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Recension – Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique

couverture du livreLivre sympathique à lire, sur les grands combats entre individus lorgnant le pouvoir en France. Mitterrand – Chirac, Chirac – Balladur, Rocard – Mitterrand, Jospin – Fabius, Hollande – Royal, Sarkozy – De Villepin, etc. Hélas, un recours à la psychanalyse tout à fait désuet plombe un peu le propos.

Le constat est tout de même accablant : de ces grandes luttes, il n’y a rien, strictement rien qui relève du débat d’opinion, de l’expertise politique ou de joutes économétriques. Non, il s’agit de pure realpolitik, de jeux d’extermination où tous les coups sont permis. L’essentiel des personnages ont pour seul engagement un parti, choisi non pour ses valeurs, mais pour ses capacités à les mener au pouvoir. On ne lit aucune préoccupation du bien public ou du traitement des plus vulnérables de la société.  C’est la même froideur que l’on retrouve dans la mini-série « L’école du pouvoir », de Raoul Peck (2009), retraçant la promotion Voltaire de l’Ecole Nationale d’Administration ; la même incurie intellectuelle de l’ENA telle que montrée dans l’excellent livre Ubu Roi, d’Olivier Saby, déjà chroniqué ici.

 Seul bémol : plutôt que de contacter de vrais compétences pour l’analyse des caractères de ces tristes sires, les auteurs (Henri Vernet, du Parisien, et Renaud Dély, du Nouvel Observateur) passent par l’ « expertise » du psychanalyste Serge Hefez, à la grille d’analyse freudienne, ce qui fait passablement rigoler quand on connaît l’immense marais qu’est le freudisme.

Dans Le livre noir de la psychanalyse (Arènes, 2004), Borch-Jacobsen parle de la psychanalyse comme d’une théorie zéro, qui dit tout et rien. C’est criant ici.

Exemples.

  • p 16 : « Dans le jeu politique, le crime est permis ; on peut tuer, sauf qu’on ne tue pas vraiment, le crime est d’ordre du symbolique », comme le souligne Serge Hefez.

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  • p 48 « La rivalité entre frères pour accéder à la fonction paternelle, pour s’imposer en successeur du père, c’est classique, cela relève de l’émulation », décrypte le psychanalyste Serge Hefez.

(à propos de gens qui ne sont pas frères, et qui veulent arriver au poste de président, qui n’est pas une fonction paternelle)

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  • p 131-2 à propos de Rocard maltraité par Mitterrand. « L’intéressé se retrouva immédiatement dans une situation de sujétion d’autant plus terrible qu’elle n’était pas seulement institutionnelle, mais aussi psychologique, presque psychanalytique ». Ah bon ?

je ne sais pas la qualité des soins proposés par Serge Hefez. Mais la teneur de ses livres a le charme des théories mortes Dans La  Sarkose obsessionnelle, Hachette Littératures (2008), il affirme analyser le narcissisme de la société française à travers celui de Nicolas Sarkozy…

De quoi alimenter un bêtisier psychanalytique. Dommage.

Renaud Dély, Henri Vernet, Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique, Calmann-Lévy (2011)

RM