Romy Sauvayre – Croire à l'incroyable, Anciens et nouveaux adeptes

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Je l’avais rencontrée à Marseille en 2008 ou 9. Elle travaillait d’arrache-pied sur sa thèse. Puis Roger Gonnet m’avait donné discrètement une copie de ses travaux, dans laquelle j’avais plongé à corps perdu. Sa thèse a été soutenue en 2011, et fait l’objet d’un ouvrage de 424 pages. En voici l’annonce, en attendant de l’avoir lu.

Romy Sauvayre, Croire à l’incroyable.  Anciens et nouveaux adeptes, Paris, PUF, 2012

Comment peut-on croire à l’incroyable ? Il semble déraisonnable d’adhérer aux croyances les plus extrêmes, invraisemblables ou ubuesques. Il paraît tout aussi irrationnel qu’un adepte continue à croire fervemment alors que les faits sont en contradiction avec ses croyances. Cela soulève plusieurs mystères de la pensée humaine : les mécanismes de l’adhésion, la « résistance au changement » et la désadhésion à des croyances « invraisemblables ». Mais ces adeptes sont-ils aussi fous, crédules et malléables qu’ils y paraissent pour adhérer inconditionnellement à des croyances défiant les normes du vrai ?

Cette perméabilité ou imperméabilité de l’esprit face aux doutes, aux contradictions ou à l’intime conviction de la véracité des croyances les plus incroyables est ici disséquée aux prismes de la raison ou de la déraison de l’acteur social.


Table des matières

Introduction
Chapitre premier. — Approches théoriques des croyances
1. Le changement de croyances, de connaissance et de représentations
Festinger et l’échec d’une prophétie annoncée
Kuhn et le changement de connaissance
Psychologie sociale et dynamique des représentations sociales
La logique de Quine et le « système conceptuel »
Le paradigme pluridisciplinaire de la révision des croyances
2. Sectes et nouveaux mouvements religieux : apostasie ou manipulation mentale ?
Manipulation mentale, emprise et embrigadement sectaire
Adhésion et désadhésion au cœur de la sociologie des religions
Partisans de la manipulation mentale et sociologues des religions : les termes d’un débat animé
Chapitre 2. —Les mécanismes de l’adhésion
1. Les degrés de l’adhésion
2. Les premiers pas du futur adepte dans un mouvement marginal
Les acteurs de l’adhésion : les coapteurs
La « coaptation émotionnelle »
La « coaptation cognitive »
3. Les doutes et le scepticisme du futur adepte
Le scepticisme de l’adepte face aux croyances « invraisemblables »
L’expérience de Asch et la « force du grand nombre »
4. La croyance à l’épreuve ou l’administration profane de la preuve
La preuve médiatisée
La preuve expérientielle
5. Confiance et croyance
La confiance a posteriori : la croyance précède la confiance
La confiance a priori : la confiance précède la croyance
6. Portrait des adeptes convaincus
Quelques idées reçues
Niveau, genre et temporalité
Typologie des adeptes convaincus et types d’adhésion
Les objets de l’adhésion
Chapitre 3. — De la « résistance au changement de croyances » à la rupture d’adhésion
1. La logique contre intuitive des croyances
Le prisme de l’observateur extérieur : déraison de croire
Contradiction factuelle : du prisme de l’adepte aux raisons de croire
Le morcellement des croyances expérientielles
2. De la fluctuation à la rupture d’adhésion
Doutes et temporalité
Les fluctuations de l’adhésion
Basculer vers la rupture : valeurs et contradiction axiologique en action
3. Les phases de la désadhésion : un changement de « cadre cognitif »
La phase d’adhésion partielle
La phase d’adhésion inconditionnelle
La phase d’effritement partiel
La phase d’ouverture épistémique : un pas décisif vers la rupture
4. Les croyances laissées en suspens : de la rupture à la réadhésion
La rupture provoquée ou l’intervention familiale
Un doute omniprésent
Appartenir à un nouveau mouvement après la sortie
Conclusion
Bibliographie

Site de Romy.

Richard Monvoisin

Richard Monvoisin, Les fleurs de Bach, enquête au pays des élixirs

CorteX_Fleurs-de-BachVoici l’un des rares livres n’ayant pas été écrits pour un public déjà critique.
Doux dans la forme, Richard Monvoisin analyse dans son livre les fondements de la théorie d’Edward Bach, et les rouages qui font de ces élixirs des produits de parapharmacie très demandés, omniprésents dans les officines ou les magasins de bien-être. Mais qu’en est-il vraiment ? Les fleurs de Bach peuvent-elles réellement nous aider, nous accompagner ? Les problèmes soulevés par cette thérapie sont étrangement communs…
 

Présentation de l’éditeur :fleurs_de_bach
 
Attention ! Le livre que vous tenez en main est un livre de zététique, de Zêtêin, en grec ancien, qui signifie chercher, examiner. Le but de cet ouvrage est de montrer comment il est possible, sans bagage scientifique préalable mais avec quelques outils simples en poche de se faire une opinion fondée sur certains sujets de notre quotidien. C’est ce que fait l’auteur, Richard Monvoisin, qui s’empare cette fois d’une thérapie assez répandue dans nos pharmacies, les élixirs floraux du Docteur Bach, et procède à une enquête minutieuse à ce sujet.
Les élixirs floraux : de quand datent-ils ? D’où vient la théorie ? Quelle fut la vie du docteur Edward Bach, et comment procéda-t-il ? Quelles sont les raisons qui assurèrent le succès des petites fioles ? Richard Monvoisin, en se posant les mêmes questions que n’importe qui devant les rayonnages des pharmaciens, remonte le fil du succès de la théorie et tente de démêler le vrai du faux, l’étrange du douteux. Avec un seul objectif : vous donner les outils nécessaires pour que vous fassiez, vous lectrice, vous lecteur, votre propre cheminement.
Il ne s’agit pas de vous dire quoi faire. Il s’agit de vous permettre de faire vos propres choix en connaissance de cause. Car rêve et liberté de choix n’ont de sens que si toute l’information nous est donnée, et si nous avons les moyens d’analyser celle-ci. Et face aux vendeurs de rêve, face aux apothicaires, face aux publicitaires, face aux faiseurs d’opinion, face à toutes les sollicitations prenant des arguments à saveur scientifique pour se vendre, l’auto-défense intellectuelle dont parle Chomsky est plus que jamais à partager. Alors autant le faire avec ce genre d’ouvrage, véritable mélange de manuel critique et d’enquête policière.
 

Editeur : book-e-book / Collection : Une chandelle dans les ténèbres Numéro 4. 11€ disponible également en eBook.  A commander ici.

 

Bertrand Lemartinel, quand les fondamentalistes détournent la géographie

CorteX_Bertrand_Lemartinel2 Voici un ouvrage tout frais qui vient de sortir, et nous remercions les éditions François Bourin de nous l’avoir envoyé si rapidement. 
Son auteur, Bertrand Lemartinel, géographe de l’université de Perpignan réalise là un exercice d’esprit critique tout à fait salutaire, dans un domaine, la géographie, qui se révèle aussi malmenée par les fondamentalismes religieux que la biologie de l’évolution.

Nous avons lu son livre pratiquement d’une traite, et c’est un travail remarquable, dense, à CorteX_Livre_Lemartinel_geographieentrées multiples. On y apprend, parmi une kyrielle d’informations, comment la pose de simples panneaux de signalisation de périodes géologiques dans le Wyoming peut devenir un acte militant scientifique [1].

Cet ouvrage nourrira tout enseignant de géographie, mais également tout passionné de paysages, fleuves, mers, pierres, souhaitant souscrire au contrat de base de la science comme démarche intellectuelle, un contrat laïc qui vise à regarder le monde tel qu’il est et non tel qu’on voudrait qu’il soit.

 Présentation de la maison d’édition :

On résume trop souvent la montée des intégrismes à la multiplication très médiatisée des attentats sanglants. Le phénomène ne se réduit pourtant pas à cette violence ponctuelle : en parallèle se développe, que ce soit dans les cabinets de Washington ou dans l’ombre des « révolutions » qui secouent le monde arabe, un prosélytisme fondé sur les lectures littérales de la Bible et du Coran. Le public connaît les tentatives qui ont été faites pour imposer le créationnisme dans le domaine de l’anthropologie ; mais il ignore généralement les offensives menées ailleurs, en particulier en géographie. La réinvention délirante de la discipline est le produit de l’obscurantisme le plus rétrograde qui tente de contourner les défenses scientifiques édifiées par les sociétés savantes ou les programmes scolaires de nos enfants. Cette question, encore très peu abordée sous l’angle de la géographie, fait de cet essai une première ; il est, pour un public large, la synthèse de trois années de recherches complexes dans la production foisonnante des pseudosciences fondamentalistes.

Pour en savoir plus :

  • Page web de l’éditeur.
  • Page web de l’auteur.
  • Lire le premier chapitre du livre.
  • Article condensé de l’auteur, La  géomorphologie des fondamentalistes religieux, Annales  de Géographie (2009) n° 670, pp. 3-21 (en soutien aux revues au tirage modéré, nous ne mettons pas en ligne l’article et vous encourageons à l’acheter si vous en avez les moyens ici. Sinon, l’université et ses bibliothèques vous permettront de le consulter sur demande. En cas de problème, écrivez-nous).
  • Emission La tête au carré du 22 octobre 2012 intitulée Science et créationnismes, sur France Inter, lors de laquelle Bertrand Lemartinel est interrogé (en même temps que Cédric Grimoult).
Richard Monvoisin
[1] Au préalable, j’avais écrit « acte militant laïc », et Bertrand Lemartinel m’a expliqué ceci : « Formuler ainsi les choses conduit à considérer que le curseur passerait entre la science (laïque) et la religion (qui contesterait la science), le tout mis sur une ligne unique ; mais faire cela, c’est rester dans le vieux débat qui permet aux fondamentalistes de discuter les faits scientifiques en tentant de déplacer le curseur en leur faveur. Je pense qu’il faut au contraire définitivement séparer les deux domaines, comme l’ont fait des hommes de foi et de science comme Teilhard, Lemaître et bien d’autres : Dieu – s’il existe, et cela relève d’une conviction individuelle – est inconnaissable par la science, et la religion n’a rien à dire des faits scientifiques : le critère d’irréfutabilité permet de scinder les deux domaines. Cela permet de dire que les textes sacrés ne relèvent pas de la science (d’ailleurs, ils s’en préoccupent rarement ou pas du tout, j’essaie de le montrer) et que la démarche fondamentaliste est un matérialisme religieux, donc un monstre logique (mais dont les buts sont eux inscrits dans une logique politique). En fait, il faudrait mieux dire que les panneaux du Wyoming sont un acte militant scientifique. Cet acte s’oppose au détournement de la science à des fins politiques par des biais religieux : c’est cela qui est important. » (correspondance privée). Je ne peux que souscrire pleinement.

Note : une critique cependant, qui serait un détail si cela n’était pas logé dans le titre. Il y a de telles inégalités de traitement entre hommes et femmes dans le monde qu’il est indispensable de rediscuter chaque parcelle de domination, quand bien même ne serait-elle que langagière. Ainsi en est-il du masculin l’emportant sur le féminin dans la grammaire française, règle qu’il ne nous appartient pas de changer, mais de questionner. Idem pour l’utilisation d' »homme » pour Humain. A la rigueur pourrait-on mettre Homme (avec un grand H), comme espèce, mais il n’est pas si compliqué de remplacer homme ou Homme par Humain, tout simplement. Pour un penseur critique, il doit être tout aussi étrange de lire « Et l’homme créa la terre » que « Et la femme créa la terre ». Rappelons-nous que la moitié des hommes, finalement, sont des femmes.

Réponse de l’auteur :

« Il a été compliqué de choisir [le titre] et nous en avons beaucoup discuté avec mon courageux éditeur.
(…) Ce serait prendre des risques d’écrire l’Homme avec un grand H, pour la simple raison que ce serait le décrire comme une essence et non comme une espèce (écrit-on le Cheval ou la Marmotte ?). Cela conduit inévitablement à le placer face à un Créateur.  Nous avons donc suivi la graphie de Pascal Picq, qui nous a semblé un très bon guide. Pourquoi pas l’humain ? Parce que l’humain n’est pas strictement un objet mais une valeur d’ailleurs discutée par la philosophie (voir Qu’est-ce que l’humain ?, Paris, Éditions le Pommier & Cité des Sciences, 2003). (…) Et si l’on considère l’historicité de cette création : les prêtres qui ont couché par écrit la tradition orale biblique, les apôtres, les évangiles et Mohammed et ses transcripteurs étaient bien des hommes, au sens sexué du mot. Ne nous écartons pas de l’histoire pour satisfaire à des concepts modernes. Ceci étant, je vois bien que la moitié des hommes – sensu lato – ce sont des femmes, et je suis totalement convaincu de la parfaite égalité en droit des unes et des autres. » (Correspondance privée).

Psychologie du bien et du mal, de Laurent Bègue

CorteX_Laurent_begueLe domaine de la psychologie sociale nous est particulièrement utile au CorteX pour construire un outillage d’esprit critique. Nous puisons dans cette discipline des concepts pour mettre à jour les mécanismes de manipulation ou de dérives sectaires, mais aussi pour mieux comprendre l’influence des autres sur nos idées, nos croyances et nos comportements.
Dans son ouvrage La Psychologie du bien et du mal, Laurent Bègue propose justement de décortiquer le fonctionnement de notre sociabilité, l’agencement de notre sens moral et notre manière de nous représenter le « bien » et le « mal ».

 
CorteX_Psycho_du_B_et_du_MjpgLaurent Bègue est professeur de psychologie sociale à l’université Pierre Mendès-France de Grenoble, où il dirige le laboratoire inter-universitaire de psychologie « Personnalité, Cognition, Changement Social ». Il est aussi membre honoraire de l’Institut Universitaire de France et chercheur invité de l’Université de Stanford, Californie.

Présentation de l’ouvrage :

« Quel sens donnons-nous à nos actes les plus quotidiens et à ceux des autres ? Pourquoi sommes-nous capables de sacrifier nos intérêts matériels au nom de grands principes comme la justice ? Par quelles mises en scène parvenons-nous à draper de moralité des conduites qui caressent notre égocentrisme ? Quelles circonstances peuvent nous conduire à trahir nos convictions les plus profondes ? Comment se forme et progresse la conscience morale et l’empathie ? Les récompenses et les punitions favorisent-elles ou non les acquisitions morales ? S’appuyant sur des exemples et de nombreuses études scientifiques récentes, ce livre explore la forme que le bien et le mal prennent dans nos têtes et les conséquences que ces idées ont sur nos vies. Une plongée au cœur de la nature humaine.« 
Nous sommes friands des apports scientifiques sur les questions de morale, de normes ou de normalité, c’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que nous nous sommes plongés dans cette lecture d’utilité critique.

« Je ne m’intéresserai pas au bien et au mal en soi, mais à la forme qu’ils prennent dans nos têtes et aux conséquences que ces idées ont sur nos vies personnelles et aux échanges avec les autres » annonce Laurent Bègue. Plongeon carpé, donc.

Plutôt qu’une synthèse des théories actuelles en psychologie sociale, Laurent Bègue présente des expériences scientifiques qui apportent un véritable matériel de compréhension sur l’agencement de nos pensées, nos valeurs, notre éthique et leur enjeu dans nos comportements quotidiens. Il s’agit en effet d’interroger les mécanismes de notre sens moral en décortiquant ses facettes dominantes : la sensibilité aux contrôles sociaux, le besoin d’appartenance, les fonctions mimétiques et les capacités d’apprentissage par l’observation, les compétences réflexives appliquées au domaine de la justice et l’empathie.

Comme dans tout travail critique, l’objectif est de mieux comprendre les mécanismes de notre représentation du sens moral, mieux percevoir les influences du contexte dans nos comportements et l’élaboration de nos pensées, pour nous permettre de mieux nous réapproprier une capacité d’agir sur notre environnement.
Cet ouvrage est d’une grande rigueur scientifique et d’une excellente qualité narrative, emprunt de beaucoup d’humour ce qui en rend sa lecture passionnante*. De nombreuses idées reçues sont abordées sous l’angle « Tiens, a-t-on déjà testé scientifiquement cette idée : la peine de mort est-elle dissuasive ? La Fessé est-elle efficace ? etc. »
En proposant une analyse des influences psychosociales qui s’exercent sur nos jugements et nos conduites en lien avec nos représentations morales, Psychologie du bien et du mal n’est définitivement pas un essai mais bien une application concrète de la psychologie sociale dans notre quotidien.
Les professionnels de l’éducation et du médico-social trouveront certainement de nombreuses pistes de compréhension de leur pratique, en se penchant notamment sur l‘apprentissage et la transmission des valeurs morales et des comportements sociaux, mais aussi sur les biais qui nous conduisent à penser que ce que nous faisons est « bien » pour l’autre, parfois à tort.

*Vous trouverez, par exemple, un passage où est évoquée « la masturbation à l’aide d’un poulet mort » pour illustrer les transgressions sans victime.


Sur ce sujet, l’auteur conseille son intervention dans l’émission Service Public « Pourquoi faire le bien », de Guillaume Erner, le 6 janvier 2012.

Et pour creuser un peu entre deux chapitres, on peut réécouter ici quelques autres émissions sur France Inter auxquelles Laurent Bègue a participé.

Par exemple, une application urbaine de la « Psychologie du Bien et du Mal » en compagnie de Laurent Bègue dans l’émission Un psy dans la ville de Manuelle Calmat – de Gmeline, émission de France Inter du samedi 3 décembre 2011.

Nicolas Gaillard

 
 

Droit au blâme pour les frères Bogdanov

CorteX_Bogdanov_visage_Dieu Les frères Bogdanov sont comme un refrain pour les férus d’analyse critique.
  • Arguments d’autorité, prétention d’avoir un doctorat quelques années avant de l’avoir puis doctorat contesté : en octobre 2010, l’hebdomadaire Marianne avait publié des extraits d’un rapport du CNRS de 2003 affirmant que les thèses de doctorat passées par les frères Bogdanov n’avaient « pas de valeur scientifique ». Les deux animateurs avaient alors dénoncé un document « anonyme » provenant « d’individus isolés ».

Mais cette fois, comme l’écrit Ciel & Espace, « trop c’est trop » : après la condamnation du cosmologiste Alain Riazuelo, suite à une nouvelle procédure judiciaire des Bogdanov, une lettre ouverte est lancée revendiquant le droit au blâme.

Le 14 mars 2012, Alain Riazuelo a été condamné à 1 euro de dommages et intérêts et CorteX_justice_Bogdanov2000 euros d’amende avec sursis pour violation du droit d’auteur. Sur sa page web, où il osait critiquer les ouvrages et les thèses des jumeaux, il avait publié la version initiale de la thèse de Grichka Bogdanov sans lui avoir demandé sa permission…

Était-ce le réel motif de la plainte contre Alain Riazuelo ? « La violation du droit d’auteur était notre dernier moyen de le faire taire pour qu’il cesse de se comporter comme un délinquant », reconnaît en réalité Igor Bogdanov dans les colonnes du Monde (article ci-dessous). Comprendre : pour qu’il cesse de critiquer nos deux thèses et chacun de nos ouvrages (entachés pourtant de quelques arrangements avec la vérité).

Le 17 avril 2012, une dizaine de chercheurs s’étaient déjà interrogés sur la signification du jugement rendu le 14 mars (NdR : dans un texte intitulé Statut de la parole scientifique aujourd’hui). Cette fois, c’est plus de 170 chercheurs qui revendiquent leur « droit au blâme ».

L' »AFFAIRE BOGDANOFF » : LIBERTE, SCIENCE ET JUSTICE, DES SCIENTIFIQUES REVENDIQUENT LEUR DROIT AU BLAME

Le 26 avril 2012

Nous, scientifiques signataires de cette lettre, souhaitons tout d’abord rappeler que l’analyse détaillée des thèses et articles publiés par les frères Bogdanoff a montré à l’envi qu’ils n’ont pas de valeur scientifique, comme il ressort entre autres d’un rapport du Comité National de la Recherche Scientifique, que le journal Marianne a récemment rendu publiCorteX_justice_Bogdanovc.

Rappelons aussi que ces thèses seraient pour l’essentiel un patchwork de travaux publiés antérieurement par d’autres auteurs, comme l’a admis leur directeur de thèse dans une interview de 2002 au Figaro.

Rappelons enfin que les dysfonctionnements de la communauté scientifique, qui ont abouti à ce que les frères Bogdanoff publient néanmoins des articles et obtiennent le grade de Docteur de l’Université de Bourgogne, ont été également analysés, par exemple dans un texte publié en 2002 par la Société Française de Physique, signé de son vice-président, et ont suscité de salutaires auto-critiques comme le « mea culpa » de certains membres de leurs jurys ou des éditeurs de la revue Classical and Quantum Gravity.

La communauté scientifique ne pouvait donc être plus claire dans son jugement, confirmé par le fait que les travaux des Bogdanoff n’ont pas eu d’impact sur le développement de la science, comme le prouve le très faible nombre de citations de leurs articles dans les banques de données scientifiques.

L’affaire aurait dû en rester là mais les deux frères ont réagi à ces appréciations négatives de la communauté scientifique par des attaques « ad hominem » par voie de presse, comme l’illustre par exemple un article de Paris-Match de septembre 2011, et par des attaques en justice, dont Alain Riazuelo vient de faire les frais.

Alain Riazuelo, chercheur du CNRS à l’Institut d’Astrophysique de Paris, avait pris connaissance d’une ébauche de la thèse de Grichka Bogdanoff que celui-ci avait envoyée à un collègue, et sur laquelle les frères Bogdanoff s’appuient dans leur livre « Au commencement du temps ». Après l’avoir analysée il l’a postée sur son site personnel. Mal lui en a pris : il a subi un interrogatoire policier et a été assigné en justice par Grichka Bogdanoff qui lui a intenté un procès, non pour en avoir critiqué le fond, mais pour avoir reproduit et diffusé ce document sans son autorisation. Cette diffusion a été considérée par la justice comme une entorse à la loi, bénigne vue la légèreté de la peine : Alain Riazuelo a été condamné à une amende avec sursis et un euro de dommages et intérêts.

Nous souhaitons d’abord dire ici que nous soutenons sans réserve Alain Riazuelo, qui a défendu la Science* avec conviction, détermination et courage.

Nous souhaitons aussi dire avec force que cette décision de Justice ne doit en aucun cas être interprétée comme une condamnation de l’analyse qu’Alain Riazuelo a faite de ce document. Une telle analyse relève en effet de l’activité professionnelle des chercheurs dont un des rôles est d’étudier, de juger et, dans le cas présent de rejeter, tout travail se réclamant de leur domaine d’expertise.

De manière plus générale, la communauté scientifique a le droit, voire le devoir de blâme, lorsqu’il s’impose, et doit avoir la liberté de pouvoir argumenter ses jugements comme il lui semble, liberté qu’aucune pression, médiatique, policière ou judiciaire, ne doit altérer.

Nabila Aghanim (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Aikel Ajmia (Université Paris Sud XI ), Evelyne Alecian (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Michel Alimi (CNRS – Observatoire de Paris-Meudon), Frédéric Arenou (GEPI Observatoire de Paris-Meudon), Jean-Luc Attéia (Université de Toulouse), Jean Audouze (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Christophe Balland (Université Paris Sud), David Baratoux (Université de Toulouse), Rémi Barbet-Massin (CPGE Henri IV Paris), Domingos Barbosa, (Radioastronomy Group, Institut de Télécommunications, Portugal), Didier Barret (CNRS Université de Toulouse), Frédéric Baudin (CNRS-Université Paris 11), Jean-Philippe Beaulieu (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Xavier Bekaert (Université de Tours), Raoul Behrend (Observatoire de Genève), Olivier Berné (CNRS Université Toulouse), Philippe Besse (Université de Toulouse), Matthieu Béthermin (CEA Saclay), Olivier Bienaymé (Observatoire astronomique de Strasbourg, CNRS, Université de Strasbourg), Guillaume Blanc (Université Paris 7), Alain Blanchard (Université de Toulouse), Luc Blanchet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Céline Boehm (Durham University & LAPTH Université de Savoie), Patrick Boissé (Université Pierre et Marie Curie), Samuel Boissier (CNRS – Université Aix Marseille), Guillaume Bossard (CNRS – Ecole Polytechnique), Samuel Bottani (Université Paris Diderot), François R. Bouchet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Jacques Le Bourlot (Professeur, Université Paris-Diderot & Observatoire de Paris), Philippe Brax (CEA Saclay), Edouard Brézin (LPT Ecole Normale Supérieure), Martin Bucher (Université Paris XI), Denis Burgarella (Laboratoire d’astrophysique de Marseille), Rémi Cabanac (Université de Toulouse), Damien Calaque (Université Claude Bernard Lyon 1), Pierre Cartier (CNRS – Université Paris-Diderot et IHES), Michel Cassé (CEA Saclay), Corinne Charbonnel (Université de Genève, Suisse, et CNRS-Toulouse), Yann Clénet (Observatoire de Paris), Suzy Collin-Zahn (Observatoire de Paris-Meudon), Stéphane Colombi (CNRS-UPMC), Francoise Combes (Observatoire de Paris), Vincent Coudé du Foresto (LESIA Observatoire de Paris), Morgane Cousin (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Michel Crézé (Université de Bretagne Sud et Université Paris 7), Alain Cros (CNRS – Toulouse), Frédéric Daigne (Université Pierre et Marie Curie), Emmanuel Davoust (Université de Toulouse), Jean-Pierre Dedieu (Institut de Mathématiques de Toulouse), Claire Demuynck (Université Lille1), Karine Demyk (CNRS-Université de Toulouse), Nathalie Deruelle (CNRS-Paris 7), Joaquin Diaz-Alonso (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Hervé Dole, (Univ. Paris-Sud, CNRS), Noël Dolez (CNRS IRAP Observatoire Midi-Pyrénées), Marian Douspis (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Chantal Duprez (Maître de conférences de physique en retraite), Ruth Durrer (Université de Genève), Christian Duthu (Observatoire du Pic du Midi), Michel Dyakonov (Université Montpellier 2), Jean Eisenstaedt, (Observatoire de Paris-CNRS), Gilles Esposito-Farese (Institut d’Astrophysique de Paris), Guillaume Faye, (CNRS Paris 6), Pierre Fayet (Ecole Normale Supérieure), François Forme, (Université Paul Sabatier, Toulouse), Pascal Fouqué (Université de Toulouse), Alexandre Gallenne (Observatoire de Paris), Anne-Lise Gautier (LESIA Observatoire de Paris), Mathieu Génois, (Université Paris Diderot), Martin.Giard (IRAP, CNRS-Université de Toulouse), Julien N. Girard (LESIA Observatoire de Paris-Meudon), Éric Gourgoulhon (Observatoire de Paris / CNRS / Université Paris Diderot), Philippe Grandclément (Observatoire de Paris), Jean-Pierre Guelfucci (Université Toulouse 3), Bruno Guillet (Universite de Caen Basse Normandie), Jean-Louis Heudier (Observatoire de la Cote d’Azur), Henk Hilhorst (Université Paris XI), Peter Horvathy (LMPT, Universite de Tours), Elsa Huby (LESIA Observatoire de Paris)), Cyril Hugonie (UM2, Montpellier), Emmanuel Humbert (Université de Tours), Pierre Jean (Université de Toulouse), Marc Knecht (CNRS – Université Aix-Marseille), Laurent Koechin (IRAP Université de Toulouse), Christoph Kopper (CPHT Ecole Polytechnique), Daniel Kunth (Institut d’Astrophysique de Paris), Jean-Michel Lamarre (LERMA, Observatoire de Paris), Xavier Lambert (Université de Toulouse II), Laurent Lamy (LESIA Observatoire de Paris), Jean-Pierre Lasota (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Julien Lavalle (CNRS- Université Montpellier II), Vincent Le Brun (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille- Université d’Aix-Marseille), Michèle Leduc (Laboratoire Kastler Brossel CNRS), Alain Léger (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Roland Lehoucq (CEA Saclay), Francois Lignières (Université de Toulouse), Marceau Limousin (Laboratoire d’astrophysique de Marseille), Raphaël Loubère (CNRS-Université de Toulouse), Brice Lousteau (Université de Toulouse), Jean-Pierre Luminet (CNRS-Observatoire de Paris-Meudon), Bruno Macke (Université Lille I -CNRS.), Jacques Magnen (CPT Ecole Polytechnique), Gary Mamon (Institut d’Astrophysique de Paris), Michel Marcellin (CNRS-LAM, Marseille), Jean-Baptiste Marquette (CNRS/UPMC – IAP), Jérome Martin (CNRS-Paris 6), Jean Matricon, Loïc Maurin (Université Paris-Diderot), Philippe Mathias (Université de Toulouse), Roya Mohayaee (Institut d’Astrophysique de Paris), Léonard Monsaingeon (Institut de Mathématiques de Toulouse), Miguel Montargès (Observatoire de Paris – Meudon), Bertrand Monthubert (Université de Toulouse) , Patrick Mora (CNRS-Ecole polytechnique), Stéphane Munier (CNRS-École Polytechnique), André Neveu (UM2, Montpellier), Eric Nuss (LUPM, Université Montpellier 2), Alain Omont (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Henri Orland (IPhT CEA Saclay), Jean Orloff (Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand), François Pajot (CNRS-Université Paris Sud), Thibaut Paumard (Observatoire de Paris), Roser Pello (Université de Toulouse), Daniel Péquignot (Observatoire de Paris-Meudon), Guy Perrin (LESIA Observatoire de Paris), Jose-Philippe Perez (Université de Toulouse), Denis Pesme (CPT Ecole Polytechnique), Patrick Peter (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Patrick Petitjean (Institut d’Astrophysique de Paris), Bernard Pire (CPT Ecole Polytechnique), Cyril Pitrou (Institut d’Astrophysique de Paris), Etienne Pointecouteau (CNRS – Université de Toulouse), Jean-Loup Puget (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Denis Puy, (Université des Sciences Montpellier II), Eric Ragoucy (CNRS-LAPTH Université de Savoie), Damien Rambaud (IRAP, Université de Toulouse), Laurent Ravera (CNRS – Université de Toulouse), Michel Rieutord (Université de Toulouse), Christophe Ringeval (Uniersité de Louvain), Françoise Roques (Observatoire de Paris-Meudon), Cyrille Rosset (CNRS-APC-Paris 7), Daniel Rouan (Observatoire de Paris-Meudon), Carlo Rovelli (Université Aix-Marseille), Lionel de Sá (CEA/DSM/SAp & LERMA Observatoire de Paris), Pierre Salati (Université de Savoie), Arnaud Sevin (LESIA Observatoire de Paris), Paul Sorba (LAPTH Université de Savoie), Geneviève Soucail (Université de Toulouse), Mark Spivakovsky, (CNRS-Institut de Mathématiques de Toulouse), Danièle Steer (Universite de Paris 7), Jean-Francois Sygnet (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Pascal J. Thomas (Institut de Mathématiques de Toulouse), Frank Thuillier (LAPTH Université de Savoie), Petar Todorov (Observatoire de Paris), Laurence Tresse (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), Marie Treyer (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille), Jean-Philippe Uzan (CNRS-Institut d’Astrophysique de Paris), Bruno Vallette (Université de Nice Sophia-Antipolis), Charlotte Vastel (Observatoire Midi-Pyrénées), Sébastien Vauclair (Cosmodiff Toulouse), : Jean-Claude Vial (Institut d’Astrophysique Spatiale, Orsay), Alfred Vidal-Madjar (Emerite, IAP-CNRS-UPMC), Daniel Vignaud (Universite de Paris 7), Jacques Vigué (LCAR, CNRS – Université de Toulouse, UPS), Chrsitiane Vilain (LUTH Observatoire de Paris-Meudon), Loïc Villain (Université de T
ours), Frédéric Vincent (Université Paris 7), Jean-Paul Zahn (Observatoire de Paris) , Yves Zolnierowski (Université de Savoie)

Sans se prononcer sur l’opportunité d’une diffusion d’un rapport préliminaire, le Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit Critique & Sciences s’associe évidemment au devoir de vigilance vis-à-vis de telles pratiques et de tels personnages, courroies de transmission de la pseudoscience-pop.

Le CorteX

*Nous tiquons, bien sûr, sur le mot Science qui veut dire tellement de choses. On pourra lire à ce sujet La science – Base d’entraînement pour les enseignants qui voudraient parler de science.

De la difficulté d’être darwinien – l'énigme pédagogique des éléphants sans défenses

CorteX_elephantVoici un extrait de la publication de notre collègue Gérald Bronner « La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements » dans la Revue française de sociologie* qui offre un outil magistral aux enseignants.
.
J’ai (RM) tenté de reproduire l’énigme moi-même dans mes enseignements (voir deuxième partie).

(…)  Si l’on réalisait une enquête pour savoir si les Français adhèrent aux thèses de Darwin, on obtiendrait sans doute des résultats assez différents de ceux du sondage CorteX_Gerald_Bronneraméricain. Il est possible d’imaginer que nos compatriotes se déclareraient plus volontiers darwiniens que leurs voisins d’outre-Atlantique, pourtant il serait sage de rester sceptique face à ces résultats. En effet, pour prendre ce genre de déclarations au sérieux, il faudrait être assuré que le sens commun conçoit clairement ce qu’être darwinien signifie, ce dont il est permis de douter.

Pour tester cette idée, nous avons réalisé une expérimentation (18) qui consistait à soumettre 60 individus à une situation énigmatique qui, précisément, concernait les métamorphoses du vivant. Cette situation réelle avait été relayée, faiblement, par la presse (19) et était de nature à mesurer les représentations ordinaires de l’évolution biologique.

L’énoncé de l’énigme était lu lentement aux sujets volontaires. En plus de cette lecture, cet énoncé était proposé sous forme écrite et l’entretien ne commençait que lorsque le sujet déclarait avoir compris parfaitement ce qui lui était demandé. Il lui était laissé ensuite tout le temps qui lui paraissait nécessaire pour proposer une ou plusieurs réponses à cette énigme. La grille d’entretien avait été conçue pour inciter l’interviewé à donner toutes les réponses qui lui viendraient à l’esprit, attendu que ce sujet n’impliquait pas (en particulier en France), a priori, une charge idéologique ou émotionnelle forte, de nature à susciter des problèmes d’objectivation ou de régionalisation (20).

Trois critères présidèrent à l’analyse de contenu de ces 60 entretiens.

1) Le critère de spontanéité : il consistait à mesurer l’ordre d’apparition des scénarios dans le discours. En d’autres termes, on cherchait à voir quelles seraient les solutions qui viendraient le plus facilement à l’esprit des individus face à l’énigme.

Le critère de récurrence : il consistait à mesurer le nombre d’évocations du même type de scénario dans un entretien.

3) Le critère de crédibilité : à la fin de l’entretien, on demandait à l’interviewé celui, d’entre les scénarios qu’il avait évoqués, qui lui paraissait le plus crédible. On demandait par exemple : « Si vous aviez à parier sur l’une des solutions de l’énigme que vous avez proposées, laquelle ferait l’objet de votre mise ? »

Ces critères furent mobilisés pour mesurer les rapports de force entre les différents discours possibles, les solutions imaginées, pour résoudre l’énigme.

J’ai retenu, en outre, le critère d’évocation simple qui mesurait le nombre de fois où un scénario avait été évoqué globalement, sans tenir compte de l’ordinalité ou des récurrences dans les différents discours et un critère d’évocation pondérée qui croisait le critère de spontanéité et celui de récurrence (21).

La population des sujets de l’expérimentation fut échantillonnée selon deux éléments.

  1. Le diplôme : tous les interviewés devaient être titulaires du baccalauréat. On s’assurait ainsi qu’ils avaient tous été familiarisés avec la théorie de Darwin, à un moment ou à un autre de leur scolarité.
  2. L’âge : la règle préliminaire de cette enquête était de mettre en oeuvre l’idée d’une dispersion. Pour contrôler cette dispersion autour des valeurs centrales (l’âge moyen était de 37 ans), j’ai rapporté l’intervalle interquartile à l’étendue. Le premier représentant plus de 50 %(59 %) de la seconde, on s’assurait ainsi d’éviter des phénomènes de concentration des âges. Cette expérimentation fut menée de novembre 2005 à janvier 2006, principalement auprès de personnes vivant en Île-de-France (N = 49), et tous en Métropole (Lorraine N = 4, Haute-Normandie N = 4, Midi-Pyrénées N = 3). Cette population était composée de 33 femmes et 27 hommes, de cadres, professions intellectuelles et supérieures (N = 14), de professions intermédiaires (N = 17), d’employés (N = 7), d’étudiants (N =11), de chômeurs(N = 5), de retraités (N = 4), d’un agriculteur exploitant et d’une femme au foyer.

Cette situation énigmatique, tirée d’un fait réel (22), fut donc soumise à ces 60 personnes sous la forme suivante :

« À l’état sauvage, certains éléphanteaux sont porteurs d’un gène qui prévient la formation des défenses. Les scientifiques ont constaté récemment que de plus en plus d’éléphanteaux naissaient porteurs de ce gène (ils n’auront donc pas de défenses devenus adultes). Comment expliquez cette situation ? »

Vous pouvez tenter de répondre à cette question. Puis cliquez là.

* Bronner G., La résistance au darwinisme : croyances et raisonnements, Ophrys, Revue française de sociologie 2007/3 – Volume 48. Télécharger. Avec l’aimable autorisation de Gérald Bronner.

(18) Je remercie ici la promotion de maîtrise de sociologie de l’université Paris-Sorbonne 2005 sans l’aide matérielle de laquelle cette recherche eût été beaucoup affaiblie.

(19) Un encart de quelques lignes dans Libération (19/07/2005).

(20) Blanchet et Gotman (1992).

(21) Cette mesure n’est pas sans évoquer ce que les psychologues sociaux nomment l’analyse prototypique et catégorielle qui consiste à croiser le rang d’apparition de l’élément et sa fréquence dans le discours et à effectuer ensuite une typologie autour d’éléments sémantiquement proches. Un classement d’éléments cognitifs peut alors être obtenu soulignant le caractère central de certains d’entre eux. Sur ce point voir Vergès (1992, 1994).

(22) Sa réalité était sans doute un avantage, un autre était que le fait était passé presque inaperçu. On ne pouvait donc pas s’attendre à ce que les interviewés connaissent la solution de cette énigme comme cela aurait pu être le cas si j’avais choisi de les faire réfléchir sur la célèbre « affaire » des papillons Biston betularia, plus connus sous le nom de « géomètres du bouleau » ou « phalène du bouleau », dont le phénotype dominant changea au XIXe siècle dans la région de Manchester. Cette constatation inspira une expérience fameuse, menée entre 1953 et 1955 par le biologiste Bernard Kettlewell, et relatée dans tous les manuels de biologie évolutive. Cette recherche fournit, pour la première fois, la preuve expérimentale de l’existence de la sélection naturelle.

Entrevue avec Nicolas Gauvrit

A l’occasion d’une conférence donnée à Marseille, Nicolas Gauvrit, Maître de Conférences à l’Université d’Artois et chercheur au laboratoire de didactique de l’Université Paris VII, a accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Nous partageons ici ses réflexions sur le thème de la psychanalyse notamment mais également sur des sujets plus généraux comme le rationalisme, la prise en charge de l’autisme, etc. (La prise de son annexe n’a pas fonctionné, désolé).

Denis Caroti


  1. Zététicien, rationaliste, sceptique ? Comment Nicolas se définit-il ?
  2. Agir de façon rationnelle ? Peut-on croire de façon rationnelle ?
  3. L’inconscient comme fondement des psychanalyses
  4. Les psychanalyses sont-elles « scientifiques » ?
  5. Quels sont les critères pour dire qu’une pratique est « scientifique » ?
  6. Peut-on tester certaines hypothèses psychanalytiques ?
  7. Des hypothèses psychanalytiques ont-elles été validées ?
  8. Psychanalyse et idées reçues
  9. Le refoulement : une idée reçue ?
  10. Le lapsus : idée reçue ?
  11. Lacan et les mathématiques : imposture intellectuelle ?
  12. Psychanalyse et autisme : sophisme « du juste milieu »
  13. Psychanalyse : traiter les causes de l’autisme ?
  14. Les livres qui ont compté
  15. Développer science et esprit critique : un outil de transformation sociale ?
  16. Bibliographie
[dailymotion id=xr55xb] Zététicien, rationaliste, sceptique ? Comment Nicolas se définit-il ?Pourquoi ? Quel est le terme qui convient le mieux pour parler de ses travaux ?
   
[dailymotion id=xr56j2] Agir de façon rationnelle ? Peut-on croire de façon rationnelle ?
   
[dailymotion id=xr5dz0] L’inconscient comme fondement des psychanalyses
   
[dailymotion id=xr56jo] Les psychanalyses sont-elles « scientifiques » ?
   
[dailymotion id=xr56jv] Quels sont les critères pour dire qu’une pratique est « scientifique » ?
   
[dailymotion id=xr56k4] Peut-on tester certaines hypothèses psychanalytiques ?
   
[dailymotion id=xr5f6o] Des hypothèses psychanalytiques ont-elles été validées ?
   
[dailymotion id=xr5fei] Psychanalyse et idées reçues
   
[dailymotion id=xr5fv9] Le refoulement : une idée reçue ?
   
[dailymotion id=xr5g75] Le lapsus : idée reçue ?
   
[dailymotion id=xr5gfc] Lacan et les mathématiques : imposture intellectuelle ?
   
[dailymotion id=xr5hcm] Psychanalyse et autisme : sophisme « du juste milieu »
   
[dailymotion id=xr5i2g] Psychanalyse : traiter les causes de l’autisme ?
   
[dailymotion id=xr5isp] Les livres qui ont compté
   
[dailymotion id=xr5iut] Développer science et esprit critique : un outil de transformation sociale ?
mensonges_freudiens le_singe_en_nous
Impostures_intellectuelles

Bibliographie :
– Le singe en nous, Frans de Waal, Fayard (2006).
– Mensonges freudiens, Jacques Bénesteau, Pierre Mardaga éditeur (2002).
– Impostures intellectuelles, A.Sokal & J.Bricmont, Odile Jacob (1997).

Émissions sur la notion de travail

Émissions à disposition pour discuter de la notion de travail. Merci aux réalisateurs, enquêteurs et preneurs de son que l’on oublie tout le temps.


  • Pôle emploi : de l’autre côté du guichet (France Culture, Les pieds sur terre, de Sonia Krolund, 30 septembre 2009, rediff. le 26 janvier 2012), reportage de Andréa Insergueix réalisé par Assia Khalid
Luc et Marion travaillent dans deux agences Pôle emploi de la banlieue parisienne. Anciens conseillers ANPE, ils racontent leur métier et ses bouleversements, vus de l’autre côté du guichet.

 Écouter ici.

  • Violence des échanges à Pôle Emploi (France Culture, Les pieds sur terre, de Sonia Krolund, 23 janvier 2012), reportage de Pauline Maucort réalisé par Emmanuel Geoffroy

Travailler à l’ANPE, Eva l’a souhaité. Mais depuis la fusion avec les ASSEDIC, l’employeur d’Eva s’appelle maintenant Pôle Emploi. Récemment agressée, elle raconte la tension et l’agressivité qui dominent dans les relations avec les clients.

Écouter ici.

Richard Monvoisin

 

Trois hypothèses pour un Big Bang, par Aurélien Barrau

CorteX_Aurelien_BarrauAurélien Barrau est astrophysicien à Grenoble. Pédagogue réputé, il a une manière inimitable d’instiller un mélange d’esprit critique, de science et de poésie. Il a essayé de nous faire croire qu’il était relativiste sur le plan philosophique, mais il ne l’est que pour stimuler et questionner des dogmes. La preuve, il fourbit du matériel critique ce mois de février 2012 dans Le Monde Diplomatique, en politisant la question des origines de l’univers, critiquant la nasse libérale dans laquelle la technoscience actuelle engonce la recherche de la connaissance.

Et bel effet kiss cool ! Aurélien m’explique que le titre, le sous-titre et premier paragraphe tape-à-l’oeil sur le Boson de Higgs / particule de Dieu [1]… ne sont pas de lui ! Nous avons donc en outre une petite leçon de journalisme pour le même prix.


Par respect pour les revues et journaux qui ne vivent que de leurs ventes, je ne reproduis ci-dessous que ce que le journal propose en lecture sur son site, avec en vert la partie qui n’est pas de la main d’Aurélien (et en note 3 pourquoi ce n’est pas un détail anodin).

Pour les plus impatients, voici un extrait [2] pris sur France Inter le 3 février dernier, lors de l’émission Là-bas si j’y suis consacrée au Monde Diplomatique.

 

Monde Diplomatique,février 2012
La cosmologie, science de l’Univers, discipline rebelle

Trois hypothèses pour un Big Bang

A l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, à Genève, les chercheurs traquent la fameuse « particule-Dieu », comme l’appelle le Prix Nobel Leon Lederman. Le boson de Higgs, du nom du physicien Peter Higgs, pourrait permettre d’expliquer les propriétés du cosmos. La quête de l’infiniment petit transformerait alors la physique pour nous éclairer sur la naissance de l’Univers…

Off – Aurélien Barrau :

« [Le] titre et l’introduction, je les ai découverts après publication. Autant le titre est sympa et adapté (y compris le sous-titre), autant l’introduction n’a à mon avis aucun sens. Le mécanisme de Higgs qui est ici évoqué n’a aucun lien avec le contenu de l’article et je condamne le terme « particule-dieu » qui me semble insensé.« 

Science de l’Univers dans son ensemble, tentant de le décrire depuis son instant initial jusqu’à son éventuel instant final, la cosmologie est une discipline singulière. L’expérience « création de l’Univers » n’est évidemment pas reproductible, ce qui rend impraticable la démarche usuelle d’inférence et de vérification par l’observation réitérée de processus similaires. De plus, l’observateur fait partie du système qu’il entend décrire, ce qui est incompatible avec la distance nécessaire pour une observation neutre et objective. Enfin, les « conditions initiales », c’est-à-dire l’état du système à partir duquel l’évolution est calculée, sont très mystérieuses puisqu’il n’existe, par définition, ni antériorité ni extériorité au « système-univers ». Sans compter que les énergies en jeu dans les premiers instants de l’histoire du cosmos sont sans rapport avec ce qui a été testé sur Terre et que, à l’inverse de la démarche habituelle, c’est l’état « final » de l’objet d’étude qui est connu — et son état initial qui est recherché. Pourtant, en dépit de ces difficultés (et en partie grâce à elles), la cosmologie est devenue une science, et même une science de précision. Le modèle standard du Big Bang, c’est-à-dire un univers en expansion depuis près de quatorze milliards d’années, est aujourd’hui convaincant, car étayé par de solides éléments.

Sur le plan observationnel, l’idée d’un univers en expansion s’est imposée au milieu du XXe siècle pour plusieurs excellentes raisons. Les galaxies s’éloignent les unes des autres, l’abondance des éléments chimiques dans l’Univers est en accord avec les prédictions de la physique nucléaire dans un scénario de type Big Bang, et le contenu du cosmos évolue manifestement avec le temps, ce qui serait difficilement explicable si celui-ci était statique et éternel. Enfin, le rayonnement fossile, véritable première lumière de l’Univers, se comporte exactement comme attendu. Ce fond diffus de photons, rayonnement en provenance de toutes les directions du ciel, découvert en 1965 et actuellement scruté avec une précision inégalée par (…)

Richard Monvoisin

[1] Sur cette vulgarisation « pop » et insensée de particule de Dieu, on pourra lire la fiche pédagogique « Scénario du Graal et de la recherche scientifique de Dieu » (à venir)

[2] Brin de critique : ranger Freud, que l’on sait désormais faussaire, vénal, pseudoscientifique et politiquement conservateur, à côté de méthodistes comme Copernic ou Darwin, fait sourire. C’est une image d’Épinal des soi-disantes trois grandes blessures narcissiques de l’Humain : viré du centre de l’univers, de la création, et agi par un « inconscient ». A qui doit-on cette association entre les trois personnages ? … A Freud lui-même. Pour en savoir plus, Darwin, Freud et l’évolution, par Pascal Picq, 2010.

[3] Courriel à la rédaction, le 12 février 2012.
Bonjour, 

il est permis de douter que l’introduction, premier paragraphe de l’article d’Aurélien Barrau, soit de sa plume. Il serait très étonnant qu’un astrophysicien de son niveau, qui critique dans ses enseignements l’idiotie du concept de « particule de Dieu » qui ne fait florès que chez les mauvais vulgarisateurs, les vendeurs de livres et les Bogdanoff, écrive quelque-chose de semblable. Ce n’est pas un sujet anodin : la « particule de Dieu » est fort appréciée des concordistes religion-science, qui tentent tout ce qu’ils peuvent pour lezarder le contrat laïc de la science ; elle est plébiscitée aussi comme poudre aux yeux pour justifier les grands investissements extraordinairement coûteux (CERN, etc.). Toute proportion gardée, le boson de Higgs est aux projets d’accélérateurs ce que la course à la Lune était à l’armement. Un joli alibi.  Quant au Nobel Lederman, il justifie l’une des raisons du pourquoi de ce terme : « L’éditeur ne nous aurait pas laissé l’appeler la « p… de particule », bien que cela soit probablement un titre plus approprié ».

 Deux scénarios s’offrent à nous : soit A. Barrau a été pris d’un malaise soudain en écrivant cette introduction ; soit elle lui a été imposée par quelqu’un qui ne maîtrise pas l’astrophysique, et qui y a vu une accroche facile. En vertu du puissant rasoir d’Occam, nous élaguons les hypothèses en ne conservant que la moins coûteuse. Ce qui mène à la deuxième question, qu’il est douloureux de poser à un journal qu’on lit depuis longtemps et dans lequel nous avons une grande confiance : dans quelle mesure votre rédaction est-elle prête à instiller des poncifs (qui plus est théologiques) pour s’assurer un lectorat ? Dites-nous par pitié que c’est dans une toute petite mesure. Votre journal n’a absolument pas besoin de ça pour nous captiver.

Bien à vous

Richard Monvoisin

Et le journal a diffusé la partie centrale du courrier dans le numéro de mars 2012.CorteX_Monvoisin_diplo_mars_2012
 

Du 25 au 29 avril 2011 JIES 2011 – Journées de Chamonix

Les prochaines Journées internationales sur la communication, l’éducation et la culture scientifiques, techniques et industrielles auront lieu à Chamonix du 25 au 29 avril 2011 à l’ENSA (Ecole d’Alpinisme) et au Chalet des Aiguilles.

 

Le site : http://jies-chamonix.org/  alt

Le thème : l’idée de Nature dans l’éducation et la médiation scientifiques. Enjeux, modalités, objectifs et perspectives.

 

 Flyer à télécharger alt

Résumé des organisateurs :

Cadre de vie, menace, paradis perdu, réservoir de ressources et objet d’étude, la Nature, qu’elle soit sauvage ou domestiquée, crainte ou convoitée, souillée ou exploitée, occupe dans l’imaginaire occidental des dimensions complémentaires et contradictoires. L’idée que nous nous en faisons repose elle-même sur des présupposés culturels, des connaissances éparses, des valeurs changeantes, des imaginaires multiples. Pour preuve : la multiplicité des perceptions de la distinction Homme-Nature selon les civilisations, voire son absence dans les sociétés pré-technologiques…

Très présente dans l’éducation pour un développement durable et les courants de protection de l’environnement, souvent associée à la préservation de la biodiversité, aux droits de l’animal, à la modification des grands cycles planétaires, et plus généralement à l’impact des activités humaines sur l’équilibre de la planète, l’idée de Nature est également exploitée par la publicité et fait l’objet d’une intense médiatisation qui influence notre rapport au monde et ce que nous en faisons.

Par suite, que transmet-on réellement lorsque l’on parle de Nature ? Quels comportements et modes de consommation sont imposés ou légitimés par la présentation qu’en font les médias ?

Quels rapports à l’animal, au vivant, à l’autre, à l’ailleurs, inculque-t-on à nos enfants lorsque nous les « éduquons à l’environnement » ? Sur quelles valeurs, quelles conceptions du rapport nature-culture, quels imaginaires les actuels programmes scolaires sont-ils construits ? L’Education relative à l’environnement elle-même s’adresse-t-elle à la gestion de notre cadre de vie ou à l’ensemble des problèmes que pose justement notre relation à la Nature ?

A quelles approches recourir pour clarifier cette relation ? Que nous apporte l’analyse de l’idée de Nature dans d’autres cultures, à d’autres époques que la nôtre ? Sur quelles disciplines peut-on se fonder pour forger notre conception scientifique de la Nature et inventer les modalités de son aménagement, de son exploitation et de sa protection ?

Interroger les évidences de la diffusion et de l’appropriation de l’idée de Nature… En déterminer les origines, les enjeux, les conséquences, inventer de nouveaux possibles culturels, produire des outils pour l’enseignement et la médiation… Tels sont les objectifs des prochaines Journées de Chamonix.

 Un-e membre du CorteX, travaillant exactement sur ce sujet, a envoyé une proposition de contribution.