Pourquoi ça marche, la naturopathie ?

Cet article (7/12) s’inscrit dans une série de douze articles sur la naturopathie rédigée avec la volonté de porter un regard détaillé et critique sur la discipline, et dont vous pourrez trouver le sommaire ici. Il ne s’agit pas de partir en quête d’une vérité absolue, mais d’alimenter des réflexions destinées à éviter de causer ou laisser perdurer des souffrances inutiles, de permettre à chacun.e de faire les meilleurs choix en termes de santé. Dans ce septième article, il s’agira d’expliquer pourquoi la naturopathie, ça marche (parfois…).

Nous venons de voir que nous avions de bonnes raisons de douter de l’efficacité de la naturopathie. Pourtant, si on prend ne serait-ce que cinq minutes pour naviguer sur internet, on peut lire des dizaines de témoignages de personnes qui affirment avoir été soignées par la naturopathie. Que doit-on penser de cela ? Quelle importance accorder à ces témoignages ?

Précisons avant toute chose que nous ne remettons pas en cause la véracité de ces témoignages : les personnes qui en sont autrices vont mieux, et elles sont bel et bien persuadées d’avoir été guéries grâce à des recommandations naturopathiques. Ne nions pas leurs vécus et leurs ressentis.

Cependant, je dois souligner que les témoignages, aussi nombreux soient-ils, ne constituent jamais une preuve d’efficacité d’une pratique de soin. On parle de la faiblesse des preuves anecdotiques1, qui, en dehors de tout protocole expérimental rigoureux, exposent à de nombreux biais qui peuvent conduire à tirer des conclusions faussées : échantillon non représentatif (on ne prend pas en considération les personnes pour lesquelles la naturopathie n’a pas eu d’effets ou a eu des effets négatifs), généralisation abusive, présences de nombreux facteurs confondants non examinés2, confusion entre corrélation et causalité3… Sur ce dernier point, particulièrement fréquent dans les témoignages, il s’agit d’attribuer sa guérison à la récente mise en place de recommandations naturopathiques (faire un lien de causalité), sur la base du constat d’une guérison survenue peu de temps après avoir adopté ces changements (simple corrélation), sans imaginer qu’il pourrait y avoir d’autres raisons à cette guérison. Ces autres raisons peuvent être, par exemple, une autre intervention thérapeutique menée en parallèle, mais pas seulement…

Deux autres éléments importants qui peuvent conduire à conclure à tort à l’efficacité de soins non éprouvés (comme la naturopathie) en confondant corrélation et causalité sont :

  • Le caractère spontanément résolutif de bon nombre de pathologies : ces maladies qui guérissent seules après un certain temps, avec ou sans intervention de notre part (rhume, grippe, bronchite, lumbago, infections ORL virales, gastro-entérite, coliques du nourrisson, nausées de grossesse, 90 % des infections HPV…). On aurait alors tendance à penser, à tort, que notre intervention est la cause de la guérison, alors que la guérison serait de toute façon intervenue seule dans les mêmes délais.
  • L’alternance de phases de rémission et de poussées aiguës dans d’autres maladies (sclérose en plaques, maladie de crohn, lupus, rectocolite hémorragique, psoriasis, spondylarthrite ankylosante…) . On pourrait là encore penser à tort qu’un soin est la cause d’une rémission, alors qu’il s’agit de l’évolution naturelle de la maladie.

L’effet placebo (ou effets contextuels4) peut également expliquer les bénéfices que l’on a tirés d’une pratique de soin non éprouvée comme la naturopathie.

« L’effet placebo correspond au résultat psycho-physiologique positif (bénéfique) constaté après l’administration d’une substance ou la réalisation d’un acte thérapeutique, indépendamment de l’efficacité intrinsèque attendue du traitement. »

Effet placebo, Wikipedia

Divers paramètres influent en effet sur la manifestation des symptômes (notamment la douleur, mais pas seulement), sans pour autant que l’on suive un protocole de soin éprouvé. Par exemple la suggestion (cela fonctionne mieux si on nous assure que cela fonctionne), les attentes vis à vis du traitement (cela fonctionne mieux si l’on croit que cela va fonctionner), la notoriété du ou de la thérapeute et le prix de la consultation, l’assurance du ou de la thérapeute, ses discours rassurants…5

Mais pour ce qui concerne la naturopathie, soyons honnêtes, certains des outils employés ont bel et bien démontré leur efficacité ! C’est notamment le cas de certaines recommandations alimentaires (manger moins de viande, plus de légumes, moins de sucres, moins gras, moins d’alcool, moins de produits transformés…), certaines recommandations d’hygiène de vie (arrêt du tabac, encouragement à mettre en place activité physique régulière et adaptée), mais aussi certaines techniques de gestion du stress (le stress étant un facteur aggravant les symptômes de nombreuses pathologies). Mais, ne remarquez-vous pas ce qu’ont en commun ces outils à l’efficacité démontrée ?

En effet, vous avez vu juste : aucun d’entre eux n’est propre à la naturopathie. Notons également que ce sont des outils dont font usage quotidiennement les professionnel.les de santé et psychologues…

Pour lire les articles précédents et suivants de cette série sur la naturopathie : cliquer ici.

  1. Preuve anecdotique : https://fr.wikipedia.org/wiki/Preuve_anecdotique
  2. Facteur de confusion : https://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_de_confusion
  3. Effet atchoum ou post hoc ergo propter hoc : https://cortecs.org/la-zetetique/leffet-atchoum-ou-post-hoc-ergo-propter-hoc
  4. Le placebo dans tous ses états : entretien avec Nicolas Pinsault : https://www.youtube.com/watch?v=fHvoxkubbtc

    Sur les pseudo-médecines en général, avec un passage sur les effets contextuels : https://cortecs.org/la-zetetique/la-medecine-et-ses-qalternativesq-quelques-outils-dautodefense-pour-militant-es/

  5. « Pourquoi on va mieux avec une thérapie de merde ? » Psykocouac : https://www.youtube.com/watch?v=r9UwT149d7Q