10 – 24 mai 2011 – cours Esprit critique pour Master 1 pseudomédecines à l'école de kiné

10, 17 et 24 mai 2011 – cours sur les pseudomédecines à l’école de kinésithérapie de Grenoble / Echirolles pour les Master 1 kiné, avec la collaboration du Dr Pinsault. C’est le premier d’une série de 3 cours ayant pour thème transversal « Esprit Critique ».

Y sont abordés les rudiments de détection de thérapies douteuses, de recherche de corpus de preuve et de bribes de montage de protocoles expérimentaux.
 

Richard Monvoisin

CorteX_Alain_Le_Metayer

Bibliographie citée par Bouveresse, par Alain Le Metayer

Jacques Bouveresse cite dans sa conférence différents auteurs et ouvrages.
1. Charles Taylor
2. Tzvetan Todorov
3. Zeev Sternhell
4. Bertrand Russell
5. G. W. Liebniz
6. Joachim Schulte
7. Georges Corm
8. W. K. Clifford
9. Kimberley Cornish
10. Ludwig Wittgenstein
11. Gianni Vattimo

 
 

1. Charles TAYLOR et Jocelyn MACLURE (2010) Laïcité et liberté de conscience, La Découverte (978-2707166470)

Présentation de l’éditeur

Ce n’est que récemment que le modèle d’une société politique fondée sur le respect de la pluralité des perspectives philosophiques, religieuses et morales s’est imposé comme le plus susceptible de conduire à une vie harmonieuse du corps social et à l’épanouissement de ceux qui le composent. Un large consensus s’est établi autour de l’idée que la  » laïcité  » est une composante essentielle de toute démocratie libérale. Mais qu’est-ce au juste qu’une société laïque ? Bien que des travaux récents en sciences sociales, en droit et en philosophie aient permis des avancées majeures sur le plan de la compréhension de la laïcité comme mode de gouvernance, une analyse conceptuelle des principes constitutifs de la laïcité manquait toujours à l’appel. Ce livre vient remédier à une telle lacune. Pour les auteurs, les deux grandes finalités de la laïcité sont le respect de l’égalité morale des individus et la protection de la liberté de conscience et de religion. C’est pourquoi la laïcité doit aujourd’hui se comprendre dans le cadre plus large de la diversité des croyances et des valeurs (religieuses ou non) auxquelles adhèrent les citoyens. Depuis près de vingt ans, la France ne cesse de débattre (et de légiférer) sur la place et la visibilité des minorités culturelles et religieuses, comme en témoignent les controverses passionnées sur le foulard islamique et aujourd’hui de la burqa. Cet ouvrage de philosophie, qui prend appui sur l’expérience originale et passionnante du Québec en matière de politique multiculturelle, constitue une contribution forte au débat sur les rapport entre religion et politique.

Biographie de l’auteur

Jocelyn Maclure, est professeur agrégé à la Faculté de philosophie de l’Université Laval. Il est l’auteur de « Récits identitaires, le Québec à l’épreuve du pluralisme« . Il a contribué, en tant qu’analyste-expert, à la rédaction du rapport final de la commission Bouchard-Taylor sur les « accommodements raisonnables« . Charles Taylor est un philosophe de réputation internationale. Ses écrits, traduits en vingt langues, portent sur un éventail de sujets dont l’intelligence artificielle, le langage, le comportement social, la moralité et le multiculturalisme. Il est notamment l’auteur de « Les Sources du moi » (Seuil, 1998).

Charles TAYLOR (2011) L’âge séculier, Seuil. 978-2020976169

Présentation de l’éditeur

Il est d’usage de dire que nous appartenons à un « âge séculier ». Nous, c’est-à-dire les membres des sociétés occidentales modernes, dont, qu’on s’en félicite ou qu’on le déplore, les églises se vident. Comment est-on passé d’un temps, pas si lointain, où il était pratiquement inconcevable de ne pas croire en Dieu, à l’époque actuelle, où la foi n’est plus qu’une possibilité parmi d’autres et va jusqu’à susciter la commisération ? L’une des explications les plus courantes de cette évolution consiste à affirmer qu’à la faveur des progrès de la science, la vérité aurait finalement triomphé de l’illusion, nous poussant à ne chercher qu’en nous-mêmes notre raison d’être et les conditions de notre épanouissement ici-bas. En révélant les impensés de ce récit classique de la victoire de l’humanisme qui fait du « désenchantement du monde » la seule clé de l’énigme, Charles Taylor entreprend une relecture intégrale de la modernité. Loin d’être une « soustraction » de la religion, la sécularisation est un processus de redéfinition de la croyance qui a vu se multiplier les options spirituelles. Si plus aucune n’est en mesure de s’imposer, les impasses du « matérialisme » et les promesses déçues de la modernité continuent d’éveiller une quête de sens.

Biographie de l’auteur

Charles Taylor est professeur émérite de philosophie à l’université McGill (Montréal). Reconnu comme l’un des plus importants théoriciens nord-américains du multiculturalisme et du communautarisme, il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Les Sources du moi (Seuil, 1998). A Secular Age a reçu en 2007 le prix Templeton, qui récompense une contribution décisive au progrès de la recherche spirituelle.

 

2. Tzvetan Todorov : La tyrannie de l’individu (article dans Le Monde, 27 mars 2011)

 

Pour qu’un pouvoir soit légitime, il ne suffit pas de savoir comment il a été conquis (par exemple par des élections libres ou par un coup d’Etat), encore faut-il voir de quelle manière il est exercé. Il y a bientôt trois cents ans, Montesquieu avait formulé une règle pour guider notre jugement : « Tout pouvoir sans bornes ne saurait être légitime », écrivait-il.
Les expériences totalitaires du XXe siècle nous ont rendus particulièrement sensibles aux méfaits d’un pouvoir illimité de l’Etat, capable de contrôler chaque acte de chaque citoyen. En Europe, ces régimes appartiennent au passé, mais, dans les pays démocratiques, nous restons sensibles aux interférences du gouvernement dans les affaires judiciaires ou la vie des médias, car cela a pour effet de supprimer toute limite posée à son pouvoir. Les attaques répétées menées par le président français ou par le premier ministre italien contre les magistrats et les journalistes sont une illustration de ce danger.
Cependant, l’Etat n’est pas le seul détenteur de pouvoirs au sein d’une société. En ce début du XXIe siècle, en Occident, l’Etat a perdu une bonne partie de son prestige, alors que le pouvoir étendu que détiennent certains individus, ou groupes d’individus, est devenu à son tour une menace. Elle passe pourtant inaperçue, car ce pouvoir se pare d’un beau nom, dont tout un chacun se réclame : celui de liberté. La liberté individuelle est une valeur qui monte, les défenseurs du bien commun paraissent aujourd’hui archaïques.
On voit facilement comment s’est produit ce renversement dans les pays ex-communistes d’Europe de l’Est. L’intérêt collectif y est aujourd’hui frappé de suspicion : pour cacher ses turpitudes, le régime précédent l’avait invoqué si souvent que plus personne ne le prend au sérieux, on n’y voit qu’un masque hypocrite. Si le seul moteur du comportement est de toute façon la recherche de profit et la soif de pouvoir, si le combat impitoyable et la survie du plus apte sont les dures lois de l’existence, autant cesser de faire semblant et assumer ouvertement la loi de la jungle. Cette résignation explique pourquoi les anciens apparatchiks communistes ont su revêtir, avec une facilité déconcertante, les habits neufs de l’ultralibéralisme.
A des milliers de kilomètres de là, aux Etats-Unis, dans un contexte historique entièrement différent, s’est développé depuis peu le mouvement du Tea Party, dont le programme loue à son tour la liberté illimitée des individus et rejette tout contrôle gouvernemental ; il exige de réduire drastiquement les impôts et toute autre forme de redistribution des richesses. Les seules dépenses communes qui trouvent grâce aux yeux de ses partisans concernent l’armée et la police, c’est-à-dire encore la sécurité des individus. Quiconque s’oppose à cette vision du monde est traité de cryptocommuniste ! Ce qui est paradoxal, c’est qu’elle se réclame de la religion chrétienne, alors que celle-ci, en accord avec les autres grandes traditions spirituelles, recommande le souci pour les faibles et les miséreux.
On passe, dans ces cas, d’un extrême à l’autre, du tout-Etat totalitaire au tout-individu ultralibéral, d’un régime liberticide à un autre, d’esprit « sociocide », si l’on peut dire. Or le principe démocratique veut que tous les pouvoirs soient limités : non seulement ceux des Etats, mais aussi ceux des individus, y compris lorsqu’ils revêtent les oripeaux de la liberté.
La liberté qu’ont les poules d’attaquer le renard est une plaisanterie, car elles n’en ont pas la capacité ; la liberté du renard est dangereuse parce qu’il est le plus fort. A travers les lois et les normes qu’il établit, le peuple souverain a bien le droit de restreindre la liberté de tous. Cette limitation n’affecte pas toute la population de la même manière : idéalement, elle restreint ceux qui ont déjà beaucoup de pouvoir et protège ceux qui en ont très peu.
Le pouvoir économique est le premier des pouvoirs qui reposent entre les mains des individus. L’entreprise a pour but de générer des profits pour ses détenteurs, sans quoi elle est condamnée à disparaître. Mais en dehors de leurs intérêts particuliers, les habitants du pays ont aussi des intérêts communs, auxquels les entreprises ne contribuent pas spontanément. C’est à l’Etat qu’il incombe de dégager les ressources nécessaires pour prendre soin de l’armée et de la police, mais aussi de l’éducation et de la santé, de l’appareil judiciaire et des infrastructures. Ou encore de la protection de la nature : la fameuse main invisible attribuée à Adam Smith ne sert pas à grand-chose dans ce cas. On l’a vu au cours de la marée noire dans le golfe du Mexique, au printemps 2010 : laissées sans contrôle, les compagnies pétrolières choisissent les matériaux de construction peu chers et donc peu fiables.
Face au pouvoir économique démesuré que détiennent les individus ou les groupes d’individus, le pouvoir politique se révèle souvent trop faible. Aux Etats-Unis, au nom de la liberté d’expression illimitée, la Cour suprême a autorisé le financement par les entreprises des candidats aux élections ; concrètement, cela signifie que ceux qui disposent de plus d’argent peuvent imposer les candidats de leur choix.
Le président du pays, assurément l’un des hommes les plus puissants de la planète, a dû renoncer à promouvoir une réforme juste de l’assurance médicale, à réglementer l’activité des banques, à diminuer les dégâts écologiques causés par le mode de vie de ses concitoyens.
Dans les pays européens, il arrive fréquemment que les gouvernements se mettent au service des puissances d’argent, donnant lieu à une nouvelle oligarchie politico-économique qui gère les affaires communes dans l’intérêt de quelques particuliers. Ou encore que les ministres en exercice se comportent en individus intéressés, en acceptant que des tiers paient leurs vacances…
La liberté d’expression est présentée parfois comme le fondement de la démocratie, qui pour cette raison ne doit connaître aucun frein. Mais peut-on dire qu’elle est indépendante du pouvoir dont on dispose ? Il ne suffit pas d’avoir le droit de s’exprimer, encore faut-il en avoir la possibilité ; en son absence, cette « liberté » n’est qu’un mot creux. Toutes les informations, toutes les opinions ne sont pas acceptées avec la même facilité dans les grands médias du pays. Or la libre expression des puissants peut avoir des conséquences funestes pour les sans-voix : nous vivons dans un monde commun. Si l’on a la liberté de dire que tous les Arabes sont des islamistes inassimilables, ils n’ont plus celle de trouver du travail ni même de marcher dans la rue sans être contrôlés.
La parole publique, un pouvoir parmi d’autres, doit parfois être limitée. Où trouver le critère permettant de distinguer les bonnes limitations des mauvaises ? Entre autres, dans le rapport de pouvoir entre celui qui parle et celui dont on parle. On n’a pas le même mérite selon qu’on s’attaque aux puissants du jour ou que l’on désigne au ressentiment populaire un bouc émissaire. Un organe de presse est infiniment plus faible que l’Etat, il n’y a donc aucune raison de limiter sa liberté d’expression lorsqu’il le critique, pourvu qu’il la mette au service de la vérité.
Quand le site Mediapart révèle une collusion entre puissances d’argent et responsables politiques, son geste n’a rien de « fasciste », quoi qu’en disent ceux qui se sentent visés. Les « fuites » de WikiLeaks notamment publié par Le Monde n’ont rien de totalitaire : les régimes communistes rendaient transparente la vie de faibles individus, pas celle de l’Etat. En revanche, un organe de presse est plus puissant qu’un individu, et le « lynchage médiatique » est un abus de pouvoir.
Les défenseurs de la liberté d’expression illimitée ignorent la distinction entre puissants et impuissants, ce qui leur permet de se couvrir eux-mêmes de lauriers. Le rédacteur du journal danois Jyllands-Posten, qui avait publié en 2005 l’ensemble des caricatures de Mahomet, revient sur l’affaire cinq ans plus tard et se compare modestement aux hérétiques du Moyen Age brûlés sur le bûcher, à Voltaire pourfendeur de l’Eglise toute-puissante ou aux dissidents réprimés par la police soviétique. Décidément, la figure de la victime exerce aujourd’hui une attraction irrésistible ! Le journaliste oublie, ce faisant, que les courageux praticiens de la liberté d’expression se battaient contre les détenteurs du pouvoir spirituel et temporel de leur temps, non contre une minorité discriminée.
Poser des bornes à la liberté d’expression signifie non plaider pour l’instauration de la censure, mais faire appel à la responsabilité des maîtres des médias. La tyrannie des individus est certainement moins sanglante que celle des Etats ; elle est pourtant, elle aussi, un obstacle à une vie commune satisfaisante. Rien ne nous oblige à nous enfermer dans le choix entre « tout-Etat » et « tout-individu » : nous avons besoin de défendre les deux, chacun limitant les abus de l’autre.

L’auteur

Historien des idées et essayiste. Né en 1939 à Sofia, Tzvetan Todorov est directeur de recherches honoraire au CNRS. D’abord théoricien de la littérature, il s’est penché sur la question de la mémoire et du totalitarisme Son oeuvre a reçu le prix du Prince des Asturies en 2008. Dernier ouvrage en date, « Le Siècle des totalitarismes » (Robert Laffont 2010).

3. Zeev STERNHELL (2010) Les anti-lumières, Folio Gallimard, édition revue et augmentée (978-2070318186)

Présentation de l’éditeur

Contre les Lumières et leurs valeurs universelles qui régissent encore les sociétés démocratiques, s’est dressée, du XVIIIe siècle à aujourd’hui, une autre tradition. Cette modernité se veut alternative et mène la guerre grâce à une argumentation rendue cohérente par le fait que tous ses partisans se lisent les uns les autres avec une grande attention et constituent son corpus. Taine écrit sur Burke et Carlyle, Meinecke sur Burke et Herder, lequel, pour Renan, est le  » penseur-roi « , Maistre suit Burke et il est lui-même suivi par Maurras, Sorel attaque les Lumières avec une hargne égale à celle de Maurras. Développant la pensée de Herder, Spengler forge le concept de l’imperméabilité des cultures; poursuivant les analyses de Herder, Isaiah Berlin écrit sur Vico avec un ravissement semblable à celui de Croce. Subissant l’influence de Meinecke, il ajoute dans la seconde moitié du XXe siècle un maillon à la culture politique des anti-Lumières. Preuve est donc faite que les maux contre lesquels ont combattu les Lumières sont de toutes les époques : pour éviter à l’homme du XXIe siècle de sombrer dans un nouvel âge glacé du conformisme, la vision prospective d’un individu maître de son présent, sinon de son avenir, demeure irremplaçable.

4. Bertrand RUSSELL (1964) Pourquoi je ne suis pas chrétien, J. J.Pauvert.

Très succinctement : Russell, logicien, mathématicien, mais aussi penseur politique tendance libertaire, est unanimement considéré comme l’un des plus grands philosophes du XXe siècle.

Bertrand RUSSELL (1912) The essence of religion, Hibbert Journal. Reprinted in The Basic Writings of Bertrand Russell, (2009), Routledge, 978-0415472388

voir aussi : Jacques Bouveresse (2010) Bertrand Russell, la science, la démocratie et la « poursuite de la vérité », Agone n°44, 73-106.

 

5. Gottfried Wilhelm LIEBNIZ : texte de 1701 (pas de réf; trouvée)

(A compléter)

6. Joachim SCHULTE (1992) Lire Wittgenstein, Eclat. 978-2905372734

(A compléter)

7. Georges CORM (2007) La question religieuse au XXIe siècle, La Découverte. 978-2707152855

Présentation de l’éditeur

Depuis la fin du XXe siècle, la géopolitique mondiale, nous répète-t-on, serait traversée par le retour du religieux devenu la principale clé de compréhension du monde. C’est à ce credo que s’attaque Georges Corm dans ce livre stimulant. Il y analyse les ressorts philosophiques et politiques de cette représentation du monde. issue de la pensée antirévolutionnaire postmoderne, qui nourrit notamment l’action des néoconservateurs américains. L’irruption du religieux dans le champ politique ne s’explique pas par une résurrection des identités religieuses que les Lumières auraient gommées. Prolongeant les analyses de Hannah Arendt, l’auteur décrit la crise de légitimité des vieilles démocraties, minées par les effets de la globalisation économique et financière. Une crise qui affecte aussi les trois monothéismes, juif, chrétien et musulman, et contribue à produire les extrémismes religieux. Pour Georges Corm, enfin, l’archéologie des violences modernes n’est pas à rechercher dans la Révolution française et la  » Terreur  » mais bien plutôt dans l’Inquisition et le long siècle des guerres de religion en Europe. C’est donc moins à un  » retour du religieux  » que l’on assiste qu’à un recours au religieux au service d’intérêts économiques et politiques fort profanes.

Biographie de l’auteur

Georges Corm, économiste et historien, est consultant auprès de divers organismes internationaux et professeur d’université. Il est l’auteur de nombreux ouvrages consacrés aux problèmes du développement et du monde arabe, dont, à La Découverte : Le Proche-Orient éclaté (1983 ; Gallimard Folio / histoire, 2005, 2007), L’Europe et l’Orient (1989, 2004), Le Nouveau Désordre économique mondial (1993), Orient-Occident, la fracture imaginaire (2002, 2004) et Le Liban contemporain (2003, 2005).

8. William Kingdon CLIFFORD (1877) The Ethics of Belief.

(A compléter)

Voir le cours de Bouveresse « L’éthique de la croyance et la question du poids de l’autorité« .

9. Kimberley CORNISH (1998) Wittgenstein contre Hitler. Le juif de Linz, PUF. 9782130495819

La photographie de classe publiée en couverture du livre montre le jeune Wittgenstein à quelques coudées du petit Hitler, élève du cours élémentaire. Le petit juif arrogant et vouvoyant ses condisciples qu’évoque Hitler dans ses écrits n’est-il pas le futur grand philosophe, professeur à Oxford, peut-être devenu officier recruteur d’espions pour le compte de l’Union soviétique ? L’engagement politique de Wittgenstein, sa vie et son œuvre trouveraient leur clef dans cette rencontre initiale de l’intelligence précoce et du ressentiment haineux incarné par l’élève moins doué.

La correspondance d’Hitler peut laisser supposer que l’archétype du juif, usurpateur rusé, se singularisant par sa passion pour le secret, se soit constitué à l’occasion de ce contact décisif. Toutefois, l’auteur invoque tant de coïncidences frappantes et établit tant de recoupements, après avoir sollicité tant de témoignages, que son hypothèse, présentée comme plausible, finit par sembler suspecte à force de preuves accumulées, car rien n’est moins crédible qu’une vérité trop criante. Cependant, si l’auteur dit vrai, alors la réalité ici dépasse la fiction. –Paul Klein

10. Ludwig WITTGENSTEIN (1984) Remarques philosophiques, Gallimard poche. 978-2070702268

Jacques Bouveresse cite ce passage : « J’aimerais pouvoir dire de ce livre qu’il est écrit à la gloire de Dieu mais ce serait une canaillerie. »

Ludwig WITTGENSTEIN (2006) De la certitude, Gallimard. 978-2070780884

Présentation de l’éditeur

Wittgenstein, incontestablement un des plus grands philosophes du XXe siècle, est aujourd’hui reconnu comme l’auteur, non de deux, mais de trois œuvres maîtresses : alors que le Tractatus et les Recherches philosophiques appartiennent au premier et au deuxième Wittgenstein. Sans doute la plus importante contribution à l’épistémologie depuis la Critique de la raison pure de Kant. De la certitude est la réponse de Wittgenstein au scepticisme cartésien. La méthode de Descartes est de tout soumettre au doute jusqu’à avoir atteint la roche dure de la certitude : l’indubitable. A cela, la réponse de Wittgenstein est que la formulation même du doute présuppose la certitude. Ainsi, nos certitudes fondamentales constituent, on un point d’arrivée, mais le point de départ nécessaire et indubitable de notre pensée et de notre action dans le monde. Elles ne sont pas l’objet de la connaissance, mais son fondement. Cette nouvelle traduction répond à l’intérêt croissant que suscite De la certitude dans le cadre d’une œuvre dont on mesure de mieux en mieux l’importance.

11. Gianni VATTIMO et Richard RORTY (2006) L’avenir de la religion, Fayard. (978-2227475380)

Présentation de l’éditeur

Qu’un philosophe catholique dissident comme Vattimo rencontre un philosophe résolument athée, tel Rorty, pour envisager l’avenir de la religion semble promettre un mélange détonant. L’un et l’autre, pourtant, qui représentent de puissants courants de sensibilité, ne pronostiquent pas la fin du christianisme, mais envisagent les voies d’un futur possible : la religion peut tenir un discours de faiblesse et accepter une part d’ironie qui va à l’encontre d’une dogmatique coupée de l’histoire effective pour sauver une tradition ; elle peut également, obéissant à la logique de la charité, ouvrir une perspective qui débouche sur l’impératif de la solidarité, et l’avenir de la religion cesse d’être cantonné au seul domaine des choix privés pour se maintenir sur le plan social et dans l’ordre des orientations politiques.

Biographie de l’auteur

Richard Rorty (1931), professeur de philosophie à l’Université de Virginie, est l’une des figures de proue du pragmatisme.
Gianni Vattimo (1936) enseigne la philosophie à l’Université de Turin, et il est chroniqueur à la Stampa ; il se rattache au courant de l’herméneutique.

Alain Le Metayer

 
 

Conférence de N. Gaillard – "Esprit critique et science" – Jeudi 26 mai – SOSDS de Chambéry

Jeudi 26 mai à Chambéry (73)
Conférence de N. Gaillard: « Esprit critique et science: Comment arrivons nous à nous persuader que ce que l’on pense est juste? »

Conférence-débat à la SOSDS – Société Odonto-Stomatologique de Savoie alt

C’est au local de la SOSDS, à Chambéry, 20h30, mais réservé aux membres, donc non public.

Résumé:

« Esprit critique et science: Comment arrivons nous à nous persuader que ce que l’on pense est juste? »
L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples.

Conférence "La Zététique, une éducation à l'autodéfense intellectuelle"

Résumé :

La zététique est l’étude scientifique des phénomènes présentés comme « paranormaux », des théories étranges, surnaturelles ou limites (les X -files, en quelque sorte).

En cherchant des explications à des sujets comme les rêves prémonitoires, les apparitions ou les guérisons miraculeuses, en évaluant les fondements de « théories » désertées par les chercheurs comme la mémoire de l’eau, la cryptozoologie, ou la sourcellerie, en étudiant les controverses évolution / créationnisme, ou certaines thérapies alternatives comme les barreurs de feu, et surtout en étudiant les mécanismes psychologiques d’adhésion et d’aliénation classique, la zététique est devenue une immense boîte à outils qui fait l’objet d’enseignements spécifiques en France.

L’objectif est d’abord méthodologique – donner les moyens de distinguer science et pseudoscience, thérapies et pseudothérapies par exemple, au moyen d’illustrations, et sans mauvais esprit. Ainsi pourrons-nous peut être découvrir des phénomènes réellement « surnaturels ». Mais l’enjeu est surtout citoyen : transmettre aux étudiants et au grand public les outils nécessaires pour connaître les risques de dérives, les dangers en matière de santé, éviter escroqueries, manipulations et mécaniques sectaires. La zététique contribue à transmettre des outils d‘autodéfense intellectuelle nécessaires pour que vous et moi puissions faire des choix propres en pleine connaissance de cause.

Sont décrits comment s’y prendre pour élaborer avec les collègues les enseignements, et parler des recherches du collectif Cortecs (www.cortecs.org)
Format conférence – 1h + discussion 
Format cours magistral – 2-3h
Proposée par Richard Monvoisin.

Denis Caroti, l'Aristote de la méthode scientifique

5 mai 2011- Formation IUFM Science & pseudosciences – Denis Caroti

Formation Science et pseudosciences, IUFM d’Aix-Marseille (Unimeca, Technopôle de Chateau Gombert)

Le jeudi 5 mai se déroulera le stage Science et pseudosciences, organisé dans le cadre du Plan Académique de Formation et à destination des enseignants de science  de l’académie d’Aix-Marseille.
Denis Caroti

Présentée par Denis Caroti depuis 3 ans, cette formation regroupe les professeurs de mathématiques, sciences naturelles et physique-chimie qui en ont fait la demande en s’inscrivant sur le site du rectorat (G.A.I.A). Durant cette journée,  l’accent est mis sur  les outils d’analyse critique, quelques bases d’épistémologie ainsi que la découverte de moyens concrets pour les utiliser avec les élèves. L’organisation de la journée est assez dense et se présente en général ainsi : le matin,  quelques mots sur la zététique puis sur la difficile mais indispensable distinction entre science et pseudosciences. Après la pause, une expérience visant à présenter un protocole expérimental complet est proposée aux enseignants : l’occasion pour eux de revenir sur des points parfois méconnus. Enfin, la matinée se termine par une introduction aux outils d’autodéfense intellectuelle illustrés par de nombreux exemples.

Le début d’après-midi est consacré à la mise en pratique de certains de ces outils : analyse de documents, de vidéos ou de revues de vulgarisation. S’en suit un débat sur l’enseignement de l’esprit critique en sciences : quelles sont les prescriptions en la matière ? Comment y répondre ? Quels risques et quels pièges à éviter ?


Stage Science et pseudosciences : le jeudi 5 mai, à Unimeca, boulevard Joliot-Curie, 13013 Marseille (début 9h, fin 16h30)

unimeca

CorteX_Julien_Levy

Sociologie critique – conseil d'ouvrages par Julien Lévy

CorteX_Julien_LevyJulien Lévy est notre sociologue à nous, et qui plus est un transfuge du monde du travail social. Nous lui avons demandé de nous faire, comme il le dit lui-même, « une petite bibliographie non idéale et non exhaustive des dits ouvrages de sociologie qui méritent qu’on leurs accorde quelques heures d’attention« .

  • Introduction à une sociologie critique, Alain Accardo (Agone, 2006)

CorteX_Accardo_introduction_sociologie_critique« Parce que lire Bourdieu, c’est souvent hardcore (Bourdieu n’a compris qu’à la fin de sa vie que si on écrit des livres, c’est pour que les gens les lisent…), et pourtant il ne raconte pas que des conneries, le mec, et loin s’en faut ! Ca vaut le coup de lire ce bouquin d’Accardo qui explique Bourdieu et le rend particulièrement accessible. Un vrai tour de force ! Alors j’entends déjà les voix des bourdieusiens orthodoxes qui vont venir avec leurs fourches et leurs chiens, expliquer que c’est une vision subjective et orientée de l’œuvre de Bourdieu. Ça tombe bien, je n’ai pas l’impression qu’Accardo ait eu d’autre volonté via ce livre que celle d’ouvrir une porte vers l’œuvre de Bourdieu, en nous faisant part de la compréhension qu’il en a eu. Et il le fait avec brio.

  • Sur la télévision, Pierre Bourdieu (Raisons d’agir, 1996)

Bon, lire Bourdieu, ça se fait quand même, faut pas déconner ! Ca se fait d’autant plus facilement si on prend CorteX_Bourdieu_sur-la-televisionles bouquins qu’il a écrit sur la fin de sa vie. Par exemple, Sur la télévision est la reprise d’un cours de Bourdieu donné au Collège de France.

Note : l’ouvrage retranscrit le contenu de deux émissions télévisées de Gilles l’Hôte : Sur la télévision et Le champ journalistique.

Alors, pour les flemmards, le cours se trouve aussi en vidéo, mais l’image est pas terrible, et quitte à mater une vidéo avec la gueule de Bourdieu, autant regarder le très bon documentaire de Pierre Carles La sociologie est un sport de combat qui apporte un vrai éclairage sur le sociologue.

Néanmoins, la vidéo est accessible ici.

Pour en revenir à Sur la télévision, qui est suivi par L’emprise du journalisme, ce livre expose la réflexion critique de Bourdieu sur les médias. Il y a certainement des trucs discutables dans ce qu’il raconte, mais ça tombe bien, le but de la sociologie n’est pas de dire la vérité mais d’apporter des éléments de compréhension.

 

  • Outsiders, Howard S. Becker (Métailié, 1985)

CorteX_Becker_OutsidersLivre incontournable sur la sociologie de la déviance. La sociologie de la déviance version Becker, c’est montrer de l’intérieur comment on crée des normes qui placent des gens à la marge, et comment ces gens renforcent cette marginalité pour en faire une part de leur identité… Ce n’est pas clair ? Pas grave, Becker le dit vachement mieux que moi !

Note : très récemment (mars 2011), H.S. Becker a fait une tribune assez virulente dans le Monde Diplomatique, disponible ici.

  • Stigmate, Ervin Goffman (Les Editions de Minuit, 1975)

Toujours dans la même ligne, et c’est un peu normal vu que Goffman est le maître CorteX_Goffman_StigmateJedi de Becker, Stigmate est un super bouquin, super facile à lire, super intéressant, qui montre superbement en à peine plus de 150 pages comment se crée le normal et l’anormal dans notre société en s’intéressant à la question des usages sociaux du handicap. Ca vaut le détour, mais comme à peu près tout le reste de l’œuvre de Goffman. Je cite en vrac : Asile, Les cadres de l’expérience, Les rites d’interaction, La mise en scène de la vie quotidienne, etc.

  • Construire l’événement, Eliseo Veron (Les Editions de Minuit, 1981)

CorteX_Veron_Construire_levenementUn grand bouquin de sociologie des médias. Quasi introuvable, mais qui mérite d’être cherché et lu. En outre, on est en plein dans l’actualité même si le bouquin a été publié en 1981. Eliseo Veron décortique un événement médiatique en train de se produire, au moment de l’accident de la centrale nucléaire de Three mile Island. Veron interroge avec méthode le « principe d’objectivité » des médias et la construction d’un événement médiatique. Ca claque !

 

  • L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Max Weber (Pocket, 1989)

CorteX_Weber_ethique_protestanteJuste pour poursuivre ma réflexion sur le but de la sociologie, il faut que je cause de ce bouquin de Weber, parce que là aussi, c’est vraiment intéressant. C’est une vraie leçon de sociologie compréhensive. Évidemment, c’est plus facile de faire une leçon de sociologie compréhensive quand on en est le père fondateur… Par exemple, moi, je pourrais donner des leçons de gratin de courge et ravioles au bleu de Sassenage, parce que j’en suis le père fondateur ! Bon, Weber a eu plus de succès que moi, et la sociologie, bien que mise à mal, a plus d’écho que mon gratin. Le problème est que parfois l’écho déforme le son. Et c’est un peu ce qui peut se produire avec ce bouquin. Weber propose un axe de compréhension du capitalisme, et cet axe est l’éthique protestante. Il montre comment cette éthique, avec l’importance du travail et de l’activité perpétuelle, participe à la création du capitalisme, avec l’exemple du développement des manufactures, etc. Là où il faut se méfier, c’est qu’il garder en tête à la fin du bouquin ce que Weber explique au début, c’est-à-dire que ce travail de compréhension est un axe de réflexion. Le capitalisme n’a pas été créé par les protestants, c’est plus complexe que ça. Par contre le boulot de Weber permet de comprendre un élément ayant contribué à ce développement. Quitte à me répéter, la sociologie, dès lors qu’elle se met à vouloir expliquer ou dire LA vérité, il vaut mieux s’en méfier, parce qu’en sociologie, on a un véritable problème avec notre terrain et la reproductibilité des observations, au-delà du simple fait que l’observation représente un biais en soi (qui observe, est-ce que l’observation modifie les comportements, etc.). C’est pour ça que c’est extrêmement important d’expliquer qui cause, d’où il ou elle cause, et de rester mesuré sur la validité des conclusions. Bref, Weber, sur la méthode sociologique, c’est un exemple.

 

Cortex_Shadoks_pompe

Décortiqué – Crise du masculin, Le Monde, 7 mars 2011

Crise du masculin

Rafik Smati LEMONDE.FR | 07.03.11 |


La place des femmes dans l’économie est un sujet au coeur du débat public.

Phrase-puits : elle ne contient pas d’information. Elle ne sert qu’à « créer » artificiellement l’enjeu de l’article.

Débat public : concept flou, du même type que « ordre public » ou « opinion générale ».

Faux, ou alors j’ai très mal lu les sujets brûlants du débat public…

 

Aussi, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme, il parait opportun d’approfondir les enjeux liés à l’avènement d’un « capitalisme féminin ». Il n’a échappé à personne

Technique de ratissage, du même genre que « vous n’êtes pas sans savoir », « nous savons tous que »…

En aparté : pourquoi attendre la journée en question pour aborder la question de la représentation des femmes dans les appareils de pouvoir ?

 

que les traders des salles de marché étaient dans leur quasi-totalité des hommes.

Homme / Femme : catégorisation très limitée et normative des sexes. Près de 2% des individus naissent intersexes, hermaphrodites, etc, sans compter les transsexuels et les transgenres qui ne se reconnaissent pas dans leur sexe biologique. À noter : en Australie, depuis 2006 le recensement autorise un classement ni homme ni femme mais « androgyne ».

 

Dès lors, nous pouvons nous poser la question suivante : la crise financière que nous avons connue aurait-elle eu lieu si ces mêmes traders avaient été des femmes ? Probablement pas.  

Pétition de principe (cf. définition).

Trop facile : jugement de valeur et raccourcis dommageable. Définition d’un « capitalisme féminin » ? Système d’accumulation d’un capital majoritairement détenu par les femmes ? Absurde… Pouvoir politique détenu par les femmes ? Dans ce cas, c’est différent, gros problème de notions. Je suggère de jeter un œil aux décisions politiques des femmes qui ont détenu un pouvoir accru et dont les actions ont eu une répercussion de grande ampleur. Comme ça, de mémoire, je vois surtout M. Thatcher…

Possibilité de faire un autre raccourci tout aussi biaisé : les femmes occupant des postes haut placés peuvent parfaitement éprouver le même appétit pour le jeu et être tout autant appâtées par le gain… Le rapport au sexe est réfutable puisqu’il s’agit d’un risque systémiquequi, par définition, ne met pas l’individu en cause mais la masse composant le système lui-même. En d’autres termes, ce n’est pas chaque individu pris en tant que tel qui fait fonctionner le système, mais la masse (en tant que groupe). En d’autres termes, le système s’autoalimente, s’autogère, sans que de réelles décisions soient prises. Les femmes seraient tout autant aspirées par le système si elles en faisaient davantage partie.

 

D’abord, il y a les chiffres : les femmes ne représentent que 17 % des décideurs financiers de Grande-Bretagne et seulement 2,5 % des cadres dirigeants des banques et des compagnies d’assurance.

Des chiffres ? Vite, vérifions. En croisant les mots-clés femmes, 17%, 2,5% et islande (cf point suivant), on tombe sur le document N°12195 du 8 avril 2010 de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, qui lui-même renvoit vers la source vraisemblable de l’auteur :  la professeure d’économie Anne C. Sibert, qui écrit ceci.

Women hold only 17% of the corporate directorships and 2.5% of the CEO positions in the finance and insurance industries in the US / Les femmes occupent à peine 17 % des postes de direction dans les entreprises et 2,5 % des postes de PDG dans les milieux de la finance et de l’assurance aux Etats-Unis.(souligné par moi)

et non en Grande-Bretagne. Anne Sibert, «Why did the bankers behave so badly?», Vox, 18 mai 2009. A. C. Sibert indique par ailleurs sa source :  Sullivan and Jordan 2009. Il suffit alors de se reporter à sa bibliographie en fin d’article et hop -> Sullivan, Kevin and Mary Jordan, “In Banking Crisis, Guys get the Blame: More Women Needed in Top Jobs, Critics Say,” Washington Post Foreign Service, 11 février 2009.

Que disent Sullivan et Jordan ?

In the United States, women hold 17 percent of the corporate directorships — and 2.5 percent of the CEO posts — in the finance and insurance industries, according to Catalyst, a U.S.-based nonprofit group that promotes opportunities for women in business. Traduction : (…) selon Catalyst, organisme consultatif de recherche états-unien sans but lucratif qui se consacre à l’avancement des femmes en affaires.

Résumé : l’auteur reprend en les appliquant à un autre pays des données peu nuancées, qu’il prend à Sibert, qui elle-même les prend à Sullivan & Jordan, qui lisent un rapport de Catalyst.

 

Plus impressionnant encore, l’Islande, dont nous savons que l’État a récemment été en situation de faillite, ne comptait qu’une seule femme banquière, et qu’elle dut quitter son poste en 2006.

Ce qui ne constitue pas une preuve.

D’autant que l’auteur semble s’abreuver à la même source.

Anne C. Sibert : « In Iceland – home to a particularly spectacular collapse – it is said that there was just one senior woman banker, and that she quit in 2006 ».

Puis elle donne sa propre source : Lewis 2009. Un clic plus bas, on trouve : Lewis, Michael, “Wall Street on Tundra,” Vanity Fair, Apr. 2009. Mais dans l’article, aucune trace de cette fameuse banquière. Je cherche un peu avec mots-clés Femme islande 2006 banque, avec quelques variations, et tombe sur un article de Marie-Joëlle Gros , Les femmes piquent la crise, Libération, 2 février 2009. On peut y lire :

« Margit Robertet, 45 ans dont vingt à travailler avec des banquiers, raconte : «Le milieu des banques d’affaires était massivement masculin. (…) » Plus le temps passait, plus elle se sentait «patiner sur une glace de moins en moins stable». Elle démissionne pour rejoindre Halla Tomasdottir et Kristin Petersdottir, qui venaient de fonder Audur Capital.

Je rentre alors « Margit Robertet » dans un moteur de recherche et j’obtiens sur LinkedIn :

Margit Robertet, Head of Debt Finance de Straumur Investment Bank, Public Company; 201-500 employees; STRB; Investment Banking industry, September 2005 – November 2007 (2 years 3 months).

Si c’est bien elle, elle n’a pas « du » quitter son poste, comme le dit l’auteur, elle a démissionné, et ce n’est pas en 2006, mais en 2007. Bref, peu importe ! Ce qui est captivant est l’effet boule de neige et la suite des recopiages des uns sur les autres sans réelle vérification.

Les chiffres sont mal utilisés, les décideurs financiers étaient-ils directement impliqués dans l’échange des titres en jeu ?

Des chercheurs de l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, sont allés encore plus loin.

Argument d’autorité (cf. 18 moisissures argumentatives). Qui sont-ils ? Chercheurs en quoi ? Travaillent-ils effectivement à l’Université de Cambridge ?

Un maître-nageur employé à l’Université de Cambridge travaille aussi à l’Université de Cambridge. Petite recherche avec mots-clé traders testosterone et Cambridge. On trouve alors le nom des auteurs, John Coates and Lionel Page et très rapidement le lien vers leur travail intitulé A Note on Trader Sharpe Ratios (cf. plus loin).
 

Ils expliquent la désaffection des femmes pour les métiers de la finance et les comportements irrationnels des hommes, en se référant à la testostérone, l’hormone sexuelle masculine.

Sur quelles études s’appuient-ils pour évoquer cette désaffection ? Les chiffres donnés ne prouvent rien, encore une fois et certainement pas que les femmes ne sont pas intéressées par la finance. On confond ici constat (le nombre de femmes dans la finance) et motivations. Effet atchoum ? (ou post hoc ergo propter hoc).

Les prémisses posent déjà problème : y a-t-il assurément désaffection (« perte de l’affection » des femmes ? Ou plutôt un non-encouragement vers des métiers genrés masculins ? A moins que ce ne soit le milieu, probablement machisant, qui repousse les femmes essayant de s’y intégrer ?

De même, les comportements des traders sont-ils « irrationnels » ? Rien n’est moins sûr.

Nous voyons là un cas typique d’essentialisme : expliquer par un paramètre « naturel » ce qui peut avoir une origine purement sociale. Le rasoir d’Occam nous est utile ici : on ne doit pas multiplier les entités plus que de raison → l’explication la moins coûteuse, l’hypothèse sociale, est à privilégier.

Effectivement, le comportement des intervenants du marché n’est pas « irrationnel », bien au contraire,. Conseil à l’auteur : lire quelques travaux issus de la finance comportementale. Les mouvements financiers sont des phénomènes de foule, auxquels s’appliquent la psychologie des foules de G. Le Bon, par exemple, ou la théorie générale de Keynes. Ces phénomènes n’ont strictement rien à voir avec les hormones.

Note : pour des choses plus récentes, on pourra lire André Orléan, la plupart de ses écrits abordent le sujet, mais il a publié un livre vraiment pédagogique en la matière : « Le pouvoir de la finance« . De nombreux économistes considèrent que le fonctionnement est rationnel (c’est juste qu’il est inefficace) : parmi les plus connus, Keynes, Galbraith, Kindleberger...

 

Ces chercheurs ont d’abord procédé à des prélèvements de salive sur des traders de salle de marché, afin d’évaluer leurs taux de testostérone. Le constat fut édifiant : les taux se sont révélés anormalement élevés les jours où les prises de position étaient les plus risquées et les gains les plus importants. Très difficile, d’ailleurs, d’évaluer la cause et la conséquence : la testostérone augmente-t-elle avec la prise de risque, ou en est-elle la cause ? Il y a fort à parier

Selon l’auteur.

que les deux s’auto-alimentent, de sorte que les phénomènes de bulles financières sont d’une certaine façon la conséquence d’une spirale mêlant poussée de testostérone et prise de risque.

Effet atchoum (ou post hoc ergo propter hoc, cf. définition) ou non sequitur, je ne sais pas mais y quelque chose à creuser, là, c’est certain !

Effet cigogne : l‘auteur parle de cause et de conséquence, là où il ne pourrait y avoir qu’une simple corrélation, qui plus est non statistiquement valable.

Il utilise une technique de la peau de l’ours, qu’on vend avant de l’avoir tué, avec son « Il y a fort à parier que les deux s’auto-alimentent ». J’aimerais bien qu’il parie.

« de sorte que les phénomènes de bulles financières sont d’une certaine façon

Mot-fouine (cf outillage – à venir), « d’une certaine façon » vide la phrase de sa substance.

 

la conséquence

Effet cigogne.

 

d’une spirale mêlant poussée de testostérone et prise de risque.

Houlà ! on mélange les genres, là : c’est quoi, la testostérone ? Ca sert à quoi ? Et on n’a pas fait d’autres mesures, comme celle de l’adrénaline, par exemple. Parce qu’avec un argument aussi faussement scientifique, on peut aussi induire que l’adrénaline est le moteur de l’économie. On se prend un shoot d’adrénaline et hop, tous les traders sont des drogués…

Prise de risque qui est bien souvent elle-même une conséquence du cahier des charges capitalistique qui est donné au trader. En naturalisant le problème, on gomme tout le contexte économico-politique qui pousse les banques à pousser les traders à prendre ces risques.

Les bulles financières émanent d’une euphorie collective depuis la nuit des temps…

…disons, depuis que l’on peut prêter de l’argent à une entité qui selon nous peut s’avérer rentable, comme l’Etat, une entreprise, une personne qui est amenée à faire fortune, d’où le terme « nouvel eldorado » : la cause sous -acente de chaque crise est la croyance collective en un nouvel eldorado). En d’autres termes, la bourse existe depuis que la monnaie existe, et depuis qu’on peut échanger. Elle s’est juste concrétisée sous différentes formes, et celle qu’on lui connait actuellement remonte au 14ème siècle. Là-dessus, il existe un livre au titre évocateur : « This time is diffrent » de Reinhart et Rogoff, qui justement réfutent l’idée que chaque crise est différente, comme l’avait fait Galbraith avec « Brève histoire de l’euphorie financière« . On croit toujours que cette crise est différente des autres mais c’est faux : toutes émanent d’une innovation financière (changement juridique, de technologie etc.)

Aujourd’hui, dans la majorité des cas, elles partent des investisseurs institutionnels (fonds de pension etc.), auxquels les intervenants plus éparses font confiance, la bulle s’autoalimente sous l’effet d’une croyance collective de l’existence d’un nouvel « Eldorado ». La bulle est avant une variable systémique : issue du système lui-même, tel qu’il a été construit (ou plutôt, dans ce cas, déconstruit) et non de ses intervenants… Le phénomène de foule agit de telle sorte que « si les autres achètent/vendent, alors je dois acheter/vendre », quelles que soient les conditions intrinsèques de l’entité concernée. La marge de manœuvre est souvent inexistante… le trader n’est pas autonome et le système étant ce qu’il est (et dans ce cas, il faut rappeler qu’il a été démantelé par le politique, et non par les traders, dont les chefs de file étaient Monsieur Reagan…et Madame Thatcher… ;-), peu importe que le « sujet » soit de sexe masculin ou féminin…

Sans doute touchons-nous ici du doigt le cœur de la crise du capitalisme.

Sans doute s’en éloigne-t-on je pense.

L’environnement financier mondial est en grande partie dominé par des hommes.

Confusion entre environnement financier et sphère politique.

Ces hommes, qui ne peuvent désormais plus utiliser leur testostérone dans les conquêtes, dans la guerre ou dans la chasse, vont trouver un exutoire dans ce nouveau terrain de jeu qu’est l’économie financière, par le truchement de prises de position boursières très souvent risquées.

Nous ne sommes pas très loin des clichés classiques « les hommes viennent de Mars », où l’homme a besoin « naturellement » de bagarre, de guerre, de parler fort, de dominer. Certain-es féministes classent ces arguments dans cette nouvelle vague du « neurosexisme ». Les sciences et les études de genre montrent pourtant que cette tendance provient plus volontiers de l’éducation de genre faites aux enfants que de leur sécrétion de testostérone.

Les prises de risque et la bourse existent depuis des centaines d’années… Exemples : Tulipomanie en Hollande, 17ème siècle ; spéculation sur les mines d’argent en Amérique Latine, 19ème siècle, pendant et après les guerres napoléoniennes. Les deux ont débouché sur des crises d’une très grande ampleur).

 

Cette prise de risque et le gain qu’elle peut générer sont une source d’exaltation et de jouissance extrême, jouissance qui est elle-même à l’origine d’une poussée supplémentaire de testostérone, qui à son tour incite à engager de nouveaux risques, etc. Nous sommes ainsi dans une spirale risque/testostérone dont l’effet est d’alimenter une bulle financière.

Pente savonneuse évidente.

L’histoire a démarré encore un cran avant dans la bêtise.

Selon Coates, co-auteur de la publication en question, le signe distinctif du trader est un annulaire bien plus long (?) que l’index. Comme les lycanthropes ! L’amie Agnès Lenoire raconte sur son blog Doutagogo

49 traders ont livré leurs mains. Ils ont en commun un annulaire plus long que l’index. Et alors ? Alors John Coates et son équipe de l’université de Cambridge qui ont conduit l’étude en ont déduit que ces traders étaient des hommes, des vrais, des bourrés de testostérone. « Les envahisseurs » de David Vincent avaient le petit doigt en l’air, ceux de Wall Street dressent fièrement leur annulaire. Donc John Coates n’a pas fait mieux que Larry Cohen, créateur de la série. Fallait-il être universitaire pour tirer des conclusions aussi fumeuses, fondées sur un échantillonnage aussi réduit ? Hormis les 49 étudiés, comment sont les autres ?

Agnès explique d’ailleurs le biais « de Diagoras de Melos », poète grec athée du Ve siècle : Marcus Tullius Cicéron raconte qu’on montra un jour à Diagoras une liste de croyants qui avaient prié avec ferveur et avaient ainsi été rescapés d’un naufrage. Diagoras aurait alors demandé : « Où sont les noms de ceux qui avaient prié et qui sont morts ? »

Faux, donc.

 

A quoi donc pourrait ressembler un « capitalisme féminin » ? Un capitalisme féminin serait probablement un capitalisme plus apaisé ;

Qu’entend-il par capitalisme féminin ? Il ne l’explique pas. Et même si l’auteur a déjà écrit sur le capitalisme féminin, il doit le définir à chaque fois qu’il aborde ce sujet. C’est la moindre des choses quand on axe deux pages là-dessus…

 

un capitalisme plus orienté vers le long terme que vers le court terme ; un capitalisme conscient de la limitation des ressources ; un capitalisme qui accorde une importance à l’éducation ; un capitalisme probablement moins ludique et plus prudent.

Montée savonneuse… Cet argument qui n’en est pas un ne s’appuie sur rien d’autre que le résultat d’une étude elle-même pas vraiment claire… Soit les femmes ne sécrètent pas de testostérone mais rien ne prouve que c’est cette hormone qui fait grimper les traders aux rideaux des bourses. (oui, l’image est hardie, je sais, je sais)

Scandaleusement savonneuse, cette montée. Pourtant, les femmes aussi sécrètent l’hormone, en moins grande quantité « en moyenne », mais à l’échelle d’une population, les gammes de concentration pour les hommes et les femmes sont très étendues, ainsi se chevauchent-elles respectivement pour les valeurs basses et hautes.

On voit la finalité implicite : trouver des causes exogènes (les traders et leurs hormones) à un problème endogène (la faillite capitalistique), et ainsi sauver la théorie économique capitaliste en la réformant – capitalisme durable pour certaines, apaisé, conscient, éducatif, ludique pour l’auteur. Ce genre de recherche, aussi bien menée puisse-t-elle être sur le plan méthodologique, a une visée idéologique évidente.

Faudrait-il alors imposer des quotas de femmes dans les salles de marché ou dans les conseils d’administration des multinationales ?

Sophisme de population : tirer d’une moyenne sur une population une conclusion pour des individus. Il faudrait ne faire rentrer que des hommes à bas taux de testostérone, et faire entrer des femmes sauf celles à haut taux. C’est parfaitement stupide.

On peut, mais tant que le système n’est pas régulé par le politique, « il y a fort à parier » que l’effet sera quasi-nul.

 

J’ai longtemps été contre le principe de la discrimination positive, considérant que toute discrimination, positive ou non, contient en elle les germes d’une inégalité.

Argument d’autorité. Mais qui est l’auteur ? Un écrivain, auteur d’un livre A PARAITRE, donc dont on ne connaît ni la teneur, ni l’intérêt, rien de rien. Cela n’engage donc que lui.

 

Pourtant, nous voyons bien qu’une trop grande concentration de testostérone peut aboutir à des situations de crise.

CQFD ? Alors que rien n’a été démontré.

Créer une discrimination positive n’est pas forcément idiot selon les cas – exemple, privilégier dans un débat de donner la parole à cell/eux qui n’ont pas encore parlé. C’est par contre idiot si on ne traite pas les causes de ladite discrimination. Avec ce genre d’étude, on ne résout absolument rien.

Ceci est vrai pour les salles de marché, ça l’est aussi pour les conseils d’administration des grandes sociétés, où seulement 9 % des membres sont des femmes.

Resterait, pour être précis, à indiquer ce qu’est une « grande société » (taille, poids financier, nombre d’employé-es, ou – rêvons un peu – redistribution des dividendes aux travailleurs ?).

L’idée qui consiste à instaurer un quota progressif de 20 %, puis de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés de plus de mille personnes fait son chemin. Certains pays, tels que la Norvège, l’appliquent déjà.

Appel à la popularité + je ne sais pas à quoi cela peut correspondre mais force est de constater que les pays nordiques constituent des références exemplaires, une sorte d’Eden où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Nul problème n’émane de ces pays qui ne sont cités que pour les points positifs.

Elixir du suédois et saumon de Norvège ! (Je plaisante, ces «effets » n’existent pas).

Je dirais plutôt d’un argumentum ad gratinum, ou argument du gratin :

1. La catégorie de gens à laquelle je m’identifie ou que je prends pour modèle pensent que

X=b

2. Donc X=b

(cf thèse Monvoisin, p 227)

Il est vrai qu’il y a des avancées majeures sur le plan des droits en Scandinavie, mais c’est loin d’être un Eden : protectionnisme acéré, immigration jugulée, concepts type « les vrais finlandais », (parti du  Perussuomalaiset) , programmes de stérilisation contraintes.

Sur ce dernier point : entre 1935 et 1976 en Suède, 62 000 personnes, dont 93% de femmes, ont été stérilisées. En 1934 puis en 1941, les différents gouvernements ont adopté deux lois de stérilisation à ces fins, autorisant cet acte d’abord pour les « déficients mentaux » puis pour tous les « asociaux » : handicapés mentaux, femmes aux « mauvaises mœurs » ou ne pouvant entretenir leurs enfants, « marginaux », tziganes, mauvais élèves, et toutes personnes perçues comme entraves au développement d’une société moderne ! Ces pratiques, décidées par un Comité national saisi de demandes écrites des hôpitaux psychiatriques, des maîtres d’école, des maisons de correction, étaient, selon les mots de l’historienne Maija Runcis « perçues comme une intervention humanitaire profitable à tous, permettant d’éliminer les maladies et la pauvreté ». Ce n’est qu’en 1997 qu’un journal suédois a révélé au grand public le scandale .

 

Le conseil d’administration est l’organe de décision clé de l’entreprise. C’est en son sein que s’élabore la stratégie, que se décident les projets à long terme. À l’évidence,

Quelle évidence ? Cette assertion n’est basée sur rien, aucune étude probante, seule l’évidence de l’auteur fait force d’autorité !

 

davantage de femmes dans les conseils d’administration aura un impact fondamental sur la gouvernance des entreprises et sur leur devenir.

Fondamental ? Effet impact

Trop normatif et réfutable. Problème de définition : que sont pour l’auteur les « marchés financiers », les « traders », à quels marchés fait-il allusion ? Confusion dommageable.

Si l’on ajoute à cela que le premier marché émergent n’est ni le Brésil, ni la Russie, ni l’Inde, ni la Chine… mais les femmes,

Effet « surf & turf » ou comment additionner des carottes et des canards.  Depuis quand les femmes sont-elles un pays ? Un état au même titre que la Chine ou le Brésil ?

Les femmes en tant que premières consommatrices mondiales ou en tant que premières investisseuses? Dans tous les cas il se contredit, si les femmes représentent à ses yeux le premier marché émergent (mot mal choisi quand on sait qu’en économie, un marché émergent est défini par l’existence d’un secteur financier relativement complet, d’où le fait que l’Amérique Latine est un marché émergent alors que l’Afrique non, car l’Afrique ne possède pas de secteur bancaire et financier digne de ce nom), alors elles sont effectivement partie prenante du capitalisme…

l’on comprend aisément l’impact du féminin sur l’évolution du système économique ces trente prochaines années.

En résumé, ce monsieur a écrit deux pages pour ne rien dire. Tout est avancé, sans qu’aucun argument effectif et réellement scientifique ne vienne étayer cette thèse

Je souscris à votre analyse, Sophie, mais je ne fais pas la même conclusion. Monsieur Smati avait déjà cette thèse dans « Vers un Capitalisme Féminin » (éditions Eyrolles, publié en 2010), « essai dans lequel il défend l’avènement d’un modèle de civilisation basé sur des valeurs féminines » (dixit son blog).

Je pense que ces deux pages dans le Monde ne sont pas des pages « pour ne rien dire », au contraire : elles usent un procédé naturalisant, ce qui est pénible, pour éviter une analyse plus profonde des mécaniques capitalistes, et ainsi sauver sur fond de pseudo-féminisme facile une version capitaliste réformiste. Cela « enracine » (le mot est choisi) encore plus profondément la théorie capitaliste, en faisant de la science au rabais.

J’ai vu que l’auteur propose de laisser des commentaires sur cet article justement. Peut-être prendra-t-il le temps de nous écrire pour nous expliquer pourquoi il nous impose une tribune scientifiquement aussi pauvre ?

Confusion. Je pense qu’il veut dire, depuis le début, évolution « du système politique ».

 

 

A vous !
Richard Monvoisin

A décortiquer – Crise du masculin, Le Monde, 7 mars 2011

 

Crise du masculin

LEMONDE.FR | 07.03.11 |


La place des femmes dans l’économie est un sujet au coeur du débat public. Aussi, à l’occasion de la Journée Internationale des Droits de la Femme, il parait opportun d’approfondir les enjeux liés à l’avènement d’un « capitalisme féminin ». Il n’a échappé à personne que les traders des salles de marché étaient dans leur quasi-totalité des hommes. Dès lors, nous pouvons nous poser la question suivante : la crise financière que nous avons connue auraitelle eu lieu si ces mêmes traders avaient été des femmes ? Probablement pas.

Redirection

D’abord, il y a les chiffres : les femmes ne représentent que 17 % des décideurs financiers de Grande- Bretagne et seulement 2,5 % des cadres dirigeants des banques et des compagnies d’assurance. Plus impressionnant encore, l’Islande, dont nous savons que l’État a récemment été en situation de faillite, ne comptait qu’une seule femme banquière, et qu’elle dut quitter son poste en 2006.

Des chercheurs de l’université de Cambridge, en Grande-Bretagne, sont allés encore plus loin. Ils expliquent la désaffection des femmes pour les métiers de la finance et les comportements irrationnels des hommes, en se référant à la testostérone, l’hormone sexuelle masculine.
Ces chercheurs ont d’abord procédé à des prélèvements de salive sur des traders de salle de marché, afin d’évaluer leurs taux de testostérone. Le constat fut édifiant : les taux se sont révélés anormalement élevés les jours où les prises de position étaient les plus risquées et les gains les plus importants. Très difficile, d’ailleurs, d’évaluer la cause et la conséquence : la testostérone augmente-t-elle avec la prise de risque, ou en est-elle la cause ? Il y a fort à parier que les deux s’auto-alimentent, de sorte que les phénomènes de bulles financières sont d?une certaine façon la conséquence d?une spirale mêlant poussée de testostérone et prise de risque.

Sans doute touchons-nous ici du doigt le coeur de la crise du capitalisme. L’environnement financier mondial est en grande partie dominé par des hommes. Ces hommes, qui ne peuvent désormais plus utiliser leur testostérone dans les conquêtes, dans la guerre ou dans la chasse, vont trouver un exutoire dans ce nouveau terrain de jeu qu’est l’économie financière, par le truchement de prises de position boursières très souvent risquées. Cette prise de risque et le gain qu’elle peut générer sont une source d’exaltation et de jouissance extrême, jouissance qui est elle-même à l’origine d’une poussée supplémentaire de testostérone, qui à son tour incite à engager de nouveaux risques, etc. Nous sommes ainsi dans une spirale risque/testostérone dont l’effet est d’alimenter une bulle financière.

A quoi donc pourrait ressembler un « capitalisme féminin » ? Un capitalisme féminin serait probablement un capitalisme plus apaisé ; un capitalisme plus orienté vers le long terme que vers le court terme ; un capitalisme conscient de la limitation des ressources ; un capitalisme qui accorde une importance à l’éducation ; un capitalisme probablement moins ludique et plus prudent.
Faudrait-il alors imposer des quotas de femmes dans les salles de marché ou dans les conseils d’administration des multinationales ? J’ai longtemps été contre le principe de la discrimination positive, considérant que toute discrimination, positive ou non, contient en elle les germes d’une inégalité. Pourtant, nous voyons bien qu’une trop grande concentration de testostérone peut aboutir à des situations de crise.

Ceci est vrai pour les salles de marché, ça l’est aussi pour les conseils d’administration des grandes sociétés, où seulement 9 % des membres sont des femmes. L’idée qui consiste à instaurer un quota progressif de 20 %, puis de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des sociétés de plus de mille personnes fait son chemin. Certains pays, tels que la Norvège, l’appliquent déjà. Le conseil d’administration est l’organe de décision clé de l’entreprise. C?est en son sein que s’élabore la stratégie, que se décident les projets à long terme. À l’évidence, davantage de femmes dans les conseils d’administration aura un impact fondamental sur la gouvernance des entreprises et sur leur devenir.
Si l’on ajoute à cela que le premier marché émergent n’est ni le Brésil, ni la Russie, ni l’Inde, ni la Chine… mais les femmes, l’on comprend aisément l’impact du féminin sur l’évolution du système économique ces trente prochaines années.

Rafik Smati est l’auteur d' »Eloge de la vitesse » (à paraître en mars 2011, aux éditions Eyrolles).

Rafik Smati, écrivain
A vous !
Richard Monvoisin
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Conférence "Introduction à la zététique", Collège – lycée

altLe CorteX a mis au point une conférence standart à destination des publics élèves, abordant la zététique, l’autodéfense intellectuelle et la critique des médias. Sous couvert d’une entrée-type « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le paranormal ! », nous abordons des sujets très vastes, en fonction de la participation du public.


 

Présentation classique

On se plaint souvent que les scientifiques ne se penchent pas sur les phénomènes étranges, paranormaux, ou mystérieux. Pourtant, il existe des chercheurs qui s’intéressent à ces questions, de la manière la plus sérieuse possible. Premier objectif : savoir ce qu’il y a derrière les croyances, que ce soient les fantômes, le yéti, les guérisons miraculeuses, les rêves prémonitoires, les barreurs de feu, l’hypnose ou les combustions humaines « spontanées ». Second objectif : comprendre pourquoi on a tant envie de croire, même quand parfois ça sent l’arnaque et la manipulation. La méthode que le corteX utilise s’inspire entre autres de la zététique, c’est-à-dire la science, mais appliquée à l’étrange.
Le but ultime ? Faire en sorte que dans le domaine des croyances, chacun puisse faire ses choix en connaissance de cause, sache chercher l’information complète, et que personne ne se fasse avoir, manipuler, risquer sa santé ou sa vie. De l’auto-défense intellectuelle, en quelque sorte.
Conférence évolutive au gré des questions, devant petit ou grand public, valable pour collèges et lycées.

Parmi les dernières présentations :

– 20 avril 2010 Amphithéatre de l’université de Marseille, pour 5 classes groupées.
– 21 avril 2011 Collège Lycée Elitaire Pour Tous de Grenoble, format classe
– 12 janvier 2012 Collège Lucie Aubrac de Grenoble, collégiens et parents d’élèves.
– Entre octobre 2012 et mai 2014, dans les lycées de la Région PACA, dans le cadre du projet Science Culture.