Christian Seignolle, 100 ans de croyances populaires

CorteX_Claude_SeignolleClaude Seignolle va avoir 100 ans. Il ne peut pas laisser insensible les personnes curieuses d’étrange et de paranormal que nous sommes, puisqu’il a passé sa vie, sous divers pseudonymes (Starcante, Claude S., Jean-Robert Dumoulin) à collecter les croyances populaires et les légendes comme d’autres collectionnent les pierres. Il laisse derrière lui une montagne d’ouvrages, qui font de lui l’un des plus grands fournisseurs de travail pour ethnographes et folkloristes.

France Culture, par le micro de Marie-Hélène Fraïssé, l’a fait parler en 2002, et a rediffusé l’émission .

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Écrivain-culte pour un grand nombre de lecteurs, outre-atlantique notamment, Claude Seignolle, était le sujet de l’émission « Appel d’Air » en 2002. Alors âgé de 85 ans, il expliquait comment il avait construit son oeuvre fantastique sur un minutieux travail d’enquête. Dès l’âge de vingt ans, sur les conseils de l’ethnologue Van Gennep, il avait entrepris de collecter les traditions, les croyances, les peurs ancestrales auprès d’une population rurale née sous le second Empire. De là devait naître, selon les propos d’Hubert Juin en son temps, « le plus beau florilège d’histoires à faire peur de la littérature d’aujourd’hui »…

Claude Seignolle expliquait comment était née, dès son enfance, sa vocation d’ethnologue du monde fantastique. Formé avec la peur du loup, la peur de se pencher sur un puits… il se qualifiait de « menteur idéal » . Il évoquait sa rencontre avec Arnold Van Gennep, folkloriste français et ses premières enquêtes dans l’esprit du collectionneur. Il racontait quelques mésaventures vécues lors de ses enquêtes dans le monde paysan concernant le surnaturel, sa méthode pour questionner les gens, comment il était passé de l’enquête à la fiction, grâce à sa rencontre avec « Marie la louve ».

 

Reductio ad hitlerum – encore une !

L’émission Duel sur la Cinq d’octobre 1988 proposait un débat autour de la mise sur le marché de la pilule RU-486 dite « du lendemain ». Un des participants, Jérôme Lejeune, connu pour condamner la dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, s’opposait à la commercialisation de cette pilule. Son argumentaire était loin d’être dénué de sophismes. Nous avons extrait ici un reductio ad hitlerum. Pour en savoir plus sur ce sophisme, voir là

 

« Et je dis parce qu’il faut que les téléspectateurs le comprennent. Si ce produit est en vente, ou même qu’il soit payé ou pas ça n’a pas d’importance. S’il est employé et exploité industriellement ce sont des millions d’êtres humains qui seront détruits chaque année. Et je le dis posément parce que c’est vrai, il faut qu’on le sache, ce produit tuera plus d’êtres humains qu’Hitler, Mao Zedong et Staline réunis. »

Relevons aussi l’effet paillasson avec le terme « êtres humains » dans la phrase « S’il est employé et exploité industriellement ce sont des millions d’êtres humains qui seront détruits chaque année.« . Il aurait été plus pertinent d’employer le terme « embryon », car la pilule du lendemain est destinée à interrompre une grossesse dans ses premières heures. Or, l’organisme en cours de développement lors d’une grossesse est appelé embryon jusqu’à huit semaines d’aménorrhées. En parlant d’êtres humains, J. Lejeune aggrave la situation, transformant la contraception en un quasi-holocauste.

Un ministre peut-il tomber enceinte ?* Dé-masculiniser la langue française, entrevue avec Pascal Gygax

Sans doute avez-vous déjà lu des textes où l’on évoquait des « enseignant-es », ou l’on parlait d’« ielle », et peut-être avez-vous été intrigué·e ou agacé·e par ces libertés grammaticales. Au CorteX, nous employons régulièrement de telles tournures, mais, faute de temps, nous n’avions jamais consacré un article à ce sujet. Nous tentons d’y remédier partiellement avec ce petit article, afin d’expliciter les enjeux et les alternatives possibles et surtout déconstruire quelques idées reçues auxquelles nous avons été confronté·e·s (ou auxquelles nous avons même pu souscrire). Pour cela, nous avons sollicité l’expertise de Pascal Gygax, chercheur en psycholinguistique à l’Université de Fribourg, qui a chaleureusement accepté de nous répondre.  Nous vous proposons ensuite quelques ressources documentaires. *Le titre « Un ministre peut-il tomber enceinte » est emprunté à l’excellent article de Markus Brauer1.

 

Entrevue

Bonjour Pascal Gygax, votre laboratoire travaille sur les représentations sociales véhiculées par le langage, et notamment par l’usage massif du genre masculin dans la grammaire française. Pouvez-vous expliquer quels types d’expériences vous mettez en place pour étudier cela ?

CorteX_Gygax2017De manière générale, nous nous intéressons surtout à l’ambiguïté de la forme grammaticale masculine – celle-ci ayant plusieurs sens possibles – , et la manière dont notre système cognitif résout cette ambiguïté. Nous avons utilisé des paradigmes de psycholinguistique expérimentale pour étudier ceci. De manière générale, nous nous intéressons à la manière dont une phrase comme « une des femmes portait un parapluie » est traitée lorsqu’elle suit une phrase comme : « Les musiciens sortirent de la cafétéria »1.

Illustration. L’équipe de Pascal Gygax a présenté à notamment 36 francophones des groupes de 2 phrases. Chaque première phrase introduisait un groupe de personne appelées par un nom de métier au pluriel (comme « Les musiciens sortirent de la cafétéria. » ou « Les assistants sociaux marchaient dans la gare. »). Les métiers étaient associés à des stéréotypes masculin, féminin, ou neutre. Chaque seconde phrase précisait qu’il y avait des (mais pas exclusivement) femmes ou hommes dans le groupe (par exemple, « Une des femmes portait un parapluie. » ou « Du beau temps était prévu, plusieurs femmes n’avaient pas de vestes. »). Les francophones devaient dire rapidement si la deuxième phrase était une suite possible ou non de la première. Les francophones répondaient plus souvent par l’affirmative lorsque des hommes figuraient dans la deuxième phrase, indépendamment des stéréotypes de la première phrase. En d’autres termes, les représentations des francophones étaient moins guidées par les stéréotypes que par les marques de genre au pluriel.

Quels sont les principaux résultats de la littérature sur le sujet ?

Nous avons montré (avec d’autres équipes également) que notre cerveau résout l’ambiguïté sémantique du masculin au dépend des femmes et au profit des hommes, systématiquement et indépendamment du contrôle que nous essayons parfois de mettre en place. Ceci veut simplement dire que le sens « masculin = homme » est toujours activé, et que ne pouvons pas empêcher cette activation, même si nous essayons d’activer consciemment les sens « masculin = mixte ou neutre »2.

Ilustration. Une équipe de recherche de Clermont-Ferrand3 a demandé à 101 personnes de répondre à une des deux questions suivantes : « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique masculin) ou « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats/candidates de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique neutre). Les résultats, représentés ci-dessous, montrent que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes citent plus de femmes lors de la deuxième condition.CorteX_brauer_candidates-candidats

Peut-on dire que le masculin neutre existe en langue française ?

De fait, un sens neutre peut exister (comme pour les termes épicènes4), mais ce sens ne peut pas être porté par le masculin. En effet, le fait de désigner un groupe de personnes par un mot ou un groupe de mots au masculin fait que l’on va plus souvent penser que des hommes constituent ce groupe.

Vous suggérez de ne pas utiliser de formules de ce type : «  Pour faciliter la lecture du document, le masculin générique est utilisé pour désigner les deux sexes ». Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Nous avons montré que le sens « masculin = homme » est activé de manière passive, non-consciente et incontrôlable. Nous appelons ceci un mécanisme de résonance. La mention dont vous parlez ne changera rien à cette activation5.

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Brochure délivrant des conseils pour de-masculiner son style à l’écrit

Que dites-vous aux personnes qui trouvent que dé-masculiniser la langue française, c’est alourdir un texte, le rendre presque illisible ? Cette question a-t-elle été étudiée de façon expérimentale?

Oui, un article a été publié en 2007 sur le sujet6. Celui-ci montre que nous nous habituons très vite à ces formes non-sexistes. J’ajouterais tout de même qu’une démarche linguistique de neutralisation – en formulant le texte sans forcément se référer à des individus en particulier (par exemple, « la direction estime que… ») allège souvent le texte. C’est ce que nous souhaitons transmettre au travers des ateliers d’écriture non-sexiste que nous organisons.

La grammaire et l’orthographe de la langue française ont-ils toujours été ainsi ?

Je ne suis pas historien du langage, mais une forme neutre existait en latin, et le masculin comme valeur par défaut s’est imposé pour des raison de patriarcat. On retrouve des écrits du XVIIème qui l’attestent7.

Illustration. Claude Favre de Vaugelas, grammairien et académicien, en 1647, dans Remarques sur la langue française. Utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire  : « La forme masculine a prépondérance sur le féminin parce que plus noble ».
Nicolas Beauzée, grammairien et académicien, en 1767, dans Grammaire générale : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

Y a-t-il des langues qui, dans leur construction, ne privilégient jamais un genre au détriment de l’autre ?

Oui, le finnois, par exemple, n’a pas de marque grammaticale de genre. En danois, il existe des formes spécifiques, des formes neutres, et même des formes dites mixtes. La Suède adopte progressivement le nouveau pronom « hen », pour remplacer hon [elle] et han [il]. En allemand, on trouve de plus en plus de formes dites « nominalisées », qui sont neutres. Quelques linguistes proposent des formes semblables en français (par exemple, illes). Nous souhaitons par ailleurs tester ces nouvelles formes, mais manquons pour l’instant de ressources financières.

Lorsque l’on emploie des formules du type « les étudiantes et les étudiants », n’enferme-t-on pas finalement les individus dans deux sexes ou deux genres, alors que certaines personnes ne se retrouvent pas dans ces catégories ? Pourrait-on imaginer des alternatives ?

Oui, vous avez raison. À terme, ceci n’est pas une solution viable. Pour l’instant, cette formulation permet d’améliorer la visibilité des femmes dans la société, mais il active également une catégorie (le genre) qui est complètement aléatoire et non pertinente dans beaucoup de situations. Nous avons d’ailleurs dédié un chapitre sur ce sujet8.

Plutôt que de dé-masculiniser la langue française, pourrait-on envisager de la dégenrer ? Y a-t-il des personnes ou collectifs qui travaillent dans ce sens ?

Nous souhaitons commencer un projet sur ce sujet : apprendre à des participantes et participants de nouvelles formes, et tester leur représentations à la fin de l’apprentissage. Nous sommes relativement convaincu·es que les effets de nouvelles formes, plus inclusives de la diversité de genre (et de sexe), apporteront énormément à notre manière de percevoir le monde.

Si nous sommes sensibles à ces questions, quelles mesures simples pouvons-nous mettre en pratique au quotidien ?

Financer nos recherches… je plaisante (…à moitié). Je pense qu’un changement de représentations doit passer par deux démarches linguistiques possibles : la féminisation ou la neutralisation. La première permet surtout de renforcer la visibilité des femmes dans notre société (surtout si les femmes sont mentionnées en premier, comme dans « les musiciennes et les musiciens »), et la deuxième de diminuer l’activation de la catégorie « genre ». Cette dernière demande souvent un effort de reformulation, car elle nécessite un changement de lexique (en passant par des termes épicènes notamment) ainsi qu’un changement sémantique. Par exemple, lorsque nous souhaitons parler des migrantes et des migrants, nous pouvons utiliser les termes « la population migrante ». Le sens change quelque peu, mais est souvent parfaitement adapté au propos souhaité.

Merci beaucoup Pascal Gygax pour votre disponibilité et pour vos travaux !

Ressources

Vous souhaitez plutôt écouter Pascal Gygax ? Voici le fichier audio de son passage chez Radio télévision suisse en mars 2016.

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Nous vous recommandons également le visionnage d’Éliane Viennot à la Wikiconférence francophone d’août 2016. Cette professeure de littérature française de la Renaissance à l’Université de Saint-Étienne rappelle ici que la langue française traitait de manière quasi-égalitaire les sexes masculins et féminins, jusqu’à ce que des personnes clairement opposées à l’égalité entreprennent de la masculiniser.

Vous pouvez également lire Éliane Viennot, que nous n’avons pas encore lu, mais que nous allons dévorer.

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À lire également, l’article d’Aurore Évain, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion – Travaux de sémiologie, n°6, , qui revient sur la disparition de noms féminisés à la charnière des XVIIème et XVIIIème siècle. La forme « autrice », dérivée du latin auctrix, a par exemple été supprimée à la suite d’une longue querelle entre praticiens et grammairiens. Aurore Évain explique comment la réfutation de l’usage de ce mot s’appuie à l’époque non seulement sur des débats sur sa formation grammaticale, mais aussi sur la remise en cause de la légitimité même des femmes à écrire. 

Analyse d’un texte critique sur l’écriture inclusive

Dans la revue Science & pseudo-sciences n°323 de janvier/mars 2018, Brigitte Axelrad aborde ce sujet au travers d’un texte intitulé « Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? ». Nous avons rédigé le texte suivant à l’intention de la rédaction du journal :

Bonjour,

Nous avons lu avec intérêt votre article du SPS n°323 Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? (1). Cependant, cela nous surprend de constater que cet article fait fi d’une grande partie des données empiriques disponibles dans la littérature. Il y a au moins quatre points à soulever.

1) La question de la démasculinisation de la langue française n’est pas seulement une question d’ordre politique, pour moins « invibiliser les femmes » ou « faire progresser les mentalités et avancer l’égalité entre les hommes et les femmes ». Les enjeux sont aussi méthodologiques. Si nos formulations langagières impactent nos représentations, alors il faudra apporter une attention toute particulière par exemple aux formulations des questionnaires utilisés lors d’enquêtes. Il y a d’ailleurs des données empiriques qui soutiennent cette hypothèse. Une équipe de recherche de Clermont-Ferrand, par exemple, a demandé à 101 personnes de répondre à une des deux questions suivantes : « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique masculin) ou « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats/candidates de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique neutre). Les résultats montrent que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes citent plus de femmes lors de la deuxième condition (40 % contre 15 %) (2).

2) Comme il est évoqué succinctement dans une partie du texte, démasculiniser la langue française, ce n’est pas seulement adopter l’écriture inclusive par le point médian, mais surtout privilégier des formulations non genrées (dites épicènes : « les personnes » plutôt que « les hommes » ; le « corps enseignant » plutôt que « les enseignants »). Cela ne veut pas dire non plus que les genres ne sont jamais utilisés, dans les récits par exemple. Dans certains cas, il est tout à fait normal de vouloir individualiser son propos, et d’expliciter le genre de la personne (ou des personnes), à laquelle nous nous référons. Ainsi l’introduction de l’article : « Maître·sse Corbe·au·lle sur un arbre perché·e tenait en son bec un fromage. Maître·sse Renard·e par l’odeur alléché·e lui tint à peu près ce langage » ressemble plus à une caricature qu’à un exemple précis et illustratif de la façon de démasculiniser la langue française. Il y a probablement des façons plus rationnelles de démasculiniser la langue et de ne pas alourdir les textes. Des travaux expérimentaux sont d’ailleurs également menés sur le sujet (3).

3) Le paragraphe consacré aux influences des langues sur les modes de pensée s’abstient lui aussi d’en référer à des travaux empiriques et ne présente pas l’étendu du débat sur la question. Plusieurs articles y sont pourtant consacrés, publiés dans des revues à comité de lecture (4). En français et en ouvrage grand public, Claude Hagège, linguiste et titulaire par le passé au Collège de France d’une chaire de théorie linguistique, a également écrit sur le sujet (5), dans un sens différent. En Suisse, à l’université de Fribourg, Pascal Gygax et ses collègues travaillent spécifiquement sur ces questions et ont réalisé par exemple un état des lieux de la recherche francophone en psycholinguistique sur les représentations mentales du genre pendant la lecture (6), mais aussi dans une perspective plus internationale (7).

4) Enfin, le dernier paragraphe portant sur les déterminants de l’évolution des langues aurait lui aussi pu être confronté à la littérature historique sur le sujet. « Il semble bien que l’échec de l’écriture inclusive est assuré car, qu’elle soit écrite ou parlée, la langue n’évolue que selon ses propres lois et non par décret. » Éliane Viennot (8) et Aurore Evain (9), parmi d’autres, se sont précisément penchées sur la question des déterminants de l’évolution des langues relativement aux genres, au travers d’études historiques approfondies et passionnantes, et leurs conclusions ne sont pas aussi définitives. Par exemple, la règle concernant l’accord des adjectifs disant que le « masculin qui l’emporte sur le féminin », a été mise au point au XVIIème siècle. Avant, le plus souvent, l’accord se faisait avec le mot le plus proche (10). Il y a d’autre part des exemples de loi qui elles ont modifié les usages de la langue. L’ordonnance de Villers-Côtterets d’août 1539 entre autres choses statuait sur l’usage unique du français comme langue officielle du droit et de l’administration en France. La loi Haby du 11 juillet 1975 portait elle notamment sur l’usage des langues régionales à l’école. En outre, quand bien même l’affirmation sous-entendue jusqu’à aujourd’hui les langues n’ont jamais évolué sous le coup de l’intervention humaine serait vraie, elle ne pourrait servir que d’argument inductif pour soutenir qu’il ne pourra jamais en être autrement. Or on connaît la faiblesse des arguments inductifs. La dinde inductiviste de Bertrand Russel en a fait les frais (11). Tous les jours bien nourrie, elle acquiert la certitude qu’il en sera toujours ainsi. Jusqu’au jour de son exécution. Par conséquent, gardons-nous d’utiliser ce type d’argument « cela n’a jamais été ainsi donc cela ne pourra jamais être autrement. » pour prévoir l’impossibilité d’une transformation sociétale quelconque. Une brève présentation des travaux empiriques sur le sujet des représentations induites par l’usage d’une langue dé-masculinisée ou non, par le biais d’une entrevue avec Pascal Gygax, chercheur en psycholinguistique, est disponible sur cortecs.org (12).

Nous saluons l’initiative de SPS et de Brigitte Axelrad d’avoir traité de ce sujet passionnant et siège de débats depuis plusieurs siècles (10) et nous apprécierions de lire à nouveau un article consacré au sujet, agrémenté nous l’espérons de données plus factuelles.

Bien à vous, Nelly Darbois, Albin Guillaud, Richard Monvoisin, Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique & sciences.

(1) Brigitte Axelrad. Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? SPS n°323, janvier / mars 2018

(2) Markus Brauer. Un ministre peut-il tomber enceinte ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. In: L’année psychologique. 2008 vol. 108, n°2. pp. 243-272.

(3) Pascal Gygax et Noelia Gesto (2007). Féminisation et lourdeur de texte. L’Année psychologique, 107, pp239-255.

(4) Gabriel U, Gygax P, Kuhn E. Neutralising linguistic sexism: Promising, but cumbersome?. In press in Group Processes & Intergroup Relations.

(5) Claude Hagège. Contre la pensée unique. Paris, Édile Jacob, 2012.

(6) Gygax P, Sarrasin O, Lévy A, Sato S, Gabriel U. La représentation mentale du genre pendant la lecture: état actuel de la recherche francophone en psycholinguistique. Journal of French Language Studies. FirstView Article. September 2013, pp 1 -­ 15.

(7) Sato S, Öttl A, Gabriel U, Gygax P. Assessing the impact of gender grammaticization on thought: A psychological and psycholinguistic perspective. In press in “Gender and Language. Current Perspectives” in Osnabruecker Beitraege zur Sprachtheorie (OBST).

(8) Éliane Viennot. L’Académie contre la langue française : le dossier « féminisation ». Editions iXe, coll. xx-y-z, 2016. 216 pages.

(9) Aurore Évain, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion – Travaux de sémiologie, n°6, février 2008.

(10) Site internet d’Éliane Viennot http://www.elianeviennot.fr/Langue-accords.html

(11) Alan Chalmers, Qu’est-ce que la science ? : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, Le Livre de Poche, Paris, 1987.

(12) Nelly Darbois et Pascal Gygax. Un ministre peut-il tomber enceinte ?* Dé-masculiniser la langue française, entrevue avec Pascal Gygax. cortecs.org. https://cortecs.org/materiel/un-ministre-peut-il-tomber-enceinte-de-masculiniser-la-langue-francaise-entrevue-avec-pascal-gygax/#note-1111409-7

Ressources sur les conflits d'intérêt à l'Université

Alors que certaines universités au Canada et aux États-Unis se sont dotées de politiques vis-à-vis de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt (CI) depuis les années 1990, rares sont les universités françaises à adopter de tels dispositifs 2. De plus, ce sont uniquement les chercheuses et chercheurs membres de quelques institutions sanitaires en France qui sont obligés de déclarer leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment en public ou participent à des commissions. Pourtant, les mécanismes psychologiques en jeu dans les situations de CI existent en dehors du secteur sanitaire et les conséquences de ces situations peuvent être tout aussi graves en termes de confiance et d’intérêt collectif. C’est pour cela qu’il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet auprès des doctorant·e·s de l’Université Grenoble-Alpes lors du stage DFI De l’éthique à l’Université que nous animons depuis plusieurs années. Voici ci-dessous une partie de notre matériel.

Définition

De nombreux collectifs et institutions se sont penché.es sur la définition du conflit d’intérêt dans différents milieux : médical, paramédical, gouvernement, tribunaux, etc. Nous trouvons celle donnée par l’Université de Montréal pertinente pour le milieu universitaire 1 .

Un CI peut survenir quand des activités ou des situations placent un individu ou une organisation en présence d’intérêts (personnels, institutionnels ou autres) qui entrent en conflit avec les intérêts inhérents aux devoirs et responsabilités liés à son statut ou à sa fonction.

Ces conflits risquent d’altérer l’intégrité des décisions prises et ainsi de causer des torts et de compromettre la confiance du public à l’endroit de l’organisation et de ses membres.

Notons qu’il est plus facile de trouver des situations de CI là où la plupart des personnes d’un groupe sont d’accord pour dire qu’il s’agit bien d’une situation de CI, que de trouver une définition exhaustive et satisfaisante en toute situation.

Terminologie

Nous utilisons à la fois les termes de :

  • lien d’intérêt, lorsqu’une personne (physique ou morale) tire un avantage ou désavantage (principalement financier, mais aussi matériel, direct ou indirect) dans sa relation avec un objet ou une personne (physique ou morale) ;
  • conflit d’intérêt, lorsqu’une personne entretient au moins deux liens d’intérêts (dont au moins un financier ou matériel) qui entrent en contradiction.

Exemples

On peut piocher :

  • dans son expérience personnelle d’enseignement ou de recherche ;
  • dans des situations théoriques classiques de CI proposées par exemple par l’Université de Montréal ici ou l’Université de Sherbrooke ici ;
  • dans des expériences vécues par les personnes constituant le public ;
  • dans les cas médiatisés plus ou moins récents, comme l’affaire des logos nutritionnels en 2016-2017 2.

Déconstruire quelques idées reçues

« Les CI, c’est en médecine et en politique. »

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Cinq premiers résultats dans Google Image lors d’une recherche « conflits d’intérêt »

Nous faisons l’hypothèse que viennent plus facilement à l’esprit les situations de CI dans les champs politique et médical, car des cas de ce type ont souvent fait la une des médias : affaires du sang contaminé, du Médiator®, Woerth-Bettencourt, François Fillon, etc. À titre d’illustration, nous montrons les cinq premiers résultats d’une recherche menée en décembre 2016 sur Google Image à parti des mots-clés « conflits d’intérêt » (voir ci-contre), où quatre des cinq illustrations mettent en scène des actrices et acteurs du champs sanitaire (professionnel·le·s de santé, laboratoires pharmaceutiques, ou membres de commissions décisionnelles en santé).

Or, de nombreuses situations de CI impliquent des individus d’autres professions , provenant d’autres champs disciplinaires, comme nous le développerons dans la suite de l’article. Rares sont les secteurs de recherche à ne pas recevoir de financements d’entreprises à but lucratif, ou d’instituts publics ayant intérêt à ce que les résultats des études aillent dans un sens plutôt que dans un autre.

« Moi, j’ai trop d’éthique pour avoir des conflits d’intérêt. »

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits. C’est l’illusion de l’unique invulnérabilité, un biais cognitif que l’on peut illustrer avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ? », la réponse du chercheur est sans hésitation « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

Ce biais cognitif a été mis en évidence tout d’abord chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.3 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

« Ce n’est pas parce que je suis payée par l’industrie que les résultats de mes recherches sont influencés. »

Cette idée reçue permet d’introduire le biais de financement : une étude financée par l’industrie, ou dont les investigatrices et investigateurs sont financés par l’industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie toutes choses égales par ailleurs. On peut introduire cette problématique avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel il a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis) critiquant les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ? », le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue ».

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Figure B

On pourra alors citer par exemple l’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 4, dans laquelle les chercheurs et chercheuses ont référencé toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 5, pharmaceutiques 6, du tabac 7, des organismes génétiquement modifié 8, des télécommunications 9, des nanotechnologies 10 ou encore du nucléaire 11 sont impliquées.

Arrivé à ce stade, il est possible d’introduire comme hypothèse explicative potentielle du biais de financement, le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs et les revues scientifiques ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif.

« Moi qui ne reçois que des petits avantages, je ne suis pas ou peu sous influence. »

Le principe de réciprocité ou de contre-don a été mis en évidence expérimentalement dans les années 1970 : il s’agit d’une tendance de l’être humain à s’efforcer de rendre les avantages perçus d’autrui, même si ces avantages sont de tous petits gestes. Le simple fait, par exemple, qu’une serveuse ou un serveur donne un bonbon au moment de l’addition conduira les individus à donner en moyenne un pourboire plus élevé ; et s’il en donne un de plus à une personne qu’à ses collègues, et en douce, le pourboire sera encore plus important 12. Au quotidien, ce principe se traduit souvent par un sentiment d’obligation à rendre un service, une invitation ou un cadeau en retour.

Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales
Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales

L’acceptation par des médecins d’échantillons gratuits provenant de laboratoires pharmaceutiques peut les conduire à prescrire plus souvent ces médicaments même s’ils sont non recommandés dans la situation de soin en question ; ce qui n’est pas le cas si on interdit la distribution d’échantillons 13.

De petits cadeaux ou des petites sommes d’argent peuvent engendrer le principe de réciprocité ; une chercheuse ou un chercheur comme tout être humain en fait les frais.

Les conflits d’intérêt, est-ce moralement condamnable ?

En adoptant une démarche conséquentialiste 14 nous interrogeons les conséquences potentielles et avérées engendrées par des situations de CI. Nous évoquons :

  • les conséquences sanitaires : décès ou altération de la qualité de vie à cause de retard d’interdiction de mise sur le marché pour certains médicaments et certaines indications (affaires du Médiator®, de la Dépakine® etc.), de retard de mise en place de politiques de santé publique efficaces (cas notamment du tabac) etc. ;
  • les conséquences sur l’objectivité des recherches et la qualité des connaissances produites (voir le biais de financement) ;
  • la perte de confiance du « grand public » vis-à-vis des institutions, de la communauté scientifique, des professionnel·le·s de santé (cas entre autres des organismes génétiquement modifiés, des vaccins (affaire Wakefield) ;
  • les choix en non connaissance de cause qui sont réalisés par les patientes et patients, les consommatrices et consommateurs, les électrices et les électeurs ;
  • les accusations et attaques infondées de conflits d’intérêt pouvant décrédibiliser à tort des travaux (nous en avons d’ailleurs fait les frais, lire ici).

Imaginer des solutions

Quelles solutions mettre en place pour prévenir ou gérer les liens d’intérêt financiers à l’échelle individuelle, d’un laboratoire de recherche, d’une université, d’une revue scientifique, ou encore d’un état ? Cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective.

Nous citons à titre d’exemple :

  • la politique de l’Université de Montréal qui oblige chaque étudiant·e à partir du deuxième cycle et chaque travailleuse ou travailleur à déclarer chaque année ses liens d’intérêts financiers et familiaux (le document à remplir est téléchargeable ici). Ces déclarations ne sont pas rendues publiques mais sont destinées à des cadres de l’Université chargés d’évaluer les risques de CI et de prendre des mesures en conséquence (interdire un partenariat, une présidence de jury, suspendre une fonction, etc.). On pourrait imaginer que ces déclarations soient rendues publiques, à l’image de ce qui est fait pour les professionnel·le·s de santé ;
  • le Ministère français des affaires sociales et de la santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. En pratique, chaque personne peut se rendre sur la Base transparence santé, inscrire le nom d’un ou une professionnel·l·e de santé, et connaître les liens financiers qu’il ou elle entretient avec différentes entreprises. On pourrait imaginer une base similaire pour les chercheuses et chercheurs de la fonction publique, ce qui permettrait plus de transparence pour le grand public. Cependant, ce n’est évidemment pas une solution suffisante pour combattre les conséquences négatives des situations de conflits d’intérêt. Il y a certes plus de transparence, mais l’État tolère ainsi en connaissance de cause des situations où des professionnel·le·s de santé touchent des sommes d’argent très importantes des industries pharmaco-industrielles, et l’efficacité de ces mesures en terme de santé publique est encore peu étudié ;
  • l’existence des sites tels que Prospero et ClinicalTrials.gov qui permettent d’enregistrer des revues de littérature et essais cliniques avant que leurs résultats soient connus. Une généralisation de ces initiatives permettrait de limiter le biais de publication ;
  • les travaux des associations Formindep et Mieux prescrire qui militent toutes deux pour limiter les situations de CI en santé.

Se documenter

Bibliographie

CorteX_interets_lessigLawrence Lessig est, entre autres fonctions, professeur de droit aux États-Unis. Il aborde dans Republic, lost le sujet des conflits d’intérêt principalement dans le système politique états-unien, mais les cent premières pages environ abordent également des situations de CI en recherche.

Le livre est gratuitement téléchargeable en .pdf ou .epub sur le site de l’auteur (ce qui est tout à son honneur), hélas uniquement en langue anglo-américaine : http://republic.lessig.org/.

CorteX_interets_hirsch

Martin Hirsch est un haut fonctionnaire français qui évoque dans Pour en finir avec les conflits d’intérêts certaines situations en France ayant fait la une des médias et impliquant différents fonctionnaires entretenant des liens d’intérêts d’intérêts avec des entreprises privées. Il explicite en quoi le système législatif français permet de faire perdurer ce type de situation et propose des solutions pour les prévenir.

Ce livre est disponible dans la bibliothèque grenobloise du CorteX à la Bibliothèque universitaire de sciences.

CorteX_bad_pharma_goldacreBen Goldacre est un psychiatre britannique. Il développe dans Bad Pharma la problématique des CI dans le milieu de la recherche et de la pratique biomédicale et propose des solutions à différents niveaux pour prévenir et limiter les conséquences négatives de ces situations. Ben Goldacre a participé au projet COMPare, qui démontre que dans les cinq plus grandes revues médicales, des résultats d’études prévus pour être reportés a priori ne le sont pas, alors que d’autres non prévus sont finalement reportés, dans des proportions très importantes.

Filmographie

L’Université de Montréal propose cette conférence d’une heure quinze expliquant pourquoi une politique de prévention et gestion des CI est mise en place et comment elle s’organise.

Webographie

CorteX_logo_formindepCorteX_interets_montrealTexte

Comment je suis devenu militant, texte de 1971 d’Alexandre Grothendieck, chercheur français en mathématique (merci à Richard Monvoisin pour la trouvaille.)

Vidéo – Conférence « Croyance et raison : le problème de la démarcation »

Vidéo de la conférence « Croyance et raison : le problème de la démarcation », donnée le 12 janvier 2017 par Albin Guillaud et Ismaël Benslimane pour des enseignant·es de philosophie, dans le cadre du Plan académique de formation (rectorat de Lyon). La première partie est une introduction générale au problème, la seconde partie concerne les outils pédagogiques qui nous semblent pertinents pour parler de ces sujets.

 Cette conférence avait pour but d’introduire les différents outils et méthodes utilisés par le CorteX pour parler de science, de croyance, de matérialisme, du vrai/du faux, etc. Si vous êtes amené·e·s à faire des enseignements autour de la pensée critique, ce genre d’introduction nous semble essentiel avec un public lycéen ou étudiant afin de poursuivre, sur des bases solides, une réflexion sur les mécanismes à l’œuvre derrière certaines croyances (telles que les complotismes, les intrusions spiritualistes ou les théories controversées).

Pour approfondir après la conférence, vous trouverez ici des conseils d’ouvrages sur le sujet.

Conseils d'ouvrages en philosophie des sciences (Croyance et Raison : Le problème de la démarcation)

Suite à la conférence « Croyance et Raison : Le problème de la démarcation » (vidéo disponible ici), donnée le 12 janvier 2017 par Albin Guillaud et Ismaël Benslimane pour des enseignantes et enseignants de philosophie, voici quelques conseils d’ouvrages permettant à la fois de s’outiller pour aborder une épistémologie de terrain (différents usages du mot « science », affirmation de type scientifique, matérialisme en méthode, etc.), et de mieux comprendre les mécanismes à l’œuvre derrières certaines croyances (complotismes, intrusions spiritualistes, théories controversées, etc.). Ce sont de précieux préalables à tout enseignement complet de la pensée critique avec un public lycéen ou étudiant.

 

Remarques

Comme de nombreux types de classification, les catégories de la présente bibliographie se recouvrent parfois. De nombreux ouvrages auraient donc pu être classés à plusieurs endroits différents. En outre, puisque la formation n’avait pas pour objet une introduction à la philosophie des sciences, nous n’avons pas fait figurer dans cette bibliographie les grands classiques sur le sujet (Popper, Duhem, Kuhn, etc.). Les commentaires entre parenthèses qui suivent certaines références sont les nôtres.

Bibliographie principale

Sur l’autodéfense intellectuelle et la zététique

  • Baillargeon Normand, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Montréal, Lux, 2006.
  • Broch Henri, L’art du doute ou Comment s’affranchir du prêt-à-penser, Valbonne, Éd. Book-e-book, 2008.
  • Broch Henri, Comment déjouer les pièges de l’information ou Les règles d’or de la zététique, Valbonne, Éd. Book-e-book, 2008.
  • Collectif CorteX (Saint-Martin d’Hères Isère), Esprit critique es-tu là ? : 30 activités zététiques pour aiguiser son esprit critique, Sophia-Antipolis, Éd. Book-e-book, 2013. Tout le matériel pédagogique contenu dans cet ouvrage se trouve ici
  • Pinsault Nicolas et Richard Monvoisin, Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, Saint-Martin-d’Hères, PUG, 2014.
  • Monvoisin Richard, Pour une didactique de l’esprit critique – Zététique & utilisation des interstices pseudoscientifiques dans les médias, Didactique des disciplines scientifiques, Saint-Martin-d’Hères, Université Grenoble 1 – Joseph Fourier, 2007.
    Document qui contient plusieurs types de matériaux pédagogiques. Cette thèse est accessible en ligne ici.

Sur les processus d’influence et les techniques de manipulation

  • Beauvois Jean-Léon, Les influences sournoises : précis des manipulations ordinaires, Paris, François Bourin, coll. « Société », 2011.
  • Cialdini Robert B, Influence & manipulation, Paris, First, 2004.
  • Joule Robert-Vincent et Jean-Léon Beauvois, Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2014.
  • Milgram Stanley, Soumission à l’autorité un point de vue expérimental, Paris, Calmann-Lévy, 1984. (Ouvrage passionnant qui permet d’aller bien au-delà de ce que l’on peut apprendre de cette fameuse expérience par d’autres moyens. On apprendra par exemple que 20 conditions expérimentales différentes ont été réalisées et que les pré-tests effectués sans aucun rétrocontrôle conduisaient presque 100 % des sujets à aller jusqu’à 450 volts.)

Sur le paranormal et quelques théories controversées

  • Broch Henri, Gourous, sorciers et savants, Paris, Odile Jacob, 2007.
  • Charpak Georges et Henri Broch, Devenez sorciers, devenez savants, Paris, O. Jacob, 2003.
  • Broch Henri, Au cœur de l’extra-ordinaire, Sophia Antipolis (Alpes maritimes), Book-e-book, 2005. (Henri Broch s’est employé à l’approche scientifique des phénomènes réputés paranormaux et a utilisé ces mêmes phénomènes pour construire une initiation à la démarche scientifique tant dans son aspect constructif que sceptique.)

Plus de matériel sur ces thématiques dans la collection book-e-book : www.book-e-book.com

Sur la sociologie des croyances

  • Bronner Gérald, La démocratie des crédules, Paris, PUF, 2013.
    Origine du concept de « mille-feuille argumentatif ».
  • Bronner Gérald, La pensée extrême : comment des hommes ordinaires deviennent des fanatiques, Paris, Denoël, coll. « Denoël impacts », 2009. (Quelles sont les différences entre un collectionneur de timbre passionné, un culturiste et un fanatique religieux ? Il en existe de nombreuses, c’est évident. Cependant, il existe aussi des points communs dans le processus qui les a conduit à faire ce qu’ils font. C’est ce que démontre Gérald Bronner.)
  • Bronner Gérald, L’empire des croyances, 1re éd, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Sociologies », 2003.

Comprendre le « matérialisme en méthode »

  • Bunge Mario Augusto, Le matérialisme scientifique, Paris, Éd. Syllepse, 2008.
  • Charbonnat Pascal, Histoire des philosophies matérialistes, Paris, Éditions Kimé, 2013.
  • Dubessy Jean, Guillaume Lecointre et Jacques Bouveresse (éd.), Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Paris, Syllepse, 2001. (C’est dans cet ouvrage que Guillaume Lecointre explique en quoi l’absence de distinction entre les différents sens du mot « science » (communauté, connaissances, applications, démarche) peut conduire à jeter le bébé (la démarche) avec l’eau du bain (les problèmes liés à la communauté, à l’instabilité de certaines connaissances et aux applications des connaissances).)
  • Silberstein Marc, Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain − Sciences, ontologie, épistémologie, Paris, Éd. Matériologiques, 2013. (Les deux premiers chapitres en particulier.)

Épistémologie

  • Chalmers Alan Francis et Michel Biezunski, Qu’est-ce que la science ? Récents développements en philosophie des sciences : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, Paris, Librairie générale française, 1990.
  • Dubessy Jean, Guillaume Lecointre et Jacques Bouveresse (éd.), Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences, Paris, Syllepse, 2001.
  • Haack Susan, Defending science–within reason, Amherst, N.Y, Prometheus Books, 2007.
    Les citations utilisées pendant la présentation sont disponibles en français ici.
  • Laudan L, « The Demise of the Demarcation Problem », dans R.S. Cohen et L. Laudan (éd.), Physics, Philosophy and Psychoanalysis: Essays in Honour of Adolf Grünbaum, Dordrecht, Springer Netherlands, 1983, p. 111‑128.
  • Lecointre Guillaume, Les sciences face aux créationnismes : ré-expliciter le contrat méthodologique des chercheurs, Versailles, Quae, coll. « Sciences en question », 2012.
  • Piaget Jean, « La situation des sciences de l’homme dans le système des sciences », dans Épistémologie des sciences de l’homme, Saint-Amand, Gallimard, coll. « Idées », 1970, p. 15-130.
  • Piaget Jean, Sagesse et illusions de la philosophie, 1. éd, Paris, Pr. Univ. de France, coll. « Quadrige », no 139, 1992. (Piaget analyse dans ce livre le rapport entre la philosophie, la science et la question des faits.)
  • Pigliucci Massimo et Maarten Boudry (éd.), Philosophy of Pseudoscience : Reconsidering The Demarcation Problem, 1ere édition, Chicago, University of Chicago Press, 2013.
  • Raynaud Dominique, Qu’est-ce que la technologie ?, Éditions Matériologiques, Paris, 2015. (Dominique Raynaud réalise une analyse philosophique et empirique du rapport entre science et technologie en évitant les écueils technophiles et technophobes.)
  • Raynaud Dominique, La Sociologie et sa vocation scientifique, Hermann, 2006. (Ouvrage plutôt technique dans lequel Raynaud effectue une critique épistémologique et empirique de la thèse d’une épistémologie régionale de la sociologie. C’est aussi un des meilleurs argumentaires à notre connaissance en faveur d’un monisme épistémologique. Avec une approche différente et sur le même sujet on pourra lire le chapitre de l’ouvrage de Jean Piaget « La situation des sciences de l’homme dans le système des sciences » dans Épistémologie des sciences de l’homme (voir ci-dessus).)
  • Raynaud Dominique, Sociologie des controverses scientifiques, Presses universitaires de France, 2003. (Raynaud présente dans cet ouvrage ses études socio-historiques de trois controverses scientifiques : la controverse entre Pasteur et Pouchet sur la génération spontanée en biologie, la controverse entre organicisme et vitalisme en médecine, et la controverse entre extramissionnisme et intramissionnisme en optique. Il utilise ces trois études pour réaliser une analyse de la méta-controverse en sociologie des sciences qui porte, ironie du sort, sur la façon d’aborder les controverses scientifiques. Il s’agit de la controverse entre rationalisme et relativisme. L’auteur examine également en détail si oui ou non Duhem, Quine et Wittgenstein peuvent être utilisés pour justifier le programme relativiste. On trouvera également dans ce livre l’explication de la cohabitation possible entre certitude et perfectibilité en science, ainsi que la description du cadre au sein duquel se trouve réconciliés vérificationnisme et falsificationnisme. Un ouvrage incontournable qui se lit aisément.)
  • Sagan Carl, The demon-haunted world: science as a candle in the dark, 1. ed, New York, NY, Ballantine Books, coll. « The New York Times bestseller », 1997.
    La citation utilisée dans notre conférence se trouve en ligne ici (en français).
  • Sokal Alan D et Jean Bricmont, Pseudosciences et postmodernisme : adversaires ou compagnons de route ?, Paris, O. Jacob, 2005. (Surtout la préface de Jean Bricmont et l’appendice B de Sokal et Bricmont. C’est dans la préface que l’on trouvera l’utile distinction entre aspect affirmatif et aspect sceptique de la science. Dans l’appendice B, les auteurs font état de leur positionnement dans le débat entre réalisme vs. idéalisme et sollipsisme, et entre réalisme scientifique vs. instrumentalisme. Le propos est d’une grande clarté.)
  • Sokal Alan D et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Paris, O. Jacob, 1997. (Ouvrage qui a marqué les esprits. Concernant le propos de Bricmont, on peut écouter les présentations suivantes :

Bibliographie complémentaire

  • Bouveresse Jacques, Prodiges et vertiges de l’analogie : de l’abus des belles-lettres dans la pensée, Paris, Raisons d’agir : Diffusion Le Seuil, 1999.
    Cet ouvrage de Bouveresse a fait suite à Impostures intellectuelles de Sokal et Bricmont.
  • Bunge Mario, Evaluating Philosophies, Dordrecht, Springer Netherlands, 2012. (Bunge défend dans cet ouvrage une thèse originale : il est possible d’évaluer une philosophie à l’aune de sa capacité à permettre des progrès dans la connaissance du monde et en matière morale.)
  • Bunge Mario, Épistémologie, traduit par H. Donadieu, Maloine, Paris, 1983.
  • Harris Sam, The Moral Landscape, How Science Can Determine Human Values, Free Press, New York, 2010.

Pour approfondir certaines notions