Les acteur∙ices de la pensée critique se mobilisent pour la Palestine

©Hani Alshaer/Anadolu via Getty Images / via le site d’Amnesty International

Nous avons vu les images de la bande de Gaza. Nous avons vu des hommes, des femmes et des enfants massacré.es, déchiqueté.es, brûlé.es. Nous avons vu à Rafah des réfugiés décapités, ensevelis et écrasés sous les décombres. Nous avons vu les témoignages des survivant∙es[1]. Avant d’avoir touché notre raison, ces images nous ont submergé.es et nous ont laissées hagard.es et impuissant.es. 

Nous avons vu les chiffres ahurissants des victimes. Ce nouvel épisode du conflit israélo-palestinien débute avec les attaques du 7 octobre qui auront coûté la vie à 1 200 personnes, dont 37 enfants, fait 7 500 blessés, provoqué l’enlèvement d’environ 150 personnes dont 134 – parmi lesquelles 2 enfants – sont toujours retenues en otage. Depuis, on dénombre 1,7 million de réfugiés, 36 050 tués du côté palestinien, dont plus de 14 100 enfants et 9 000 femmes (ils et elles représentent 70 % des victimes). Plus de 81 000 personnes auraient été blessées, dont 12 300 enfants. Des milliers d’autres sont portées disparues et seraient probablement sous les décombres. Actuellement un enfant est blessé ou tué toutes les dix minutes[2]. Selon l’ONU, plus d’enfants ont été tués dans la bande de Gaza en quatre mois  qu’en quatre ans de guerre dans le monde entier[3]. En raison de l’organisation volontaire de l’absence d’aide humanitaire, empêchée par Israël, la famine est également en train de s’installer[4]. Nous sommes très loin de la réplique proportionnée et dirigée vers le Hamas annoncée par le gouvernement d’extrême droite[5] de Benyamin Netanyahou.

Nous avons vu le gouvernement israélien provoquer la mort d’humanitaires (196 en avril)[6] et de journalistes (103 en mars)[7].

Nous avons vu, lu et entendu les paroles de déshumanisation et d’incitation au génocide du peuple palestinien de la part des représentant∙es et des défenseur∙euses du gouvernement d’Israël.

Nous avons vu le traitement médiatique en France en grande partie d’un niveau déplorable, inhumain, clairement orienté en faveur de la propagande israélienne et incapable de présenter les évènements dans un contexte plus global (historique et politique notamment)[8].

Nous avons vu les tentatives de censure des prises de parole, d’appel à la paix et/ou propalestinienne : répression judiciaire, interdiction de manifester, interdiction de tenir des conférences, entrave à la liberté d’expression, etc.[9].

Nous avons vu les répressions systématiques des mouvements de soutien à la Palestine et les accusations d’antisémitisme à l’emporte-pièce[10] délégitimant malheureusement le véritable combat contre les actes antisémites en France[11].

Nous avons vu la première décision de la Cour internationale de justice (CIJ) du 26 janvier, prenant au sérieux la plainte de l’Afrique du Sud contre Israël en évoquant un risque de génocide et incitant l’Israël à « prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer la fourniture des services de base et de l’aide humanitaire » [12].

Nous avons vu Karim Khan, procureur de la Cour pénale internationale, requérir des mandats d’arrêt contre trois leaders du Hamas ainsi que contre Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, accusés de morts intentionnelles de civils, de recours à la famine de la population gazaouie comme méthode de guerre et de persécutions contre les civils[13].

Nous avons vu, le 24 mai, la Cour internationale de justice ordonner à Israël de cesser « immédiatement » son offensive militaire à Rafah[14].

Nous avons vu l’inaction du gouvernement français, qui malgré tous les points précédents, continue de soutenir le gouvernement israélien et de livrer des armes[15], tandis que d’autres pays tentent d’agir pour faire cesser le massacre. Nous avons pourtant commémoré cette année les 30 ans du génocide rwandais en rappelant l’implication de la France dans celui-ci… L’État rend hommage aux morts d’hier tout en  cautionnant ceux d’aujourd’hui.

Tout cela nous l’avons vu et constaté ! Et nous n’avons pas tout vu, et nous n’avons pas tout saisi mais face à cela, il nous est impossible de nous taire !

Nous, militant∙es, formateur∙ices, chercheur∙euses, enseignant∙es et acteur∙ices de l’esprit critique, nous prenons aujourd’hui la parole face à cette situation gravissime pour la défense des droits fondamentaux, la lutte contre le colonialisme, contre l’impérialisme et contre l’extrême droite. Nous ne considérons pas l’esprit critique comme un outil de réflexion déconnecté de la réalité. L’exercice de la rationalité doit mener à l’action, en particulier dans une situation comme celle-ci où l’injustice est criante. Le combat pour la pensée critique se place, et se placera toujours, du côté de la défense des persécuté∙es, des opprimé∙es, des massacré∙es, des affamé∙es… Ce côté est aujourd’hui celui du peuple palestinien.

Nous nous engageons – et nous appelons nos consœurs et confrères à en faire de même – à accorder une importance toute particulière au traitement du conflit israélo-palestinien, à en pointer les discours fallacieux, à en dénoncer les mensonges et cadrages médiatiques, à relayer avec la plus grande attention des analyses et des données concernant la situation, à traiter ce sujet auprès de nos étudiant∙es et dans les contenus que nous produisons.

Nous nous engageons à soutenir les actions et mouvements étudiants qui portent ces mêmes valeurs au sein de nos établissements.    

Nous appelons les médias français à reconsidérer leur traitement du sujet, à adopter un regard plus critique sur les informations délivrées par le gouvernement israélien ainsi que sur celles de leurs « experts » de plateau, à faire preuve de rigueur et d’honnêteté dans leurs analyses, et à prendre en compte la complexité historique et politique du conflit. 

Nous appelons les candidat∙es aux prochaines législatives à prendre en compte la situation à Gaza avec le plus grand sérieux et la gravité qu’impose ce moment critique de l’histoire.

Nous appelons le gouvernement français à changer son orientation et à stopper sa politique de répression.

Nous appelons le gouvernement français à soutenir les décisions des instances internationales tel que la Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale.

Nous appelons le gouvernement français à soutenir la libération immédiate des otages et prisonniers israéliens et palestiniens et à avancer vers une prise en compte des intérêts du peuple palestinien et son droit à l’autodétermination.

Nous appelons le gouvernement français à tout mettre en œuvre pour un cessez-le-feu rapide, à soutenir l’aide humanitaire en favorisant leur actions sur les territoires palestiniens et à s’aligner sur les réclamations des ONG sur place, à l’instar de Médecins sans frontières[16], Médecins du monde ou Amnesty International.

La frontière entre le doute et la mise en action est un chemin de crête dans la brume. Mais nous croyons qu’il vaut mieux faire un pas à peu près bien dirigé que rester assis·e occupé·e à trouver la meilleure direction. Aujourd’hui, alors que nous voyons chaque jour des vies s’éteindre devant nos yeux, nous ne voulons plus rester assis·es à penser, mais nous voulons – et nous appelons à – agir !

Si vous souhaitez ajouter votre signature à cette tribune, envoyez votre nom/prénom/pseudo et qualité à solde@cortecs.org. Pour une structure (association, collectif, ou autres), envoyez le nom de la structure et éventuellement un logo.

Structures signataires

Individu·es signataires

Richard MonvoisinPensée critique, Université Grenoble Alpes
Jacques Van RillaerProfesseur émérite à l’université de Louvain
Nathanael JeuneChercheur et médiateur
Jean-Marc Peigneux (Troots)Animateur socioculturel et membre de Cinétique
Elisabeth FeytitDocumentariste et podcasteuse indépendante
TranxenVulgarisateur
Vivien SoldéChercheur, président de Cinétique et membre du Cortecs
Hadrien SchmittInformaticien, vulgarisateur et musicien
Gwen PallarèsMaîtresse de Conférences en Didactique des Sciences – Université de Reims Champagne-Ardennes
Gaël LenimoisTrésorier de la FIDESS (Fédération des Initiatives pour le Développement de l’Esprit critique et du Scepticisme Scientifique) et membre du SITP Paris
Serpent à plumesMembre de l’équipe ZSF (Zététique, Scepticisme et Féminisme) et du bureau de la FIDESS.
AvistewBénévole dans l’esprit critique et membre de l’ASTEC (Association pour la Science et la Transmission de l’Esprit Critique)
Luca BobenriethMembre de l’ASTEC
Nicolas MartinEnseignant esprit critique (Cortecs, Rasoir d’Oc, Skeptikon)
le Fou AlliéTravaille sur les réseaux sociaux sur les questions de sexisme et de violences masculines
Frédérique Miller Orthophoniste
NichoaxVidéaste, podcasteur, conférencier sur le fact checking & l’esprit critique et membre de Cinétique et du centre d’analyse Zététique de Nice
Arthur Dian Ostéopathe et étudiant en master d’histoire et philosophie des sciences
VicissChaîne Hacking Social
ChaykaChaîne Hacking Social
Florence DellerieAutrice, illustratrice scientifique et vulgarisatrice sur Questions animalistes
Dimitri Lasserre (Doomit)Docteur en philosophie
Lyla M. (Raie futée)Vulgarisatrice au sujet des luttes sociales et de la pensée critique
Yohann HoarauPsychologue et vulgarisateur en psychologie sociale et philosophie morale
Hugo MartinPostdoctorant, ancien organisateur du Skeptics in the Pub Paris et vulgarisateur de l’esprit critique.
Matthieu Mollard Clown, musicien
Yvan SonjonDoctorant en neurosciences et cadre de recherche en psychiatrie
Orlando H. BentaCréateur de Réplique éthique, collectif sentientiste de scepticisme appliqué à l’éthique
TzitzimitlAuteur de la chaîne Esprit critique
Lou GirardPrésidente de la FIDESS (en son nom), vulgaristatrice en études sur le genre.
Albert MoukheiberDocteur en neurosciences cognitives
Loïc MassaïaVulgarisateur pour le projet Utopia
Serge Bret-MorelAstroscept, ex-astrologue spécialiste de l’analyse critique de la croyance astrologique
TrilobiteProfesseur des écoles
Adrien BigotCo-auteur de Réplique éthique
Emmanuelle DecosterOrthophonie anthropologie hypnose, Formatrice et clinicienne Lille, Cabinet inclusif Queer 
Catherine HélayelAncienne avocate et ex coprésidente du Parti animaliste, conférencière et autrice

[1] « Israël/TPO. Les frappes aériennes israéliennes qui ont tué 44 civil·e·s s’ajoutent aux éléments attestant de crimes de guerre – Nouvelle enquête », https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/05/israel-opt-israeli-air-strikes-that-killed-44-civilians-further-evidence-of-war-crimes-new-investigation/

[2]« Israël-Palestine : des milliers d’enfants usés par la guerre », https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/

[3] « Gaza : plus d’enfants ont été tués dans la bande de Gaza « en quatre mois » qu’en quatre ans de guerre dans le monde entier, alerte l’ONU », https://www.lemonde.fr/international/article/2024/03/13/a-gaza-plus-d-enfants-ont-ete-tues-en-quatre-mois-qu-en-quatre-ans-de-conflits-a-travers-le-monde-alerte-l-onu_6221749_3210.html

[4] « Israël-Palestine : des milliers d’enfants usés par la guerre », https://www.unicef.fr/article/israel-palestine-les-enfants-paient-le-prix-de-la-guerre/

[5] « En Israël, Benyamin Nétanyahou présente un gouvernement qui installe l’extrême droite au pouvoir », https://www.lemonde.fr/international/article/2022/12/29/netanyahou-revient-a-la-tete-du-gouvernement-le-plus-a-droite-de-l-histoire-d-israel_6155974_3210.html

[6] « Mort d’humanitaires à Gaza : l’armée israélienne reconnaît une « grave erreur » », https://www.lesechos.fr/mo nde/afrique-moyen-orient/mort-dhumanitaires-a-gaza-larmee-israelienne-reconnait-une-grave-erreur-2086411

[7] « 103 journalistes tués en 150 jours à Gaza : une tragédie pour le journalisme palestinien », https://rsf.org/fr/103-journalistes-tu%C3%A9s-en-150-jours-%C3%A0-gaza-une-trag%C3%A9die-pour-le-journalisme-palestinien ; « Journalistes tués en Palestine : comment et pourquoi Mediapart a enquêté », https://www.mediapart.fr/journal/international/110224/journalistes-tues-en-palestine-comment-et-pourquoi-mediapart-enquete

[8] «Israël-Palestine : un naufrage médiatique (vidéo) », https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-un-naufrage-mediatique-video?recherche=palestine ; « Palestine : naufrage et asphyxie du débat public », https://www.acrimed.org/Palestine-naufrage-et-asphyxie-du-debat-public?recherche=I24 ; Israël-Palestine, le 7 octobre et après (1) : un cadrage médiatique verrouillé, https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-le-7-octobre-et-apres-1-un?recherche=palestine ; « Israël-Palestine, le 7 octobre et après (2) : doubles standards et compassions sélectives », https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-le-7-octobre-et-apres-2-doubles?recherche=palestine ; « Israël-Palestine, le 7 octobre et après (3) : invisibilisation de Gaza et déshumanisation des Palestiniens », https://www.acrimed.org/Israel-Palestine-le-7-octobre-et-apres-3?recherche=palestine,

[9] « Convocations policières pour « apologie du terrorisme » : les médias façon Orwell », https://www.acrimed.org/Convocations-policieres-pour-apologie-du?recherche=I24

[10] « La gauche accusée d’antisémitisme : le faux procès orchestré par la droite et l’extrême droite », https://www.humanite.fr/politique/antisemitisme/la-gauche-accusee-dantisemitisme-le-faux-proces-orchestre-par-la-droite-et-lextreme-droite ; Menachem Klein : « La décision de la CPI est une honte pour Israël », https://www.mediapart.fr/journal/international/210524/menachem-klein-la-decision-de-la-cpi-est-une-honte-pour-israel

[11] « La LDH exprime sa plus vive préoccupation face à l’actuelle recrudescence d’actes antisémites », https://www.ldh-france.org/la-ldh-exprime-sa-plus-vive-preoccupation-face-a-lactuelle-recrudescence-dactes-antisemites/ ; « Combattre l’antisémitisme en toute clarté » https://www.mediapart.fr/journal/france/230524/combattre-l-antisemitisme-en-toute-clarte

[12] « La Cour Internationale de Justice des Nations Unies reconnaît un risque de génocide à Gaza »,  https://fr.euronews.com/2024/01/26/la-cour-internationale-de-justice-des-nations-unies-reconnait-un-risque-de-genocide-a-gaza

[13] « Le procureur de la CPI requiert des mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien et des responsables du Hamas », https://www.mediapart.fr/journal/international/200524/le-procureur-de-la-cpi-requiert-des-mandats-d-arret-contre-le-premier-ministre-israelien-et-des-res

[14] « Décision de la CIJ sur Rafah : “la pression juridique sur Israël s’intensifie” », https://www.courrierinternational.com/article/guerre-a-gaza-decision-de-la-cij-sur-rafah-la-pression-juridique-sur-israel-s-intensifie

[15] «Guerre à Gaza : la France ne peut plus être complice »,  https://www.mediapart.fr/journal/international/270524/guerre-gaza-la-france-ne-peut-plus-etre-complice ; « La France assure que les composants d’armes livrés à Israël ne seront pas utilisés, la gauche demande à voir » https://www.mediapart.fr/journal/international/270324/la-france-assure-que-les-composants-d-armes-livres-israel-ne-seront-pas-utilises-la-gauche-demande

[16] « Gaza : Israël doit mettre fin à son entreprise de mort et de destruction », https://www.msf.fr/communiques-presse/gaza-israel-doit-mettre-fin-a-son-entreprise-de-mort-et-de-destruction