Dans ce TP/Exercice nous décrirons comment parler d’énergie en cours de physique-chimie. Nous évoquerons également les risques liés à son utilisation parfois abusive, notamment au niveau de ses interprétations pseudo-scientifiques.
Le concept d’énergie est introduit dès la classe de 3e de façon qualitative et quantitative (calcul de l’énergie cinétique et électrique), étude qui sera prolongée et approfondie au lycée. Comme beaucoup de termes, l’énergie est un mot polysémique car utilisé dans deux cadres distincts : les sciences et la vie de tous les jours. D’où un certain nombre de confusions et d’interprétations, la plupart du temps sans conséquences, mais pouvant donner lieu parfois à des abus et autres dérives pseudo-scientifiques (à des fins fallacieuses ou mercantiles donc).
Il est alors primordial de bien clarifier les choses lorsque l’on introduit ce concept, notamment en collège mais également au lycée lorsqu’il s’agit de remettre les élèves à jour. Pour cela, on peut par exemple faire un cours spécifique de présentation du concept, sachant qu’il va guider toute l’année de troisième. Lors de cette introduction, il faudra avoir en tête l’ensemble des sens que l’on peut prêter au mot « énergie ». Pour y parvenir, Stanislas Antczak et Julien Pinel proposent le document suivant (télécharger) à leurs élèves de première scientifique. Il pourra bien entendu être adapté (au niveau du vocabulaire) pour des collégiens mais l’important réside dans la différenciation faite entre les quatre acceptions données : 1/ un sens scientifique, 2/ un sens utilitaire, 3/ un sens commun, 4/ un sens pseudo-scientifique.
On peut également proposer un travail préparatoire pour faire émerger les conceptions des élèves avant de les clarifier : demander de rédiger une dizaine de lignes sur ce qu’ils entendent (d’après eux) par « énergie ». Ce moyen permettra à coup sûr de retrouver au moins trois des quatre catégories ci-dessus. En effet, l’énergie au sens n°1 sera difficilement décelable dans les réponses des élèves.
- Pour illustrer le sens n°4, le sens pseudo-scientifique, on pourra proposer deux exemples. Le premier en visionnant le document suivant :
(En cas de problème de lecture, utiliser ce lien. À télécharger ici ou là. Ne pas hésiter à relancer le téléchargement pour obtenir la vidéo en entier)
La vidéo s’intitule « L’énergie en question ». Les élèves seront alors interrogés sur le sens que sous-entend ce titre. Certains propos tenus par la suite (sur les champs électromagnétiques – EM – « non naturels » et leurs dangers) ne sont pas étayés et demanderaient un temps de discussion et d’approfondissement critique important, ce qui n’est pas le but de ce visionnage. Mais la présentatrice prétend également que notre corps « consacre beaucoup d’énergie [pour lutter contre ces champs] et enchaîne « Et pour mettre en évidence ce phénomène, notre équipe de tournage s’est rendue au sein d’une famille et a soumis les membres de cette famille à plusieurs tests afin d’estimer la perte d’énergie. » Quel sens est utilisé ici ? Visiblement plusieurs : on mélange le concept scientifique (l’énergie qui se mesure) avec le sens commun (être en forme ou pas) mais également avec le sens pseudo-scientifique quand il est question d’ « estimer la perte d’énergie » due à une action néfaste des champs EM. On sent par cette phrase toute l’ambiguïté et la confusion sur laquelle joue le discours utilisé : nous aurions de l’énergie et celle-ci serait perdue (comment ?) par la supposée influence des champs EM qui nous entourent. Certes notre corps est plein d’énergie (sens scientifique) mais on ne parle jamais en science de perte d’énergie de cette façon. On pourra enchaîner avec l’exemple suivant pour faire comprendre à quoi renvoie ce genre de formulation.
Dans la suite de la vidéo, le reporter va tenter d’illustrer cette « perte d’énergie » avec un soi-disant test de résistance, soulignant une nouvelle fois la confusion entre les différents sens du mot. La suite de la vidéo est surtout un exemple admirable pour illustrer les défauts de base à ne pas reproduire lors de la mise en place d’un protocole expérimental rigoureux (sur ce point, on pourra consulter cet article).
- Un autre exemple à la mode (2010-2011) : le bracelet power balance.
Voici un descriptif que l’on peut trouver sur certains sites (ici par exemple) vendant ce produit :
- Power-Balance est une technologie qui utilise un hologramme programmé avec des fréquences qui réagissent positivement avec les champs énergétiques du corps humain.
Le corps humain, comme les roches, les minéraux, certains aliments et de nombreuses autres choses dans la nature, génèrent de l‘énergie électromagnétique. Ce sont ces fréquences électromagnétiques qui intéragissent avec le corps humain.La fréquence idéale pour un fonctionnement optimal du corps humain est la « Schuman Resonating frequence » (RSF), elle est de 7.8 hertz. Certaines fréquences agissent positivement et d’autres, dues par exemple aux GSM, au stress, aux maladies agissent négativement.
Le but de Power Balance est de rééquilibrer le flux énergétique du corps humain et de l’optimiser grâce à l’hologramme contenu dans le bracelet qui est encodé avec des fréquences réagissant positivement avec le champ électromagnétique du corps. Lorsque l’hologramme est en contact avec le champ énergétique du corps humain, il permet à votre corps d’interagir avec la fréquence stockée et donc d’optimiser le flux énergétique . Tout cela apporte une amélioration de votre force, de votre équilibre et votre souplesse..
De nombreux sportifs tels que le golfeur Tiger Woods, le basketteur Shaquille O’Neil, le pilote de F1 Rubens Barrichelo, le surfer Andy Irons, et bien d’autres grandes stars ont déjà adopté ces bracelets qui grâce à leur technologie, améliorent la force, l’équilibre, la précision et la souplesse…
Idéal pour une utilisation dans la vie quotidienne et la pratique sportive. Prix unitaire 34,90€
En fait, tout dans ce texte serait à surligner. Mais en se concentrant uniquement sur le terme énergie, on voit qu’il est utilisé sans précaution, sans véritable signification objective (qu’est-ce que le champ énergétique du corps humain ??!), bref, dans un sens pseudo-scientifique car faisant office de verni scientifique pour justifier une soi-disant efficacité. Utilisé ainsi, c’est un mot Canada Dry : « ça ressemble à de la science, ça a le goût de la science, mais ce n’est pas de la science… »
On pourrait se poser les mêmes questions sur les mots « hologramme », « fréquence », « flux », « champ » dont la signification est très précise en science et qui sont utilisés dans ce texte sans aucune précaution, jetés à la figure du lecteur pour l’éblouir et, sans doute, le rendre aveugle…
Cet effet impact, utilisé notamment avec des termes scientifiques, est très puissant et fait souvent office de diversion quand il faudrait, avant toute tentative d’explication, vérifier si ce produit est réellement efficace, s’il a les effets qu’il annonce. Sur ce point comme pour le reste, on pourra consulter cet article de l’AFIS.