outils adéquats, et quand bien même il les aurait, que le problème serait toujours là : il ne pourrait pas avoir le beurre et l’argent du beurre. Ou, pour faire toucher du doigt le type de problème : si on veut savoir si une allumette marche, il faut l’allumer – mais une fois grattée, on ne sera pas plus avancé.

Il s’agit bien d’une indétermination. Et comme Heisenberg l’a prouvée, le fameux principe devient donc en toute rigueur un théorème. Par conséquence, si l’on souhaite être précis, il faut parler de théorème d’indétermination de Heisenberg.

Car « principe d’incertitude » a eu un effet désastreux sur le public. Les conclusions tirées furent bien sûr : la fin des mesures, la Nature inconnaissable en soi, la fin des certitudes, et donc celle du déterminisme, que nous avons déjà abordé. Et qui dit fin des certitudes dit que « tout se vaut », et nous fait sombrer dans le relativisme cognitif complet (pour plus de détails, on pourra lire Sokal et Bricmont, Impostures intellectuelles, cf. Documentation).

Il suffira d’insister sur quelques points pour sortir du bas-côté. Rappelons que la MQ est totalement déterministe. Rappelons aussi qu’elle a une précision inégalée dans ses prédictions, ce qui bat en brèche l’idée que tout se vaut. Ordinateurs, lasers, diodes, quoi qu’on en pense, sont autant de preuves d’applications de cette redoutable précision.

Il faut aussi se méfier du transfert de phénomènes du champ microscopique au champ macroscopique. Imaginez un petit dessin tout moche, prélevé sur une frise : la beauté artistique ne nait que de la frise, c’est-à-dire l’agencement de dizaines de motifs les uns par rapport aux autres, mais le motif tout seul, lui peut être tout à fait hideux. Voyez ? La beauté de la frise nait en prenant du recul. La couleur est aussi un peu le même principe : elle ne naît que parce que beaucoup d’atomes prennent la forme d’un objet, c’est une propriété macroscopique. Néanmoins, un atome seul, même de carbone, n’a pas vraiment de couleur.

Dans le sens inverse, c’est pareil : plus les objets sont gros, moins les effets spécifiques de la MQ se font sentir, ce qui fait que pour décrire notre monde usuel, la physique classique est pratiquement exacte. Donc rêver de transférer la (pseudo)dualité onde-corpuscule, ou l’idée d’une (pseudo)incertitude fondamentale de la connaissance, à notre monde, est aussi saugrenu que, disons, de conclure de l’observation des amibes que nous pourrions nous aussi nous reproduire de la même façon si nous faisions un effort (*).CorteX_20_DvCauwelaert

(*) En 2004, D. Van Cauwelaert, auteur à succès, m’a soutenu le plus sérieusement du monde lors du festival Sciences Frontières la thèse suivante : à la manière des salamandres, si nous nous faisions amputer d’un membre et empêchions ensuite la cicatrisation, alors le membre repousserait de lui-même. C’est le courage qui, selon lui, manque aux scientifiques pour essayer.

Le Chat de Schrödinger

L’affaire – car c’est une affaire – du chat de Schrödinger est un incontournable de la MQ. Sans cesse vulgarisé, ce chat, ne lui en déplaise, est une vraie poule aux œufs d’or. Voici l’histoire, mais je vais faire un petit détour nostalgique.

Si vous avez fait le lycée – ce qui n’est pas nécessaire du tout pour notre propos – vous vous rappelez peut être cette secousse qu’on peut vivre au lycée quand on étudie les équations du 2ème degré (les ax²+bx+c=0, ce genre de truc affreux) : on nous apprend que les solutions existent si le discriminant est supérieur ou égal à 0, mais qu’elles n’existent pas si le discriminant est négatif. Or, un an plus tard, en terminale, on nous révèle que ces dernières existent tout de même, mais ne sont pas « réelles », comme si elles étaient dans une autre dimension, un autre domaine de nombres ! Ça crée une sorte de déflagration cérébrale, assez perturbante.

En MQ, le plus difficile à saisir est que la description du monde qu’elle propose passe par l’utilisation d’outils mathématiques appelés des fonctions d’onde, et qui décrivent les objets non par des mesures, mais par des amplitudes de probabilité. Je passe sur les détails, mais il faut savoir qu’une fonction d’onde peut donner une description de son objet non plus dans un certain état ou un autre, – par exemple ON / OFF – mais d’une superposition de deux états, c’est-à-dire ON et OFF plus ou moins en même temps. Et c’est seulement lorsqu’une mesure va être faite que l’état de l’objet va bifurquer, se figer, en ON ou en OFF. Un atome peut se retrouver par exemple dans un état quantique superposé, à la fois intact et désintégré, qui ne sera tranché en intact ou désintégré qu’à partir du moment où quelqu’un va venir le regarder. On se croirait devant la Licorne Rose Invisible, qui disparait dès qu’on la regarde !3

Chat de Schrödinger vs chat de Cheschire

Pour illustrer ce problème, Erwin Schrödinger, semble-t-il inspiré par le chat d’Alice au pays des merveilles, a imaginé une expérience dans laquelle un chat est enfermé dans une boîte avec un dispositif qui tue l’animal dès qu’il détecte la désintégration d’un atome d’un corps radioactif. Schrödinger imagina un détecteur de radioactivité type Geiger, relié à un interrupteur provoquant la chute d’un marteau cassant une fiole d’acide cyanhydrique liquide sous pression – une fois le flacon brisé, le liquide se vaporise, devenant un gaz mortel qui dessouderait le chat. C’est cruel, n’est-ce pas ? Pour la petite histoire, Einstein, lui proposa un baril de poudre pour faire sauter le chat, ce qui n’est guère plus gentil.

Si les probabilités indiquent qu’une désintégration a une chance sur deux d’avoir eu lieu au bout d’une minute, la CorteX_21_Wanted_chat_SchrodMQ indique que, tant que l’observation n’est pas faite, l’atome est simultanément dans deux états (intact/désintégré). Or le mécanisme imaginé lie l’état du chat (mort ou vivant) à l’état des particules radioactives, de sorte que le chat serait simultanément dans deux états (l’état mort et l’état vivant), jusqu’à ce que l’ouverture de la boîte (l’observation) déclenche le choix entre les deux états. Du coup, on ne peut absolument pas dire si le chat est mort ou non au bout d’une minute. On dit que le chat est mort-vivant, ce qui plaira aux amateurs de films d’horreur. Mieux, on dira plus précisément que le chat est (|mort> + |vivant>)/√2 ce qui, il faut l’avouer, peut empêcher de dormir un moment. 

Mort-vivant ?

Qu’est-ce qui cloche ? Notre intuition nous dit que les phrases « le chat est mort » et « le chat est vivant » ne peuvent être vraies en même temps. Mais dans le monde quantique, il existe une troisième possibilité : le chat peut être dans un état de superposition, dans lequel il cumule plusieurs états classiques incompatibles. Il n’y a pas de problème logique, c’est juste qu’un objet quantique peut avoir des propriétés contredisant notre expérience quotidienne. C’est l’utilisation du chat, macroscopique, qui fout le bazar, car cette superposition d’état n’existe pas hors du monde microscopique, et dans le monde quantique, vie et mort perdent leur sens (comme la notion de couleur, abordée précédemment).

En résumé : continuer à utiliser le chat est un stratagème pédagogique efficace, mais source de mauvaise interprétation. 

Je passe sur les implications de ce problème, qui sont immenses : elles donnent des théories interprétatives fort nombreuses et très stimulantes intellectuellement, dont certaines tendent vers la science-fiction (comme la théorie des multi-univers d’Everett). Parmi ces théories, il y a une sorte de courant spiritualiste posant la conscience, voire l’âme, comme le paramètre faisant bifurquer la superposition quantique. De bons scientifiques, généralement mus par des velléités religieuses ou spirituelles, ont été séduits par cette interprétation sexy, et y ont donné une audience tenant plus à leur goût personnel qu’à la scientificité des hypothèses. Quant aux médias, ils y trouvèrent un tonneau sans fond sur la question des réconciliations science-religion, avec des figures médiatiques servant complaisamment cette soupe, de Hubert Reeves à Trinh Xuan Thuan, de Bernard d’Espagnat aux Bogdanoff. En corollaire, on a pu voir naître avec l’avènement d’Internet tout un tas de sites utilisant cette « puissance de l’esprit » dans les phénomènes physiques – l’exemple le plus parlant étant certainement celui de Jean-Pierre Girard (cf. Chap. 2).

N’oublions pas ceci : la superposition des états ne décrit pas tant la réalité que seulement ce qu’on en sait. Au fond, peu importe pourquoi, ce qui compte, c’est que la description de la MQ rende bien compte des phénomènes. C’est tout ce qu’on lui demande.

Intrication et téléportation quantiques

Vous en êtes désormais convaincu, le monde quantique est bizarre. Et dernière grosse bizarrerie, l’intrication quantique.

Si on se rappelle bien l’histoire du chat, un objet quantique peut être en quelque sorte dans deux états superposés. L’intrication quantique désigne le fait qu’un système formé par deux objets doit être décrit globalement, sans pouvoir séparer un objet de l’autre bien qu’ils puissent être séparés et fortement éloignés. En gros, c’est comme si on séparait le blanc du jaune d’un œuf, que le blanc servait à faire une meringue, et le jaune à dorer une chouquette, et qu’en agissant ensuite sur la chouquette, on transformait… la meringue. À l’état macroscopique, ça n’est plus valable. Mais entre deux atomes liés qu’on casse en deux et qu’on éloigne, il se passe un peu la chose suivante : comme si une immense tige se tendait entre les deux atomes, et qui faisait qu’en tournant le premier atome d’un demi-tour, on faisait automatiquement tourner l’autre atome, même très très loin. Sauf que la tige n’existe pas. C’est cela qu’on appelle l’intrication : on ne peut pas raisonner sur deux objets différents, mais sur le système formé par les deux objets même s’ils sont séparés.

alt

Le document vidéo  que j’utilise en présentation est tiré du film What the Bleep do we know, down the rabbit hole, et présente de manière très visuelle l’intrication, même si le but ultime du film est l’interprétation holistique mystique.

[dailymotion id=xkrzy4]

 

Là encore, on retrouve la cohorte des interprétations les plus métaphysiques : tout est lié en un immense cosmos ; une action sur une partie crée une action sur tout ; agir sur une cellule crée un effet sur tout le corps ; actions à distance et capacités psychiques de guérison seraient donc possibles, etc.

Les médias là encore n’ont pas contribué à calmer les esprits en parlant de téléportation quantique. Bien sûr, le terme est vendeur, et nous transporte dans le monde des fictions et de Retour vers le Futur. Mais il ne désigne rien d’autre que ce que nous abordions avec l’action par la tige. Imaginons le système formé par les deux faces d’une pièce de monnaie. Imaginons que nous séparions les deux côtés, et qu’on les éloigne, très loin. L’un des côtés montrerait pile, l’autre à des milliers de kilomètres, montrerait face. Ce qu’on appelle téléportation quantique est le fait que tourner l’un des côtés va automatiquement tourner l’autre côté : celui qui était pile devient face, et celui qui était face devient pile. Super, non ?

CorteX_25_Chaseism_piece (Photo : Chase Ism)

 

Mais ne nous méprenons pas : contrairement à ce qu’affirme le courant spiritualiste, ce n’est pas l’esprit, l’âme ou la conscience qui crée le lien entre les deux objets, c’est la structure de l’espace qui fait ça, et qui crée ce qu’on appelle des variables non-locales (elles ne sont pas collées à l’objet). Il ne s’agit pas non plus du système des deux objets qui a don d’ubiquité et peut être en deux endroits à la fois.

L’erreur principale vient du mot téléportation. Nous imaginons tous qu’il y a transfert de matière dans ce processus, comme dans la téléportation du savant dans La Mouche de D. Cronenberg, mais ce n’est pas le cas.

Grand jeu : entre ces deux téléportations, l’une n’est pas une vraie téléportation. Sauras-tu dire laquelle ?

CorteX_26_La_Mouche_Cronenberg CorteX_27_Monroe_teleportation_Q

La Mouche, D. Cronenberg (1986) vs. Christopher Monroe, University of Maryland


 

Le phare d’Ouessant

CorteX_28_phare_nuit

Pour montrer cette nuance, laissez-moi vous narrer l’histoire d’un phare breton. Imaginons-nous sur l’île d’Ouessant, avec le phare qui promène un faisceau de 100 mètres de long, à la vitesse d’un tour par seconde. Un petit calcul ̶ le seul de cet article – montre que l’extrémité du faisceau de lumière va parcourir en une seconde un cercle de 100 m de rayon, soit un périmètre de 2∏R = 2∏x100 mètres par seconde. Ce qui donne 628 mètres / seconde.

Imaginons qu’on équipe le phare d’un projecteur plus puissant, qui permet de faire un faisceau cette fois d’un kilomètre. Le même calcul montre que la pointe du faisceau se promènera donc à la vitesse de 2∏x1000 par seconde, soit 6280 mètres / seconde, ce qui équivaut à plus de 22000 km à l’heure.

Imaginons un phare archi-méga-ultra puissant, qui projette de la lumière maintenant à 50000 km. La pointe du faisceau atteindra alors la vitesse de 2∏ x 50 000 kilomètres par seconde, soit… 314 000 km/s. Nous avons alors dépassé l’indépassable, c, la vitesse de la lumière ! (qui est de presque 300 000 km/s). Comment est-ce possible ?

C’est très simple : la vitesse de la lumière est indépassable, ce qui signifie qu’une particule quelle qu’elle soit ne pourra jamais dépasser cette vitesse. Or, le cas du archi-méga-phare est un peu comme celui d’une Ola dans un stade : ce n’est pas parce que l’information Ola fait le tour du stade en quelques secondes que les gens qui se lèvent et se rassoient battent un record de vitesse. Ce qui se promène ici à une vitesse plus grande que c n’est pas une particule, c’est l’arrivée décalée de nombreuses particules après 50 000 km de route. Encore une autre image : un arroseur à jet d’eau, qui fait psshht pshhht sur les pelouses, peut tourner à la vitesse qu’il veut, ce ne sont pas les mêmes gouttes qui forment le cercle.

Cela nous fait donc deux bonnes nouvelles.

CorteX_29_Signal_travaux_nuitLa première est que si vous faîtes le pari avec quelqu’un, vous pouvez lui démontrer, avec un phare, ou mieux, avec des plots lumineux de chantiers par exemple qui s’allument consécutivement, qu’on peut faire en sorte que quelque chose (en l’occurrence une information, et non un objet) dépasse la vitesse de la lumière. Pas mal, non ?

Gagnez votre pari en montrant qu’avec des plots lumineux de chantier une information peut dépasser la vitesse de la lumière.

La seconde est que ce n’est pas parce qu’une information circule très vite ou instantanément qu’il y a téléportation. Je vais m’arrêter là, car je ne voudrais pas rendre complexe le débat, mais cette nuance est tout à fait importante à saisir.

4. Détournements idéologiques

Pourquoi avoir pris toutes ces précautions ? Vous pourriez me dire qu’au fond, il ne s’agit que de vendre une panoplie d’outils pseudoscientifiques, de gadgets comme il y en a tant, rien de plus.

Et pourtant… Tout d’abord, il y a ces fameuses thérapies quantiques, dont on attend les preuves de leur efficacité. Nous savons que dans les cas de maladies graves et rapides, il n’y a guère le temps de faire plusieurs choix thérapeutiques. Aussi vanter une thérapie dont on n’a pas la preuve de la validité peut être synonyme d’aggravation, ou de décès4.

Il y a aussi une mise en garde profonde à faire sur les déviances de type sectaires. Pour illustrer mon propos, je reprends les trois exemples disponibles dans le célèbre documentaire What the bleep do we know, down the rabbit hole.

Masaru Emoto

Emoto est un chercheur autodidacte japonais, diplômé en médecine alternative par l’Open International University for AlternativeCorteX_30_Emoto_Peace_project Medicine d’Inde qui étudie les effets de la pensée et des émotions sur l’eau. Au moyen d’études fortement entachées de biais qu’il n’a ni reproduit sous contrôle, ni publié dans une revue scientifique à comité de lecture, il avance qu’on peut changer la structure de l’eau, et créer des cristaux particuliers, simplement en écrivant sur la bouteille des émotions, comme amour, haine, etc. Hélas, la notoriété de ses travaux dépasse largement leur qualité. Il est aujourd’hui président de l’institut de recherche d’IHM Corporation, ainsi que président du Project of Love and Thanks to Water, et son mouvement prend des contours de plus en plus sectaires.

Project of Love and Thanks to Water, de Masaru Emoto

Dans le documentaire, on voit une exposition d’images tirées de la pseudoscience d’Emoto, et un commentaire disant en substance :

« Si une telle action est possible sur l’eau (sachant que notre corps est composé de 95% d’eau) imaginez l’action possible que cela pourrait représenter sur nous-mêmes. »

Avec des si, on peut dire beaucoup de choses. Et c’est le physicien mystique Amit Goswami, connu pour ses tentatives de réconciliation de la science avec l’Advaita Vedanta et la Théosophie, qui vient conclure ainsi :

« Mais si la réalité est constituée par les possibilités de ma conscience (…) je peux créer moi-même la réalité. Cela peut sembler une théorie nébuleuse d’un adepte du New Age qui ne comprend rien à la physique. Mais c’est ce que nous enseigne la mécanique quantique ».

Voici un des documents utilisés pendant la conférrence, pour donner un exemple d’interprétation « mystiquantique » d’A. Goswami en vidéo.

[dailymotion id=xksv3o]

Malheureusement, ce n’est pas vraiment ce que nous enseigne la MQ. En attendant, on apporte de l’eau (cristal) au moulin d’Emoto, ainsi qu’aux mouvements recensés par la commission parlementaire sur les sectes en France et qui reprennent ses postulats, comme la Fraternité Blanche Universelle5.

[dailymotion id=xkswkq]

Autre exemple : validation des théories sur l’eau-cristal de Masaru Emoto par la MQ

 En mai 2012, nous avons challengé les prétentions d’Emoto avec des étudiants de l’Université de Grenoble 1 (voir ici).

L’effet Maharishi

CorteX_31_Maharishi_Mahesh_YogiLe deuxième exemple est celui de l’« effet Maharishi ». On entend John Hagelin, de la Maharishi University, décrire comment le taux de criminalité de Washington D.C. fut abaissé durant deux mois par 4000 praticiens de la Méditation Transcendantale, et là encore, c’est la MQ comme porteuse d’un nouveau mode de conscience et de rapport au monde qui est sollicitée.

[dailymotion id=xksw18]

Présentée comme cela, on a envie de serrer John Hagelin dans ses bras et de rejoindre ses rangs de méditants, comme le firent en d’autres temps les Beatles6.

Seulement l’expérience n’en était pas une : pas de comparaison réelle des taux, taux de réduction variable, pas d’analyse en double-aveugle, pas de groupe-témoin, bref, une pseudo-expérience ce qu’il y a de plus navrant sur le plan protocolaire, qui lui a d’ailleurs valu, rappelons-le, le prix IgNobel (pour les études les plus stupides) en 1994.
 
 

Une propagande anti-médicament

CorteX_32_What_the_bleepLe meilleur est pour la fin dans le documentaire What the bleep : la femme qui sert de fil conducteur a le regard perdu, et admire la ville et ses lumières. Défilent alors plein d’« experts » qui ont parlé de quantique dans le film.

Goswami : « Pour reconnaître le moi quantique, le lieu où l’on a vraiment le choix, pour reconnaître l’esprit, quand survient ce glissement de perspective, on parle d’illumination ».

Intervient alors Jeffrey Satinover, « psychanalyste » (ce qui n’est pourtant pas un titre validant un contenu théorique précis – voir à ce sujet ici) :

« La mécanique quantique permet au phénomène intangible de la liberté d’être amalgamé dans la nature humaine ».

Goswami à nouveau :

« la physique quantique est en réalité la physique des possibilités. La question est de savoir qui a ces possibilités et qui choisit parmi elles pour nous donner une expérience donnée. La seule réponse satisfaisante et qui a un sens est que la conscience est le fondement de toute existence ».

Et tandis que notre héroïne, épuisée, s’endort sur un banc, sont vantés les avatars, Jésus et Bouddha. Puis retentit un discours décousu de Judy Zebra Knight, alias Ramtha (possédée par l’esprit de Ramtha), dirigeant la plus célèbre école de channeling mediumnique d’Amérique, – dont, sachons-le, les trois producteurs du documentaire sont des élèves.

Au matin dans une musique synthétique New Age, l’héroïne se réveille, fraîche et dispose, s’étire devant le fleuve, met sa main à la poche, et y retrouve une boîte de ce que l’on présume être des anxiolytiques. Alors elle réfléchit, puis prend la boîte et, au ralenti, les yeux fermés, lance ses médicaments dans une poubelle comme signe de sa délivrance. Tout cela grâce à la mécanique quantique.

[dailymotion id=xksw59]

Extrait N°7 – propagande anti-médicament


 

5. La « faute » à qui ?

Qui incriminer ? Que faut-il faire pour éviter un tel dévoiement des concepts quantiques à des fins marketing ou idéologiques ?

Au premier degré d’analyse, on tend à penser que les individus non scientifiques ou pas spécialistes sont certainement charmés par les notions séduisantes des thérapeutes quantiques qui, telles des sirènes, les emmèneraient vers leur perdition : la faute reviendrait alors à Deepak Chopra et ses épigones, – dont dire qu’ils en font un commerce serait une litote : car pour Chopra, on devrait parler d’industrie. Le monsieur pèse autour de 15 millions de dollars7.

Toutefois, si l’on pousse l’analyse à un degré de plus, on se rend vite compte que malgré quelques opportunistes utilisant sciemment le marketing quantique comme d’autres l’ADN végétal, une frange non négligeable de ces thérapeutes est sincère dans sa démarche.

De quelle manipulation alors les « quantocs » du quantique seraient-ils donc le jouet ?

La source du problème est dans les médias

J’ai ma petite hypothèse, depuis mes recherches sur les médias. Pour m’en rendre compte, il m’a fallu prendre le problème là où il démarre, avec cette question simple. Quand est-ce que l’homme ou la femme du monde, comme mon oncle par exemple, entend parler de MQ ? La réponse est : soit dans les revues type Sciences & Avenir et Science et Vie en kiosque ; soit lorsque les frères Bogdanoff passent à la télé.

Or, si l’on regarde de près quels types de représentations de la MQ nous donnent les revues de vulgarisation, on retrouve… exactement les mêmes interprétations abusives qu’abordées précédemment. En clair, thérapeutes comme patients potentiels baignent dans le même flot d’information quantique mysticoïde.

  • La grande énigme du quantique enfin résolue ? Le paradoxe du chat de Schrödinger (Sciences & Avenir)
  • La physique quantique rend-elle fou ? (Science & Vie)
  • L’ultime secret de la physique quantique enfin dévoilé – l’expérience qui montre comment la matière devient réelle (Science & Vie)
  • Méditation quantique – explorer les espaces parallèles grâce aux dernières découvertes scientifiques (L’Initiation)
  • Mécanique quantique, l’erreur d’Einstein (La Recherche)
  • La Vie serait quantique ! Les révélations des physiciens sur l’ADN (Science & Vie)
  • Plus vite que la lumière – les nouvelles expériences qui défient Einstein (Science & Vie)
CorteX_33_Couv_HSSAv_Chat_Schrod CorteX_34_Linitiation_1_Meditation_Q_couv CorteX_35_la_Rech_418_Erreur_Einstein_2008

CorteX_36_Pourquoi_esprit_guerit_corps

CorteX_37_SV_defi_Einstein_0997_oct2000

CorteX_38_SV_MQrend_fou_1097_fev2009

CorteX_39_ultime_secret_quantique CorteX_SV_la_vie_serait_quantique  

Effet Coupe-faim

Lire que la MQ est un pont vers le Nouvel Age, fait toucher les limites du réel ou amorce une révolution de conscience est un phénomène addictif : le média annonce quelque chose qui crée la soif, l’appétit : un titre comme « La mécanique quantique chamboule-t-elle notre représentation du monde ? » a des vertus apéritives.

Le dossier présenté ensuite remplira en quelque sorte le rôle de coupe-faim intellectuel, qui nous rassasie pour un instant. Pour un instant seulement car il suffit d’une discussion un peu élevée avec un spécialiste pour se rendre compte qu’il nous manque encore pas mal de choses, et notre cerveau a encore besoin de manger ! Mais qu’on se rassure, il ne passera pas un mois sans voir réapparaître dans les kiosques la question quantique dans l’une ou l’autre des revues de vulgarisation, généralement jouant sur les mêmes objets culturels.CorteX_Raider_2doigts

Le résultat : un article de Sciences & Avenir est à la théorie quantique ce qu’une barre chocolatée est à la tortillade de fruits de mer en sauce. Un coupe-faim.

L’illusion de la science sans peine

Les médias nous entretiennent vite dans l’illusion d’avoir compris l’essence même de la théorie, et ce sans effort. Une sorte de « science sans peine ». Et comme la vulgarisation scientifique fonctionne ainsi à coups d’images simples et de métaphores, il arrive qu’on prenne le messie pour une lanterne et la métaphore pour argent comptant. Ne reste alors dans l’esprit de mon oncle que la métaphore, que le scénario médiatique qui a assuré le succès commercial ̶ en général, le titre de la couverture du journal. C’est cela qui peut le mettre à la merci des quantocs. C’est dans ce terreau-là, dans cette illusion d’avoir cerné la théorie quantique, que des marchands de soin, de rêve, ou de métaphysique viennent planter les graines de leurs propres « théories quantiques ».

Boucle médiabolique

Tout ceci pourrait être représenté comme le fruit d’une boucle « médiabolique », qui consisterait en ceci : le journaliste, souvent pigiste et précaire, qui tient à son poste, veut complaire à sa rédaction, dont le but principal est de vendre. Or pour remplir cet objectif, il faut plaire au public, l’allécher avec des couvertures séduisantes, l’attirer. Et pour cela, tous les ressorts sont bons, de l’émotion, de l’insécurité, du scoop plus ou moins bricolé, du mystique et du paranormal. Et comme le public est lui-même déjà baigné dans cet univers, il ira chercher les revues dont les couvertures empruntent les idées qu’il a déjà – que la MQ est vraiment bizarre, ou que la physique n’a plus de sens. Et tant pis si les sciences y sont torturées, c’est un pis-aller. Ce qui donnera raison au pigiste et à sa rédaction, etc. etc. Une sorte de mercantilisation globale de l’information scientifique.

Alors la faute ? Elle ne reviendrait pas à quelqu’un en particulier, mais à un système qui prend d’abord pied sur la précarité des journalistes et la visée purement commerciale des revues.

Non à la marchandisation de l’information scientifique

On m’a reproché d’être un peu sec avec la vulgarisation scientifique. J’assume, c’est effectivement le cas. D’une part parce que personne ne le fait – le vulgarisateur jouit, comme l’humanitaire, d’une aura de respectabilité en soi. D’autre part parce que tant que la vulgarisation répondra plus à un enjeu commercial qu’à un enjeu d’éducation populaire, il y aura une mercantilisation des théories. On pliera les connaissances au bon vouloir de l’audience, on laissera les Bogdanoff remplir nos fantasmes, et Yves Coppens malmener la paléoanthropologie pour que ses docu-fictions se vendent mieux.

Pour finir, si je ne devais insister que sur un point, ce serait celui-là : une théorie scientifique, c’est comme une langue vivante.

  • Soit on en ignore tout, mais on en est conscient : par conséquent aux questions sur le sujet on répond qu’on ne sait pas et on fait le deuil d’un avis éclairé sur le domaine.
  • Soit on bosse le lexique de base, les phrases-type : on sait qu’on n’est pas spécialiste, mais on n’est pas dupe, et au moins pourra-t-on se débrouiller dans les cas urgents.
  • Soit on maîtrise la théorie. Mais cela demande du boulot, d’autant plus que la langue/théorie est exigeante. Rien d’impossible, bien sûr. Comprendre la MQ, c’est comme lire du chinois. C’est possible, mais ça prend du temps.

Alors message aux vulgarisateurs : faire croire aux gens qu’en trente secondes et deux couvertures de Sciences & Avenir ils sauront tout sur la physique quantique est non seulement leur mentir, les asservir avec de la soap-science qui s’auto-entretient. Mais il y a pire : une mauvaise vulgarisation peut contribuer à les mettre à la merci des imposteurs et colporteurs quantiques de toute sorte.

Nous avons tous une responsabilité dans cette boucle médiabolique. L’information scientifique est la nourriture de l’esprit critique et des choix éclairés : et de même qu’on décrie la malbouffe, il est primordial de refuser la malinformation.

Richard Monvoisin

Merci à Dominique Bocher, du CLEPT Grenoble, pour ses judicieuses remarques, ainsi qu’à Jean Bricmont, de l’Univ. Louvain.

 

En complément, voici l’avis de Julien Bobrow, sur la « nature quantique » du jugement humain, l’emploi de « quantique » en sciences humaines, et sur les médecines quantiques, extrait de la Tête au carré sur France Inter du 17 juin 2014. Précisons qu’il n’y a pas qu’en Angleterre qu’on parle de Quantox : en France aussi (c’est le titre du livre de R. Monvoisin).

Télécharger


 

1 Dans R. Feynman, The Character of Physical Law (1965) Chapitre 6.

2 Et ceux qui les étudient s’appelleraient des quantonniers, hé hé, on rigole bien dans le monde quantique.

3 Adresse du culte : http://filer.case.edu/~bct4/

4 Pour d’autres remarques sur ce thème, j’ai écrit un article dans les Actes du colloque national « Science, pseudo-sciences et thérapeutiques déviantes », GEMPPI, 2006 disponible ici.

5 On peut en savoir plus avec cette Petite histoire fraternelle, blanche et universelle (POZ N°36 mai 2007, p.7).

6 J’avais narré l’histoire dans lesChroniques zétético-musicales N°02 sur George Harrisson (POZ N°23 juin 2008,p.11).

7 Chopra a gagné le prix Ig Nobel 1998 des études les plus ridicules, « pour son interprétation unique de la physique quantique et de ses applications à la vie, la liberté et la quête du bonheur » (http://improbable.com/ig/winners/).

Documentation

Comme promis, je mets à disposition toutes les ressources que j’ai utilisées.

Vidéos

Livres & articles

Pour pousser plus loin la réflexion, voici quelques lectures tout à fait profitables :

  • Jean Bricmont et Hervé Zwirn, Philosophie de la mécanique quantique, Vuibert (2009).
  • Jean Dubessy, Guillaume Lecointre, Jacques Bouveresse, Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Syllepse, 2ème édition (2003)
  • Richard Feynman, Le Cours de physique de Feynman, tome 3 – Mécanique quantique, Dunod (2003)
  • Jean Dubessy, Guillaume Lecointre, Marc Silberstein, Les matérialismes (et leurs détracteurs), Syllepse (2003)
  • Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Odile Jacob (1997)
  • Sven Ortoli, Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques, La découverte Poche (1998)
  • Confusion quantique, la physique moderne confirme-t-elle le paranormal ?
  • (En anglais) Stephen Barrett, A few thoughts on Ayurvedic Mumbo-Jumbo, Quackwatch.com

(Vous trouverez plus de détails sur une bonne partie de ces livres dans BiblioteX).

Pour un œil critique sur le documentaire What the bleep do we know, down the rabbit hole, (en anglais) :

Vous avez créé votre propre cours sur le sujet ? Ecrivez-moi.
CorteX_El_Esceptico

Janvier 2011 Le CorteX dans El Escéptico (Richard Monvoisin)

CorteX_El_EscepticoJuan Soler, ami sceptique rencontré lors de mon  passage en  Catalogne, co-gère le magazine sceptique espagnol El Escéptico, qui est une « Revista para el fomento de la razón y la ciencia » (une revue pour le développement de la raison et de la science). Pour son magazine, je me suis prêté au jeu de l’entrevue.
.
La version espagnole a paru dans El escéptico N°34. Voici la version française.

 


 

JS : On a appris que vous êtes venu à Barcelone d’une façon gratuite, sans toucher un sou. Jusqu’où va votre altruisme ?

RM : Je n’étais pas complètement désintéressé : c’était ma première venue en Catalogne ! Et je rencontrais les Escépticos ! Rien que pour ça, cela en valait largement la peine 🙂

Entre nous, je ne sais pas si l’altruisme est une notion bien claire. Certes, je ne gagne pas d’argent, mais je participe un peu à la transmission de la démarche sceptique, en donnant quelques éléments pédagogiques tels que je les développe au CorteX, au Laboratoire Zététique, ou dans l’Observatoire Zététique. CorteX_Elesceptico_p35redC’est de l’activisme, en quelque sorte, en vue d’un monde où personne n’abuserait du manque d’esprit critique des autres, où personne n’exercerait du pouvoir sur autrui par des manipulations même involontaires autour du paranormal et des pseudo-sciences. Et plutôt que de combattre ceux qui abusent de la faiblesse des autres – ce qui est une stratégie de très court terme – je préfère partager des outils d’autodéfense intellectuelle, avec tout type de public.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire du scepticisme et de la zététique en France ?

 Il y a toujours eu des sceptiques en France, mais rarement fédérés. Il y a une forte tradition laïque, une Libre Pensée, une Union Rationaliste, et des personnages connus qui en firent partie. Mais à proprement parler le mot zététique (« méthode pour pénétrer la raison des choses », en grec ancien) est sorti de la cave vers 1975, avec Henri Broch, professeur de physique à l’Université de Nice – Sophia Antipolis. En appelant « zététique » la méthode scientifique d’investigation des phénomènes surnaturels, il a cherché à enseigner la démarche sceptique aux étudiants sur des sujets qui suscitent un très fort intérêt. Un laboratoire universitaire de zététique a été créé en 1992, et a regroupé autour de la démarche un certain nombre de gens. Puis ont commencé à naître diverses associations locales en France. Fin 2002, j’ai pris pour directeur de recherche Henri Broch, et j’ai orienté une thèse de didactique des sciences portant sur la zététique (téléchargeable ici). En 2003, avec quelques amis extraordinaires, nous avons monté à Grenoble l’Observatoire Zététique, l’association la plus connue et la plus influente. Entre temps, dans la ligne directe du Prof. Broch, certains collègues et moi avons construit des cours universitaires, en particulier à Grenoble, formant à la démarche sceptique, aux outils zététiques et à l’analyse des prétentions extraordinaires. L’objectif de ces cours étant qu’ils soient répliqués par d’autres, avec trois collègues nous avons bâti en 2010 un Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences, qu’on orthographie souvent CorteX, et qui tente de réunir sur son site web tous les outils pédagogiques possibles visant à l’enseignement de l’esprit critique, à tous les niveaux. Toutes les contributions sont souhaitées, à partir du moment où le matériau est enseignable, scientifiquement irréprochable, et avec un ton « doux », car nous sommes lassés de voir une certaine frange de sceptiques désagréables et arrogants.

Juan Soler et Richard Monvoisin

Quelle est le niveau de crédulité vis-à-vis du paranormal et des non-sciences en France ?

Petite remarque de départ : la non-science n’est pas un problème en soi. La poésie est une non-science, et c’est très bien. La non-science, c’est également une hypothèse qui s’avère fausse (par exemple l’éther des physiciens, qui s’est écroulé vers 1905). Ce n’est pas ça qui est grave. Ce qui est terrible, ce sont les pseudo-sciences (de pseudes, en grec, signifiant menteur), c’est-à-dire les théories qui se font passer mensongeusement pour solides alors qu’elles ne le sont pas.

Revenons à votre question. L’adhésion à des thèses « paranormales » ou pseudoscientifiques est assez répandue en France. Les derniers chiffres ont entre 7 et 10 ans, et montrent qu’un peu plus de la moitié des gens interrogés croient aux guérisons par les mains, par le « magnétisme », et environ 40% croient aux rêves prémonitoires et à la transmission de pensée. Ces chiffres sont intéressants car on se rend compte de plusieurs choses : d’une part, cela n’augmente pas. D’autre part, cela se transforme, avec des systèmes de modes. En outre, on remarque que le niveau d’adhésion n’est pas corrélé au niveau d’étude – ce qui montre que ce ne sont pas les études classiques qui permettent à l’élève ou l’étudiant de distinguer science et pseudoscience. Mais les questions de ces sondages sont généralement mal posées. Entre croire et ne pas croire, il y a tout un tas de positions intermédiaires. C’est pour ça que je n’utilise pas le terme crédulité, car on se rend vite compte qu’il n y a pas les crédules d’un côté, les sceptiques de l’autre : entre les deux, il y a un continuum, et la place sur ce continuum dépend des champs questionnés. Et puis beaucoup de gens sont sceptiques sur 95% des sujets, et ont comme un « ilôt » d’irrationalité qui flotte au milieu.

En voyageant, je me rends compte que les croyances varient, les thèmes à la mode dans ce pays-ci ne le sont pas dans celui-là, etc. En Catalogne, j’ai remarqué qu’il y a beaucoup d’émissions sur l’astrologie, ce qui n’est pas le cas en France, où la spécificité est plutôt dans le recours à l’homéopathie dans les soins de santé, et l’omniprésence du cadre conceptuel de la psychanalyse, même dans nos contenus d’enseignement.

En parallèle, quelle est la situation en France vis-à-vis du scepticisme et de la défense de la pensée critique ?

En France, tout le monde, pédagogues, enseignants, ministres, tout le monde déclare que l’esprit critique est nécessaire pour faire un bon citoyen. C’est un mot magique, mais il n’y a pas grand chose de fait pour aider les associations, ou pour soutenir les enseignements universitaires. Il faut dire que l’enseignement en France est de plus en plus tourné vers la professionnalisation, et que ce qui n’est pas réellement rentable sur le plan professionnel comme les arts ou l’histoire, n’est pas vraiment soutenu. Pour l’esprit critique, c’est encore pire, car parmi les compétences données, il y a la discussion des arguments d’autorité, ce qui n’encourage pas à la paix sociale.

Y-a-t’il d’habitude une attitude crédule vers les pseudoscience dans les Mass média ?

Une attitude crédule, je ne dirais pas ça, mais une attitude mercantile, c’est sûr ! Les pseudosciences font vendre du papier, de nombreuses émissions existent sur ces thèmes. Il faut dire que le créneau est vendeur, car la scénarisation sensationnelle est facile à faire, et on obtient sans trop d’effort des titres très accrocheurs pour le client. Se rajoute à cela le champ de l’introspection personnelle, des thérapies « alternatives », du bien-être et du développement personnel, auxquels une pléthore de journaux se consacrent presque exclusivement.

Dans les médias plus sérieux, la précarisation progressive des journalistes et leur soumission à un flot d’informations continues ne leur permet pas de faire de l’investigation lente et patiente. Leur travail consiste essentiellement à reprendre les dépèches des agences de presse, sans vérifier la teneur scientifique du propos. A la fin tout le monde recopie sur tout le monde, et dans le lot de fausses informations circulent : les deux exemples qui me viennent à l’esprit sont l’affaire Rom Houben, et Piano Man. Piano man, cet homme retrouvé au bord d’une plage, amnésique, muet, et qui jouait des symphonies au piano, ce que personne n’a pris soin de vérifier. Et Rom Houben, cette personne plongée depuis très longtemps dans un coma, et que la presse a annoncée (sans vérifier) être capable de communiquer à l’aide d’une technique appelée Communication Facilitée. Le pire est que les médias font une explosion médiatique sur l’annonce des choses sensationnelles, mais ne s’excusent jamais lorsqu’ils se sont trompés. La culture populaire garde alors essentiellement l’idée de départ, fausse. Beaucoup de gens croient encore que Rom Houben communique vraiment, et que du plus profond du coma, on peut converser avec une personne. Ça peut faire naître des espoirs factices, et avoir des conséquences tragiques.

Y a-t’il des rapports parmi les groupes de sceptiques français et ceux d’autres pays ?

Il y a quelques liens formels, notamment avec l’ECSO, l’European Council of Skeptical Organisations, mais il n’y a pas d’activité réellement concertée. Il y a par contre des liens amicaux, avec les italiens du CICAP (Comitato Italiano per il Controllo delle Affermazioni sul Paranormale) en particulier, avec des sceptiques québecois, belges. Nous avons des relations avec le monde anglosaxon, Skeptic Society, le CSI (Center of Skeptic Inquiry, ancien CSICOP) ,le  James Randi Educational Foundation, etc. Mais il n’y a pas de réelle collaboration. Il faut dire que les groupes sceptiques sont essentiellement des associations, et qu’en France la lecture de l’anglais n’est pas si courante que ça.

Quelle est la situation sur les soit-disant médecines « alternatives » en France ?

Il y a une omniprésence des médecines dites « alternatives », dans les pratiques, dans les magazines, dans les pharmacies. C’est un marché très important.

Je pense qu’il n’est pas pertinent de s’opposer frontalement aux thérapies alternatives, et qu’il faut d’abord se poser la question suivante : que viennent chercher les gens dans ces thérapies qui soit si important pour qu’ils en viennent à opter pour des méthodes inefficaces ?

Je vois trois types de réponses : 1) une meilleure prise en charge, plus longue et plus personnalisée. 2) un retour vers des méthodes moins médicamenteuses et 3) une réappropriation de la santé, un peu confisquée par le corps médical, lui-même grandement à la merci des influences industrielles.

Je suis d’accord avec ces trois points, moi aussi !

Je pense qu’une troisième voie peut être créée : plus de service public de santé, pour un personnel plus disponible pour le point 1. Encourager la patientèle à ne pas réclamer de médicaments systématiquement pour le point 2. Se battre pour une indépendance de la formation médicale vis-à-vis des industries pour le point 3. Et surtout, donner une information complète sur l’efficacité de chaque thérapie, pour que les patients puissent faire leurs choix en connaissance de cause.

Les thérapies « alternatives » ont-elle le soutien des universités et sont-elles apprises dans les programme d’études, par grade universitaire spécialisé ou un moyen analogue ?

Je ne connais que le cas de l’homéopathie, qui est enseigné comme spécialité dans certaines facultés de médecine, et bien sûr, la thérapie psychanalytique, omniprésente. Il y a beaucoup de diplômes inter-universitaires (DIU) de spécialités complémentaires (ostéopathie, acupuncture, etc.). Hélas, pas de DIU de zététique ou d’autodéfense intellectuelle pour l’instant.

Quant aux associations des médecins, est-ce qu’elles agissent et expliquent les risques liés aux thérapies « alternatives » dont l’efficacité n’a jamais été prouvée ?

C’est assez timide, car les enjeux sont importants : l’homéopathie est très appréciée, et le N°1 mondial, Boiron, est français. Et puis on évalue à près de 10 % le nombre de médecins qui utilisent eux-mêmes une pratique « alternative ». Le conseil national de l’ordre des médecins a beaucoup de mal à se positionner. En 2004, l’Académie de médecine a préconisé le déremboursement des médicaments homéopathiques, qui sont remboursés à hauteur de 35 % (alors qu’ils n’ont pas à faire preuve de leur efficacité). Cela a soulevé une immense polémique. L’homéopathie est une institution en France, on évalue à 36% la proportion de français qui y ont recours chaque année.

Les médicaments homéopathiques représentent 0,3 % des dépenses totales de santé et entre 1,2 et 2 % des remboursements de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie.

Quel est ton avis sur les diètes miraculeuses ?

On pourrait penser qu’il faut les prendre une par une, et les analyser pour être formel. Mais c’est l’inverse qu’il faut exiger : c’est aux défenseurs de ces diètes de faire la preuve qu’elles marchent.

Il ne faut pas inverser la charge de la preuve, qui incombe à celui qui prétend quelque chose. Transposons ce raisonnement ailleurs : est-ce à l’acheteur de prouver que le shampooing n’est pas efficace, ou que le véhicule ne fonctionne pas, ou que le médicament anti-cancer ne marche pas ? On n’accepterait cela dans aucun autre domaine.

Proposer une diète miraculeuse sans preuve, surtout sur des pathologies urgentes et graves, c’est comme s’assurer en escalade avec une corde trouvée par terre. C’est comme sauter avec un parachute trouvé dans une poubelle : peut-être qu’il marche bien, mais risquerai-je ma vie ainsi sans faire d’autres vérifications ?

Bracelets de la guérison, aimants pour améliorer la sante, etc. les avez-vous aussi en France ?

Bien sûr. La magnétothérapie, le soin par les aimants sont un grand « classique » des expositions à tendance écologistes et New Age. Cela fait un lien intuitif avec ce que le public sait plus ou moins clairement sur le magnétisme terrestre, sur la sensibilité au magnétisme des oiseaux migrateurs, et sur les prétendues capacités de sourcier. Dans mes enseignements de zététique et d’autodéfense intellectuelle, c’est exactement le genre de sujets sur lesquels je fais travailler les étudiants.

Y a-t’il des risques avec le créationnisme ou le dessin intelligent ?

Oui, il y a un créationnisme musulman assez virulent, et un Dessein Intelligent (ID, pour Intelligent Design) très vendeur, proposé entre autres par des associations financées largement par des groupes États-uniens visant à « réconcilier science et religion ». Mais l’ID est également proposé par des personnages médiatiques pseudo-scientifiques, au nom des arguments comme le fine-tuning ou la complexité irréductible. De plus en plus d’enseignants de biologie sont contestés en classe par des élèves qui disent ne pas croire à la théorie de l’évolution.

En général quelle est la position de la France envers les problèmes du changement climatique ?

Je ne peux pas répondre à cette question, car je suis incompétent sur le sujet – et puis la France, c’est 60 millions de personnes et « l’opinion publique » n’existe pas.

Tout ce que je peux dire, c’est que les climatosceptiques sont contestés en France, et d’une manière très maladroite. Pour moi, le scepticisme raisonnable est justifié dans tous les champs, moyennant qu’on soit rigoureux scientifiquement, ce qui n’est pas le cas de tous les climatosceptiques, loin de là. Si leurs arguments étaient attaqués sur ces points, ça irait, mais l’opposition à ces doutes est plus posturale que scientifique. Derrière la question sur le réchauffement, se cache une posture politique qui vise à minimiser ou amplifier l’impact de l’Humain sur l’environnement. Le débat se déplace alors sur « l’humain a-t-il un impact, ou non ? », qui se déplace ensuite en « faut-il ou non changer quelque chose dans notre manière d’exploiter les ressources planétaires ? », ce qui est une question politique, et non plus scientifique.

Chez pas mal de gens, elle se transforme très vite en positionnement « les gentils veulent prendre soin de la planète, les autres sont des méchants ».

Sur cette question politique du changement de nos pratiques, j’ai un avis qui est le même que pour le racisme. La question scientifique, aussi intéressante soit-elle, n’a pas d’importance pour notre manière de vivre ensemble : qu’il y ait des preuves de l’existence de plusieurs races humaines ou non, je me battrai contre le racisme. Je tends à penser qu’une prise de conscience écologique ( non-mystique !) est nécessaire en soi, et nous avons des exemples d’écocides terribles dans l’histoire, des habitants de l’Ile de Pâques aux Incas du Macchu Piccu. Et cette prise de conscience que nous sommes dans un monde aux ressources finies ne dépend pas des preuves scientifiques du réchauffement climatique.


Et quant aux produits transgéniques ?

Même type de réponse pour moi. Pour l’instant, je ne vois pas quel est l’intérêt réel de ce genre de produits.

Mais ce n’est pas tant les produits transgéniques, nanotechnologiques, etc qui me posent problème, mais quel modèle de société cela induit, et quel est le rapport au peuple et à son opinion sur ces sujets. Vu que ces recherches sont faites avec son argent, il serait légitime que la population soit consultée, avec un vrai pouvoir de décision.

Les soucoupes volantes intéressent-elles encore ?

Oui, il y a toujours un certain public autour de cette question. Il faut dire que la question sous-jacente « y a-t-il des êtres ailleurs qui nous rendent visite » est tout à fait stimulante. Malheureusement, c’est un domaine où l’envie de voir est telle qu’il faut se confronter à un grand nombre de témoignages, plus ou moins clairs. Et lorsque l’explication n’est pas trouvée, la conclusion est immanquablement extra-terrestre. Ça fait de ce domaine un immense fourre-tout.


L’étude graphologique des attitudes d’un travailleur, l’analyse astrologique, est-ce qu’on l’utilise généralement en France ?

L’astrologie est encore employée, mais marginalement, par quelques politiciens, mais aussi par le séléctionneur de l’équipe de France masculine de football.

La graphologie par contre est extrêmement utilisée, de l’ordre de 90 % de recours lors d’une embauche (50% systématiquement, 45% occasionnellement, selon des chiffres de Balicco en 1999). Vu que la technique est inefficace pour prévoir le caractère des individus, et que les théories sous-jacentes (aussi bien l’école française de Michon que l’école allemande de Klages) sont infondées, l’utiliser devrait revenir à de la discrimination à l’embauche, ce qui est illégal. C’est proprement scandaleux.

 
Des catalans peuvent-ils collaborer au CorteX ?

Bien sûr ! Il suffit que des enseignants, des journalistes, ou toute personne motivée pour construire des séquences pédagogiques liées à l’esprit critique nous envoie leur matériel. Partageons nos expériences, en vue d’éduquer les générations suivantes à utiliser leur sens critique bien mieux que nous ne l’avons fait nous-mêmes.

Henri Broch (membre d’honneur de l’ARP-SAPC, Sociedad para el Avance del Pensamiento Crítico) depuis 1992 et maintenant Prix Mario Bohoslavsky, est-il toujours en activité ?
Absolument. Le professeur dirige toujours le laboratoire de zététique, et ses enseignements sont toujours aussi célèbres.
L’inquiétude actuelle de Henri et de mes collègues du CorteX repose sur la menace de fermeture du laboratoire après le départ à la retraite de son directeur.
Il semble qu’en 2014, le laboratoire zététique, unique au monde, n’existe plus. C’est aussi pour cela que le CorteX essaye de reprendre le flambeau sur le terrain universitaire, dans une continuité directe. Henri nous aide beaucoup en cela, et ses conseils sont très précieux.

 

RM, mars 2011

El Escéptico N°34, janvier – avril 2011

Ce qui pourrait être nuancé, car il semble qu’ils soient plus prompts à se repérer selon…les axes routiers ! Voir les études de Tim Guilford (2004-2005)

Le Fine-tuning est l’argument qui consiste à dire que les constantes cosmologiques sont tellement précises qu’une seule variation aurait empêché toute vie d’apparaître. La complexité irréductible est l’idée que l’oeil / l’humain / la synthèse des protéines / ce que vous voulez est trop complexe pour ne pas être l’objet d’un projet préalable, par une volonté programmante, un dessin intelligent. Ce sont des raisonnements à rebours pourtant faciles à casser, mais encore faut-il préparer les enseignants à cela.