CorteX_couteau_suisse_critique

Cours Physique et société à Paris-Diderot (Guillaume Blanc)

Guillaume Blanc est maître de conférences en physique à l’université Paris-Diderot et chercheur au laboratoire Astroparticules et cosmologie. Il a monté un cours optionnel pour des étudiants de physique en L3 appelé « Physique et société » dans lequel il traite de quelques « débats de société » qui font appel à la physique, la démarche scientifique et l’esprit critique : radioactivité/nucléaire, réchauffement climatique, ondes électromagnétiques. Il présente ainsi les bases de la méthodologie scientifique, ce qu’est la science, comment elle se construit, mais il parle aussi de zététique, de tri de l’information, visite le principe de précaution et quelques croyances… Bref, un cours qui pourra donner des idées à toujours plus de collègues enseignant à l’université. Merci donc à Guillaume qui partage son expérience avec nous, et n’hésitez pas à lui écrire (blanc(at)lal.in2p3.fr) pour en savoir davantage.

Données techniques

Le cours est optionnel et proposé aux étudiants de licence de physique en 3ème année à l’université Paris-Diderot depuis 2013. Ce cours concerne environ 20-25 étudiant-es (maximum accepté) chaque année.

Il consiste en 13 séances de 1h30.

Pourquoi ce cours ?

L’idée de ce cours provient d’un constat : les médias (internet, radio, télé, presse papier/internet) nous abreuvent d’informations souvent erronées sur certaines sciences physiques ou technologies associées (nucléaire, réchauffement climatiques, ondes électromagnétiques, nanotechnologies, etc.), tout en propageant certaines croyances (astrologie, liens allégués avec la Lune, etc.) probablement à cause d’un manque de connaissances. Il s’est agi de donner aux étudiants quelques concepts-clés sur ces sujets pour mieux comprendre les débats sociétaux. Très vite je me suis cependant rendu compte qu’il manquait quelque chose dans les études universitaires, en particulier en physique : une grille critique pour mettre à profit la somme de connaissances emmagasinées par les étudiant-es pour mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons. J’ai donc beaucoup étoffé la partie que j’appelle « méthode scientifique » (voir ci-dessous).

Objectifs du cours

  • Acquérir les connaissances scientifiques de base en lien avec le sujet (radioactivité, réchauffement climatique, ondes électromagnétiques et santé) pour décrypter ces quelques débats de société
  • Aiguiser son esprit critique (outils de la zététique)
  • Apprendre à se servir d’Internet comme source documentaire
  • Comprendre la méthode scientifique et comment est produite la connaissance scientifique

Plan du cours

La méthode scientifique (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. Comment se fait la science ?
  2. Science et Technologie
  3. Les domaines scientifiques
  4. La méthode scientifique
  5. Qui sont les scientifiques ?
  6. Le processus de publication d’un résultat scientifique
  7. Consensus et controverses
  8. L’erreur fait partie de la méthode
  9. Notions de zététique
  10. La zététique
  11. Comprendre le monde qui nous entoure
  12. Sciences et pseudo-sciences
  13. Croyances
  14. Règles d’or de la zététique
  15. Effets de la zététique
  16. Internet
  17. Diffusion du savoir
  18. Le biais de confirmation
  19. Le marché de l’information
  20. Concurrence sur le marché de l’information
  21. Recherche d’information sur Internet
  22. Motivation des croyants
  23. Paradoxe ? Un marché cognitif mêlant, notamment sur Internet, science de qualité et pseudo-allégations sans fondements.
  24. Comment s’en sortir ?
  25. Quelques croyances
  26. Les effets de la Lune
  27. Les moteurs surnuméraires
  28. L’astrologie
  29. La sourcellerie
  30. Étude en « double aveugle »
  31. Expérimenter la validité d’une pseudo-science/croyance
  32. Le principe de précaution
  33. Danger et risque
  34. Mathématisation du principe de précaution
  35. Biais cognitifs
  36. La responsabilité des médias professionnels

Radioactivité – nucléaire (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. Un peu de physique nucléaire
  2. Le noyau atomique
  3. Quelques ordres de grandeur
  4. Énergie de liaison
  5. Les interactions en jeu
  6. Loi de décroissance radioactive
  7. Période radioactive
  8. Les différentes radioactivités
  9. Rapport d’embranchement
  10. Filiations radioactives
  11. Exemple de filiation
  12. Radioactivité naturelle
  13. Interaction des rayonnements avec la matière
  14. Introduction
  15. Le rayonnement électromagnétique
  16. Atténuation des photons
  17. Rayonnement particulaire
  18. Parcours moyens dans la matière
  19. Ralentissement des électrons
  20. Effet Cerenkov
  21. Ralentissement des neutrons
  22. Effet des rayonnements sur la matière
  23. Effet des rayonnements sur la matière vivante
  24. Notion de dose
  25. Facteur de dose : du becquerel au sievert
  26. Effet de la dose
  27. Quelques ordres de grandeur
  28. Application des rayonnements
  29. Analyse par activation
  30. Analyse par traceurs
  31. Médecine nucléaire – Thérapie
  32. Médecine nucléaire – Diagnostic in vivo
  33. Datation
  34. Traceurs en sciences de l’environnement
  35. Applications industrielles
  36. Production d’énergie nucléaire
  37. Énergie chimique versus énergie nucléaire
  38. Réaction de fission
  39. Fissile ou fertile ?
  40. Réaction en chaîne
  41. Principaux types de réacteurs
  42. Réacteurs à eau pressurisée (REP)
  43. REP : structure
  44. REP : caractéristiques
  45. REP : pilotage
  46. Combustible usagé
  47. Masse critique

Le réchauffement climatique (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. La physique du climat
  2. Météo ou climat ?
  3. Modélisation de l’atmosphère terrestre
  4. Modèle climatique : comment et pourquoi ?
  5. Les lois du rayonnement
  6. Un modèle radiatif sans atmosphère
  7. Un modèle avec une couche d’atmosphère
  8. Stabilité de l’équilibre
  9. Réchauffement climatique
  10. Forçages radiatifs
  11. Rétroactions
  12. Les gaz à effet de serre
  13. Spectre atmosphère
  14. Les gaz à effet de serre
  15. Absorption du rayonnement par les molécules
  16. Les observations
  17. L’anomalie de température
  18. Réchauffement « naturel » ?
  19. Le niveau des océans
  20. Cycle du carbone et gaz à effet de serre
  21. Évolution de la proportion de gaz à effet de serre : Holocène
  22. Les émissions anthropiques de CO2
  23. Et en France métropolitaine ?
  24. En France : plus chaud
  25. En France : la mer monte aussi…
  26. En France : moins de neige à basse altitude
  27. En France : dommages collatéraux
  28. Scénarios pour le futur
  29. Prédictions
  30. Scénarios, forçage radiatif et température
  31. Projection de la température annuelle
  32. Scénarios d’émissions de CO2
  33. Niveau des océans
  34. Acidification des océans
  35. Réductions des banquises
  36. Réchauffement climatique et société
  37. Impacts sur la société
  38. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
  39. Les Conférences des Parties (COP)
  40. Des solutions ?

Les ondes électromagnétiques et la santé (1 séance de 1h30)

Voir la liste
  1. Physique des ondes électromagnétiques
  2. Équations de Maxwell
  3. Équation d’onde
  4. Rayonnement d’un dipôle
  5. Champ proche et champs lointain
  6. Interaction des ondes avec la matière
  7. Interaction avec les matériaux
  8. Blindage électromagnétique
  9. Interaction avec la matière vivante
  10. Impact sur la santé humaine
  11. Électrosensibilité
  12. Le four à micro-onde

Feuilles d’exercices

Chaque partie du cours, hormis la dernière sur les ondes électromagnétiques traitée rapidement, fait l’objet d’une feuille d’exercices. Pour la première partie, ce sont des exercices de lecture, de discussion (après réflexion), ou de recherche sur Internet. Les parties nucléaires et climat font l’objet d’exercices techniques d’application.

Projet de recherche bibliographique

En début de semestre, les étudiants choisissent par binôme un sujet de recherche bibliographique parmi une liste définie. Au bout de deux mois, en fin de semestre, ils me rendent un court rapport et font une présentation orale de leur sujet devant leurs camarades. Les trois dernières séances du cours sont consacrées à cet exercice. Ces soutenances conditionnent le nombre maximal d’étudiants pouvant s’inscrire à ce cours.

Voir la liste des sujets proposés en 2016-2017
  • Le nucléaire dans les médias
  • Les déchets nucléaires
  • Les accidents nucléaires
  • Les faibles doses radioactives
  • Le climatoscepticisme
  • Réchauffement climatiques : quelles solutions ?
  • La couche d’ozone
  • Les impacts du réchauffement climatique sur la société
  • Les ondes électromagnétiques (wifi, téléphonie, Très haute tension…) dans les médias
  • Le biais d’internet (infos « vraies » vs. infos « fausses »)
  • Principe de précaution et innovation en France
  • Sciences et citoyens
  • La sourcellerie
  • Les croyances liées à la Lune
  • L’astrologie
  • Les moteurs surnuméraires
  • Les OGM
  • La vaccination et ses peurs

Développements ultérieurs souhaités (souhaitables ?)

Idéalement, ce genre de cours devrait être obligatoire pour tous les étudiants en sciences. Il pourrait d’ailleurs être un peu rallongé (avec les spécialistes adéquats) pour toucher les sujets liés à la biologie (OGM, créationnismes…), à la santé (médecines alternatives, liens d’intérêt…), à la géologie (gaz de schistes, pressions industrielles…), etc.

Il n’est par ailleurs pas parfait. La partie sur la méthode scientifique mériterait d’être agrémentée d’un chapitre sur les probabilités et les statistiques, et d’une partie sur les biais cognitifs. La partie sur le climat est encore un peu confuse, évoluant au gré de mes lectures sur le sujet.

Mise à disposition

Je n’ai pas (encore ?) écrit de polycopié de cours, mais tout est sur diapos en pdf. Je peux, sur demande, fournir tout ou une partie de ce cours. Je peux aussi fournir les bases bibliographiques qui m’ont servies à construire ce cours qui n’existe dans aucun manuel tel quel.

Guillaume Blanc

Voir aussi un petit article que j’avais écrit sur mon blog à propos de ce cours.

Pour une pensée critique corrosive. Le CorteX en terres parisiennes

Depuis les attaques qui ont touché Paris en novembre dernier, la pensée critique est mise à toutes les sauces. On ne compte plus les experts auto-consacrés qui raflent de juteux marchés publics en prison (nous avions reproduit un article du Canard enchaîné qui en cause ici) ou dans les écoles. Soyons honnêtes : en plus de nous affliger, la situation nous agace car elle participe à aseptiser et à individualiser une pensée critique que nous concevons comme collective et corrosive. Alors, sur les conseils de nos prédécesseurs comme Normand Baillargeon, nous avons accepté de porter la lutte dans les hautes sphères du Ministère de l’Éducation Nationale à Paris. Récit d’une folle aventure qui va porter le CorteX et le travail discret mais acharné de notre collègue Denis Caroti dans la bouche d’une ministre.

Tout commence par un de ces courriels qui nous invitent à siéger en tant qu’expert dans un obscur « comité de pilotage ». Cette fois-ci, c’est du Ministère de l’Éducation nationale dont il est question. A l’origine la demande est plutôt reçue fraîchement : on se demande ce que va bien pouvoir changer notre participation à une énième réunion d’experts de la pensée critique.  Alors, comme souvent, on pèse le pour et le contre et on en parle autour de nous. Richard Monvoisin en touche notamment un mot à Normand Baillargeon lors de sa participation au colloque Forum et Société de l’Association Francophone pour le Savoir (ACFAS). La réponse de ce dernier est sans équivoque : il nous conseille d’y aller pour porter la cause de toutes celles et ceux qui ont essuyé quolibets, horions et avanies pour avoir enseigné une pensée critique subversive dans des lieux où elle n’était guère la bienvenue.

C’est ainsi que nous avons mandaté nos collègues Denis Caroti et Richard Monvoisin pour participer à cette grand-messe de la pensée critique (il faut dire qu’on sentait bien que tous deux avaient une furieuse envie de voir la Tour Eiffel et les Champs Élysées). Le fonctionnement de telles instances est tellement flou qu’on se dit, qu’à tout le moins, on pourra rapporter ce qu’il s’y passe. 

Arrivés sur les lieux, on se retrouve au milieu d’un panel d’experts invités et mélangés avec un grand nombre de représentants de l’Education Nationale et autres institutions qui y sont rattachés. Aucune justification n’est donnée du panel de personnes présentes mais on se retrouve en compagnie de têtes connues comme Nicolas Gauvrit et d’autres moins connues comme Frédéric Lenoir, plutôt connu pour ses positions spiritualistes ambigues1. L’ordre du jour mentionnait un grand nombre de points à traiter (comme l’évaluation des actions remontées au Ministère par les enseignants depuis un mois suite à l’appel à projets diffusé à tous les professeurs de France), et nous avions peu d’espoir de glisser nos interrogations et propositions et aussi de dire que la pensée critique que nous rêvons de voir enseignée dans les classes n’est pas forcément celle promue par nos prescripteurs.

La réunion flotte alors un peu et c’est à ce moment que nos collègues s’engouffrent dans la brèche et présentent le travail fait depuis ces 10 dernières années, sans taire les griefs contre un « esprit critique » longtemps vanté par tous, enseigné par personne, et désormais improvisé par nombre d’acteurs avec des standards plus ou moins élevés, personnalisant son enseignement et dévoyant son contenu, subversif par nature. Nous en avons été témoins à de maintes reprises : à trop vouloir ramener les détenus, les élèves, et le « grand public » dans le droit chemin au nom de la promotion du « bien penser », on finit par créer les bi-standards que l’on dénonce en plaçant la pensée critique du côté des puissants. On en profite aussi pour souligner les blocages, trop fréquents, auquel on fait face. C’est l’occasion, une fois n’est pas coutume, de souligner l’œuvre de notre collègue Denis Caroti qui a pendant près de 10 ans répandu des centaines (centaines !) de conférences en collège et lycée et des dizaines de formations pour enseignants sur la pensée critique, dans une indifférence presque totale de la part de sa hiérarchie et de l’ESPE surtout. On se dit que, quitte à avoir fait le déplacement, autant le rentabiliser en ne restant pas silencieux. A dire vrai, la sensation fut plutôt positive : écoute et hochements de têtes réguliers accompagnant nos prises de paroles.

La suite, nous n’en espérions pas tant : un directeur de cabinet qui promet de nous revoir, une proposition de création de postes dédiés à la formation continue des enseignants à la pensée critique et… une ministre qui cite dans le CorteX devant un parterre de professeurs à la Sorbonne. Voici un extrait du discours du 9 décembre 2016 de Najat Vallaud-Belkacem, lors du forum Laïcité et esprit critique.

Le reste du discours est ici.

Oh, le discours n’est pas enflammé, la ministre ânonne un peu. Et puis, nous ne sommes pas dupes : cette reconnaissance, on la doit avant tout à un travail obstiné dans l’ombre et aux centaines de professeurs qui sont repartis convaincus de nos formations et qui ont porté le combat dans leurs établissements. Et pour qui nous connaît bien, la recherche des reconnaissances symboliques n’est pas notre fort. Médailles, breloques, citations, ce n’est pas vraiment le carburant qui irrigue nos veines, et nous applaudissons celles et ceux qui les refusent (comme Jacques Bouveresse, vous vous rappelez ? On avait applaudi des deux mains). 

Mais enfin, c’est une brèche, et notre but est de contraindre tous les acteurs auto-revendiqués esprit critique à prendre un standard critique élevé. Car la pensée critique n’existe plus si elle est bradée, ou cantonnée à des sujets limités et consensuels. Elle est corrosive, griffue, difficile à manier et oblige à se la retourner soi-même contre soi.

Petite compromission quand même : Denis répète souvent qu’il faut arrêter de jouer avec l’effet paillasson sur le mot énergie.  Bizarre, il ne l’a pas fait remarquer à la Ministre. Pleutre !

Région PACA : cycle de conférences Science Culture en lycées

Depuis 2012, le Cortecs, en collaboration avec l’association ASTS-PACA, gère et organise des conférences à destination des lycées de la région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le cadre du dispositif Science Culture, ces conférences sont proposées aux établissements qui en font la demande. Deux interventions, au choix parmi les sujets ci-dessous, entièrement financées, sont préparées en concertation avec les enseignants et personnels de direction des lycées retenus. Cette page est notamment à destination des collègues souhaitant trouver des informations concernant chaque thématique : description, public visé, ressources. Denis Caroti et Cyrille Baudouin répondent à vos questions si besoin (contacts : carotiatcortecs.org et baudouinatcortecs.org)

Manipulation et influence : du quotidien aux dérives sectaires

Présentation

CorteX_Manipulation1

L’objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la publicité, les relations au travail ou dans nos interactions quotidiennes personnelles. Pourquoi et comment sommes-nous amenés à faire des choses contre notre gré ? Comment éviter de tomber dans les pièges abscons, effet de gel ou autres tentatives de manipulation ? Comment pouvons-nous comprendre les comportements d’engagement de type sectaire ? Nous aborderons quelques outils d’autodéfense intellectuelle utiles pour maintenir notre vigilance critique dans ce domaine.

Public concerné

De la seconde à la terminale, toutes sections, que ce soit en voie professionnelle ou générale et technologique. La pertinence étant maximale avec les élèves sensibilisés à la philosophie.

Préparation

– On peut commencer par questionner les élèves sur le sens des mots mais également : comment peut-on accepter de faire certaines choses qui semblent, de l’extérieur, totalement irrationnelles et incompréhensibles ? Est-on réellement libre de faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas des contraintes sociales, culturelles ou génétiques qui pèsent sur nos choix et influences nos décisions ? Proposer aux élèves de définir les termes manipulation, influence, dérive sectaire.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Un article sur l’utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

– Une vidéo de Lazarus sur la manipulation des images

Sciences, esprit critique et autodéfense intellectuelle

Présentation

boite outils

Les connaissances scientifiques garantissent-elles un esprit critique affûté ? En l’absence d’enseignements spécifiques, pas si sûr… L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples. Cet apprentissage prend son sens non seulement en classe, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause…

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes. 

Préparation

– On peut proposer aux élèves de définir, en quelques minutes, et par groupe, les mots suivants : « paranormal », « surnaturel », croyance, « esprit critique » et « science ». Inviter également les élèves à débattre de l’intérêt de développer ou pas l’esprit critique, comment y parvenir ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur le rasoir d’Occam

Sur les illusions et paréidolies

Sur l’effet puits

Sur la notion de croyance

Science et astrologie : l’astrologie raconte-t-elle des histoires ?

Présentation

Latitude_ecliptique_pluton

L’astrologie est omniprésente dans notre quotidien : radio, télé, magazines, internet, difficile de passer une journée sans entendre parler de son horoscope. Faut-il s’en soucier ? La question devient intéressante et commence à nous interpeler lorsque l’on sait que des entreprises louent les services d’astrologues pour leurs recrutements, qu’une astrologue prétend soigner grâce à un thème astral, ou bien encore qu’un député affirme publiquement consulter le signe de ses collaborateurs. Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur la validité et l’efficacité de cette pratique. Quelles différences entre astronomie et astrologie ? Entre science et astrologie ? Dans cette conférence, nous présenterons quelques bases pour mieux comprendre la démarche scientifique et en tirer les outils nécessaires à une critique argumentée et sans détour des revendications scientifiques de l’astrologie.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut proposer aux élèves, par groupe de 4 ou 5, de proposer une définition des termes « astronomie », « astrologie », « science », « pseudosciences ». On peut aussi lancer le débat sur la présence importante des horoscopes dans les médias. Comment expliquer un tel succès ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur l’effet Barnum/Forer

Sur la critique et l’histoire de l’astrologie

Physique et pseudosciences : quelques outils pour s’y retrouver

Présentation

CorteX_uri_geller

Si en sciences, et notamment en physique, il est possible de donner sous certaines conditions un sens précis aux mots énergie, ondes, dualité, attraction, etc., l’utilisation et même la « réalité » de ces concepts n’ont de sens que sous les conditions et les limites strictes dans lesquelles elles ont été définies. Pourtant, ces termes sont réutilisés et réinterprétés (ce qui n’est pas un mal en soi) dans de nombreuses pratiques ou thérapies : non pour enrichir les savoirs, la connaissance et l’interdisciplinarité (processus normal de l’activité intellectuelle) mais bien plus pour donner un vernis scientifique et tromper l’esprit au son du mésusage de la langue, du dévoiement des concepts et faire obtenir l’adhésion à une kyrielle de pratiques dont les fondements et les preuves sont loin d’être assurés. Comment trier alors dans ce flot d’informations et d’affirmations sans être spécialiste ? On donnera quelques outils et pistes de réflexion pour faire ses choix en connaissance de cause.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Des « pouvoirs » du corps expliqués par des effets physiques

Sur l’utilisation du mot « énergie »

Sur l’effet impact

Sur l’effet paillasson

Utilisation et distorsion des chiffres : méfiance !

Présentation

CorteX_images_chiffres

Chiffres de la délinquance, du chômage, de la fraude aux allocations, de l’immigration, des dépenses publiques, de la croissance, du moral des ménages, du CAC 40, de la consommation : pas un seul journal télévisé, pas un seul quotidien qui n’étale multitude de chiffres et de graphiques. Pas un seul politicien, quelles que soient ses idées, qui n’ait pas recours à une avalanche de pourcentages. Comment se prémunir de ce matraquage de données chiffrées ? Comment lutter contre la « mathophobie » qui nous rend si vulnérables ? Nous essaierons de répondre à toutes ces questions et celles que vous ne manquerez pas de poser !

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut commencer par lancer un débat sur l’utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Revenir aussi sur l’utilisation des chiffres et statistiques dans les médias en questionnement les élèves sur des exemples qui leur sont familiers (JT, documentaires, publicité)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Vidéos : comment tromper avec des graphiques et effet cigogne

Le football et les mathématiques

Loi binomiale et échantillonnage

Sur la « prédiction » des crimes et l’outil statistique

La « Nature » : un pilier des argumentaires pseudoscientifiques

Présentation

CorteX_savon_naturel

Bien que le sens du mot naturel puisse paraître évident, quand on prend un stylo et qu’on essaie d’en donner une définition, on en arrive assez rapidement à se tordre les neurones. Sur quelles idées reposent les différentes définitions de la Nature que l’on rencontre régulièrement dans les médias grand public ou les publicités ? Quelles sont les représentations qu’elles créent dans nos esprits ? Nous verrons que, loin d’être anodines, ces idées peuvent induire non seulement certaines adhésions pseudo-scientifiques, mais surtout des catégorisations sociales dites essentialistes, où l’on postule la nature d’un individu pour le classer selon des critères racialistes ou sexistes.
Des thérapies naturelles au retour vers la nature, de la nature de l’espèce humaine à l’essence de la féminité, nous verrons ainsi en quoi les concepts naturels sont des vecteurs de certaines idéologies et systèmes de domination qu’on penserait disparus.

Public concerné

Elèves de première ou terminale uniquement

Préparation

– On peut demander aux élèves, en petits groupes de 3-4, de s’entendre sur une définition commune du mot « nature ». Ensuite, proposer aux élèves de trouver des exemples où l’on utilise ce mot dans la publicité (« c’est naturel ») ou dans des expressions communes en insistant sur l’aspect moral du jugement qui en découle (c’est bien ou mal d’être naturel ou pas)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article développant le contenu de la conférence

Science et médecines alternatives : faire ses choix en connaissance de cause

Présentation

CorteX_homeopathie

Les médecines non conventionnelles rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès du public. Rejet de la médecine « officielle » et « scientifique » ? Peur d’anciens et nouveaux scandales sanitaires ? Attirance pour des thérapies « naturelles », « alternatives » ou « douces » ? Les raisons sont multiples. Mais ce succès est-il pour autant le signe d’une efficacité spécifique réelle ? Les enjeux sont grands et nous concernent tous et toutes car à la santé se greffent bien souvent des questions financières et de choix technopolitiques (pharmaceutiques et/ou thérapeutiques). Les dérives régulièrement recensées, comme les diverses aliénations mentales, nous poussent à nous interroger sur ces pratiques de plus en plus à la mode. La démarche scientifique peut-elle nous aider à répondre à ces questions ? Quels outils critiques peut-on utiliser pour faire des choix en connaissance de cause ?

Public concerné

Élèves de terminale de préférence

Préparation

– On peut demander aux élèves de se réunir par groupes de 3-4 pour définir ensemble les mots « médecine », « science », et, selon le niveau, « placebo ». Puis lancer le débat sur la différence entre science et médecine, sur la notion de placebo et sur les critères qui nous font adhérer à une thérapie donnée. L’idée étant de différencier les types de registres : scientifique, moral, politique, économique.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur les médecines « alternatives »

Science et créationnismes : un état des lieux

Présentation

The_tree_of_life_v2_by_life1_version2

De nombreux enjeux politiques, économiques, technologiques et sociétaux, auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines ne peuvent être appréhendés sans connaissance scientifique : changement climatique, OGM, genres, transhumanisme, nouvelles énergies, etc. Dans la mesure où chaque citoyen ne peut être expert dans tous les domaines, sa capacité à distinguer un discours scientifique d’autres types de discours (idéologiques, religieux) est indispensable pour une démocratie. Or, depuis environ 20 ans, des courants d’inspiration religieuse tentent d’infiltrer les systèmes éducatifs de nombreux pays européens pour promouvoir une vision religieuse du monde en instrumentalisant la science : il s’agit de mouvements créationnistes. Cette intrusion spiritualiste pose le problème de la démarcation entre science et croyances. Comment faire la distinction entre ces différents discours ? En quoi l’instrumentalisation du discours scientifique est-elle un enjeu politique ? Les questions soulevées par ces thématiques sont au cœur des pratiques scientifique, citoyenne et politique actuelles.

Public concerné

Terminales de préférence, premières selon le contexte.

Préparation

– Demander aux élèves de définir, par petits groupes de 3-4, les mots « religion », « science », « croyance » et « créationnisme ». Lancer le débat en questionnant les élèves sur les liens entre science et religion, entre scientifiques et croyances.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une conférence filmée de Julien Peccoud

Une autre conférence filmée de Julien Peccoud

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Présentation

CorteX_12_Quanta_relax

Théorie fascinante, toujours en élaboration, la physique quantique est devenue un véritable marronnier de la vulgarisation des sciences, à grands coups de mises en scène nimbées de mystère. Cela serait sans réelle conséquence s’il n’était tout un marché naissant, poussant telle une mousse sur le travail d’Einstein, Heisenberg et leurs continuateurs : techniques de bien-être quantique, thérapies et médecines quantiques soignant les cancers, quand il ne s’agit pas de justifier n’importe quel scénario surnaturel au moyen d’une mécanique quantique revisitée qui n’a plus grand chose à voir avec l’originale. Le quantique a bon dos. Or, comprendre cette physique nécessite un temps d’apprentissage que le public n’a probablement pas. On présentera donc un guide de première nécessité, un modeste guide de survie épistémologique pour tenter d’éventer les baudruches que certains affairistes «quantiques» n’hésitent pas à agiter comme des lanternes. Une mélopée rationnelle parmi les cantiques quantiques. Une mince chandelle dans la physique de l’infiniment petit.

Public concerné

Uniquement terminales ou premières scientifiques

Préparation

– On peut demander aux élèves de définir, en petits groupes de 4-5, le terme « quantique » et de différencier sa définition et sa connotation. Lancer le débat sur la présence de ce terme dans les médias avec des exemples de couverture de Science et Vie par exemple.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur une couverture de Science et Vie

Un article reprenant la conférence

Sur les implications philosophiques

Zététique : esprit critique es-tu là ?

Présentation

Pyrrhondelis

Le terme zététique (du grec zétèin signifiant chercher) remonte à quelque deux mille trois cents ans. Désignant une attitude de refus envers toute affirmation de type dogmatique, Pyrrhon d’Élis fut le premier des zététiciens : remise en question permanente et doute radical étaient ses marques de fabrique. La zététique aujourd’hui, c’est la méthode scientifique d’investigation des phénomènes « surnaturels », étranges, des théories bizarres : balayant un spectre allant des monstres mystérieux en passant par les poltergeists, les ovnis, ou même la radiesthésie, la télékinésie, la télépathie, jusqu’aux thérapies non conventionnelles, le cœur de la zététique réside dans une méthode d’analyse commune à tous ces phénomènes et appropriable par tout un chacun : la démarche scientifique. Pour mettre en pratique cette démarche, des protocoles expérimentaux sont élaborés pour tester concrètement les affirmations contenues dans ces phénomènes.
La base de la zététique est donc le doute, mais un doute fertile, permettant d’examiner et d’aller vérifier les affirmations produites, les faits soi-disant avérés, de trier parmi les hypothèses pour, in fine, faire ses choix en connaissance de cause. Plus qu’une simple démarche, c’est une pédagogie à l’esprit critique : savoir discerner le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux, savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question par la prise de conscience de la part d’affectivité et de l’influence de préjugés ou de stéréotypes sur nos croyances et nos adhésions.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une page entièrement dédiée à la zététique

La chaîne youtube « La tronche en biais »

Scénarios complotistes et autodéfense intellectuelle : comment exercer son esprit critique ? (suite)

Dans le cadre de nos enseignements et conférences, nous sommes régulièrement sollicités pour fournir des outils d’analyse des scénarios complotistes, notamment en raison des mécanismes et biais qui contribuent à rendre ces scénarios si séduisants. A l’instar de ce que la métaphore du pêcheur 2 suggère, nous sommes convaincus qu’il est plus utile de fournir au public des outils et des techniques permettant de faire la distinction entre recherche scientifique sur les complots et conspirationnisme peu étayé, plutôt que de se borner à déconstruire les quelques scénarios complotistes en vogue.

Nous avons expliqué en détail la progression que nous suivions pour aborder ces questions ici. Cet article, publié dans les Cahiers Pédagogiques1,  développe plus précisément nos outils pédagogiques pour analyser les arguments probabilistes souvent utilisés dans les thèses conspirationnistes.

Coïncidences et scénarios conspirationnistes

De nombreux enseignants sont confrontés à des élèves qui adhèrent à des scénarios conspirationnistes peu étayés reposant essentiellement sur un ensemble de coïncidences qui leur semblent trop étranges pour n’être dues qu’au hasard. C’est un problème plus profond qu’il n’y paraît. En effet, bien que la proportionnalité, les probabilités et les statistiques soient abordées tout au long de la scolarité, la psychologie cognitive nous apprend que nous n’en restons pas moins sujets à toutes sortes de biais qui rendent très peu fiables nos intuitions concernant les pourcentages et les statistiques. Et ce sont les mêmes erreurs de raisonnement qui nous conduisent à nous amuser d’une coïncidence – j’ai rêvé d’un cousin lointain que je n’ai pas vu depuis 5 ans et il m’a appelé le jour même – aussi bien qu’à nous laisser convaincre par certains argumentaires conspirationnistes reposant uniquement sur la réalisation de faits que l’on pensait pourtant très peu probables.
De ce constat est née l’idée de travailler spécifiquement sur la déconstruction de ces biais, en prenant garde à ne pas laisser entendre qu’un complot est nécessairement une vue de l’esprit. Il existe des complots étayés, et l’objectif est bien d’apprendre à jauger la force ou la faiblesse des arguments avancés pour défendre chaque thèse.

Certaines séquences présentées ci-dessous ont été élaborées pour des étudiants scientifiques (L2) par des membres du Cortecs, mais ont été reprises et adaptées pour des élèves de 6ème et 5ème par des enseignants du secondaire2Merci à M. Margerit, M.-H. Hilaire et V. August pour leurs retours[\ref].

La première étape vise à repérer, analyser et déconstruire quelques arguments aussi courants que fallacieux en partant d’un scénario satirique type « vérité cachée » issue de l’émission Le Before (Canal+) : « Jésus est né en Provence ». Après la projection, les élèves sont invités à recenser les différents arguments avancés pour étayer cette fausse thèse et à discuter de leurs limites. C’est l’occasion d’expliquer

  • que l’on trouve plus facilement ce qu’on cherche,
  • que nous sommes tous sujets à de la validation subjective,
  • qu’il est nécessaire de poser des critères précis pour (in)valider un test (par exemple, si la région PACA est un triangle inversé, à partir de quand valide-t-on qu’une forme géométrique est presque un triangle ? ),
  • éventuellement, suivant les niveaux, d’expliquer les écueils du raisonnement à rebours,
  • qu’il est problématique de ne pas s’être assurés que ces coïncidences ne touchaient que la Provence.

Pour favoriser la sérénité des discussions qui peuvent avoir lieu par la suite, il nous semble important de terminer cette étape en prenant quelques précautions : le fait que les arguments soient faibles ne permet pas de conclure que la thèse est fausse. En revanche, rationnellement, il est légitime de demander à un tenant de cette thèse des arguments plus solides, et de revenir sur deux maximes fondamentales : une affirmation extraordinaire nécessite une preuve solide et la charge de la preuve incombe à celui qui prétend.

Coïncidences et vérités cachées

Dans un deuxième temps, pour consolider ce qui vient d’être détaillé et montrer que si on cherche des coïncidences, on en trouve, les élèves se mettent par deux pour un petit concours  : chaque paire d’élèves doit recenser le maximum de leurs points communs (nombre de lettres dans leur prénom ou dans le prénom des parents, nombre de frères et sœurs, dates ou mois de naissance, somme des chiffres de la date de naissance, lieu de naissance etc.). En dix minutes, chaque groupe trouve entre dix et vingt points communs…

Pour la séance suivante, les élèves auront pour mission d’écrire leur propre fausse « vérité cachée » qu’ils exposeront aux autres avec, pour consigne, de commencer leur exposé par une phrase résumant la fausse thèse qu’ils prétendent défendre. L’objectif est d’ancrer le fait que, si l’on accepte ce type d’argumentaire, il devient possible de démontrer à peu près tout et n’importe quoi.

Pour approfondir cette séquence, on pourra également travailler plus précisément deux biais cognitifs importants.

Michael Jackson et le nombre 7

Le premier concerne notre sous-estimation de certaines probabilités : ce n’est pas parce qu’un événement nous semble très peu probable qu’il l’est réellement. Partons de l’affirmation « le chiffre de Mickael Jackson est le 7 » et de la tentative de preuve suivante :

  • Mickael Jackson a signé son testament le 07 07 2002
  • la cérémonie lui rendant hommage s’est tenue le 07 07 2009 (remarquons à ce propos que 2009 – 2002 = 7)
  • il était le 7ème enfant d’une famille de 9.
  • il y a 7 lettres dans son prénom et dans son nom
  • il est né en 1958 : 19+58=77

Outre tous les biais évoqués dans la première étape, il s’agit ici de se demander s’il est si étonnant que le chiffre 7 apparaisse dans la vie de M. Jackson. Une réplique courante est de comparer cette fréquence d’apparition à celles d’autres chiffres (par exemple 5 ou 3). Nous n’avons en revanche encore jamais rencontré quelqu’un rétorquant spontanément qu’il est tout simplement banal qu’un nombre soit relié à 7. Pourtant, si l’on regarde la liste des nombres de 1 à 400, plus de 42 % d’entre eux ont un lien avec 7 (multiple de 7, commence ou finit par 7, la somme des chiffres est un multiple de 7, la somme théosophique est 7). Ce travail d’identification des nombres reliés à 7 peut être fait par les élèves – en coloriant les cases dans une grille -, quitte à répartir le travail par tranche de 100 nombres. On pourra aussi leur proposer de trouver tous les nombres entre 1 et 100 en lien avec leur chiffre préféré et comparer.

Enfin, ce n’est pas parce qu’un événement a une faible probabilité d’apparition qu’il est impossible qu’il se réalise. Tout dépend en effet du nombre d’essais, de tentatives, de répétitions pour le faire apparaître. Pour comprendre cela, dans une classe d’au moins 32 élèves, nous notons au tableau une chaîne de 5 « pile ou face », puis nous demandons aux élèves de lancer chacun 6 fois d’affilée une pièce en se concentrant sur la combinaison au tableau. Statistiquement, un élève tire la bonne combinaison, mais, pour ne pas être pris au dépourvu, il faut prévoir les rares cas où cet événement ne sera pas réalisé – on pourra émettre l’hypothèse qu’ils n’étaient pas assez concentrés et les faire recommencer. Attention toutefois à prendre le temps de déconstruire ce raisonnement à la fin le cas échéant. L’enseignant anime la discussion qui suit pour expliquer ce « phénomène ».

Afin de complexifier les échanges, on pourra répéter l’expérience et discuter du résultat (est-il probable que ce soit le même élève ? Est-ce impossible ? ) ou faire le même exercice avec une séquence de 10 « pile ou face » au tableau (est-il probable qu’un élève tire la bonne séquence ? Est-ce impossible ? )

Pour conclure, on illustre tout cela sur un cas concret : un extrait vidéo défendant la thèse « Hollywood savait pour les attentats du World Trade Center ».

Ajoutons que ce type de séquence s’adapte facilement pour d’autres niveaux, notamment sur la question des probabilités et des statistiques qui peuvent faire l’objet d’une analyse théorique et pratique plus poussée selon les classes concernées: d’autres séquences sont disponibles sur le site du Cortecs

Scénarios complotistes et autodéfense intellectuelle : comment exercer son esprit critique ?

Dans le cadre de nos enseignements et conférences, nous sommes régulièrement sollicités pour fournir des outils d’analyse des scénarios complotistes, notamment en raison des mécanismes et biais qui contribuent à rendre ces scénarios si séduisants. A l’instar de ce que la métaphore du pêcheur 1 suggère, nous sommes convaincus qu’il est plus utile de fournir au public des outils et des techniques permettant de faire la distinction entre recherche scientifique sur les complots et conspirationnisme peu étayé, plutôt que de se borner à déconstruire les quelques scénarios complotistes en vogue. Dans cet article, nous décrirons les différentes étapes d’une conférence/cours/atelier (ces étapes peuvent être adaptées selon le temps disponible) dont l’objet est justement d’outiller toute personne qui souhaite se positionner face à ces affirmations conspirationnistes.

[TOC]

Étape zéro : les précautions à prendre

En guise d’étape préalable pour toute intervention sur les complots et les scénarios complotistes, il convient de rappeler que l’histoire regorge d’exemples de complots avérés. Les conspirationnismes se fondent dès lors sur cette réalité du complot. Par exemple, nous avons pour habitude de donner l’exemple du putsch de la Cagoule, tentative de coup d’État avorté dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, soutenu par plusieurs dirigeants de grands industriels français et visant à installer au pouvoir un régime proche de l’Allemagne nazie, de l’Espagne du général Franco et de l’Italie fasciste 3.

Il peut être aussi utile, dans le climat actuel où la pensée critique est posée en remède de la radicalisation d’expliquer qu’aucune donnée ne semble attester que les personnes adhérant aux conspirationnismes sont plus idiotes que la moyenne 6. Il apparaît même que la formation à la pensée analytique joue un rôle de levier dans l’adhésion à de telles thèses. L’objectif de notre atelier n’est donc pas de ramener les personnes adhérant aux scénarios conspirationnistes dans le droit chemin mais de fournir, à tout individu séduit par ces scénarios, les outils pour mettre à l’épreuve ces « théories » et comprendre l’intérêt des démarches d’investigations rigoureuses et scientifiques face à l’élaboration de récits fantaisistes et peu étayés.

Ensuite, il conviendra de se mettre d’accord sur la définition des complots et de la démarche scientifique. Pour le second point, citons notre collègue Richard Monvoisin :

« Le mot Science désignera la démarche intellectuelle créée par les humains pour énoncer les choses les plus vraisemblables possibles sur la réalité. Cette démarche n’est évidemment pas la seule pour contempler le réel : l’introspection, la méditation, l’art sont autant de moyens respectables. La science n’explique pas tout, bien sûr, mais elle a ceci de particulier qu’elle a été forgée pour faire sortir nos affirmations du cadre personnel et pour dire des choses généralisables à tous, qui se transmettent et se vérifient, ceci que l’on soit Ossète, Zambien ou Luxembourgeois. […] La science est un peu le contrôle qualité des prétentions d’efficacité, non parce qu’elle l’a décidé au nom d’un diktat intellectuel quelconque mais parce qu’elle a été créée pour ça. C’est ce contrôle qualité qu’on a fini par appeler science. Elle ne sait pas ce qui est le « mieux » – le mieux dépend du ressenti de chacun – mais elle peut dire si la marchandise est truquée ou de qualité, si la publicité est mensongère ou pas 7. »

Pour la définition des complots, deux options sont possibles, en fonction du temps imparti : élaborer collectivement une définition ou discuter des traits saillants des définitions existantes. Ainsi, lors de plusieurs ateliers pour des élèves de tous niveaux au collège, Clara Egger a amorcé une discussion autour des définitions suivantes 8 :

  • Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
  • Résolution concertée de commettre un attentat et matérialisée par un ou plusieurs actes.
  • Par extension, projet plus ou moins répréhensible d’une action menée en commun et secrètement

Cette première base permet, ensuite, d’introduire la définition d’un scénario complotiste comme récit « alternatif » qui prétend bouleverser de manière significative la connaissance que  nous avons d’un événement et donc concurrencer la « version » qui en est communément acceptée, stigmatisée comme « officielle » 9.

Ces étapes préalables s’avèrent particulièrement importantes pour s’assurer qu’intervenant et public partent sur des bases de réflexion communes. Il ne faut donc pas hésiter à s’y arrêter et à y consacrer du temps.

Première étape : la charge de la preuve

Après avoir présenté oralement un scénario complotiste visiblement absurde, on demande aux élèves de prouver que cette « théorie » est fausse. En fait, la démonstration demandée est impossible. Exemple utilisé récemment : ce sont les chauves qui dirigent le monde politique et médiatique français (voire mondial) depuis des années. Prouvez-moi que c’est faux !

Quelques réactions d’élèves : « Et Sarkozy, Obama, Merkel alors ? » Réponse : ils ont une perruque ! Autre réaction : « Prouvez-nous que c’est vrai !« 

C’est en effet la bonne question à poser. On introduit alors la notion de charge de la preuve.

  • Outillage : c’est à celui qui présente une affirmation qui sort de l’ordinaire de donner les preuves de ce qu’il affirme.

Deuxième étape : réfutabilité et biais de confirmation

Par leur construction, les scénarios complotistes se présentent presque toujours comme insensibles aux réfutations, immunisés face aux arguments opposés. Mais quelle valeur accorder à une affirmation dont on ne pourra évaluer la fausseté ? Dans quelle mesure une telle affirmation pourra concurrencer telle autre, immunisée aussi contre toute contradiction ? Concrètement, on peut demander comment départager deux scénarios complotistes, par exemple sur l’apparition du SIDA (créé « pour tuer les Noirs » versus créé « pour tuer les Gays »), si aucun argument n’est en mesure de démontrer la fausseté ni de l’un ni de l’autre ? Pire, si l’on accepte un de ces scénarios incontradictibles, alors il faut accepter tous les scénarios de ce type : complot chauve, complot Ummite, ou complot du CorteX (si si!) et tant d’autres. Dans un tel cas, nous avons recours à l’épistémologie, en revenant sur la notion de réfutabilité pour mettre à l’épreuve les affirmations ou les scénarios 10 ayant l’ambition de décrire le réel au plus près de ce qu’il est. Y a-t-il un intérêt à discuter avec une personne qui n’aura jamais tort ? Et qui sera toujours capable de trouver une explication pour rendre compte des preuves contraires à ses affirmations ? La réponse est simple : sans possibilité de réfuter une « théorie » ou une affirmation prétendant décrire le monde, celle-ci ne peut prétendre à concurrencer des versions réfutables.

On utilise la diapo suivante :

La première question à poser est donc celle-ci : existe-t-il un argument/une expérience qui pourrait montrer que la « théorie » est fausse ? Si non, votre interlocuteur s’enferme dans l’irréfutabilité au sens défini ci-dessus. Si oui, alors examinons le/la.

L’intérêt d’une telle étape est double : d’abord, elle permet à chacun de jauger le type d’affirmation qu’elle énonce . Est-elle réfutable ? Mon interlocuteur est-il en capacité de trouver des arguments qui, s’ils étaient acceptés, pourraient rendre caduque son affirmation ? Ensuite, elle permet de ne pas se laisser enfermer dans une discussion souvent perdue d’avance, notamment quand un public est présent. En effet, on se retrouve très souvent face à, non pas un, mais une kyrielle d’arguments produits : toute tentative de contradiction, même impeccable, devient alors inefficace car hors de portée dans le temps imparti. On fait alors le pari de cadrer la discussion autour d’un ou deux arguments majeurs, évitant l’écueil d’une régression vers l’infini, débouchant sur l’inévitable : « de toute façon, vous faites parti du complot vous aussi ».

Complot_chauves

Suite à cette partie sur la notion de réfutabilité, une question vient souvent à l’esprit des participants : pourquoi chercher des arguments démontrant la fausseté ? Pourquoi ne pas tout simplement chercher les faits qui étayent notre « théorie » ? Cela devrait suffire ? Pour bien faire comprendre la différence entre « chercher des confirmations » et « chercher des réfutations », on présente alors un exemple (les « preuves » qui attestent de la « théorie » absurde présentée au début : dans ce cas, des photos de chauves…) pour mettre en avant que la recherche de preuves est orientée dans le sens de nos idées : c’est le « biais de confirmation », notre tendance (paradoxalement opposée au doute et l’examen critique) à confirmer nos hypothèses et idées plutôt que tenter de les réfuter 11.

Un autre exercice de mise en scène permet de sensibiliser au biais de confirmation des hypothèses. Nous l’avons testé à plusieurs reprises. Il s’agit, en début de présentation, d’expliquer que notre présence dans la classe n’est pas due au hasard. En effet, nous sommes venus pour les alerter sur l’existence d’une conspiration touchant le collège/ le lycée et se matérialisant par une surreprésentation d’un chiffre (laissé au choix de l’intervenant). On peut ensuite proposer aux élèves de mener l’enquête par groupe, dans l’ensemble de l’établissement. Voici quelques exemples de résultats, ici ou .

Troisième étape : rumeurs et vérification de la source de l’information

Rumeurs_Tigre

La troisième étape consiste à faire prendre conscience des mécanismes qui permettent la mise en place de rumeurs. On commence par présenter l’histoire du « tigre » de Seine et Marne pour pointer la nécessité de vérifier d’abord l’information avant de conclure. L’histoire de la dent d’or de Fontenelle est éclairante à ce propos.

  • Outillage : assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause

Un extrait de la vidéo suivante permet de présenter un travail de vérification de l’information appliquer à des cas concrets :

Quatrième étape : valeur du témoignage et niveau de preuve

Robe_illusion

La quatrième étape consiste à faire prendre conscience qu’un ou plusieurs témoignages ne peuvent constituer une preuve suffisante. On fait le lien avec les rumeurs à l’aide de l’image de la robe bleue et noire (ou blanche et dorée, voir ci-contre, pour une mise en contexte voir ici) qui s’est propagée sur les réseaux sociaux, puis on utilise quelques illusions et autres paréidolies pour montrer que nos sens nous trompent.

Il est donc nécessaire, face à une information surprenante et qui sort du cadre habituel ou des connaissances actuelles sur un sujet donné, de demander plus que des témoignages, des photos ou vidéos. Pour faire comprendre l’importance d’aller plus loin que de simples images, nous utilisons trois exemples en posant à chaque fois deux questions aux élèves : nous croyez-vous ? Si non, quelle « preuve » vous suffirait pour vous convaincre : une photo ? Une vidéo ? Autre ?

1er exemple : ce matin j’ai vu une voiture noire

2ème exemple : ce matin j’ai vu un tigre sur le Vieux-Port (lieu à adapter au public…)

3ème exemple : ce matin j’ai vu un dragon se poser sur le toit de ma maison

En principe, tout le monde accepte la première affirmation sur la base du témoignage. Pour la seconde, une photo suffit généralement. La troisième n’est validée par aucun support proposé, les arguments avancés étant qu’il est bien plus facile de truquer une vidéo que de croire à l’existence des dragons. On énonce alors une règle assez simple à retenir : une affirmation extraordinaire – en l’état de nos connaissances – nécessite une preuve solide (en tout cas plus solide qu’une photo ou une vidéo, celles-ci pouvant être aisément truquées ou soumises à interprétations).

Cela permet de questionner les fameuses « preuves » qui étayent certains scénarios complotistes, comme la couleur des rétroviseurs de la voiture utilisée lors des attentats de janvier 2015. Cette vidéo réalisée par le site Spicee revient sur cet argument :

  • Outillage : une affirmation extraordinaire nécessite une preuve solide.

Cinquième étape : l’étouffement cognitif

On présente une vidéo complotiste (attentat CH) pour illustrer la technique du mille-feuille argumentatif 12 :

Presque tout le monde ressent cette impression de doute créée par l’empilement d’arguments de piètre qualité et qui provoque une sorte d’étouffement cognitif : alors que chaque argument pris indépendamment semble insuffisant, leur empilement successif nous pousse à penser que tout ne peut pas être faux. S’ajoute aussi notre incapacité à être expert de tous les sujets : les faits relatés peuvent alors nous apparaître comme surprenants, étranges voire en contradiction avec nos connaissances (réduites) sur le sujet en question, entretenant ainsi une forme de suspicion quant aux explications officielles. Afin de nous positionner et décider de la vraisemblance d’un énoncé ou d’une hypothèse, il est donc utile de garder à l’esprit qu’une succession de témoignages et d’affirmations dont nous n’avons pas vérifié la réalité n’est pas suffisante pour valider une quelconque théorie (d’autant plus si elle sort de l’ordinaire).

  • Outillage : un mauvais argument + un mauvais argument ne fait pas une bonne argumentation

Lors de cette étape, une discussion s’engage souvent avec les participants sur le nombre de preuves et la qualité des preuves nécessaires pour étayer une théorie. Ici on pourra faire référence à la métaphore de l’enquête policière pour montrer que d’une part, toutes les preuves ne se valent pas et que d’autre part, l’incapacité de fournir une preuve très solide conduit parfois à devoir poursuivre les recherches pour accumuler un faisceau de preuves qui, prises ensemble, permettent d’accroître la force explicative de la théorie développée. Par exemple, si le flagrant délit est une preuve de très grande qualité, il est rare de surprendre un meurtrier sur la scène du crime. Dès lors, un enquêteur devra accumuler un grand nombre de traces empiriques pour prouver la culpabilité d’un suspect.

Sixième étape : le bizarre est possible

Cette étape consiste à faire prendre conscience que nous avons une mauvaise appréhension/compréhension des coïncidences et du hasard. On démarre avec une vidéo de coïncidence extraordinaire pour faire émerger le biais de la négligence de la taille d’échantillon :

Ce biais peut être illustré facilement avec l’exemple de la loterie nationale. Comment réagir face à un événement dont la probabilité de réalisation est visiblement très très faible ? Réponse apportée : ne pas oublier la taille de l’échantillon, c’est-à-dire le nombre d’occurrences, de tentatives. Dans le cas de l’oiseau, le nombre de lancés de balle de base-ball ; pour le loto, le nombre de grilles cochées. Un jeu qui permet de balayer cette négligence de la taille de l’échantillon consiste à demander aux élèves présents de deviner le résultat d’un tirage au sort. On lance par exemple 7 fois une pièce et on fait le pari qu’un élève au moins trouvera la bonne combinaison. La probabilité étant faible (p=1/128), on espère que le nombre d’élèves présents suffise à voir la « prédiction » se réaliser. Si moins d’élèves sont présents, il suffit de ne faire que 6 jets (p=1/64). L’avantage d’une telle expérience réside dans la visibilité immédiate du nombre de participants, et donc du nombre de tentatives : il parait alors beaucoup plus facile de comprendre le succès d’une personne quand on observe tous les « perdants »…

Coïncidences_1

Coïncidences_2

On présente ensuite une série de coïncidences sur certaines théories du complot (carte d’identités retrouvées, secours mobilisés le même jour, voir diapo ci-contre) et on applique les conclusions précédentes à ces coïncidences : avons-nous pensé à la taille de l’échantillon ? Il faudrait connaître pour cela le nombre d’attentats commis dans le monde, quel que soit le pays et l’époque ce qui est presque impossible, mais tout le monde s’accorde pour dire que ce nombre est plutôt grand. Il faudrait aussi s’entendre sur ce que l’on appelle « coïncidence », car il est facile de rapprocher deux faits concomitants puis déclarer ceux-ci comme extraordinaires.  Provoquant les réponses des élèves par rapport au fait que « trop de coïncidences c’est louche » (voir commentaires forum attentats Paris), on diffuse une vidéo humoristique (voir ci-dessous) qui met l’accent sur des coïncidences surprenantes et qui, d’après les auteurs, ne peuvent s’expliquer que par la « théorie » complotiste soutenue. Est-il si extraordinaire de trouver des coïncidences ? Non, il suffit d’en chercher et, selon l’envie, de les mettre en scène avec un tri parfois très sélectif. C’est un travail facilement présentable et qui consiste à mettre en avant le tri sélectif des données : retenir les expériences concluantes et cacher les échecs. Ce travail consiste, selon le temps à disposition, à demander aux élèves de rechercher, deux par deux, toutes les coïncidences communes (dates et lieux de naissance, prénom, adresse, informations sur la famille, les amis, les lieux de vacances, les chiffres, etc.). On peut aussi réaliser une vidéo qui, coupée au montage, ne montrera que les « exploits » réalisés, comme c’est le cas avec ces lancers de canettes (en utilisant le bêtisier pour relativiser l’exploit) ou cette performance de Rémi Gaillard.

Cette étape est décrite plus précisément dans un article publié dans les Cahiers pédagogiques13, que nous avons reproduit ici.

Vidéo du Before de Canal+ :

  • Outillage : le bizarre est possible (voire probable)

Septième étape : le rasoir d’Occam

L’utilisation d’un outil pour trancher parmi les hypothèses, à savoir le rasoir d’Occam, permet d’introduire une règle de décision rationnelle fondée sur le principe de parcimonie : privilégier les hypothèses les moins coûteuses, celles qui ne demandent pas d’ajouter des « entités » supplémentaires et inutiles.

Manier le rasoir d’Occam implique donc, dans un premier temps, de confronter son hypothèse ou sa théorie à un ensemble d’hypothèses ou théories rivales pour sélectionner celles qui sont les plus parcimonieuses. Dans un second temps, il faut  s’engager dans des tests empiriques afin de rejeter les hypothèses qui échouent à expliquer les événements ciblés. Pour les scénarios complotistes, la phase empirique est souvent impossible à conduire soi-même et il nous faut alors évaluer les suppositions nécessaires, en regard avec ce que nous savons déjà, pour que soit acceptée la version alternative. Par exemple, les connaissances que nous avons sur le fonctionnement des avions nous permet de comprendre les traînées qu’ils laissent dans le ciel (traînées dues à la condensation, et que certains nomment pourtant les chemtrails) sans qu’il soit nécessaire d’aller chercher des hypothèses sur un complot mondial visant à contrôler la population ou modifier le climat. De même, ce que nous savons des stratégies des groupes recourant à l’action violente et des déterminants des attentats permet de mieux expliquer les attentats de Paris en novembre 2015 sans ajouter d’hypothèses coûteuses comme la complicité de l’État français. Cela ne revient pas à blanchir l’État français de tout complot mais à bien cibler les types d’agissement les plus probables. En effet, les exemples historiques attestent que, quand la France souhaite intervenir à l’étranger, elle dispose de moyens moins coûteux mais tout aussi peu avouables (fabriques de preuves, instrumentalisation de mouvements rebelles et de groupes d’opposition,…) que la réalisation d’attentats contre sa propre population.

Dernière étape : comment distinguer un complot étayé d’un complot qui ne l’est pas

Il nous paraît important de conclure en revenant sur le fait qu’il existe des complots étayés, pour ne pas laisser entendre que toute théorie conspirationniste est fausse. Il n’existe pas, à notre connaissance, de critères imparables. Nous pouvons quand même énoncer quelques pistes : la première est de se rappeler que les médias n’occultent pas toujours des faits qui nuisent aux gouvernements ou aux institutions (citons par exemple, les affaires Nayirah, Mediator, test de pollution chez Volkswagen, Panama papers etc.) ; toute vérité dérangeante ne reste donc pas systématiquement dans les oubliettes, même s’il faut parfois attendre longtemps avant qu’elle n’arrive dans l’espace public. En particulier, les médias d’investigation lente sont des sources d’information particulièrement précieuses.
Ensuite, avant de valider une information, il est nécessaire de s’assurer qu’elle repose sur des faits précis (date, lieu) et sur un ou des événements qui ont laissé des traces, toute la difficulté résidant dans l’évaluation de la fiabilité de ces traces (document officiel, vidéo, lettre, témoignage, enregistrement audio d’une réunion, etc.). Comme la plupart du temps nous n’avons pas d’accès direct à ces documents, avant d’accorder du crédit aux informations diffusées, il est primordial de se faire un avis sur la  qualité de la démarche d’enquête qui a été réalisée par la personne.

Un pas de côté

Il peut arriver que certaines personnes continuent à exprimer des positions conspirationnistes, en particulier pendant les moments de discussions ou de questions.
Cela peut s’expliquer notamment par la théorie de l’engagement ou la dissonance cognitive (en particulier, si un élève soutient depuis longtemps des thèses conspirationnistes non étayées, il lui sera très coûteux de renoncer publiquement aussi bien à ses convictions qu’à son statut d’initié). Déconstruire les arguments ne suffit pas toujours. Il peut alors être intéressant de lancer la discussion sur ses motivations : pourquoi est-il si important, selon lui, de passer du temps et de l’énergie à tenter de démontrer que les attentats du World Trade Center n’ont pas pu être réalisés sans la complicité de la CIA ? Est-ce pour montrer que le gouvernement états-unien a une politique impérialiste ? Mais il existe déjà de nombreuses recherches venant appuyer cette thèse. Alors pourquoi ne pas s’engager dans la continuité de ces démarches?
Si l’objectif affirmé est de révéler une vérité (ou une information perçue comme telle) pour induire un changement de société, la stratégie ne nous semble pas être la plus efficace. En effet, le temps passé à chercher des preuves est du temps qui n’est pas investi pour comprendre les rouages complexes de l’impérialisme, du néo-libéralisme, de fabrique de l’information, des systèmes de dominations, etc… Pourtant, comme le dit F. Lordon : « imaginons un monde sans Bilderberg ni Trilatérale ; ce monde hypothétique aurait-il évité la mondialisation néolibérale ? La réponse est évidemment non. Il s’en déduit par contraposition que ces conclaves occultes n’étaient pas les agents sine qua non du néolibéralisme, peut-être même pas les plus importants«  14.
Les explications proposées par de nombreux scénarios conspirationnistes non étayés sont problématiques parce que trop simplistes. Pire, elles nous dépossèdent de nos moyens d’agir.

Conclusion

Bien entendu, ce type de présentation prend du temps. Est-il nécessaire et efficace de prendre ce temps et de procéder ainsi ? Nous le pensons, car le sujet est suffisamment délicat pour éviter de se précipiter et provoquer certaines formes de tensions ou réactions hostiles voire véhémentes, pouvant potentiellement perturber nos interventions, et surtout, discréditer notre démarche. De notre expérience commune, ces réactions n’ont jamais été observées ce qui, nous en sommes conscients, n’est peut-être qu’une confirmation tombant sous la coupe du biais portant le même nom. Aussi, toute autre proposition pouvant améliorer notre approche sera prise avec le plus grand intérêt, voire intégrée dans cet article créé pour s’enrichir justement de toute contribution pertinente. A votre plume, à vos ajouts ! Nous contacter : contact @ cortecs.org

Critère de Popper et réfutabilité d'une théorie

L’irréfutabilité est le premier critère (non suffisant) de démarcation entre science et pseudoscience : toute théorie scientifique doit pouvoir potentiellement être réfutable, et par conséquent ne pas contenir sa propre réfutation. Ce critère de réfutabilité (ou de falsifiabilité) est désormais indissociable du nom de l’épistémologue autrichien Karl Popper.

Bien que soulevant un certain nombre de problèmes épistémologiques, il se révèle utile dans un grand nombre de confrontations avec les pseudosciences15. Il permet entre autres d’éviter le biais de confirmation d’hypothèse (BCH), travers psycho-cognitif qui fait que tout individu cherche activement et accorde un poids plus grand aux preuves qui confirment ses hypothèses, et par conséquent est capable d’occulter les contre-exemples qui contredisent sa théorie. Il permet aussi d’étayer épistémologiquement notre refus d’analyse des actes de foi, puisque une assertion du type « Dieu a créé l’univers » n’est pas réfutable16. Broch l’entend ainsi avec sa facette Z : une hypothèse est testable, réfutable. La nécessité d’un tel tri science réfutable / scénario irréfutable a déjà été montré au moyen de la théière de Russell, du Dragon de Sagan et Druyan et du culte de la Licorne Rose Invisible. Il devient alors possible de distinguer assez efficacement entre les « champs de croyance » des « champs de recherche » en regardant lesquels peuvent se soumettre à une scrutation scientifique sérieuse.

Pour les puristes : le critère de réfutabilité de Popper peut être rapproché d’un test de réfutabilité bayésien, si ce n’est qu’il opère en logique discrète (vrai ou faux) tandis que les domaines bayésiens font varier les valeurs de vérité sur un continuum de l’intervalle]0;1[.

Voici quelques exemples d’irréfutabilité piochés de-ci de-là.

Les stades ontogénétiques de Jean Piaget

Olivier Houdé est professeur de psychologie à l’Université Paris Descartes. Dans une émission dont nous vous avons déjà parlé (audible ici), il explique le caractère tautologique de la théorie des stades de l’ontogenèse de Jean Piaget.

Télécharger

Le Dr House

CorteX_house_mini

Célèbres sont les échanges entre le Docteur House et ses patients ou ses collaborateurs. Maître incontesté de la répartie, le personnage de la série éponyme cherche néanmoins à résoudre des énigmes médicales en apparence insolubles. Ses outils ? La démarche scientifique, la logique. C’est donc une ressource utile et ludique comme nous les aimons, permettant de traiter de sujets parfois ardus comme celui évoqué ci-dessous.

Dans l’extrait suivant (saison 7, épisode 8), le Dr. House commet visiblement une erreur en tentant d’utiliser face à son patient un argument qui ne peut – on s’en aperçoit à la toute fin de la séquence – le convaincre et pour cause : l’irréfutabilité d’une théorie est l’un des signes que nous n’avons peut-être pas affaire à une théorie au sens scientifique du terme (une argumentation comme on l’entend dans l’extrait) mais plutôt à un scénario, voire à un acte de foi dans ce cas précis. « Faith is not an argument » déclare le patient…

Extrait de la série Docteur House, saison 7, épisode 8. Pour voir directement la vidéo, cliquer ici.

Nous rappelons systématiquement dans nos enseignements que notre démarche (chercher à distinguer le » plutôt vraisemblable » du « plutôt faux ») ne peut s’appliquer à ces actes de foi : lorsqu’une affirmation est non réfutable comme dans cet exemple (« la punition est une preuve de Dieu et l’absence de punition aussi » soupire le Dr. House), c’est-à-dire lorsqu’elle contient elle-même sa propre réfutation, elle sort du champ de l’analyse scientifique et se cantonne à n’être qu’un scénario. Le piège ? Se retrouver confronté à des affirmations non réfutables de type « pile je gagne, face tu perds… » : dans tous les cas, je gagne. Voir venir le piège n’est pas évident.

Prenons l’exemple d’un patient en visite chez un thérapeute [1] :

Le patient : « J’ai des problèmes de couple, surtout au niveau sexuel…« 

Le thérapeute : « Vos troubles sexuels sont certainement liés à des attouchements dans votre petite enfance.« 

Le patient : « C’est impossible, je ne m’en souviens pas« 

Le thérapeute : « Justement, ce refoulement de vos souvenirs est bien la preuve que ces actes existent et ont causé les troubles dont vous souffrez« .

Ce qui peut se résumer ainsi (référence à une blague épinglée sur le mur du chef de Denis Caroti) :

Règle n°1 : le chef a raison ;
Règle n°2 : le chef a toujours raison ;
Règle n°3 : si quelqu’un d’autre a raison, lesouse deux premières règles s’appliquent…

Pour approfondir ce thème, on pourra lire :

– Alan Chalmers, Qu’est-ce que la science ? (Livre de Poche, Biblio essais, 1990) –> pour commencer.

– Karl Popper, La connaissance objective (Flammarion, 2006) –> un peu plus pointu.

DC & RM

Ateliers "esprit critique et analyse de l'information" à l'école primaire de Taninges

Rose-Marie Farinella Elkabach est enseignante à l’école primaire de Taninges et a développé une séquence pédagogique consacrée à l’analyse de l’information sur Internet à destination de ses élèves de CM2. Elle présente son travail sur le site de l’Inspection de l’éducation nationale de Cluses (académie de Grenoble), que nous relayons ici. On y trouve notamment la description des séances, mais également  une frise chronologique les accompagnant, les exercices et traces écrites des élèves, des enregistrements sonores ainsi que les évaluations. Un diplôme d’apprenti hoaxbuster est même remis aux élèves à la fin de l’atelier !

Voici la description de l’atelier et liens vers les ressources en ligne par Rose-Marie.

« Donner des clés pour faire la différence entre info ou intox sur le web dès le primaire », tel est l’enjeu d’une séquence d’éducation aux médias que j’ai conçue et expérimenté en CM2 l’an dernier et que je mets à nouveau en pratique cette année. Objectif: aider les élèves à devenir des cyber-citoyens qui ne se fassent pas manipuler. Des cours d’esprit critique pour apprendre à vérifier et trier les informations et faire barrage aux idées racistes, xénophobes et complotistes qui circulent sur le Net. Mon scénario pédagogique, ventilé en huit séances d’une heure trente, est indexé sur  PrimTice et Eduscol ainsi que sur le site de l’Inspection de l’Éducation Nationale de Cluses. Vous y trouverez la progression, exercices et traces écrites ainsi que les bilans détaillés des séances.

IMG_1509 dernier

A l’issue de la séquence les élèves reçoivent un diplôme « d’apprenti hoaxbuster« , dans une cérémonie au cours de laquelle ils prêtent serment sur la tête de la souris de leur ordinateur : « Avant d’utiliser ou de partager une information, toujours je la vérifierai ».

Sur le site de l’OBS, je raconte l’expérimentation avec les élèves. Un article complété par un papier sur le site web de France 24.

En guise d’avant-goût, voici le sommaire détaillé de la progression.

Séance N°1 : Ce qui est une information et ce qui ne l’est pas

* Tri de textes : un journal, ce n’est pas… un livre, un catalogue, un roman.

Les fonctions de différents types d’écrits

* Différences entre un article et la publicité

* Pourquoi les journaux insèrent-ils de la publicité ?

* Observation de publicités sur des sites d’informations sur internet

Séance N° 2 : Qu’est-ce qu’une information ? Qui la diffuse ? Observation de différents journaux de la presse écrite imprimée et en ligne. De l’importance de la mise en page

* Qui diffuse les informations ? Les différents médias

* Comparaison de « unes » de la presse écrite imprimée et en ligne

* Comment sont classées les informations ? Les rubriques

Séance N°3 : Qu’est-ce qu’une information ?

Entrer dans le cœur d’une information en décortiquant des brèves, en répondant aux questions « quoi ? », « qui ? », « quand ? », « où ? », « comment ? », « pourquoi ? »

Séance N°4 : le métier du journaliste. Comment travaille-t-il ? Comment traite-t-il l’information ? Points de vue. Objectivité/subjectivité

* Le métier du journaliste

* De l’importance de l’objectivité pour écouter et exposer les différents points de vue pour donner l’information la plus complète possible

Qu’est-ce qu’une fausse information ? Info ou intox, comment faire la différence ?

Séance N°5 Les « hoax »

* Tout ce qui est publié sur internet, n’est pas toujours vrai. De l’importance des sources. Toujours vérifier information avant de l’utiliser ou de la partager

* Comparer les « unes », du « figaro.fr » et du « gorafi.fr »

* Le jeu du « hoaxbuster »

*Pour préparer un exposé pour l’école, trier les informations, éviter les « copier-coller », attention aux moteurs de recherche qui mettent sur un même plan sites sérieux et sites mensongers

Séance N°6 Rumeurs et calomnies/ Conspirationnisme/ Racisme, xénophobie/Diffamation et menaces punies par la loi/ Photos truquées, légendes mensongères/Décryptage

* Rumeurs et légendes urbaines

* Les conspirationnistes sont très actifs sur la toile. Exemples : les attentats du 11 septembre 2001 et de « Charlie Hebdo » on été sources des rumeurs les plus folles

* Photos truquées, légendes mensongères/décryptage

* Ecrire et diffuser des calomnies, des injures, des propos racistes et xénophobes, c’est interdit par la loi

* Textes, photos et vidéos que l’on a postés sur internet sont quasiment impossible à effacer

*Les photos des stars et mannequins dans les magazines sont parfois tellement retouchées qu’elles ne reflètent pas la réalité

(Les six premières séances permettent aux enfants d’aborder des compétences du domaine 2 et 5 du B2i)

S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux : avantages, risques, règles de prudence. Élaboration d’une charte d’utilisation d’internet à l’école

Séance N°7 S’informer et communiquer sur internet et les réseaux sociaux, avantages, risques et règles à respecter/ Adopter une attitude responsable

Les autres compétences du domaine 2 du B2i non encore abordées

*droit au respect de son image, de son identité et de sa vie privée

*tenir compte des conditions d’inscription à un service en ligne, ne pas communiquer d’informations personnelles, protéger sa vie privée

*alerter l’adulte responsable, si l’on se trouve face un contenu ou à un comportement illicite ou déplacé

*vérifier les conditions d’utilisation d’un document

Séance N°8 Élaboration d’une charte illustrée d’utilisation du matériel informatique et d’internet à l’école

Elaboration d’une charte avec les différentes notions étudiées lors des précédentes séances. Illustration de cette charte par les élèves.

Marseille – UTL

Les cours du séminaire Esprit critique et autodéfense intellectuelle sont à télécharger chaque semaine sur cette page. Liens utiles, vidéos présentées et bibliographie sont également présents à la suite.

[TOC]

Cours n°1

Liens utiles et vidéos

– Illusion d’E.Adelson

 

– Cécité au changement (compter les passes)

 

– Expérience de D.J. Simons (cécité au changement)

 

– Test Whodunit ?

 

Le diaporama du cours n°1

Bibliographie

Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Normand Baillargeon, Lux, 2006

L’Art du doute ou comment d’affranchir du prêt-à-penser, Henri Broch, book-e-book.com, 2008.

Cours n°2

Liens utiles et vidéos

Un article sur le rasoir d’Occam

– Vidéo d’une « catalepsie » :

– Vidéo de Lazarus-mirages sur les guérisseurs philippins :

– Site internet de Lazarus-Mirages : http://www.lazarus-mirages.net/

Le diaporama du cours n°2

Bibliographie

– David Hume, Enquête sur l’entendement humain, 1748 : en ligne ici. Section 10 sur les miracles. A télécharger ici.

– Susan Haack, Le bras long du sens commun, 2003 : à télécharger ici. Un article récent à consulter également.

 

Cours n°3

Liens utiles et vidéos

– Sur le dragon dans le garage de Carl Sagan : le texte en ligne ici.

– Une vidéo sur les barreurs de feu : impossible à charger pour le moment mais la vidéo se trouve sur le site de l’émission.

– Un article sur le matérialisme méthodologique (expliqué en vidéo) : ici

– Un article sur la réfutabilité de K.Popper : ici

Le diaporama du cours n°3

Bibliographie

– Alan Chalmers, Qu’est-ce que la science ? (Livre de Poche, Biblio essais, 1990) –> pour débuter, problème de l’induction, et autres questions épistémologiques

– Karl Popper, La logique de la découverte scientifique, Payot,1989 (1968) –> sur la réfutabilité, plutôt corsé

– Bertrand Russell, Essais sceptiques, Les belles lettres, 2011 (1928)

– Bertrand Russell, Problèmes philosophiques, Payot, 1989 (1911)

 

Cours n°4

Liens utiles et vidéos

– Un article sur l’effet impact

– Un article sur l’effet paillasson

– Vidéo présentant un test du bracelet Power Balance :

 

– Vidéo présentant une machine « quantique » :

 

Vidéo présentant les travaux de Masaru Emoto (cristaux de glace)

–  Quantox : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces. Un article très complet de Richard Monvoisin à partir duquel il a publié ce livret.

– Un article sur l’utilisation du mot quantique dans les médias : Science&Vie. La vie serait-elle quantique ?

Le site du GEMPPI (lutte contre les dérives sectaires)

Sur le MODH (monoxye de dihyrogène…)

Le diaporama du cours n°4

Bibliographie

Sur les différents types d’effets et les facettes zététiques :

– Comment déjouer les pièges de l’information ou les règles d’or de la zététique, Henri Broch, book-e-book.com, 2008.

Le paranormal, Henri Broch, Seuil, 1989.

Sur les mésusages du mot quantique :

Quantox. Mésusages de la mécanique quantique, Richard Monvoisin, book-e-book.com, 2013.

 

Cours n°5

Liens utiles et vidéos

– Sur l’effet Forer/Barnum :

– Le texte utilisé en cours pour faire le test (genré pour fille et garçon)

–  L’article de Dickson et Kelly faisant état des travaux sur l’effet Barnum (en anglais)

– Le canular de J.Y Lafesse  :

 

– Un article sur l’effet puits

– Extrait de la conférence gesticulée de Franck Lepage Inculture(s) 1, sur la langue de bois (mise en évidence de l’effet puits) :

 

et sa conférence en intégralité.

Le tableau de phrases puits en politique (tiré de Devenez sorciers, devenez savants, H.Broch et G.Charpak)

– Un exemple de générateur de phrases puits (langue de bois)

– Sur l’astrologie (voir Bibliographie)

Le diaporama du cours n°5

Bibliographie

Sur l’astrologie (et disponible en prêt) :

L’astrologie. Derrière les mots, Laurent Puech,  book-e-book.com, 2005

Astrologie. Science, art ou imposture, Frédéric Lequèvre, l’horizon chimérique, 1991

L’astrologie, Daniel Kunth, Philippe Zarka, PUF (Que sais-je ?), 2005

Cours n°6

Liens utiles et vidéos

– Sur les coïncidences « extraordinaires » :

 

– Sur le tri sélectif de données :

Paniers de basket

Lancés de canettes

Le diaporama du cours n°6

Bibliographie (et disponibles en prêt)

Coïncidences : nos représentations du hasard, Gérald Bronner, Vuibert, 2007.

Vous avez dit hasard ? Entre mathématiques et psychologie, Nicolas Gauvrit, Belin, 2009

Déchiffrer le monde. Contre-manuel de statistiques à l’usage de citoyens militants, Nico Hirtt, Aden éditions, 2007.

Cours n°7 & 8

Comment tester une affirmation extraordinaire ? 

Pour le protocole expérimental mis en place, on pourra consulter la page de l’Observatoire Zététique.

L’effet cigogne

– On pourra lire l’article qui traite de la confusion entre corrélation et causalité.

Liens utiles et vidéos

– Sur les corrélations étranges sous forme de graphiques : http://www.tylervigen.com/

– L’article de Nicolas Gauvrit avec la vidéo présentant le problème des variables de confusion.

Le diaporama du cours n° 7

Formation Sciences et esprit critique pour enseignant·e·s : inscriptions en Isère dès septembre

CorteX_profsDepuis 2013, une formation dans le cadre du PAF (Plan Académique de Formation) a été lancée entre les IA-IPR (inspecteurs) de physique-chimie de l’académie de Grenoble et le collectif CorteX. Après une première année où seuls les collègues de Drôme et d’Ardèche étaient ciblé·e·s, elle s’ouvre aux enseignant·e·s d’Isère. Seul impératif, s’inscrire avant le 20 septembre 2014.

[TOC]

Une formation pour quoi faire ?

C’est une formation dont le but est de fournir du matériel pédagogique afin de développer l’esprit critique des élèves à travers l’acquisition d’outils d’analyse provenant de la démarche scientifique. De nombreuses applications y sont présentées autour d’exemples et d’activités prenant place dans les enseignements classiques ou dans des séquences indépendantes. On introduira les bases de la zététique (de zeteîn, en grec, chercher), en s’attaquant notamment à des sujets controversés mais également aux mélanges sciences-idéologies et autres pseudosciences.
L’objectif est également de former les enseignants à certains aspects de la démarche scientifique : il sera donc question de mettre à plat les bases épistémologiques permettant de forger un outillage critique solide pour l’analyse et le tri de l’information, d’abord scientifique, et plus largement de tout type d’information.

Pour davantage de précisions sur le contenu, voir plus bas. De nombreux exemples sont déjà en ligne, notamment ici. N’hésitez pas à nous contacter directement si nécessaire : contact@cortecs.org

Une formation pour qui ?

Tous les enseignants de physique-chimie de l’Isère ont la possibilité de s’inscrire. Si cette formation n’est pas officiellement ouverte à d’autres disciplines comme c’est la cas à Marseille et Montpellier, notre expérience nous souffle à l’oreille que cela ne coûte rien de s’y inscrire quand même, que vous soyez enseignant·e en SVT, Mathématiques, Technologie, Philosophie, Lettres ou Histoire-Géographie : l’an dernier cette tentative fut récompensée pour plusieurs collègues…

Quand et où s’inscrire ?

Inscriptions avant le 20 septembre 2014.

Toutes les informations sur la formation sont disponibles ici : https://bv.ac-grenoble.fr/ipaf/DAAF (suivre le lien en bas de page).

Le numéro du dispositif est donc le 14A0080823 SPC. Il est intitulé Sciences et esprit critique, zététique.

Le stage se déroulera sur deux journées (jeudi ou vendredi), la première dans la semaine du 19 au 23 janvier 2015, la deuxième dans la semaine du 30 mars au 3 avril 2015.

Surtout, ne vous privez pas de faire suivre à des collègues ou ami·e·s non-profs de physique-chimie. Nous sommes las de voir les divisions disciplinaires. La commande du stage est certes ciblée sciences physiques, mais nous avons de quoi rendre poreuses les barrières disciplinaires, donc bienvenue SVT, philo, lettres, langues, géographie-histoire, SES ! De toute façon, comme vous le savez, l’esprit critique ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !

L’équipe du CorteX


Descriptif de la formation

Objectif pédagogique

A travers de multiples exemples, on présentera les fondements et bases historiques, philosophiques et épistémologiques de la démarche scientifique ainsi que le cadre dans lequel il est possible de l’utiliser en classe, et hors classe (AP, ateliers, clubs, MPS) ; comment s’approprier et faire partager aux élèves la réflexion critique et scientifique sur des thématiques transdisciplinaires, le tri de l’information et la nécessaire distinction entre sciences et pseudosciences.

Contenu

L’objectif est de présenter les bases épistémologiques permettant de forger un outillage critique solide pour l’analyse et le tri de l’information, d’abord scientifique, mais plus largement de tout type d’information. Différences entre science et pseudosciences, aspects méthodologiques de la démarche scientifique, faillibilité de nos perceptions, de notre mémoire, soumission à l’autorité, influence et manipulation : comment faire ses choix en connaissance de cause ? On (re)découvrira ces outils appliqués dans des situations concrètes, ludiques, et élaborées sur le terrain avec des enseignants et leurs élèves, de tout niveau. Le lien est fait en permanence entre ces outils et les travaux et ressources pédagogiques déjà réalisés et disponibles (voir www.cortecs.org). En fonction du temps : élargissement des thématiques et discussion sur les risques et les enjeux de la médiatisation de l’information scientifique, analyse critique des médias, transdisciplinarité.

Forme

La première journée est centrée sur la présentation des outils critiques et des bases épistémologiques nécessaires. On mettra l’accent sur des exemples de séquences déjà existantes et réalisables en cours. Une mise en application de ceux-ci est proposée entre les deux dates. La seconde journée étant essentiellement consacrée à la restitution des participants ainsi qu’aux éventuels prolongements possibles.

 

Analyse du traitement médiatique d'une grève

Medias objectivite actualite sociale Nouveaux chiens de garde La_greveLe 10 juin 2014, quatre syndicats ont appelé les cheminots à une grève reconductible. Le 11 juin au matin, j’étais à l’écoute du traitement médiatique donné à ce mouvement d’ampleur nationale. Je me suis intéressé plus particulièrement à trois émissions de radio très écoutées sur le créneau 6h-9h : Europe Matin (Europe 1, Thomas Sotto), RTL Matin (RTL, Laurent Bazin) et Le 7/9 (France Inter, Patrick Cohen). L’analyse de ces émissions  minute par minute m’a permis de mettre en lumière les stéréotypes associés à la grève ainsi que les mécanismes de la fabrication de l’information et de l’opinion, fondés sur un biais simple et redoutable : le tri sélectif des informations.

[TOC]

Les trois émissions sont disponibles directement sur les sites des radios : – Europe 1 MatinRTL MatinLe 7/9 ; à récupérer ici : Europe 1 ; RTL ; France Inter partie 1 et partie 2

Préalable

Comme on le verra dans la suite, la grève est toujours présentée comme de la responsabilité des cheminots, jamais de celle du gouvernement ou des patrons. Qui a raison ? Si la réforme proposée est désastreuse tant pour les cheminots que pour les usagers, n’est-ce pas eux (patrons, gouvernement) qui devraient être tenus pour responsables des tensions ? On pourrait tout aussi bien dire que c’est le gouvernement qui provoque la panique dans les transports en n’allant pas dans le sens des revendications des cheminots. Comment savoir ?

Pour nous faire un avis sur la grève, il nous faut donc : – le contenu du projet de « réforme » – ce que dénoncent les cheminots – pourquoi SNCF n’accède pas aux revendications des cheminots (en quoi ils ne sont pas d’accord)

Sans cela, il est impossible de comprendre les raisons du conflit et de se faire un avis en connaissance de cause. Quid des émissions de radio qui nous « informent » en cette matinée de grève ?

Le choix des radios et de l’analyse

Le choix des émissions est basé sur un double critère : elles font partie des trois émissions d’information les plus écoutées sur cette tranche horaire (voir ici) ; ce sont également celles que j’écoute le plus souvent quand j’ai le temps.

Le choix du créneau est discutable mais, je pense, cohérent : les émissions d’informations à la radio sont concentrées majoritairement le matin et en fin d’après-midi. J’ai choisi le matin, par facilité.

Concernant l’analyse de ces émissions, après une écoute complète de chacune d’entre elles, j’ai noté chaque passage où il était question de la grève des cheminots, en notant le temps consacré et la nature des propos tenus. J’ai mesuré le temps de parole des animateurs/journalistes sur le sujet ainsi que le temps accordé aux différentes entrevues et reportages, toujours sur ce même sujet.

Les raisons de cette analyse

C’est au petit-déjeuner que j’ai décidé de prendre le temps de l’analyse : en l’espace d’une demi-heure d’écoute (Europe Matin), j’avais entendu une kyrielle de témoignages d’usagers mécontents qui m’avaient convaincu que cette grève, comme tant d’autres lorsqu’il est question de transport ou d’éducation, allait perturber et gêner des milliers de personnes dans le pays. La grève était décrite du début à la fin comme un sale moment à passer. En revanche, je n’avais toujours aucune idée des raisons qui avaient poussé les cheminots à lancer cette grève.

Je me suis honnêtement posé la question : avais-je subi un tri sélectif des données ? M’étais-je exposé sélectivement aux informations allant dans le sens de mes attentes (à savoir un traitement médiatique partisan et « grèvophobe ») ? N’avais-je gardé en mémoire qu’un seul pan de celles-ci et oublié les entrevues des syndicats à l’origine du mouvement et les débats contradictoires présentant les différents points de vue ? Avais-je simplement raté ces plages d’informations au cours de la matinée ? Pour le savoir, j’ai donc décidé de mener l’enquête et d’écouter du début à la fin, d’abord l’émission en question (Europe Matin), puis deux autres, pour étoffer cette analyse. Voici ce que j’ai trouvé.

Limites : cette grève de  SNCF intervient le même jour que celle des taxis, générant une exposition médiatique accrue autour des désagréments et perturbations causés par ces deux mouvements. J’ai donc distingué dans la suite les durées consacrées à la grève des cheminots de celles évoquant la grève des taxis.

Résultats

Europe Matin (6h-9h)

Trois heures d’émission mais seulement 2h30 environ sans les publicités.

L’équipe de Thomas Sotto a consacré presque 19 minutes (18’52) au traitement de la grève des cheminots. Sur cette durée, j’ai compté 7’05 pendant lesquelles il était question des raisons de la grève (soit dans les titres : « […] pour protester contre la réforme visant au rapprochement entre la SCNF et RFF« , soit dans des entrevues ou des discussions avec invités autour de cette question).

Sur ces 7 minutes, aucun temps n’a été consacré à la parole des cheminots, syndiqués ou non. 3’05 ont permis à un éditorialiste (Axel de Tarlé) de revenir soi-disant sur les raisons de la grève (il répondait à la question « Pourquoi cette grève »). Or, à aucun moment il n’évoque les véritables problèmes avancés par les cheminots et se centre uniquement sur l’aspect concurrentiel du marché ferroviaire.

Un deuxième temps (vers 1h07 d’émission, durée 3’45) est introduit par la co-animatrice avec cette phrase « Les corporatismes sont-ils en train de bloquer le pays ? ». Il est consacré à l’entrevue d’un invité, Mathieu Laine, présenté comme libéral et qui, dans les premières secondes, déclare que les français sont de petits rentiers, incapables de voir loin. Le ton est donné, bien loin d’une analyse des raisons de la grève des cheminots. Seul Thomas Sotto tente de répondre aux caricatures et autres raccourcis de l’invité sans  pour autant entrer dans une véritable contre-argumentation solide.

Au final, sur ces 18’52, la part consacrée aux raisons de la grève (c’est-à-dire où l’on a évoqué a minima le pourquoi du mouvement) s’élève à 37,5% si l’on inclut l’entrevue de Mathieu Laine, et à 8,9% si on retire celle-ci. Par ailleurs, le temps d’antenne donné aux cheminots est égal à zéro.

RTL Matin

Deux heures d’émission (7h-9h), environ la même proportion de publicité (environ 25 min).

Sur ces deux heures, j’ai comptabilisé 11 minutes évoquant la grève des cheminots. Sur ces 11 minutes, aucun invité et aucune entrevue de cheminots ou syndicalistes. Le seul moment où l’on entend parler des raisons de la grève se situe au bout de 2’30 d’émission : « La CGT et Sud se sont lancés dans un mouvement reconductible, ils protestent contre le projet de réforme ferroviaire qui doit rapprocher Réseau Ferré de France et la SNCF »

Il n’y en aura pas d’autres.

Cela représente 5 secondes sur les 11 minutes, soit 0,75% du temps consacré, pour le reste, aux témoignages des usagers et à l’état du trafic.

Le 7/9 (France Inter)

L’émission dure deux heures, sans publicité. Sur ces deux heures – essentiellement des informations, entrevues et reportages – j’ai compté 15 minutes sur la grève, dont 7’05 sur les raisons de celle-ci. Dans le détail, 40 secondes de titres et autres lancements reviennent sur les raisons de la grève en une phrase ou deux. On compte néanmoins une entrevue en studio du secrétaire général de la CGT cheminot, Gilbert Garrel (6’25), et une autre, plus rapide, d’un délégué CGT (30 secondes).

En dehors de ces temps-ci, les 8 autres minutes donnent la parole aux usagers en général mécontents ou résolus et à l’état du trafic.

La durée consacrée aux explications représente 46,1% du total d’informations sur la grève, l’essentiel de ces raisons étant données par les syndicalistes de la CGT.

Analyse du discours

Que ce soit sur Europe 1, RTL ou France Inter, une grande partie du temps d’antenne a été donnée à la parole des usagers, pour la quasi-totalité mécontents de la grève (je n’ai pas fait de relevé précis mais les avis positifs ne sont apparus que ponctuellement). Deux questions viennent alors : quelles informations arrivent à l’oreille de l’auditeur sur la grève  autres que les problèmes rencontrés par les usagers ? Quelle impression sera retenue par l’auditeur qui, pour plus de 99% du temps d’information comme sur RTL, entendra des personnes énervées et contre les effets de la grève. Car c’est de cela dont il s’agit : les effets de la grève sont désagréables et privent parfois des milliers de personnes de leur moyen de transport habituel. Que l’accent soit mis uniquement sur cet aspect doit nous interroger et nous questionner sur cette fabrique de l’opinion engendrée par l’occultation des journalistes et/ou des rédactions de la partie « pourquoi » une telle grève ? Certes, ce traitement médiatique est différent selon les radios et si RTL se démarque par une quasi-absence d’information sur les raisons de la grève, Europe 1 y consacre environ un tiers de son contenu (avec un fort parti pris en défaveur des grévistes, sans consacrer à ceux-ci en retour une seule minute de temps de parole) quand France Inter ne dépasse pas les 47% ; elle est néanmoins la seule radio à avoir interrogé des représentants des cheminots.

Appel à la pitié et tri sélectif des données

Les nuisances ont donc pris le dessus sur les raisons de la grève. Chaque titre, chaque lancement met en avant celles-ci, consacrant une écrasante majorité des journaux ou reportages aux témoignages (négatifs), aux retards, aux annulations, aux bouchons, etc. L’usager est le sujet de la grève et le recours à différents sophismes tel cet appel à la pitié présentant une lycéenne devant partir presque cinq heures plus tôt pour être certaine de ne pas rater l’épreuve du baccalauréat qu’elle doit passer en début d’après-midi (Europe 1, vers 1h19′), renforce l’image négative associée aux grévistes, responsables du stress de cette élève… (sur ce point, voir cet excellent article sur le site d’Acrimed, paragraphe 2)

Le leitmotiv : être au plus près des gens, avec une sorte de règle qu’Aubenas et Benasayag appellent la loi de proximité :

« Il y a bien sûr quelques règles édictables et aisément compréhensibles. La plus célèbre reste sans doute cette antique loi de la proximité, vieille comme la presse et dont l’équation s’applique dans toutes les rédactions du monde : il faut diviser le nombre de morts par la distance en kilomètres entre le lieu de l’événement et le siège du journal pour trouver la taille de l’article finalement publié. Un accident de train, gare de Lyon à Paris, sera ainsi bien plus «couvert» par la presse nationale (dont les bureaux sont dans la capitale), qu’un accident comparable à Marseille, sans même parler d’un déraillement mortel en Inde ou en Afrique. » La fabrication de l’information, les journalistes et l’idéologie de l’information, La découverte, p 34, 2007.

Si cette règle guide les choix au sein des rédactions, alors, même le fait de cibler uniquement les effets concrets et immédiats d’une grève est tout à fait rationnel, contestable certes, mais cohérent en regard de l’objectif mercantile de la vente avec profit de cette marchandise qu’est l’information. Les raisons de la grève – dont l’effritement du service public et les risques pointés en termes de coût ou de sécurité – touchent elles-aussi concrètement et directement ces mêmes usagers interrogés, mais de façon plus lointaine et moins palpable comparé aux nuisances bien réelles pour celles et ceux qui attendent leur train depuis des heures.

Dans cet extrait du Petit Journal de juin 2013 (vers 5’30) on appréciera la manière dont on peut fabriquer une opinion en fonction du montage choisi lors d’un micro trottoir :

Le Petit Journal a-t-il lui aussi effectué un tri sélectif des données en ne sélectionnant que des gens avançant à la fois des propos « gentils » et des propos plus durs ? Peu importe : avant de tirer une quelconque conclusion d’un micro trottoir ou plus largement d’un sondage, il faut d’abord s’assurer au moins de ceci : quels sont les biais de sélection (le journaliste n’a-t-il gardé que les cas qui l’intéresse ?), les biais d’échantillonnage (faire le sondage à 14h dans une rue bourgeoise n’est pas la même chose que dans un quartier de banlieue à 23h), les critères d’inclusion (certains avis ont été retirés : est-ce parce qu’inaudibles ? Parce qu’allant contre l’avis du journaliste ?), etc. Henri Broch, dans Le Paranormal, donne ce conseil judicieux qui recouvre ces points : « le mode d’inclusion et de rejet des données doit être significatif et précisé à l’avance ».

Effet impact

J’ai également écouté le vocabulaire utilisé par les animateurs et présentateurs des informations : celui-ci porte sur le même registre tout au long de l’émission, avec quelques variantes, généralement négatives en regard des perturbations occasionnées par la non-circulation des trains.

J’ai noté : « Nouvelle journée de galère (E1) » ; « Bon courage, E1 vous accompagne » ; « Grève qui complique la vie des usagers (E1) » ; « A la gare du Nord, on vit déjà un cauchemar éveillé (RTL) » ; « C‘est un mercredi de galère, on vient de dépasser les 300km de bouchons (RTL) » ; « Matinée très douloureuse pour beaucoup d’entre vous (RTL) » ; « Ce sera compliqué sur les routes (Inter) » ; « Usagers en mode tortue (Inter) » ; « Un mercredi haut en couleurs, noir sur les rails… (Inter) »

Ce lexique avait été déjà pointé dans le film Les Nouveaux Chiens de garde, de Serge Halimi, adapté par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat en 2012.

Sur le terme « noir » :

Sur le terme « galère » :

Pour présenter les raisons de cette grève (plus ou moins rapidement on l’a vu), Europe 1 et RTL ont utilisé le même type de vocabulaire : les cheminots protestent contre la réforme. Sur France Inter, je n’ai noté qu’une seule phrase sur le même mode et le verbe utilisé était différent puisque les cheminots étaient ici mobilisés contre la réforme. Avant de revenir sur la connotation de ces deux verbes, qu’en est-il de leur dénotation (leur sens réel) ? Protester signifie littéralement manifester son opposition (voir une définition possible ici). Mobiliser signifie faire appel à, mettre en oeuvre (si l’on exclut l’aspect militaire, mettre sur le pied de guerre).

La connotation de ces termes est bien différente : en cherchant les synonymes, on a une idée assez bonne de l’effet impact obtenu par leur utilisation. Pour « protester », on trouve une connotation proche de râler, ronchonner, rouspéter, grogner. Pour « mobiliser », on trouve des verbes comme grouper, liguer, enrôler, lever.

Quel impact procure ces deux termes sur notre perception du mouvement de grève ? Si l’effet est ténu car les raisons ne sont que très peu évoquées par les animateurs/journalistes, il faut rappeler que la connotation renforce l’image associée à l’information réelle (faire la grève) pour appuyer une certaine perception de celle-ci (râler ou se liguer).

Conclusion

Il faut prendre garde aux conclusions hâtives : les médias seraient-ils enclins à donner une perception négative des grèves et des grévistes ? Est-ce une attaque contre les cheminots et leurs syndicats ? Possible, mais peu probable car, comme évoqué ci-dessus, d’autres raisons amènent les journalistes à un tel traitement médiatique sans présupposer leurs intentions négatives à l’égard des syndicats. Je le rappelais plus haut, les médias vendent de l’information. Celle-ci doit donc être achetée/écoutée/vue pour rapporter un certain profit. Et par un maximum de personnes (la fameuse audience). La question se pose ainsi : comment faire en sorte qu’une information soit diffusée au plus au grand nombre ? En fournissant de longues et complexes explications au quidam qui patiente dans les embouteillages ? Certainement pas. En collant aux problèmes que tout un chacun rencontre en ce jour de galère ? Jackpot. Evidemment, en optant pour un traitement à court terme, on n’analyse ni les causes ni les mécanismes permettant de mieux comprendre la situation et les enjeux liés à la grève.

Cela m’amène à faire le pari (pas trop risqué) qu’une prochaine grève dans l’Education Nationale sera traitée de la même manière. Toutefois, les informations liées à la grève des taxis le même jour m’ont permis de mettre en lumière une constante dans les trois émissions : à chaque lancement, les raisons de la grève étaient systématiquement données, certes de façon tronquée et brève, mais néanmoins précisées. Les journalistes auraient-ils une perception différente du sort des taxis ? Sans doute, ceux-ci n’ayant pas encore une image aussi dégradée et négative que les cheminots, décrits depuis des années comme des privilégiés incapables d’accepter que l’on touche à leurs avantages.

Pour ma part, après six heures passées à écouter ces émissions, je n’avais entendu que six minutes d’explications assez complètes (lors de l’entrevue de Gilbert Garrel) et je n’ai vraiment compris le problème qu’après la consultation du dossier de la CGT cheminots, plutôt clair et complet. Bien entendu, les contre-arguments avancés sont discutables et la direction de SNCF ainsi que le gouvernement ont pu exposer ceux-ci dans divers journaux. D’autres sites Internet avaient également relayé certaines de ces informations mais force est de constater que les médias tels que la radio (et par continuité la télévision) n’ont fourni ce jour aucune information objective et complète malgré le temps consacré à « l’événement ». Ce que j’ai retenu en écoutant ces émissions ? Que la grève, c’est chiant.

Je ne prétends pas à une analyse exhaustive du traitement médiatique de la grève et je laisse le soin d’en faire autant avec le reste des émissions à toute personne intéressée par la poursuite de cette analyse.Tout complément sera donc le bienvenu.

Denis Caroti

————————

Références et bibliographie

L’article de Blaise Magnin et Henri Maler sur le site d’Acrimed

– Autres articles et émissions traitant du même sujet :

Les Nouveaux Chiens de garde, Serge Halimi, Raisons d’agir, 2005.

Les Nouveaux chiens de garde en DVD également par Gilles Balbastre et Yannick Kergoat, 2012.

Les petits soldats du journalisme, François Ruffin, Les Arènes, 2003.

– La fabrication de l’information, les journalistes et l’idéologie de l’information, M.Benasayag et F. Aubenas, La Découverte, 2007.

Le site des cheminots-CGT

SUD-Rail