Vidéo – Conférence "La sophrologie Caycédienne"

La sophrologie est un incontournable des techniques de bien-être et de développement personnel. Présentée (et vendue) comme une simple méthode, nous nous sommes interrogé·es sur les piliers sur lesquelles elle repose, et sur les preuves de son efficacité réelle. À notre grande surprise, elle a rarement fait l’objet d’une analyse circonstanciée, aussi ébauchons-nous un chantier sceptique qui permettra de faire gagner du temps aux éventuel·les chercheuses et chercheurs, mais surtout apportera une touche contradictoire argumentée à ce que le marché cognitif du web et des ouvrages de librairies vend et survend.

A l’heure actuelle, il existe de multiples courants de sophrologie (la sophro-analyse, la sophrologie existentielle, la sophrologie dynamique ou la sophro-substitution sensorielle, etc.). Nous nous intéressons particulièrement à la sophrologie Caycédienne car elle reste la base de tous les autres types de sophrologie existants, chaque courant reprenant plus ou moins ses fondements théoriques.

 

Voici la vidéo de la conférence effectuée par Gwladys Demazure et Albin Guillaud, organisée par l’Observatoire Zététique en Février 2017 à Chambéry. 

 

Ce travail a été réalisé par Gwladys Demazure, Albin Guillaud et Richard Monvoisin.

Ressources sur les conflits d'intérêt à l'Université

Alors que certaines universités au Canada et aux États-Unis se sont dotées de politiques vis-à-vis de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt (CI) depuis les années 1990, rares sont les universités françaises à adopter de tels dispositifs 1. De plus, ce sont uniquement les chercheuses et chercheurs membres de quelques institutions sanitaires en France qui sont obligés de déclarer leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment en public ou participent à des commissions. Pourtant, les mécanismes psychologiques en jeu dans les situations de CI existent en dehors du secteur sanitaire et les conséquences de ces situations peuvent être tout aussi graves en termes de confiance et d’intérêt collectif. C’est pour cela qu’il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet auprès des doctorant·e·s de l’Université Grenoble-Alpes lors du stage DFI De l’éthique à l’Université que nous animons depuis plusieurs années. Voici ci-dessous une partie de notre matériel.

Définition

De nombreux collectifs et institutions se sont penché.es sur la définition du conflit d’intérêt dans différents milieux : médical, paramédical, gouvernement, tribunaux, etc. Nous trouvons celle donnée par l’Université de Montréal pertinente pour le milieu universitaire 1 .

Un CI peut survenir quand des activités ou des situations placent un individu ou une organisation en présence d’intérêts (personnels, institutionnels ou autres) qui entrent en conflit avec les intérêts inhérents aux devoirs et responsabilités liés à son statut ou à sa fonction.

Ces conflits risquent d’altérer l’intégrité des décisions prises et ainsi de causer des torts et de compromettre la confiance du public à l’endroit de l’organisation et de ses membres.

Notons qu’il est plus facile de trouver des situations de CI là où la plupart des personnes d’un groupe sont d’accord pour dire qu’il s’agit bien d’une situation de CI, que de trouver une définition exhaustive et satisfaisante en toute situation.

Terminologie

Nous utilisons à la fois les termes de :

  • lien d’intérêt, lorsqu’une personne (physique ou morale) tire un avantage ou désavantage (principalement financier, mais aussi matériel, direct ou indirect) dans sa relation avec un objet ou une personne (physique ou morale) ;
  • conflit d’intérêt, lorsqu’une personne entretient au moins deux liens d’intérêts (dont au moins un financier ou matériel) qui entrent en contradiction.

Exemples

On peut piocher :

  • dans son expérience personnelle d’enseignement ou de recherche ;
  • dans des situations théoriques classiques de CI proposées par exemple par l’Université de Montréal ici ou l’Université de Sherbrooke ici ;
  • dans des expériences vécues par les personnes constituant le public ;
  • dans les cas médiatisés plus ou moins récents, comme l’affaire des logos nutritionnels en 2016-2017 2.

Déconstruire quelques idées reçues

« Les CI, c’est en médecine et en politique. »

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Cinq premiers résultats dans Google Image lors d’une recherche « conflits d’intérêt »

Nous faisons l’hypothèse que viennent plus facilement à l’esprit les situations de CI dans les champs politique et médical, car des cas de ce type ont souvent fait la une des médias : affaires du sang contaminé, du Médiator®, Woerth-Bettencourt, François Fillon, etc. À titre d’illustration, nous montrons les cinq premiers résultats d’une recherche menée en décembre 2016 sur Google Image à parti des mots-clés « conflits d’intérêt » (voir ci-contre), où quatre des cinq illustrations mettent en scène des actrices et acteurs du champs sanitaire (professionnel·le·s de santé, laboratoires pharmaceutiques, ou membres de commissions décisionnelles en santé).

Or, de nombreuses situations de CI impliquent des individus d’autres professions , provenant d’autres champs disciplinaires, comme nous le développerons dans la suite de l’article. Rares sont les secteurs de recherche à ne pas recevoir de financements d’entreprises à but lucratif, ou d’instituts publics ayant intérêt à ce que les résultats des études aillent dans un sens plutôt que dans un autre.

« Moi, j’ai trop d’éthique pour avoir des conflits d’intérêt. »

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits. C’est l’illusion de l’unique invulnérabilité, un biais cognitif que l’on peut illustrer avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ? », la réponse du chercheur est sans hésitation « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

Ce biais cognitif a été mis en évidence tout d’abord chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.3 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

« Ce n’est pas parce que je suis payée par l’industrie que les résultats de mes recherches sont influencés. »

Cette idée reçue permet d’introduire le biais de financement : une étude financée par l’industrie, ou dont les investigatrices et investigateurs sont financés par l’industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie toutes choses égales par ailleurs. On peut introduire cette problématique avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel il a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis) critiquant les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ? », le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue ».

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Figure B

On pourra alors citer par exemple l’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 4, dans laquelle les chercheurs et chercheuses ont référencé toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 5, pharmaceutiques 6, du tabac 7, des organismes génétiquement modifié 8, des télécommunications 9, des nanotechnologies 10 ou encore du nucléaire 11 sont impliquées.

Arrivé à ce stade, il est possible d’introduire comme hypothèse explicative potentielle du biais de financement, le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs et les revues scientifiques ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif.

« Moi qui ne reçois que des petits avantages, je ne suis pas ou peu sous influence. »

Le principe de réciprocité ou de contre-don a été mis en évidence expérimentalement dans les années 1970 : il s’agit d’une tendance de l’être humain à s’efforcer de rendre les avantages perçus d’autrui, même si ces avantages sont de tous petits gestes. Le simple fait, par exemple, qu’une serveuse ou un serveur donne un bonbon au moment de l’addition conduira les individus à donner en moyenne un pourboire plus élevé ; et s’il en donne un de plus à une personne qu’à ses collègues, et en douce, le pourboire sera encore plus important 12. Au quotidien, ce principe se traduit souvent par un sentiment d’obligation à rendre un service, une invitation ou un cadeau en retour.

Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales
Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales

L’acceptation par des médecins d’échantillons gratuits provenant de laboratoires pharmaceutiques peut les conduire à prescrire plus souvent ces médicaments même s’ils sont non recommandés dans la situation de soin en question ; ce qui n’est pas le cas si on interdit la distribution d’échantillons 13.

De petits cadeaux ou des petites sommes d’argent peuvent engendrer le principe de réciprocité ; une chercheuse ou un chercheur comme tout être humain en fait les frais.

Les conflits d’intérêt, est-ce moralement condamnable ?

En adoptant une démarche conséquentialiste 14 nous interrogeons les conséquences potentielles et avérées engendrées par des situations de CI. Nous évoquons :

  • les conséquences sanitaires : décès ou altération de la qualité de vie à cause de retard d’interdiction de mise sur le marché pour certains médicaments et certaines indications (affaires du Médiator®, de la Dépakine® etc.), de retard de mise en place de politiques de santé publique efficaces (cas notamment du tabac) etc. ;
  • les conséquences sur l’objectivité des recherches et la qualité des connaissances produites (voir le biais de financement) ;
  • la perte de confiance du « grand public » vis-à-vis des institutions, de la communauté scientifique, des professionnel·le·s de santé (cas entre autres des organismes génétiquement modifiés, des vaccins (affaire Wakefield) ;
  • les choix en non connaissance de cause qui sont réalisés par les patientes et patients, les consommatrices et consommateurs, les électrices et les électeurs ;
  • les accusations et attaques infondées de conflits d’intérêt pouvant décrédibiliser à tort des travaux (nous en avons d’ailleurs fait les frais, lire ici).

Imaginer des solutions

Quelles solutions mettre en place pour prévenir ou gérer les liens d’intérêt financiers à l’échelle individuelle, d’un laboratoire de recherche, d’une université, d’une revue scientifique, ou encore d’un état ? Cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective.

Nous citons à titre d’exemple :

  • la politique de l’Université de Montréal qui oblige chaque étudiant·e à partir du deuxième cycle et chaque travailleuse ou travailleur à déclarer chaque année ses liens d’intérêts financiers et familiaux (le document à remplir est téléchargeable ici). Ces déclarations ne sont pas rendues publiques mais sont destinées à des cadres de l’Université chargés d’évaluer les risques de CI et de prendre des mesures en conséquence (interdire un partenariat, une présidence de jury, suspendre une fonction, etc.). On pourrait imaginer que ces déclarations soient rendues publiques, à l’image de ce qui est fait pour les professionnel·le·s de santé ;
  • le Ministère français des affaires sociales et de la santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. En pratique, chaque personne peut se rendre sur la Base transparence santé, inscrire le nom d’un ou une professionnel·l·e de santé, et connaître les liens financiers qu’il ou elle entretient avec différentes entreprises. On pourrait imaginer une base similaire pour les chercheuses et chercheurs de la fonction publique, ce qui permettrait plus de transparence pour le grand public. Cependant, ce n’est évidemment pas une solution suffisante pour combattre les conséquences négatives des situations de conflits d’intérêt. Il y a certes plus de transparence, mais l’État tolère ainsi en connaissance de cause des situations où des professionnel·le·s de santé touchent des sommes d’argent très importantes des industries pharmaco-industrielles, et l’efficacité de ces mesures en terme de santé publique est encore peu étudié ;
  • l’existence des sites tels que Prospero et ClinicalTrials.gov qui permettent d’enregistrer des revues de littérature et essais cliniques avant que leurs résultats soient connus. Une généralisation de ces initiatives permettrait de limiter le biais de publication ;
  • les travaux des associations Formindep et Mieux prescrire qui militent toutes deux pour limiter les situations de CI en santé.

Se documenter

Bibliographie

CorteX_interets_lessigLawrence Lessig est, entre autres fonctions, professeur de droit aux États-Unis. Il aborde dans Republic, lost le sujet des conflits d’intérêt principalement dans le système politique états-unien, mais les cent premières pages environ abordent également des situations de CI en recherche.

Le livre est gratuitement téléchargeable en .pdf ou .epub sur le site de l’auteur (ce qui est tout à son honneur), hélas uniquement en langue anglo-américaine : http://republic.lessig.org/.

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Martin Hirsch est un haut fonctionnaire français qui évoque dans Pour en finir avec les conflits d’intérêts certaines situations en France ayant fait la une des médias et impliquant différents fonctionnaires entretenant des liens d’intérêts d’intérêts avec des entreprises privées. Il explicite en quoi le système législatif français permet de faire perdurer ce type de situation et propose des solutions pour les prévenir.

Ce livre est disponible dans la bibliothèque grenobloise du CorteX à la Bibliothèque universitaire de sciences.

CorteX_bad_pharma_goldacreBen Goldacre est un psychiatre britannique. Il développe dans Bad Pharma la problématique des CI dans le milieu de la recherche et de la pratique biomédicale et propose des solutions à différents niveaux pour prévenir et limiter les conséquences négatives de ces situations. Ben Goldacre a participé au projet COMPare, qui démontre que dans les cinq plus grandes revues médicales, des résultats d’études prévus pour être reportés a priori ne le sont pas, alors que d’autres non prévus sont finalement reportés, dans des proportions très importantes.

Filmographie

L’Université de Montréal propose cette conférence d’une heure quinze expliquant pourquoi une politique de prévention et gestion des CI est mise en place et comment elle s’organise.

Webographie

CorteX_logo_formindepCorteX_interets_montrealTexte

Comment je suis devenu militant, texte de 1971 d’Alexandre Grothendieck, chercheur français en mathématique (merci à Richard Monvoisin pour la trouvaille.)

Utiliser la série Black Mirror pour incrémenter la critique (et avoir une excuse pour regarder des séries)

Black Mirror, créée par Charlie Brooker est une série de (pour l’instant) deux saisons de  3 épisodes, diffusées sur Channel 4 de 2011 à 2014 – auxquels s’ajoute un épisode spécial Noël, et d’une troisième saison de 6 épisodes produite par Netflix en 2016. Plusieurs d’entre nous l’ont lorgnée à des fins didactiques. Que peut-on faire avec un tel matériel ?

Black Mirror ?

L’idée d’utiliser une série, en particulier de science-fiction (SF), dans un cadre académique pourrait en surprendre plus d’un.e (bien que nous l’ayons déjà fait ici, dans un atelier doctoral sur les neurosciences et la fiction, en 2013), l’une des principales raisons étant la mauvaise réputation dont jouit la science-fiction en France. Dernier exemple en date : l’émission du 2 décembre 2016 de France Culture consacrée à « L’héritage de Dune de Franck Herbert » lors de laquelle on a pu entendre, concernant le livre Dune de Franck Herbert : « ce n’est pas de la science-fiction, c’est un roman » (affirmation qui n’a été démentie ni par les autres intervenant.es, ni par le journaliste). Cette phrase qui peut paraître anodine est lourde de sens pour l’amateur/trice de science-fiction qui doit régulièrement justifier et défendre son intérêt pour ce (sous-)genre qui n’est pas considéré comme «  noble ». Toujours est-il qu’affirmer que Dune n’est pas de la SF est vraiment osé ! Assumons le fait d’apprécier des œuvres de SF pour ce qu’elles sont : à savoir des œuvres de SF, et laissons la notion de mauvais genre aux tristes figures.

Justifier le matériau : pourquoi la science-fiction ?

Contexte contemporain

Dans Species Technica, Gilbert Hottois écrivait que le « progrès techno-scientifique se fraye dans une atmosphère dense de phantasmes, de légendes, de fictions »1.

La sociologue Marina Maestrutti donne le constat suivant :

« dès que l’on veut rendre compte de la manière dont les faits et les discours s’entremêlent dans l’émergence de nouvelles configurations de la technoscience, on constate le rôle omniprésent de la métaphore : étudier de près les histoires ne signifie pas compromettre la réalité des faits mais plutôt montrer comment la mise en récit reflète le croisement des désir, raisons et mondes matériels qui forment la texture de la réalité même […] elle est constituée en partie de narrations littéraires, en premier lieu de la science-fiction, mais aussi dans des rapports officiels, les essais de divulgation ou les brochures publicitaires, où l’argumentation ne cesse de se faire narration, récit […] le répertoire des figures, images, personnages et symboles [est] continuellement réactualisé pour être adapté à de nouveaux contexte où émergent des concepts, des pratiques, des objets, des stratégies marketing »2.

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Le 12 mai 2014 le journal Le Monde publiait un article concernant les « robots tueurs » accompagné d’une image du célèbre Terminator, archétype du robot tueur dont le dessein est de réduire l’humanité à néant. Les récits de science-fiction constituent une trace écrite de l’imaginaire et des représentations d’une époque. En cette période de développement technoscientifique, ils constituent une ressource précieuse dans le cadre de l’analyse des débats contemporains (qui se situent souvent entre deux positions qui sont certes caricaturales, mais surtout symboliquement chargées : technophobie vs. technophilie).

Autre cas emblématique, celui d’Eric Drexler (l’auteur de Engins de Création) : de par ses travaux de prospectives, il participa à l’avènement et au développement des nanotechnologies. Son œuvre revêt encore aujourd’hui une importance cruciale dans l’imaginaire « technoscientifique »3. Il a créé une impulsion poussant les politiques et les acteurs économiques à se lancer dans une course aux nanotechnologies. Drexler a ensuite perdu le soutien (si ce n’est sa crédibilité) auprès des scientifiques. Il a par exemple été écarté de la National Science Fondation et du rapport NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), commandité par cette dernière, qui vise à questionner l’accroissement des performances humaines. Ce rapport, sous-titré « convergence technologique pour l’amélioration des performances humaines »,  vise à dresser un panorama du développement à venir de ses quatre technologies. Sont évoqués notamment les technologies d’amélioration physique et cognitive, les implants bioniques, l’intelligence artificielle ou encore les nano-robots.

Autre exemple concernant l’influence de la SF sur nos représentations (et notre vocabulaire) : Le mot « robot » apparaît pour la première fois en 1921 dans la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robot) de l’écrivain tchèque Karel Čapek. Le terme « robotique » est quant à lui inventé par Isaac Asimov.

La SF comme laboratoire d’expérience de pensée

Travailler à partir de la SF n’est pas seulement ludique et divertissant, c’est surtout utiliser un laboratoire d’expériences de pensée qui permet notamment de tester des hypothèses qui servent de propédeutique aux questions philosophiques, éthiques, politiques. Les champs de l’éthique et de la philosophie de l’esprit ont une grande tradition d’expériences de pensée4.

En guise d’exemple de création de concept par la SF, on trouve entre autre dans l’ouvrage de Marina Maestrutti, l’expression « paradigme Gattaca » dérivée du film d’Andrew Niccol, Gattaca (Bienvenue à Gattaca), sorti en 1998. Ce paradigme évoque le thème du film qui montre la mise en place progressive d’une humanité à deux niveaux  : d’un côté les personnes dont les caractères génétiques ont été sélectionnés avant leur naissance ; de l’autre les « enfants de la providence » qui naissent sans que les parents n’aient même effectué un diagnostic prénatal. Ces derniers sont exclus de la société, du moins des postes à responsabilité : « la discrimination est devenue une science », et elle est génétique.

Black Mirror

La série Black Mirror dans ce contexte semble tout indiqué. Série d’actualité à succès, elle anticipe une société dystopique liée à un mauvais usage des nouvelles technologies et en particulier les usages des technologies de l’information et de la communication, le « miroir noir », auquel fait référence le titre de la série, étant celui des écrans de télévisions, ordinateurs, tablettes et autres smartphones. La série explore de multiples scénarios qui sont une bonne base pour introduire certaines questions d’esprit critique.

Saison 3

Cette troisième saison de 6 épisodes s’ouvre et se ferme sur deux scénarios parallèles qui extrapolent certaines pratiques actuelles liées aux réseaux sociaux. L’épisode 3 surfe également sur cette thématique.
On peut introduire ces épisodes de diverses façons : en évoquant les différents faits d’actualités sur les suicides liés aux réseaux sociaux, sur les informations « fakes« , sur la pression sociale et l’acceptation des normes.

Épisode 1 Chute libre (Nosedive)

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L’épisode est encombrant, car à notre avis insécable, mais c’est un excellent support de départ pour un débat sur la réputation comme monnaie d’échange, et sur les curseurs utilisés pour donner plus ou moins de droits aux gens – en quoi l’argent serait-il moins stupide que le critère de réputation sur 5 ? Il est tout indiqué pour travailler sur la théorie des jeux (Axelrod, Rapoport, etc.5)et la notoriété ou réputation, valeur d’échange dans les sociétés humaines6.
Reste un cliché camionneuse – réputation basse – alcool qui laisse un peu perplexe.

Épisode 2 Playtest (Playtest)

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Cet épisode est difficile à utiliser. Il extrapole le désir de frisson des afficionados de jeux d’horreur (on trouve de nombreuses vidéos sur Youtube de tests de jeux d’horreur avec casque réalité virtuelle). Il ne s’agit pas dans cet épisode d’une société dystopique, mais d’une phase test d’un jeu vidéo qui tourne mal, avec cette question lancinante : comment trancher entre ce qui est réel et ce qui est le produit d’une substance ou d’un souvenir recréé – thème qui est par exemple traité dans Inception, de Christopher Nollan (2010) ou dans Total Recall, tiré d’une nouvelle de Philipp K. Dick (We Can Remember It for You Wholesale) et adaptée en 1990, et possédant une sorte de suite,  Total Recall : Mémoires programmées de Len Wiseman (2012).

Épisode 3 Tais-toi et danse (Shut Up and Dance)

Cet épisode parle essentiellement de sécurité informatique, de négligence vis-à-vis de la technologie, de sadisme, de jeux vidéo poussé à l’extrême en mode réaliste avec absence d’intérêt des manipulateurs autre que le plaisir sadique. L’axe de traitement de cet épisode sera sûrement l’importance de la sécurité informatique, et son existence via les communautés de logiciel libre.

Dans cet épisode, le protagoniste principal se retrouve à céder au chantage de pirates informatiques qui l’ont filmé via sa webcam alors qu’il se masturbait devant des vidéos pornographiques. Le thème de cet épisode permet assez facilement d’aborder la question du revenge porn7 et dans la foulée celles de l’humiliation publique, du chantage et de l’escalade d’engagement. 

L’épisode permet également d’aborder la problématique d’une certaine justice populaire. Il est tout à fait possible de faire le lien avec, par exemple, le piratage du site de rencontres extraconjugales « Ashley Madison ». Il est également possible d’aborder la question de la pédophilie et de problèmes éthiques tels que : est-il moralement juste de révéler publiquement que x est pédophile/infidèle.

Toutefois, le côté chantage sans aucune raison peut-être très dilatoire. Il prend, en effet, toute la place de l’histoire. Il est toujours possible de couper l’épisode; au moins après l’homme noir à mobylette.

Épisode 4 San Junipero (San Junipero)

Nous sommes partagés : trop mou, trop long, trop poussif, selon les un.es, mais thème classique en SF pourtant, que celui de la réalité virtuelle (décliné avec les Matrix, par exemple).

Avec cet épisode, on peut néanmoins aborder :

  • l’une des ambitions des transhumanistes (à savoir vaincre la mort en uploadant son esprit dans un cyber-paradis) ;
  • à la rigueur la place sociale des personnes âgées (discrimination qu’on appelle l’âgisme) et des homosexuel.les. ;
  • les différentes théories de l’esprit : dualiste, matérialiste, physicaliste, computationaliste ….

Exemple : le computationalisme est une théorie en philosophie de l’esprit qui conçoit l’esprit l’humain de manière analogue à un programme informatique. Comme le hardware (« support dur ») pour l’informatique, le cerveau humain peut être pensé comme un wetware (« support humide »), c’est-à-dire comme un système de traitement de l’information reposant sur des opérations de calcul. Bien que l’analogie entre l’informatique et le cerveau humain soit essentiellement heuristique, cette perspective conduit certains transhumanistes à envisager l’idée de télécharger l’esprit humain sur un support numérique hardware.8

Épisode 5 Tuer sans état d’âme (Men Against Fire)

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Probablement le meilleur à notre avis : l’épisode soulève la dépersonnalisation, l’état agentique en psychologie sociale, la guerre, les mécanismes racialistes. L’analogie Roaches/cafards et  Inyenzi en langue kinyarwanda pour désigner les Tutis sur la Radio des 1000 collines au Rwanda est volontaire pensons-nous. Il reste incompréhensible que roaches ait été traduit par « déchets » (au moins dans les sous-titres) – ce qui permet, à tout le moins, de discuter des biais de traduction.

Ce thème de la déshumanisation de l’ennemi permet d’ouvrir le débat sur l’utilisation de drones de combats téléguidés et la guerre à distance. Plus éloigné, peut-être, on peut également envisager d’étendre l’épisode sur la thématique des jeux vidéo de guerre. Un bon exemple se trouve dans le jeu vidéo servant d’outil de recrutement à l’armée étasunienne America’s Army. L’US Army a investi près de 30 millions de dollars pour développer ce jeu qui a été distribué gratuitement sur PC. 

Épisode 6 Haine virtuelle (Hated in the Nation)

Sommes-nous influencé.es par l’actrice Kelly Macdonald et son épais accent écossais9.

En tout cas il y a du très bon, insécable là encore. La trame de l’épisode ne rend pas aisée l’utilisation. Pis, la fin louche, et le rôle de Shaun Li invraisemblable à son niveau de la NCA affaiblissent le tout. Mais l’idée de harcèlement, de vindicte populaire digne de Koh Lanta, et le jeu des Hashtags est vraiment utilisable. Cela pose l’impunité des appels à la haine/violence sur le web. Il est intéressant que la « geek » casse les codes patriarcaux et soit une femme, comme dans Millenium de Stieg Larsson (2005). La question du remplacement de pollinisateurs par des robots est un sujet à part entière, avec les moyens de contrôle associés. Ici, la solitude de Markus devant des dizaines de milliers de ruches électroniques à 4000 individus fait un peu « peine », et ils passent vite sur leur réplication type imprimante 3D qui est bien tirée par les cheveux et violentera un peu les féru.es d’apiculture.

Une analyse des autres saisons est à venir. Bon visionnage !

Rapport ostéopathie crânienne – réponses aux réactions

Voici une compilation des réactions au rapport produit pour le Conseil national des masso-kinésithérapeutes sur l’ostéopathie crânienne. Nous mettrons l’article à jour au fur et à mesure des réceptions ; la dernière mise à jour date du 19 février 2017 (voir en toute fin de page).

Il y a différents types de questions (ou d’invectives, mais nous les prenons pour des questions) et remarques.

1. Les questions épistémologiques

(…)  Lors des commissions ministérielles dès 2002, j’avais prôné le fait que l’osteo soit reconnue à l’identique des psychologues cliniciens ; c’est-à-dire que cela ne peut être du domaine des sciences dures, et la nécessité de créer nos propres outils. En effet si les uns travaillent avec le verbe, nous en plus, c’est avec le toucher et les mains qui « parlent et écoutent ». Difficile de l’évaluer ! (…)  J.L., février 2016

Que chaque discipline ait des outils d’évaluation un tantinet différents selon les objets étudiés est évident. Si on considère la science comme une activité de production de connaissances « communisables » sur le monde (cf. notre dialogue  La science (complet) – Base d’entraînement pour les enseignants qui voudraient parler de science) alors il n’existe plus de dichotomie sciences dures / sciences molles : il n’est que des champs de connaissances plus ou moins solides. Enfin, les méthodes de gynécologie par exemple sont des méthodes éprouvées, reposant sur le toucher, et faisant partie des méthodes reposant sur les faits. Si l’on récuse l’évaluation des méthodes ostéopathiques, cela signifie que le choix de chaque thérapeute sera subjectif – auquel cas, ce n’est plus un statut de scientificité qui est recherché, mais celui d’un art. Peu probable que quelqu’un cherchant un soin souhaite avoir affaire à (seulement) un artiste.

« C’est l’éternel débat entre empirisme et positivisme ,au demeurant fort intéressant car l’un contribue à faire progresser l’autre ». J.L., février 2016

Nous allons être pointilleux sur les termes philosophiques, puisqu’il s’agit de l’un de nos violons d’Ingres. Que l’empirisme nourrisse la connaissance, certes, moyennant recoupement et reproduction de cet empirisme. On « sent » que quelque chose marche, on n’est pas très sûr, alors on le soumet à ses pairs, qui valident objectivement ou récusent la méthode. Lorsque l’empirisme est répété sans examen collectif, on appelle ça une tradition, voire une superstition.

Quant au positivisme, ce mot est ambigu dans votre phrase. Si vous faites appel au programme positiviste d’Auguste Comte, il  n’est évidemment pas le nôtre. Sur ce que ce terme sous-tend, voici une excellente lecture de J. Bricmont dans la revue DOGMA, Comment peut-on être  » positiviste  » ?

(…)  et comment s’il vous plaît, pourrions-nous reproduire un acte qui par nature est relationnel c’est-à-dire qui engage l’entièreté de deux personnes (corps, mental et être) ? (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

La description du coït est très bien décrite scientifiquement, n’est-ce pas ? 🙂 Nous prenons cet exemple à dessein : on peut souhaiter une part de mystère dans l’acte charnel si on le veut, c’est un choix subjectif. Mais si quelqu’un souhaite une efficacité à l’acte (pour ce qui est du plaisir, ou de la fécondation, ou autre) la part de mystère n’a guère sa place.

Toute la psychologie sociale, les sciences politiques, s’élaborent sur des théories basées sur les faits. Si un acte ostéopathique a une validité en soi, une « efficacité propre » (à bien dissocier pour la discussion de l’efficacité globale qui comprend les effets contextuels ; voir sur ce point la conférence de N. Pinsault) alors elle doit pouvoir être reproduite. Ce débat a déjà eu lieu en sciences biologiques, et même en sciences médicales, il y a plus de cinq siècles, pourquoi le reprendre ici ?

Mais, s’il vous plaît, retournons les choses : ce travail montre effectivement que l’ostéopathie crânienne (mais aussi je pense, l’ostéopathie en général) ne parvient pas à s’inscrire dans le cadre scientifique que l’on voudrait lui imposer. Mais il montre surtout que le cadre scientifique qu’on voudrait lui imposer ne lui convient tout simplement pas ! Et du coup, ce travail considérable (merci de l’avoir fait à notre place) montre qu’utiliser un outil inadéquat pour analyser quelque chose donne des résultats fantaisistes. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous supposons, à tort peut être, que vous faites une erreur classique sur le plan épistémologique. De tout temps, lorsqu’une hypothèse n’était pas corroborée par les faits, les défenseurs de celle-ci ont toujours résolu leur dissonance cognitive en incriminant les critères de scientificité. Pourtant ces critères, qui s’agrémentent avec le temps, ne sont pas pris en défaut, tandis que le cimetière des hypothèses rejetées est lui plein à craquer. Si la science était un simple jeu, assisterions-nous stoïquement à la renégociation des règles du football par une équipe de 5ème division étrillée au dernier match ? Que nous nous fassions bien comprendre : que les ostéopathes crâniens viennent avec tout ce qu’ils ont comme prémisse de phénomène, tentent de caractériser celui-ci pour que de manière inter-subjective on en fasse l’étude, et là on verra s’il faut de nouveaux critères de scientificité. En attendant, sans plus d’éléments que ce que nous avons trouvé, il n’y a pas de raison de donner du crédit aux techniques (nous disons bien aux techniques, pas au soin global, plus complexe) ostéopathiques crâniennes. Si nous en donnions, il faudrait en donner aux magnétiseurs, aux révérends prédicateurs évangéliques, qui eux non plus n’ont pas de corpus de preuve – et eux aussi, contestent les critères de scientificité. De ce fait, votre profession deviendrait une pratique ésotérique, et vous n’auriez guère à y gagner.

« Et le grand tort des ostéopathes est d’avoir cherché (pour des raisons de reconnaissance) à s’inscrire dans un cadre ne leur convenant pas au lieu de faire le nécessaire pour se doter des outils épistémologiques adaptés à leur approche. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous sommes navrés de vous contredire. Tout notre rapport montre que justement, les ostéopathes crâniens n’ont semble-t-il pas souvent souhaité s’inscrire dans le cadre de la recherche scientifique, même à prémisse empirique (sur ce point voir plus haut, courrier de J.L). La preuve en est la somme d’études indigentes sur le plan méthodologique.

C’est que même si les preuves ne sont pas apportées à la satisfaction des critères « scientifiques » exigés, l’ostéopathie crânienne a, de toute évidence, aidé et continue d’aider des millions de personnes de par le monde. Cela est un fait. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Certes. Ne s’agit-il pas d’un sophisme du pragmatisme ?

En tous les cas la question change : que des personnes soient aidées par les soins de l’ostéopathie crânienne, c’est très probable. Il en est qui sont aidés par les religions, d’autres par la détestation d’une autre caste, race, culte, tribu, région, et tant d’autres versions de se faire du bien. La question est de savoir s’ils sont aidés :

1) parce que vous êtes très agréable humainement ?

2) parce qu’ils parlent d’eux pendant la consultation ?

3) parce que vous avez un fort argumentaire d’autorité ?

4) parce que la méthode est efficace en propre ? 

5) etc. ou la somme de tout cela ? Nous ne pouvons que vous renvoyer à la conférence de N. Pinsault sur le sujet, ou dans l’ouvrage « tout ce que… » sur la différence entre efficacité globale et efficacité propre.

Je ne vois pas pourquoi elle continuerait d’exister si elle n’était pas utile ! (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Sans vouloir vous déprimer, il est beaucoup de choses qui remplissent une fonction, sans pour autant avoir d’efficacité propre – la religiosité en est une (et on sait étude à l’appui que l’efficacité des prières d’intercession est nulle).

Le fait qu’elle ne puisse le « prouver » selon certains critères très précis ne suffit pas à prétendre qu’elle est inutile. Et je m’attriste toujours devant l’incapacité à accepter qu’une pratique puisse être efficace et utile bien qu’elle échappe aux moyens d’investigation d’un système. Et si c’étaient le moyen d’investigation et les critères retenus qui devaient être remis en cause, plutôt que la technique ? (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Une fois encore nous n’avons jamais prétendu l’inutilité de la discipline puisque l’utilité présente des caractères bien plus vaste que l’efficacité. L’utilité peut-être sociale par exemple, mais c’est un autre débat que nous n’auront pas ici.

Nous attendons toutes propositions, que ce soit sur un phénomène isolé, un « effet », une « efficacité », ou même sur de nouveaux critères d’évaluation. Nous saurons faire amende honorable le cas échéant.

L’absence de preuve scientifique concernant l’efficacité de la pratique n’est pas une nouveauté en soi. Ce fait est connu et c’est pourquoi des études sont toujours en cours pour essayer de démontrer un effet et une indication de ce type de thérapie (Raithet al, 2016, Haleret al, 2015, Elden et al, 2013) avec des protocoles plus ou moins bien bordés. Les résultats sont mitigés en fonction des études mais certains semblent montrer un effet intéressant ainsi qu’une absence d’effets secondaires gênants. Actuellement, il n’y a que 2 articles relevés par les auteurs qui montrent un résultat intéressant sur les cervicalgies et le syndrome douloureux pelvien gravidique. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Concernant les études de Haller et al et de Elden et al, comme vous l’avez lu dans notre rapport nous ne partageons pas votre interprétation. Nous écrivions :

« Les deux preuves méthodologiquement valables que nous avons trouvées présentent de modestes résultats qui, pour diverses raisons que nous avons évoquées, peuvent raisonnablement s’interpréter en terme d’efficacité non spécifique des traitements. »

Bien sûr, cette interprétation est longuement argumentée dans notre rapport et ne tombe pas du ciel.

Pour l’étude de Raith et al nous n’avons rien exprimé et pour cause ! Cette publication est postérieure à notre revue de littérature.

Ce rapport est référencé à partir d’articles pour leur grande majorité « vieux » de 20 et 100 ans (Seulement 14,5% des ouvrages cités et 23% des articles tirés de revues scientifiques ont moins de 5 ans) Comment déduire des conclusions scientifiques crédibles avec une telle bibliographie ? C’est vraiment dommage de ne pas considérer la littérature récente qui remet en cause le MRP pour se faire un avis au sujet de l’ostéopathie crânienne ! (Ostéopathes Plus)

Pour information, l’ancienneté d’un travail expérimental ne permet en rien de juger de sa valeur. Dans l’histoire de la médecine par exemple, il existe des essais cliniques anciens qui ont fait date. C’est par exemple le cas du tout premier essai contrôlé randomisé en double aveugle sur la streptomycine dans le cadre de la tuberculose à la fin des années 1940 [Streptomycin in Tuberculosis Trials Committee, « Streptomycin treatment of pulmonary tuberculosis. A Medical Research Council investigation, Br Med J,  v.2(4582),‎ pp. 769–82 ]. On trouve aussi moult études récentes à la méthodologie défaillante. C’est malheureusement la règle en ostéopathie crânienne. Mais s’il existe des études récentes et méthodologiquement rigoureuses qui nous ont échappé, rien ne vous empêche de nous les faire parvenir, bien au contraire ! Contrairement à beaucoup d’interlocuteurs plus ou moins amènes dans ce débat, nous ne serions pas gênés de changer d’avis. Si ces études n’existent pas, alors, vous ne pouvez en tenir rigueur qu’aux acteurs/actrices du champ de l’ostéopathie crânienne de ne pas avoir réalisé plus d’expérimentations rigoureuses ces dernières années. Pas à nous.

2. Les questions de procès d’intention

(…) C’est bien que ce rapport soit fait, il a aussi ses limites dans la mesure où il fait preuve de scientisme (…) J.L., février 2016

Le scientisme ne fait pas partie de notre programme intellectuel. Nous ne souhaitons pas, comme écrivait Renan, « organiser scientifiquement l’humanité », juste évaluer la validité, la reproductibilité et l’inter-subjectivité d’un corpus scientifique. Nous pourrions faire la même chose sur une théorie sociale, une théorie politique, une théorie physique ou mathématique (dans la limite de nos compétences additionnées).

[sur la biodynamie] (…) Là, on sent que les auteurs se sont vraiment fait plaisir ! On sent qu’ils font un très gros effort pour masquer leur bienveillance vis-à-vis du concept. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Nous avons une posture neutre sur le plan philosophique, c’est-à-dire une suspension de jugement, comme les sceptiques Grecs anciens, qui se résume ainsi : donnez-nous de bonne raison de penser ce que vous pensez, et on le pensera aussi. En attendant, les affirmations sans preuves peuvent être réfutées sans preuves (voir à ce sujet nos articles Rasoir d’Occam, etc).

Et pour conclure, la méthode ne présente finalement « aucune efficacité prouvée » (p. 244). Chapeau bas, Messieurs Dames, voilà du travail de pro ! Il a dû prendre beaucoup de temps, coûter beaucoup d’investissement personnel et sans doute financier.(…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

C’est effectivement du travail de pro. Il a pris de nombreux mois, à plusieurs (comptons entre 600 et 800 heures), il a effectivement coûté beaucoup d’investissement personnel, et sur le plan financier nous ne souhaitons pas nous substituer au CNOMK pour vous répondre : sachez seulement qu’on est bien loin d’un SMIC horaire.

« Je suppose que, sous couvert d’objectivité, le but était dès le départ de démontrer que l’ostéopathie crânienne, c’est de la foutaise. L’objectif est atteint. » (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Convenons que nous sortons là d’un débat scientifique. Il suffit juste de savoir que si l’ostéopathie crânienne avait des bribes de validité, nous l’aurions écrit de la même façon. Que le résultat vous déplaise, c’est en faire une affaire personnelle. Nous, nous faisons de ce rapport une chose publique, qu’il vous appartient de prendre en défaut.

« N’étant pas prescripteurs de recommandations, nous nous sommes limités à une analyse impartiale… » Impartiale ? Il semble que ce mot n’ai pas pour les rédacteurs le même sens que pour le dictionnaire… Ce qui est écrit ci-dessus à propos de la biodynamique est en contradiction flagrante avec une telle affirmation. (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Dire que la Terre n’est pas plate, qu’il n’y a pas d’ether et que le complot Illuminati est une vue de l’esprit serait aussi partial ? Méfions-nous de l’effet bi-standard. Nous ne voyons pas où serait la partialité dans ce paragraphe cité.

Nous ne savons pas vraiment comment et pourquoi ça fonctionne, mais ça fonctionne !

Alors montrons-le. Montrez-le, c’est votre métier, cela devrait rendre les choses plus faciles.

Refuser cette évidence revient à se moquer des millions de gens qui ont été aidés par cette technique et qui, Dieu merci, le seront encore demain.

Vous usez ici d’une technique de l’épouvantail. C’est dommage.

Elle revient à prendre tous les patients pour des « gogos extatiques » pour reprendre les mots outrageants de J-M Abgrall dans son livre Les charlatans de la santé.

Même technique. Nous n’avions aucun lien avec J-M. Abgrall – non qu’on ne le souhaite pas. Nous connaissons ses livres. Le ton n’y est effectivement pas le nôtre.

Quel manque de respect pour les patients que de les considérer comme de gogos incapables de juger ce qui est bon pour eux ! (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

C’est de votre plume. Nous n’avons pas écrit ce genre de chose.

Quelle suffisance, quel mépris d’autrui de la part de gens se prétendant thérapeutes ! Cette incapacité à observer et à accepter l’évidence, même lorsqu’on ne peut pas l’expliquer est une maladie mentale grave et hélas, incurable.  (…) (Pierre Tricot, Le crânien, ça vaut rien !)

Gagez que là, la teneur de la discussion ne permet plus le questionnement collectif. C’est dommage.

Ici, c’est Alain Andrieux sur www.enfantsdestill.com qui nous éreinte dans

Ceux qui se cachent derrière un tel acronyme, sans doute mûrement réfléchi,

Vous semblez prompt à juger nos intentions, nous ne nous risquerions pas à en faire de même pour les vôtres. Pourtant nous ne nous cachons de rien, l’ensemble du processus est transparent, nos écrits signés, nos liens d’intérêt déclarés, nos photos disponibles et nos contacts faciles d’accès.

[…]
ne pouvaient avoir qu’une seule intention : passer pour des gens
intelligents voire supérieurement intelligents. Des gens qui ne
plaisantent pas avec la science, enfin, leur façon d’envisager la
science. Des gens qui… chez ces gens-là Monsieur on ne sort pas de la
doxa même si celle-ci est extrêmement rhumatisante et en très mauvais
état pour défiler de façon convaincante au moins sur le fait qu’on sait
marcher. (Alain Andrieux)

Doxa, gens intelligents… Nous avons
fait le travail demandé, avec des canons scientifiques que nous n’avons
pas inventés, et qui ne tombent pas du ciel. Ce n’est pas parce que les
résultats qu’ils donnent ne vont pas dans le sens de ce que vous pensez
qu’il faut jeter la démarche scientifique critique.

Des gens qui ont consacré deux cent quatre-vingt-six pages
à la compilation de tous les textes possibles et imaginables pour
tenter de détruire un pan de la pratique ostéopathique auquel ils n’ont
pas accès, car vous pouvez en être certains aucun praticien digne de ce
nom n’a participé à ce travail de démolition, car chez ces gens là
Monsieur on bave, mais on ne pratique pas. (Alain Andrieux)

Heureusement que nous ne sommes pas faciles à vexer. Baver sur 286
pages, c’est long, il ne suffit à vous lire que de quelques lignes. Par
ailleurs vous faites erreur, il y a trois praticiens sur quatre qui ont
rédigé ce rapport. Ne faisons pas d’erreur d’attribution : ce n’est pas
nous qui détruisons un édifice, c’est plutôt vos collègues qui ne l’ont
pas construits. Alors construisez-le, et notre rapport sera changé. Et
comme vous semblez féru de citations de Jacques Brel, vous ne
découvrirez certainement pas celle-ci : dès qu’il y a des gens qui
bougent, les immobiles disent qu’ils fuient.

Et bien ce bref moment d’humeur ne m’entrainera pas vers
la rédaction d’une seule page pour dénoncer une telle médiocrité aussi
besogneuse soit-elle. Bon courage aux kinésithérapeutes qui vivent sous la protection
d’un tel ordre qui, comme d’autres ordres, montre à quel point la zone
des ouïes ( figurées parait-il par le sphénoïde ! ) a été terriblement
comprimée. – mais le choc vint de la contemplation d’un crâne de la
collection de Still et de l’analogie qu’il fît entre la forme de l’os
sphénoïde et celle des ouïes de poissons, «
indiquant une mobilité pour un mécanisme respiratoire- ».(cortes.org) (Alain Andrieux)

Pourriez-vous mettre la bonne adresse s’il vous plait ?

Pour ces gens-là, pour ce groupe-là, même pas capables de
reproduire une citation correctement, l’intention d’apparaître comme
une personnification de l’intelligence et de la raison est débusquée
mais pour ce qui est du but à atteindre, il est totalement raté. Nous
attendons avec impatience d’autres productions du Cortecs sûrement
toutes porteuses de cette ouverture d’esprit qui va jusqu’à créer des
courants d’air dans cette production mal cortiquée. (Alain Andrieux)

Là, nous ne savons pas quoi dire. Il n’y a rien d’autre dans l’article.

Le site Osteopathes Plus, quant à lui, tente de déverser du poison dans l’eau du puits à notre sujet :

Le rapport CORTECS n’a aucune légitimité et objectivité scientifique vu qu’il a été demandé par le CNOMK pour évaluer l’ostéopathie crânienne et réalisé sous la direction de son vice-président Mr Vaillant.
Mr Vaillant, personne très influente, est également directeur de L’IFMK
de Grenoble où il encadre une équipe pédagogique constituée entre autre
des auteurs du rapport CORTECS. Peut-on parler de conflit d’intérêts ?

Ostéopathes Plus adjoint à ces quelques lignes un schéma intitulé « Le rapport « indépendant » du CORTECS commandé par le CNOMK est-il réellement dénué de conflits d’intérêts ? ».

L’article et le schéma, malgré leur brièveté, regorgent d’erreurs que nous énumérons ci-dessous :

– le rapport n’a pas été réalisé sous la direction de M.Vaillant ;

– seul un des quatre auteur.e.s, Nicolas Pinsault, faisait partie de
l’équipe pédagogique de l’IFMK de Grenoble en tant que cadre de santé au
moment de la rédaction du rapport. Son traitement est administré par le
CHU Grenoble-Alpes et provenait d’une enveloppe du Conseil Régional
(comme pour toutes les formations sanitaires et sociales) ;

– Richard Monvoisin n’est actuellement pas chargé de cours à l’IFMK
de Grenoble (il a seulement fait quelques heures de cours entre 2009 et
2012) ;

– les deux autres auteur.e.s (Nelly Darbois et Albin Guillaud)
enseignent ponctuellement à l’IFMK de Grenoble en tant que vacataire
(moins de 10 heures par an) sur des thèmes sans lien avec l’ostéopathie ;

– les auteur.e.s n’ont reçu aucune rétribution financière à titre
individuel pour la rédaction du rapport par le CORTECS ou le CNOMK.
L’argent versé par le CNOMK au CORTECS permet à cette structure de
financer des bourses d’étudiant.e.s et du matériel pédagogique, en
l’occurrence des livres critiques, prêtés gratuitement à toute personne
qui en fait la demande.

Quant au qualificatif de « personne très influente » adossé à la
personne de M. Vaillant, nous ne comprenons pas à quoi il renvoie.

Le terme de conflit d’intérêt est utilisé à deux reprises par
Ostéopathes Plus. Il est utile de rappeler qu’une rétribution financière
pour un travail rendu n’entraîne pas nécessairement un conflit
d’intérêt, comme cela est questionné par Ostéopathes Plus. Dans le cas
qui nous intéresse, il pourrait y avoir conflit d’intérêt si les
conclusions du rapport allaient dans un sens qui servait les intérêts du
CNOMK, du CORTECS ou des auteur.e.s. Quels seraient donc ces intérêts ?
Dans l’article et d’Ostéopathes PLUS il n’est nullement expliqué en
quoi les liens d’intérêt des auteur.e.s, déclarés de manière
transparente à la fois sur le site du CORTECS et sur celui de l’ordre,
seraient sources de conflit d’intérêts.

En résumé, Ostéopathes Plus ne donne aucun argument pour justifier en
quoi le fait que le CNOMK soit le commanditaire de notre rapport
entraverait notre légitimité, et plus encore notre objectivité
scientifique à travailler sur l’ostéopathie crânienne.

Et pour la petite histoire, c’est parce que Vaillant, directeur,
connaît bien la qualité du travail du CORTECS qu’il a suggéré au CNOMK
de le contacter pour des rapports scientifiques. Il faut en outre savoir
que ce rapport a entraîné des débats au sein du CNOMK lui-même, de même
qu’au CORTECS quand le CNOMK a émis ses avis

Avec une phrase comme « Peut-on parler de conflit d’intérêts ? », il
est facile d’instiller du doute gratuit et fallacieux. Nous pourrions
répondre par « Peut-on diffamer tranquillement chez Ostéopathes
Plus ? », mais nous préférons renvoyer ses auteurs aux leçons des grands
classiques, comme Francis Bacon dansDe la dignité et de l’accroissement des sciences (1623), livre VIII, chapitre II  : « Va ! calomnie hardiment, il en reste toujours quelque chose (audacter calumniare, semper aliquid haeret).

À aucun moment les auteurs n’ont eu envie de remettre en cause leur jugement bien dommage pour des « scientifiques ». (Ostéopathes Plus)

Cette affirmation est assez gratuite. Ne serait-ce pas tout
simplement parce que la conclusion ne va pas dans le sens que vous
auriez souhaité ? Rappelez-vous : nous n’avons aucun problème à changer
d’avis preuves à l’appui. Et vous ? Changerez-vous d’avis en l’absence
de preuve ?

Le Cnomk se contente de l’avis de mk opposés à
l’ostéopathie (Richard Monvoisin, Nicolas Pinsault
« La kinésithérapie piégée par les mages »
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/12/MONVOISIN/54379. (Ostéopathes Plus)

− Précisions d’abord que l’un des auteurs n’est pas kiné, ni même professionnel de santé ;

− il n’y est pas question de l’ostéopathie dans son ensemble ;

− s’il y a des raisons d’être rétifs à certaines de ses branches,
c’est que les professionnels de celles-ci n’ont pas fait le travail
requis ; ce n’est pas une critique a priori, et encore moins une
querelle de chapelle – même si c’est, cela se comprend, plus facile pour
vous de scénariser de cette façon.

− Vous conviendrez que l’article que vous citez est publié dans un
journal dont la portée est bien plus politique que scientifique ou
technique. Or si nous pensons qu’il n’y a pas de raisons a priori de
s’opposer à des pratiques thérapeutiques comme celles de l’ostéopathie,
nous sommes en revanche opposé à un modèle de politique de santé non
redistributif et au saccage permanent des acquis sociaux de 1946. Si
l’ostéopathie est mentionnée dans cet article, c’est parce qu’elle offre
un exemple de l’évolution des politiques que nous dénonçons.

Karine Krzeptowski est une des premières a avoir réagi à la sortie du rapport :

Ce rapport ne peut être considéré par l’Ordre et par les
pouvoirs publics car il y a faute grossière de procédure dans le choix
du profil de ses auteurs, (tous kinésithérapeutes connus pour leur
position négative à l’égard de l’ostéopathie). (Karine Krzeptowski sur
le Site de l’Ostéopathie)

Il y a là une erreur et une confusion. Tout d’abord, seulement 3 des 4
auteur.e.s sont diplômés en kinésithérapie. Il vous revient d’expliquer
en quoi la formation initiale de ces auteurs constitue un critère
douteux quant au choix de leur confier une tâche d’évaluation
scientifique de l’ostéopathie crânienne. Ensuite, vous confondez
« position négative » et scepticisme. Ce dernier est consubstantiel de
la démarche scientifique et implique un doute préalable à toute
investigation. Nous n’avions pas de position de départ morale ou
affective sur le sujet, et quand bien même, une démarche méthodique
s’abstrait des préalables subjectifs lorsqu’elle est bien menée. Ce
n’est pas parce que les conclusions ne vont pas dans le sens que vous
souhaitez qu’il faut déligitimer artificiellement les compétences des
auteurs.

Quand on est à la recherche de preuve d’efficacité ou de
justification d’un concept, il faut s’adresser aux personnes directement
concernées, ici les ostéopathes et non aux détracteurs. (Karine
Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

L’efficacité d’une technique ou la validité scientifique d’un concept
n’est pas une affaire de personnes mais de données expérimentales. Nous
nous sommes tournés vers les auteurs, ostéopathes ou non,
« détracteurs » ou non, qui ont contribué à la connaissance sur le
sujet.

De surcroît, le mot détracteur n’est pas très heureux : s’il y a des
détracteurs, c’est qu’il y a des promoteurs. Nous ne nous inscrivons pas
dans ce débat : que nous soyons détracteurs ou promoteurs de la
gravitation, elle fonctionne, quel que soit notre avis. Que nous soyons
détracteurs ou promoteurs des humeurs d’Hippocrate, elles n’existent
pas. La connaissance scientifique s’abstrait du point de vue personnel.

Ce rapport ne peut être retenu et présenté décemment aux
pouvoirs publics car il y a conflit d’intérêt dans le choix même des
auteurs. (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Voir notre réponse aux rédacteurs du site Ostéopathe Plus dans la présente section, ci-dessus.

Les auteurs eux-mêmes auraient dû refuser cette mission
qui ne leur revenait pas, ils terminent la conclusion de leur rapport
CORTECS : « Avec le soutien du CNOMK, nous avons accepté de faire le
travail laborieux qui revenait logiquement aux prétendants. De fait,
alors que nous pensions qu’il n’y avait pas a priori de raison
scientifique de défendre cette discipline, désormais nous le savons. »
Cette
phrase dans les conclusions en dit long ! Ils partaient d’un a priori
négatif et ne trouvaient pas logique eux-mêmes que cette tâche leur fut
demandée à eux plutôt qu’aux ostéopathes ! (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Peut-être devons-nous insister sur ce qui est pourtant une évidence :
le travail scientifique est une remise en question permanente de ce
qu’on croit acquis. La posture de départ est « méfiante », sceptique. Au
fond, vous faites la même chose : si nous affirmons guérir le cancer
par massage du cou, vous serez sceptique au premier abord. La charge de
la preuve incombe d’ailleurs à celui qui prétend. Donc en tout état de
cause, c’était aux ostéopathes de démontrer leur théorie, mais ils ne
l’ont pas fait. On a demandé à des sceptiques (non détracteurs, donc) de
regarder de près, pour voir si quelque chose tenait tout de même. Si la
conclusion vous déplaît, refaites nos recherches, ou produisez de
nouvelles données. Alors seulement, s’il y a lieu, nous changerons nos
conclusions.

Je pose la question au CORTECS : Pourquoi avoir accepté
cette mission si d’emblée elle n’était pas honnête sur le plan éthique ?
Ceci est une première erreur qui fausse votre approche et vous vous
targuez d’avoir l’esprit scientifique ! (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Votre question est un plurium interrogationum. En nous
sollicitant pour y répondre, vous posez comme prémisse que la mission du
CORTECS concernant l’ostéopathie crânienne n’était pas « éthique » (ou
décente, comme vous l’avez glissé plus tôt) S’il vous plaît, essayez de
juger de notre esprit scientifique à la méthode que nous avons utilisée.
Ne laissez pas la colère de votre lien d’intérêt avec le sujet chercher
à s’évacuer par des vindictes gratuites.

L’Ordre finance des rapports mal ciblés dès le départ. De
manière pragmatique, Si l’Ordre des MKDE souhaite encore dans l’avenir
s’éclairer sur le thème de l’ostéopathie, ne serait-il pas plus sain
d’instauré au sein de l’Ordre un conseil représentant des MKDE-D.O. qui
pourrait dès lors œuvrer positivement lorsqu’il s’agit de faire
comprendre les spécificités et l’actualisation des compétences de leur
métier d’ostéopathe ? (Karine Krzeptowski sur le Site de l’Ostéopathie)

Il ne faut pas confondre démarche de communication (« œuvrer
positivement ») et démarche d’évaluation scientifique. Mais si vous
substituez la communication à la science, ce seront les meilleurs
lobbies qui imposeront leurs vues, et c’en sera fini de la science. Un
lobby de la Société de la Terre Plate pourrait imposer ses vues à tous les géologues. Nous pensons que ce n’est pas souhaitable.

3. Les questions méthodologiques

Malheureusement, ce ne sont pas là les seules sources sur
le concept. Il manque l’ouvrage de Nicette Sergueef , sans parler de
celui d’A Croibier sur le diagnostic général ostéopathique (qui reste un
livre important pour étudier en partie le fonctionnement du
raisonnement ostéopathique) aux éditions Masson ou un ouvrage de
référence de T Liem aux éditions Maloine. Il faut noter que certains
ouvrages apparaissent sur le site de l’ostéopathie en fouillant les
articles sur les ouvrages ou avec des termes comme « crâne », « crânienne »,
« crânien ». (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Nous vous encourageons à lire ou relire en détail la méthodologie
suivie dans cette partie du rapport pour comprendre pourquoi ces
références n’apparaissent pas. En effet, nous avons relevé uniquement
les concepts élaborés par le fondateur et les continuateurs de
l’ostéopathie crânienne, identifiés dans la partie précédente du
rapport ; Nicette Sergueeg, A Croibier et T Lien ne font pas partie de
ces personnes. Ce choix méthodologique, qui a ses limites, permet de
rendre notre méthode reproductible et incrémentale. Nous ne travaillons
plus directement sur ce sujet, mais rien n’empêche qu’une autre équipe
aille plus loin en exploitant d’éventuels points aveugles de notre
méthodologie..

Je suis étonné que, les auteurs du rapport ayant
l’occasion d’échanger avec des ostéopathes (c’est noté dans les
remerciements), ces sources n’aient pas été évoquées. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Elles n’ont effectivement pas été suggérées par les différentes
personnes contactées – mais il est difficile de leur en tenir grief. Il
est probable qu’autant de contacts, autant de sources possibles. Cela
corrobore notre impression que si le « feuillage » de l’ostéopathie
crânienne est partout, il est assez difficile de bien distinguer un
tronc solide.

De même, puisqu’utilisant un moteur de recherche
généraliste qui est probablement google (on peut le supposer étant donné
que google scholar est cité plus tard dans le rapport), les auteurs
auraient pu utiliser google books où toutes les références citées plus
haut ressortaient.(Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Détrompez-vous : ces références ne ressortent pas si l’on suit de
manière précise la méthodologie décrite dans le rapport, qui cherchait à
identifier les sources bibliographiques du fondateur et des
continuateurs (voir supra). Maintenant, rien ne vous empêche de changer
de méthodologie et de refaire le travail.

Poussons un peu plus loin et soyons indulgents sur le
fait qu’ils ne connaissent pas les ouvrages d’ostéopathie en dehors des
éditions Sully (car n’étant pas du métier).(Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Merci de votre indulgence – au sens canonique, l’indulgence est une rémission de la peine encourue du fait d’un péché. Ouf !

Vous faites assurément un effet paillasson en mélangeant « ne connaissent pas » et « ne jugent pas majeurs selon la méthodologie employée »

Et comme vous pouvez le constater vous-même les ostéopathes avec
lesquels nous avons échangé semblent eux non plus soit ne pas connaître,
soit ne pas juger majeurs les ouvrages que vous évoquez. Pensez-vous
réellement qu’il suffit d’« être du métier » pour connaître tous les
ouvrages pertinents en rapport avec ce métier ? Appliquer cela à de
nombreux métiers, de boulanger à prêtre, de cordonnier à prostitué,
suffit à en douter.

Ils préviennent que ce sera succinct, sauf que même en
suivant leur méthode, il y a une part du concept plus récente (basée la
tenségrité) qui n’est pas prise en compte comme l’ouvrage de Gilles
Boudéhen qui fait partie du catalogue des éditions Sully. Alors comment
ont-ils vraiment fait leur recherche bibliographique?  (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Si vous lisez le rapport, vous saurez comment notre recherche
méthodologique a été faite. Il vous appartient de l’améliorer si vous le
jugez nécessaire. A toutes fins utiles, vous pouvez agglomérer toutes
les études qui vous paraissent manquer et contacter le Conseil national
de l’ordre ici
pour pousser plus loin notre rapport. Mais la question reste celle-ci :
ces « nouvelles » publications vont-elles infléchir les conclusions de
notre rapport ? Croyez bien que si nous le redoutons par pur péché
d’orgueil, nous le souhaitons à l’ostéopathie crânienne – et c’est ça
qui compte.

Celle-ci est vraiment limitée, comment juger
objectivement de l’aspect scientifique d’un concept en étudiant la
partie qui n’a pas été mise à jour au niveau des connaissances
scientifiques actuelles? (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

L’ostéopathie crânienne n’est pas un concept mais un champ (une
« sphère » disait Sutherland) recouvrant plusieurs concepts (MRP,
membrane de tension réciproque, etc.) S’il est toujours possible que
nous soyons passés à côté d’un concept particulier – encore faut-il nous
le montrer – en quoi cela remet-il en question le reste de notre
analyse ? Vous savez, la connaissance fonctionne par parcimonie des
hypothèses depuis Aristote, puis William d’Occam. Il s’agit d’essayer de
comprendre au moyen du moins grand nombre d’entités possibles une gamme
de faits. Le problème majeur de votre discipline, l’ostéopathie
crânienne, c’est qu’elle prend des concepts un peu flous, pour nimber de
mystère une gamme de faits que personne n’a réellement objectivé. Avant
de faire des châteaux de sable en Espagne, aurait dit R. Mianajbaro,
penseur du XIXe siècle, vérifions d’abord qu’il y a bien du sable. Et
Fontenelle l’a très bien décrit ici .

Au sujet de la tenségrité, non seulement ça n’est pas un concept
spécifique à l’ostéopathie crânienne mais encore moins à l’ostéopathie
tout court. C’est une notion d’abord architecturale (créée par
Buckminster Fuller), puis importée en biologie avec une définition
relativement précise puis, devenant concept nomade, a été adapté à de
nombreuses sauces (dont celles des héritiers du mystique Carlos
Castaneda, qui en firent un agglomérat de prétendus exercices
spiritualistes et magiques sinon toltèques, au moins venus des pratiques
des natives américains.). Encore une fois, si l’on suit notre méthode
scrupuleusement décrite, il est normal que ce concept n’apparaisse pas
puisqu’il n’a pas été émis par un des fondateur et continuateurs
identifiés.

D’autre part, nous nous interrogeons sur la pertinence d’évaluer a
posteriori ce concept puisque vous dites vous-même dans la conclusion de
votre article :

Le concept étudié est amputé de sa partie la plus récente
basée sur d’autres principes que le MRP. J’ai cependant quelques
réserves sur ce nouveau concept qui ne fait pas davantage preuve de sa
véracité dans le cadre de l’ostéopathie crânienne que l’ancien concept. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

(…) Cette erreur rédactionnelle met aussi en évidence
qu’il est sans arrêt question de manipulation crânienne sans jamais que
soit défini ce terme. C’est embêtant d’évaluer l’ostéopathie dans le
champ crânien sans définir le geste que ça implique. Si on fait une
recherche dans le document avec les termes « manipulation crânienne »,
jamais le terme n’est associé à une quelconque définition. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Le principe juridique de l’onus probandi s’applique
aussi et surtout en science : la charge de la preuve incombe à celui
qui prétend. Il est difficile de nous en vouloir de ne pas avoir défini
la « manipulation crânienne » alors que Sutherland lui-même n’a pas pris
soin de le faire de manière claire. Cela ressemble aux discussions
sceptiques vs. théologiens : des théologiens reprochent souvent aux
sceptiques de critiquer la notion de Dieu sans le définir. Mais
lorsqu’il s’agit de prendre l’avis des théologiens sur ce qu’est Dieu,
personne n’est d’accord. Finalement, de quoi parle-t-on ?
D’ailleurs,
dans les textes identifiés se rapportant à l’ostéopathie crânienne,
 « manipulation crânienne » n’est jamais présentée comme un concept
central. Il y a comme qui dirait un bug dans l’épistémologie de votre
discipline.

[Concernant la partie Fondement physiopathologique de l’ostéopathie crânienne]La
méthodologie est décrite et semble avoir essuyé quelques écueils. Il
semble que ces difficultés ne leur aient pas permis de faire une revue
de littérature dans les « règles de l’art ». (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Nous avons tenu précisément le propos suivant : « Nous avons
rencontré des difficultés pour mener, dans les « règles de l’art », une
revue de littérature systématique compte-tenu principalement : […] », et
les raisons sont listées pages 58 et 59. En fait, l’expression « règle
de l’art » est mal choisie car contrairement à d’autres disciplines, ,
il n’existe à notre connaissance pas de « règle de l’art » pour réaliser
une revue systématique de littérature sur des concepts
physiopathologiques, surtout issues d’une littérature essentiellement
non-indexée ! Ce qui montre que bien plus urgent que la critique de la
méthodologie que nous avons prise, serait de faire de la littérature
scientifique indexée ! En gros, faire de la recherche d’objectivation.
C’est ce qui aurait dû être fait depuis plus d’un siècle. Par
conséquent, vous pourriez tout aussi bien dire que ce que nous avons
réalisé est une première et ajouter « bravo au CORTECS d’avoir essayé de
démêler l’écheveau d’une discipline éparpillée et peu scrupuleuse sur
la méthode expérimentale, et d’avoir construit un bon socle
méthodologique (probablement améliorable) à quiconque souhaiterait
entreprendre un travail similaire » N’est-ce pas ?

Sachant qu’un certain nombre d’ouvrages de référence dont
nous avons parlés précédemment ne seront pas cités davantage dans cette
partie, il va donc manquer un pan entier des modèles
physiopathologiques. Néanmoins, concernant les modèles étudiés, il est
évident que leurs conclusions sont valides: (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Rappelons-nous : avant de multiplier les modèles, il faut des faits.
C’est un des critères de pseudoscientificité que de faire des modèles
sans fait caractérisé (il y a même des modèles de physiologie des
« vivants dans l’au-delà », à la suite des EVP de Konstantin Raudive).
Si malgré tout vous estimez qu’émerge ou ont émergé des concepts
spécifiques à la sphère crânienne que nous n’aurions pas traité,
n’hésitez pas à nous transmettre les références des études
expérimentales qui les soutiennent. Et si vraiment vous argumentez que
ces concepts ont leur place dans l’historique de l’ostéopathie
crânienne, vous pouvez en faire une synthèse et la rendre publique (car
un des critères scientifiques de la connaissance est la connaissance
partagée). Nous pourrions ainsi la publier dans un addendum du rapport
grâce à vous.

[Sur la fiabilité et la validité des tests ostéopathiques
employés dans le champ crânien] Cette analyse repose sur l’utilisation
d’une grille d’analyse QUAREL (qui en fait s’écrit correctement QAREL).
C’est un outil d’une bonne qualité (Lucas et al, 2013)pour évaluer la
reproductibilité de certains tests dans un contexte de revue
systématique. Il a cependant quelques limites surtout quand le test en
question n’a pas de moyen d’évaluation fiable disponible (une sorte de
gold standard). Les Items 9 et 10 sont notamment source de biais pour
cet outil où les questions sont subjectives. Ces limites sont soulevées
par les auteurs qui pointent notamment :

  • L’absence d’un gold standard,
  • Pour évaluer la constance de la mesure dans le temps, il manque la preuve du MRP et de mesures fiables.
  • L’absence d’interprétation des résultats par les évaluateurs (pour savoir si le test a été fait correctement).

En conséquence, les auteurs font un questionnaire simplifié
mélangé à celui du groupe Cochrane (risk of bias tool). Ils procèdent à
l’ajout d’un item crée pour l’occasion. Ce choix peut être discutable
dans le sens où le mélange et la modification de questionnaires valides
ne créent pas forcément un outil exempt de biais. Néanmoins, en
l’absence d’outils standardisés pour la situation en question, cet outil
permet une première approche.

Mais pour faire simple :

  • Un risque de biais est quasiment jugé élevé à chaque fois car le
    contenu d’un item est non décrit dans l’article (souvent les deux
    derniers items).
  • Les scores de corrélation ICC inter-observateurs sont en général
    assez faibles signant un manque de reproductibilité des tests
    ostéopathiques.
  • Les scores ICC intra-observateurs peuvent être parfois élevés en revanche avec un risque de biais non négligeable.

En résumé, l’analyse faite pour cette partie est intéressante
mais l’outil employé pour l’analyse des biais est discutable du fait de
ses modifications par rapport à l’outil validé et de l’attribution d’un
biais élevé systématique par manque de description du protocole. Les
scores ICC parlent d’eux-mêmes, et sans analyser le biais, la
reproductibilité est de toute façon faible. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Permettez-nous de récapituler le premier argument de ce paragraphe
(que nous étoffons d’une prémisse glanée dans le troisième paragraphe de
cette partie « La fiabilité et la validité des tests ostéopathiques
employés dans le champ crânien » ; nous intitulerons cette dernière
« prémisse (1) »). Si nous vous comprenons bien, cela donne la chaîne
logique suivante :

Prémisse (1) – « […] le mélange et la modification de questionnaires valides ne créent pas forcément un outil exempt de biais. »

Prémisse (2) – L’outil utilisé pour l’analyse des biais des études de
reproductibilité a été modifié par rapport à l’outil validé ; 

Prémisse (3) – Il a été attribué un risque de biais élevé systématique par manque de description du protocole ; 

DONC

Conclusion – L’outil pour l’analyse des biais des études de reproductibilité est discutable.

Discutons d’abord de la prémisse (1). Nous sommes d’accord avec vous.
Comme vous le faites vous-même remarquer dans le texte à la suite de
cette prémisse : « Néanmoins, en l’absence d’outils standardisés pour la
situation en question, cet outil permet une première approche. ». C’est
ce que nous nous sommes dit lors de la création de l’outil.

Abordons maintenant la prémisse (2). Comme vous l’avez vous-même
pointé (voir prémisse (1)), notre outil compile deux outils existants
(QAREL et Cochrane risk of bias tool). Ce n’est donc pas qu’une simple
modification d’un outil particulier comme vous le dites ici. Nous
fondrons donc cette prémisse avec la prémisse (1) dans la suite de
l’analyse.

Considérons enfin la prémisse (3). Cette prémisse n’est vrai que pour
un item sur sept (l’item n°6). Pour tous les autres items, quand le
protocole était insuffisamment décrit, nous avons attribué une
incertitude sur le risque de biais. Autrement dit, la prémisse (3) de
votre propos est fausse pour 6 items sur 7. Nous avons développé
largement l’argumentaire de la création de l’outil qui s’étale pour
mémoire de la page 155 à la page 159 du rapport.

Examinons enfin la conclusion de votre argument et tentons de voir
dans quelle mesure les prémisses la justifie. Vous dites que notre choix
méthodologique est discutable. Certes, mais tout choix méthodologique
étant discutable per se, donc ce propos est trivial et il vous
appartient d’en choisir un autre. Outre la trivialité de cette critique,
il pourrait y avoir quelque chose d’intéressant à en tirer tout de
même, moyennant de par exemple (a) pointer le type de biais émergeant de
l’application de l’outil ; (b) expliquer comment tel ou tel type de
biais influence ou modifie les résultats ; (c) faire des suggestions qui
permettraient soit d’améliorer l’outil en question pour éviter ou
diminuer ces biais, soit de le remplacer par un autre outil existant
plus adapté qui ne serait pas venu à notre connaissance. Sinon, cette
phrase ne sert à rien.

Quant à la prémisse 3, elle est fausse dans 6 cas sur 7. Pour l’item
6, nous avons justifié notre choix méthodologique page 159 du
rapport que nous citons à nouveau ici :

« À propos de l’item 6 « Est-il prévu un dispositif pour empêcher les
évaluateurs d’avoir accès à des indices additionnels sur les sujets
(tatouage, taille, genre, etc.) et qui ne faisaient pas partie du test ?
» : étant donnée l’importance que prend le dispositif nécessaire à sa
réalisation (voir par exemple l’étude d’Halma et al. de 2008) nous
considérerons qu’une absence d’information au sujet de cet item équivaut
à l’absence de dispositif, c’est-à-dire à un risque de biais élevé. En
toute honnêteté, ce choix pourrait être fait pour d’autres items.
Seulement celui-ci nous apparaît très particulier car le dispositif
nécessaire, sur le plan logistique, est tellement important que nous
pressentons peu crédible le fait qu’aucun mot n’en soit dit dans la
publication à cause de contraintes éditoriales ou par simple oubli. »

N’est-ce pas suffisant ?

C’est une chose assez facile de dire qu’une méthodologie est
discutable. C’est une autre paire de manche que de la discuter de
manière circonstanciée. Mais peut être le ferez-vous, à notre grand
plaisir.

Venons-en maintenant à votre dernier énoncé de cette partie : 

« Les scores ICC parlent d’eux-mêmes, et sans analyser le biais, la reproductibilité est de toute façon faible. »

Oui, vous avez raison. La volonté de procéder à une analyse des biais
relève de plusieurs motifs. Nous n’en évoquerons ici qu’un seul en
citant un passage de notre rapport : 

« La majorité des études existantes et disponibles échouent à mettre
en évidence ces reproductibilités pour tous les paramètres considérés,
cela malgré des risques de biais souvent favorables à l’émergence de
résultats positifs. » p. 195 (nous surlignons)

Autrement dit, ce que nous apprend l’analyse des biais, c’est que
même en utilisant des méthodologies biaisées favorables à l’obtention de
résultats reproductibles, les chercheurs échouent à mettre en évidence
la reproductibilité des techniques crâniennes utilisées par les
praticiens. Ceci est selon nous un indice majeur en faveur du fait que
même en améliorant la méthodologie, il est probable que les chercheurs
continuent malheureusement à échouer. Pour quiconque souhaiterait
entreprendre une étude de reproductibilité d’une technique d’évaluation
issue de l’ostéopathie dans le champ crânien, ce fait nous parait
essentiel à considérer. Avant l’élaboration de ce rapport, nous avons
rencontré des ostéopathes motivés pour faire ce type d’étude avec nous.
Dès lors, nous leur avions proposé de nous recontacter quand nous
aurions terminé le rapport, ceci pour que d’une part nous puissions
éventuellement saisir des contraintes méthodologiques inhérentes à la
pratique que nous aurions sous-estimées, et que d’autre part les
ostéopathes intéressés puissent aisément accéder aux travaux déjà
réalisés ainsi qu’aux difficultés s’y rattachant pour mesurer l’ampleur
de la tâche.

[Concernant l’efficacité thérapeutique]

Les auteurs ont mis en évidence 4 revues de littérature sur les sujets :

Nous
observerons que ces quatre revues convergent toutes vers un défaut de
preuve de l’efficacité des techniques et stratégies thérapeutiques
issues de l’ostéopathie crânienne.
Rapport CORTECS p204

Les
auteurs, devant le fait qu’il y ait eu depuis la dernière revue d’autres
publications, vont effectuer eux-mêmes leur propre revue de
littérature.

Ils relèvent qu’un protocole en triple aveugle
(patient, praticien, analyste) n’est pas applicable en thérapie manuelle
pour le praticien, mais que les protocoles qui tentent de le faire pour
les deux autres acteurs vont dans le bon sens.

Les auteurs vont utiliser l’outil de cochrane cité précédemment, mais seul (sans le QAREL, non adapté à l’analyse).

En
résumé, il y a en général un grand risque de biais du fait de l’absence
de données sur l’aspect aveuglement des trois acteurs de la recherche,
soit sur la randomisation dans le protocole, soit sur les données
manquantes. Les articles ne sont donc pas assez détaillés pour que les
résultats puissent être correctement analysés, et quand ils le sont, il y
a des manques qui portent préjudice aux résultats.

Seuls 2 études sortent du lot avec un risque de biais raisonnable (Elden et al., 2013, Haller et al., 2015).

(…)

L’utilité
même d’un tel rapport (dont la responsabilité incombait à ceux qui
pratiquent l’ostéopathie crânienne d’après les auteurs) est discutable
du fait que des travaux de revue de littérature sur le sujet ont déjà
été faits (Jackel & Von Hauenschild, 2012, Jackel & Von
Hauenschild, 2011, Green et al, 1999), de même que la remise en question
du concept existe depuis longtemps et a toujours cours (Gabutti &
Draper-Rodi, 2014,Tricot, 2000, Roger & Witt, 1997). Enfin, parfois
les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Comme précédemment, il nous faut pour ne pas perdre l’éventuel lecteur, décortiquer l’argument de ce paragraphe.

Prémisse (1) – Des revues de littérature ont déjà été réalisées sur le sujet.

Prémisse (2) – « […] la remise en question du concept existe depuis longtemps et a toujours cours. »

Prémisse (3) – « […] parfois, les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. »

DONC

Conclusion – L’utilité du rapport CORTECS sur l’analyse scientifique de l’ostéopathie crânienne est discutable.

Concernant la prémisse (1), nous n’y trouvons rien à redire puisque
effectivement, des revues de littérature ont déjà été réalisées sur le
sujet. Non seulement nous les mentionnons dans le rapport mais en plus
nous en faisons la synthèse.

Au sujet de la prémisse (2), nous sommes au courant qu’il existe des
divergences d’opinions chez les ostéopathes concernant les différents
concepts (voir par exemple la page 59 du rapport qui concerne le MRP).

Quant à la prémisse (3), nous en avons déjà discuté : propos trivial et sans fondement (voir ci-dessus).

Regardons maintenant la conclusion et observons dans quelle mesure les prémisses la justifie.

Prémisse (1) À propos des revues de littérature déjà réalisées sur le
sujet et sur l’intérêt d’en réaliser de nouvelles nous l’avons expliqué
dans le rapport en deux endroits. Pour la revue sur la reproductibilité
nous avons écrit ceci : 

« Nous constatons que ces trois revues convergent toutes sur le
défaut de preuve de la reproductibilité intra et inter-observateurs des
tests et procédures diagnostiques issus de l’ostéopathie crânienne.
Cependant, nous allons pousser plus loin notre enquête car :

1) de nouvelle études ont été publiées depuis les travaux de Green et al. et Hartman & Norton ;

2) nous avons recensé dans notre recherche systématique un document que le travail de Fadipe et al. n’incluait pas;

3) il n’existe pas de travail similaire au nôtre en français ;

4) enfin, il en va de notre légitimité que de réaliser sa propre analyse, la plus attentive possible. »

Pour la revue sur l’efficacité nous précisons : 

« Nous observons que ces quatre revues convergent toutes vers un
défaut de preuve de l’efficacité des techniques et stratégies
thérapeutiques issues de l’ostéopathie crânienne. En dépit de cette
convergence, nous avons tout de même fait notre propre investigation
pour des motifs similaires à ceux évoqués lors de notre revue sur la
reproductibilité des procédures diagnostiques. »

Nous constatons qu’il est nécessaire d’apporter quelques précisions supplémentaires pour la revue sur l’efficacité : 

(a) depuis la parution des revues les plus récentes en 2012 (les
revues de Jäkel et Von Hauenschild et celle de Ernst de 2012), il y a eu
5 nouvelles publications ; 

(b) ces revues n’ont pas les mêmes critères d’inclusion et de
non-inclusion que la nôtre. La conséquence est que notre revue ne
comporte en commun avec ces revues que 3, 3 et 4 publications
respectivement (sur les 8 publications que nous avons analysées hors
celles publiées après 2012).

Pour conclure sur cette articulation prémisse (1) / conclusion (B),
encore une fois ici vous faites une critique à laquelle nous avons déjà
donné des éléments de réponse . Nous faisons l’hypothèse que ces
passages vous ont échappés.

Prémisse (2) – « […] la remise en question du concept existe depuis longtemps et a toujours cours. »

D’expérience, nous savons malheureusement que même quand la critique
d’un concept est ancienne elle gagne toujours à être réactualisée et
maintenue (l’astrologie, la chiromancie pour ne prendre que des exemples
« faciles », la psychanalyse freudienne pour prendre un exemple plus
complexe, etc.).

Prémisse (3) – « […] parfois, les outils d’évaluation choisis et modifiés peuvent être discutables. »

Nous y sommes déjà venu. Dans votre commentaire, c’est un propos
trivial et sans fondement qui ne peut justifier en rien la conclusion de
votre argument.

En résumé, nous dirons encore une fois que c’est une chose de dire
que quelque chose est discutable mais que s’en est une autre de la
discuter sérieusement. L’analyse de vos arguments démontre que ceci
n’est, hélas, pas le cas.

3. Concernant la phrase « Les critères de qualité n’étant
pas mentionnés, nous ne pouvons exclure un tri sélectif, volontaire ou
non des données », nous avons écrit dans notre publication (page 166 du
JAOA) :
Descriptive statistics. Twelve subjects participated
in the study. Of these, 11 provided high-quality data for analysis. For
subject 12, the signal-to-noise ratio observed in the laser-Doppler
(time-domain) output was too low for precise quantitative measurement.
However, the Fourier transform (frequency-domain) record of subject 12
included all of the features observed for the other 11 subjects.
(Statistiques
descriptives. Douze sujets ont participé à l’étude. Parmi ceux-ci, 11
ont fourni des données exploitables pour l’analyse. Pour le douzième, le
rapport signal-bruit observé dans la production du laser-Doppler
(domaine-temps) était trop bas pour une mesure quantitative précise.
Pour autant, la transformation Fourier de l’enregistrement du sujet 12
contenait toutes les caractéristiques observées chez les autres onze
sujets
).
Les auteurs du rapport n’ont-ils pas compris cette partie ?
S’ils
ne comprennent pas le rapport signal-bruit, nous les renvoyons à notre
chapitre “Physiological Rhythms/Oscillations”, page 182, paragraphe
« additional observations » et fig 11-18. Ils y trouveront
l’interprétation du rapport signal-bruit dans nos travaux.
(“Physiological
Rhythms/Oscillations”, Glonek, Sergueef, Nelson. chapt. 11. In: Chila
A, ed., Foundations of Osteopathic Medicine. Baltimore, MD: Lippincott,
Williams & Wilkins; 2011;162-190.) (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Merci de vous préoccuper de notre
compréhension du rapport signal-bruit. Cette publication devrait en tout
état de cause délivrer tous les éléments permettant de comprendre et
d’analyser la méthode suivie. Toutefois, notre remarque concernant
l’absence de mention des critères de qualité s’appliquait en cas
d’exclusion de sujets évalués, ce qui n’est pas le cas (voir infra).

Dans une seconde partie, les auteurs ont étudié les
articles parlant de la fréquence du rythme crânien et la restriction de
mobilité des os du crâne. Selon eux, on ne retrouve pas de
reproductibilité inter et intra observateur sur le plan scientifique à
ce sujet (exclusion des études ayant des résultats positifs pour un
risque de biais important). Dans une dernière partie, les scientifiques
ont évalué 12 études sur l’efficacité thérapeutique des techniques
crâniennes. Ils en ont exclu 10 présentant des résultats positifs pour
risques de biais élevé. 2 études sérieuses ont été conservés. Une
concerne les syndromes douloureux pelviens de la femme enceinte (Elden
et al 2013. Acta obstetricia et gynecologica Scandinavia). Les résultats
positifs de cette étude sont modérés par les auteurs qui encouragent la
poursuite des recherches en ce sens. (Ostéopathes Plus)

[Autre
citation] Les études référencées ayant un risque de biais élevé ont été
analysées de manière bien différentes tout au long de ce rapport. Elles
ont été qualifiées de non sérieuses et employées pour remettre en cause
l’ostéopathie crânienne (ex : concept de la mobilité suturale) Ou alors
elles ont été purement exclues des résultats lorsqu’elles étaient
favorables à l’ostéopathie crânienne. (ex: le chapitre sur l’efficacité
thérapeutique de l’ostéopathie crânienne). (Ostéopathes Plus)

Nous pensons que votre problème vient du terme « exclusion », nous
entendons « exclusion avec critères », en l’occurrence une méthodologie
bien construire. Par ailleurs, il est inexact de dire que les études
présentant un risque de biais élevé ont été exclues. Ceci n’est
méthodologiquement pas possible dans la mesure ou l’évaluation du risque
de biais des études survient après et non avant l’application des critères d’inclusion et de non-inclusion.

[…] MAIS… « en science on publie plus facilement les
résultats positifs que ceux négatifs » il s’agit d’un biais de
publication. « Il faut donc considérer la proportion des études
positives par rapport aux négatives » ils utilisent également le
principe de symétrie « si un très petit nombre d’études existe avec des
résultats positifs il existe également un petit nombre d’études avec
résultat négatif, cela doit nous encourager à ne rien conclure de
favorable à travers ces études. » (Ostéopathes Plus)

Cela fait plusieurs fois que vous faites de fausses citations de
nous. Nous vous serions reconnaissant d’utiliser des citations réelles
pour alimenter la discussion.

À aucun moment l’avis d’un organisme de formation en
ostéopathie agréé ou formateur écrivant des livres de références
actuelles en ostéopathie crânienne n’a été consulté (Tricot, Boudehen,
Gehin etc.). (Ostéopathes Plus)

La seule façon permettant à un organisme de formation ou une
quelconque personne de nous aider eut été de nous fournir des
comptes-rendus de travaux expérimentaux. Nous avons fait tout ce qui
était en notre pouvoir pour récolter un maximum de ces compte-rendus.
Pour mémoire, nous avons contacté :

  • L’Upledger Institute Belgium
  • L’Upledger Institute International
  • La Biodynamic Craniosacral Therapy Association of North America
  • La Sutherland Cranial Teaching Foundation
  • La Sutherland Cranial Academy of Belgium
  • La Société Française d’Ostéopathie
  • Association Française de Thérapie Cranio-Sacrale
  • La Société Suisse de Thérapie Cranio-sacrale
  • Le Collège d’Ostéopathie Sutherland Atlantique
  • La Société Européenne de Recherche en Ostéopathie Périnatale et Pédiatrique
  • Le Collectif de Développement de l’Ostéopathie Périnatale
  • L’Académie d’Ostéopathie de France
  • L’Académie Sutherland d’Ostéopathie du Québec
  • L’European Federation of Osteopaths
  • Le Forum for Osteopathic Regulation in Europe
  • L’Osteopathic Cranial Academy

Aucune de ces organisations ne nous a fourni de référence que nous
n’ayons pas trouvée par d’autres moyens. Il est certes toujours possible
que nous soyons passés à côté de travaux importants mais le problème
reste le même : où sont-ils ? Montrez-nous ces fameuses études
essentielles et fantomatiques à côté desquelles nous aurions pu passer.
La charge de la preuve incombant à celui qui prétend, ce n’est
théoriquement pas à nous, mais aux auteurs dont vous parler de fournir
matière à leur discipline, et cela ne devrait pas être à nous de
parcourir la Terre entière à la recherche de la potentielle publication
en wano ou en espéranto que nous aurions pu manquer.

4. Les questions sur nos sources

Ailleurs, il est fait référence à un projet de loi sur
l’ostéopathie initié par le professeur Debré, projet de loi
particulièrement contesté à l’époque et qui n’a jamais été discuté à
l’Assemblée nationale et encore moins en commission. Pourquoi les
auteurs font-ils référence à ce projet Debré, qui n’a ni queue ni tête ?
(6): « Pour un rappel historique de l’évolution du cadre législatif de
l’ostéopathie, nous renvoyons à la proposition de loi portant sur la
création d’un Haut Conseil de l’ostéopathie et de la chiropraxie
enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 septembre
2011 (dite proposition de loi Debré). Elle rappelle notamment que
jusqu’en 2002, « l’exercice de l’ostéopathie et de la chiropraxie
était réservé aux seuls médecins, toute autre personne pratiquant ces
disciplines relevait de l’exercice illégal de la médecine
» (p. 52-53 du Rapport). (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Il vous revient d’expliquer en quoi ce projet n’a « ni queue ni
tête ». Comme nous l’avons précisé dans le texte que vous citez, nous
avons fait référence à ce projet de loi car il décrit l’historique de
l’évolution du cadre législatif de l’ostéopathie. Sur ce point précis il
s’avère tout à fait pertinent.

Mais pourquoi n’ont-ils pas noté dans leur rapport que
les manipulations dites d’ostéopathie et de chiropraxie ne sont devenues
réservées qu’aux seuls médecins par un arrêté du 6 janvier 1962 :

«
Article 2 : Ne peuvent être pratiqués que par les docteurs en médecine,
conformément à l’article L. 372 (1°) du code de la santé publique, les
actes médicaux suivants : 1° Toute mobilisation forcée des articulations
et toute réduction de déplacement osseux, ainsi que toutes
manipulations vertébrales, et, d’une façon générale, tous les
traitements dits d’ostéopathie, de spondylothérapie (ou
vertébrothérapie) et de chiropraxie. Arrêté du 6 janvier 1962 fixant
liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins
ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par
des directeurs de laboratoires d’analyses médicales non médecins. »
(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Nous vous remercions pour votre complément à la partie législative du
rapport. Nous n’avons effectivement pas été exhaustif sur la
législation au sujet de l’ostéopathie car cela nous éloignait de notre
sujet de départ, la validité scientifique et l’efficacité thérapeutique
de l’ostéopathie crânienne. Nous avons donc préféré renvoyer à un
document synthétique, cf. réponse ci-dessus.

5. Les (fausses) erreurs relevées

Un exemple : la critique des travaux de Jean-Claude
Herniou, du moins le résumé qui en est fait va totalement à l’encontre
de ce que j’ai lu de son article publié sur le Site de l’Ostéopathie
par mes soins : « Le mécanisme respiratoire primaire n’existe pas ».
Son étude sur le mouton cherchait : « à évaluer et à comparer la
mobilité de la suture et de l’os frontal du mouton soumis à faible
contrainte (p.99 du rapport). Or de cette étude, il en est ressorti pour
Herniou que le MRP n’existait pas ! En effet, dans l’interview qu’il
donne à la revue Æsculape (2)
Herniou précise parfaitement ceci: « Depuis 1987, j’ai la preuve que le
liquide céphalo-rachidien (LCR), très cher à mes confrères ostéopathes,
n’est pas le moteur de la mobilité crânienne. Le LCR n’est le moteur de
rien du tout. Et, plus important encore, j’ai la preuve que le
« mécanisme respiratoire primaire », tel qu’il est habituellement décrit
en Ostéopathie, n’existe pas. Quand je lis ce qui est écrit à ce niveau
je suis, pour le moins, perplexe !… Il me semble que de nombreux
auteurs, par culte de Sutherland, perpétuent une erreur grossière. Cette
idée bien explicable pour l’époque est aujourd’hui totalement obsolète.
À mon avis, elle décrédibilise l’ostéopathie. » Fallait-il donc tout
cela pour démontrer ce qui est déjà démontré ? (Jean-Louis Boutin sur le
Site de l’Ostéopathie)

Nous écrivons page 59 que « D’autres ostéopathes crâniens, certes
isolés comme l’ostéopathe français Jean Claude Herniou, contestent
l’existence-même du MRP. ». Le résumé et l’analyse de son étude sont
insérés dans la partie relative à la mobilité des os du crâne et non à
l’existence du MRP. Donc il n’y a pas de contradiction entre ce que vous
dites et ce que nous avons rédigé.

En ce qui concerne votre question : « Fallait-il donc tout cela pour
démontrer ce qui est déjà démontré ? », nous ne prétendons pas avoir
démontré que le MRP n’existait pas (On ne peut pas démontrer
l’inexistence d’un phénomène, grande injustice épistémologique), mais
démontré qu’il n’y a aucune preuve de l’existence du MRP, ce
qui est différent. Ensuite, rappelons-le, nous n’avons pas fait cela
uniquement pour le présumé phénomène « MRP » mais aussi pour la mobilité
des os du crâne, la mobilité involontaire des articulations
sacro-iliaques, le rôle des membranes de tension réciproque, le souffle
de vie et enfin la reproductibilité des procédures diagnostiques de
l’ostéopathie crânienne ainsi que l’efficacité de ses techniques
thérapeutiques. En outre, vous conviendrez que d’un point de vue
scientifique, si nous nous étions contentés au sujet du MRP de renvoyer
aux travaux de Herniou, il est assuré que certains de vos
confrères-sœurs auraient trouvé cela quelque peu insatisfaisant, et
entre nous ils ou elles auraient eu raison.

Bien que le concept d’ostéopathie crânienne soit fort
bien exposé dans ces pages, les auteurs ont du mal – il faut les
comprendre – pour bien analyser ce qu’est le MRP et ce qu’est l’IRC ou
l’impulsion rythmique crânienne (4) au point, semble-t-il, parfois de
les confondre : « Le fait de percevoir un phénomène rythmique et de
pouvoir caractériser sa fréquence ne permet pas de conclure quant à
l’existence du phénomène rythmique, encore moins quant à l’existence
d’un MRP ou IRC. » (p.73 du Rapport).(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Effectivement, il est difficile de s’y retrouver dans ces
dénominations tant elles varient selon les auteur.e.s et les époques.
Cependant, nous avions bien précisé page 59 du rapport les liens et
confusions possibles entre MRP et IRC : « Lorsqu’il s’agit de quantifier
ce qui s’apparente au MRP, une majorité d’ostéopathes emploient le
terme d’impulsion rythmique crânienne (IRC). En fait, la nomenclature
employée est très diverse pour qualifier ce mouvement qui en théorie
parcourt le crâne et probablement le corps. Pour certains ostéopathes,
IRC et MRP sont sensiblement la même chose, l’IRC étant la manifestation
du MRP, mais il existe des voix divergentes. »

S’il existe des certitudes en ostéopathie crânienne,
c’est celle du sens que les ostéopathes donnent à l’abréviation MRP et
notamment au « M » : c’est un mécanisme et non un mouvement. Même
si cela est faux, au sens où le mécanisme n’est pas démontré
scientifiquement, le MRP est et reste un mécanisme et en tant que tel il
est impossible de soutenir que c’est un phénomène rythmique que l’on
pourrait palper… (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Certes, nous lisons et entendons souvent « mécanisme » plutôt que
« mouvement » pour le M du MRP, mais les deux appellations co-existent.
Une recherche avec Google books l’illustre : « mouvement
respiratoire primaire » donne 90 occurrences contre 194 pour « mécanisme
respiratoire primaire ». La certitude du sens du « M » de « MRP » pour
les ostéopathes n’en est donc pas une. Comme nous l’avons rappelé plus
haut, il est très difficile de s’y retrouver dans le fouillis des
nomenclatures ostéopathiques, entretenu par les ostéopathes eux et
elles-mêmes. Quant au fait que : « il est impossible de soutenir que
c’est un phénomène rythmique que l’on pourrait palper… », c’est pourtant
ce que font de nombreux et nombreuses ostéopathes, à l’image de celles
et ceux que nous citons dans la partie relatant les études ayant essayé
de mettre en évidence ce phénomène rythmique supposé.

Et plus loin encore : « Il est important de préciser que
dans cette étude [Frymann 1971] n’est pas évoqué un mouvement des os du
crâne entre eux, mais un mouvement crânien global, de type MRP ou IRC »
(p.93 du Rapport). Le MRP pas plus que l’IRC ne sont des mouvements
globaux. Le MRP est un essai d’explication donné par Sutherland, une
sorte de formalisation explicative, d’hypothèse liée à la palpation
qu’avait Sutherland, mais n’a jamais été donné par son créateur comme
une vérité scientifique absolue. (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Il s’agit de votre interprétation des écrits de Sutherland. D’autres
explicitent les choses autrement. Nous avons préféré ne pas qualifier le
MRP de « vérité scientifique absolue », pas plus que de « formalisation
explicative ».

Ce sont ses élèves qui en ont fait une théorie qui se
voudrait scientifique pour essayer d’expliquer ce que ressent un
ostéopathe quand il met les mains sur le crâne. Le Dr Dominique Bonneau a
essayé d’éclairer ce phénomène de palpation dans un article publié dans
la revue de Médecine Manuelle Ostéopathie (5). Mais le fait
d’avoir voulu en faire une théorie scientifique pure et dure a amené les
ostéopathes crâniens à s’enfermer dans une conception qui ne devrait
plus avoir cours, même si leur palpation pourrait avoir un sens…
(Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Là encore, il s’agit de votre interprétation et de votre
compréhension de l’histoire de l’ostéopathie. Peut-être est-ce une
discussion qu’il faudrait avoir entre ostéopathes pour fixer clairement
les terminologies employées ? Les choses en seraient grandement
facilitées.

Une autre imprécision surprenante pour des scientifiques, c’est d’associer le new âge avec la Société de théosophie :
« … Passé par la Société théosophique de Helena Blavatsky, association
ésotérico new-ageuse empruntant nombre de ses concepts à l’Hindouisme, à
l’occultisme et à l’astrologie, Steiner fonda ensuite la Société
anthroposophique… » (p.136 du Rapport). Je reste confondu devant cette
assimilation, non pas que je sois un adepte de la Société théosophique,
mais parce que je me suis posé la question de la date de création de
cette société. Si on en croit Wikipédia, la Société théosophique a été
« fondée à New York le 17 novembre 1875, par Helena Petrovna Blavatsky,
ainsi que par le Colonel Henry Steel Olcott et William Quan Judge ».
Mais qu’allait donc faire le new âge en cette affaire même si ses
adeptes ont cherché dans les écrits anciens des références et des
appuis ? (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Nous nous faisons fort de ne pas vous laisser trop longtemps
confondu : le New Age, avec un petit R marque déposée, comme courant
étiqueté comme tel, n’existe pas vraiment : il est généralement présenté
comme le fuit des « travaux » de Ferguson, années 1970, sur l’aquarian conspiracy,
on est d’accord., mais ses racines, ainsi que le concept d’un nouvel
âge à venir, viennent du XIXe, de la convergence entre la société
anthroposophique, les courants type Lebensreform, retour à la Nature avec des gens comme Adolf Just, la Naturphilosophie
dans ses différentes formes, etc. avec des soupçons de millénarisme, de
maîtres ascensionnés pris à l’hindouisme et de retour du Christ-roi
d’Alice Bailey – on est dans les années 20 à ce moment-là. Mais le New
Age est tellement éclectique qu’on pourrait -certains auteurs le font –
remonter à Swedenborg. Donc nous sommes raccord avec un bon nombre
d’historiens en faisant naître la mouvance New Age dans le brouet
spiritualiste de la fin du XIXe. En 1864 par exemple, le très
swedenborgien Warren Felt Evans publia The New Age and its Message, ;
en 1907 Alfred Orage and Holbrook Jackson firent paraître un hebdo
mélange de socialisme et de libéralisme chrétien intitulé The New Age. Ensuite, il y aura Disciplineship in the New Age (1944) and Education in the New Age (1954), d’Alice Bailey.

Donc oui, le New age a des racines très profondes, et
l’anthroposophie n’en fut pas l’une des moindres.. Pour cette filiation,
vous pouvez lire en anglais Sarah M. Pike, New Age and Neopagan
Religions in America. Columbia University Press, ou Sutcliffe, Steven J.
Children of the New Age: A History of Spiritual Practices. London and
New York: Routledge (2003) ainsi qu’en français Marhic et Besnier, le
New age, son histoire ses pratiques ses arnaques, Castor Astral 1998.

6. Les (vraies) erreurs relevées

Concernant le côté du résumé du cadre législatif, il y a un petit problème avec ce paragraphe
C.3 Pratique

Les ostéopathes n’ont pas le droit de pratiquer un certain nombre
d’actes s’ils ne sont pas « soumis à diagnostic médical préalable de non
contre-indication ». Parmi ces actes, on note les « manipulations du
crâne ».

Rapport CORTECS, p53
Or, dans les décrets
qui auraient pu être cités en entier, il était fait mention d’un élément
supplémentaire qui change le champ d’application de la restriction de
prise en charge. Premièrement ça ne rajoutait pas beaucoup plus de
lignes et surtout, deuxièmement, ça évitait une erreur factuelle:

Article 3
(…)
Décrets du 27 mars 2007
On voit que cette restriction concerne la prise en charge des nourrissons. Il existe donc un risque de confusion. (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Vous avez raison, il aurait fallu préciser que cette
contre-indication s’appliquait uniquement pour la prise en charge des
nourrissons. Nous nous sommes nous aussi rendus compte de cette
imprécision hélas peu de temps après le rendu du rapport. Nous sommes
ravis que vous l’ayez pointé du doigt. Même si cette erreur ne change
rien aux conclusions, nous ferons un addendum au rapport en vous
remerciant.

« Cette analyse repose sur l’utilisation d’une grille
d’analyse QUAREL (qui en fait s’écrit correctement QAREL). » (nous
surlignons). (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Exact ! Coquille qui s’est subrepticement insinuée puis répliquée dans l’intégralité du document. Nous avons probablement fondu QUAREL, quarrel en anglais (la querelle ou dispute oratoire), et peut être même squirrel, l’écureuil. Merci pour cette remarque.

Suite à la lecture du rapport sur l’ostéopathie crânienne
rédigé par le Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique
et sciences (Cortecs), en date du 26 janvier 2016, à la demande du
Conseil National de l’Ordre des Masseurs-Kinésithérapeutes, nous
voudrions apporter quelques remarques.

Dans ce rapport, nous nous
sommes particulièrement intéressés à la revue des publications que nous
avons réalisées au Chicago College of Osteopathic Medicine, Midwestern
University, Downers Grove, Il, USA. (Nelson KE, Sergueef N, Glonek T).

1.
Page 69 du rapport du Cortecs, les auteurs évaluent notre étude :
« Cranial rhythmic impulse related to the Traube-Hering-Mayer
oscillation: Comparing laser-Doppler flowmetry and palpation”. Nelson,
Sergueef, Lipinski, Chapman, Glonek. JAOA March 2001:163-73.
Ils
écrivent : « Pour se faire, l’oscillation de THM était mesurée chez 20
sujets en bonne santé par le biais d’une sonde Doppler positionnée sur
le lobe de l’oreille gauche de chaque sujet ».
Page 70 : « En analysant
cette publication, on sera étonné que seulement 12 sujets sur les 20
initiaux font l’objet d’un traitement statistique, du fait de la
mauvaise qualité d’acquisition des autres enregistrements, selon les
auteurs. Les critères de qualité n’étant pas mentionnés, nous ne pouvons
exclure un tri sélectif, volontaire ou non des données ».

2. En
fait, dans cette étude, nous avons mesuré l’oscillation de THM chez 12
sujets, et non 20 comme l’auteur de ce rapport le mentionne. Il est donc
évident que nous ne pouvions traiter les données statistiques de 20
personnes. On peut lire dans notre publication (page 163 du JAOA) :
« Twelve healthy subjects over 18 years of age (6 males; 6 females, none
pregnant) were recruited from the faculty and students of the Chicago
College of Osteopathic Medicine ».
(Douze sujets en bonne santé, de
plus de 18 ans (6 hommes, 6 femmes, aucune enceinte)ont été recrutés
parmi les professeurs et les étudiants du Collège de Médecine
Ostéopathique Chicago)
(Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Nous vous remercions d’avoir relevé cette coquille qui s’est
subrepticement glissée dans le rapport et a ensuite échappé à notre
vigilance lors des relectures. Effectivement, il s’agit d’une erreur
factuelle importante de notre part – probablement une confusion twelve / twenty.
Nous vous remercions de nous l’indiquer, et déplorons vivement notre
erreur. Les données ont pu être recueillies de manière satisfaisante
pour 11 sujets sur les 12 inclus dans l’étude, et non 20.
Précisons
cependant que, vous en conviendrez que, cela ne remet pas en cause nos
remarques ultérieures concernant les limites intrinsèques de l’étude.
Nous écrivions :

« En outre, compte tenu du faible nombre de sujets analysés l’analyse
statistique se révèle insuffisamment détaillée pour conclure à sa
validité. Enfin, notons que quand bien même il y eut coïncidence entre
les deux ondes, il faudrait plus de contrôles dans la méthodologie
utilisée pour que l’onde palpée puisse effectivement être reliée au MRP.
»

4. Les auteurs du rapport décrivent ainsi la prise
utilisée par le praticien … »L’examinateur presse légèrement de dehors
en dedans, de manière à provoquer une rotation externe des deux os
pariétaux ». Il s’agit d’une extrapolation, car nous avons écrit : « the
examiner, at the head of the table, palpated the CRI using light touch
with the hands in a biparietal-hold position » (le praticien à la tête de la table, palpait l’IRC avec un toucher léger et une prise bipariétale). La prise bipariétale n’implique pas une induction de mouvement. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Merci d’apporter plus de précisions concernant les modalités des techniques appliquées qui ont pu nous échapper.

5. L’étude référencée en bas de la page 72, n’a rien à voir avec les remarques qui sont faites dans ce paragraphe. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Vous relevez aussi une erreur de notre part de référencement. L’étude
correspondant à l’analyse figurant en p72 est celle-ci : Sergueff N.,
Nelson K. E., Glonek T., The effect of cranial manipulation upon the Traube-Hering-Mayer oscillation as measured by Laser-Doppler flowmetry, Alternative Therapies. (2002) Nov/Dec ; 8(6) que l’on retrouve citée en page 267 et 285.

Nous sommes heureux que les auteurs aient
pris le temps d’examiner notre travail, mais déçus par la fausse
représentation qu’ils en ont faite. Les auteurs n’ont manifestement pas
lu notre étude attentivement, et leurs conclusions ne peuvent être
validées par le fait des erreurs d’interprétation qu’ils ont faites. (Courrier de Nicette Sergueef, Kenneth E Nelson, Thomas Glonek adressé au CNOMK et mis en ligne sur osteopathie-france.net.)

Nous partageons sincèrement votre déception
concernant les erreurs que nous avons commises concernant cette
publication. Cependant, nos conclusions ne nous semblent pas affectées
par ces erreurs, comme nous l’avons précisé précédemment lorsque nous
avons rappelé les autres limites intrinsèques de cette dernière.

Il reste à dire quelques mots de l’orthographe. Je
suppose que le clavier n’avait pas toujours les accents français car de
très nombreuses fois nous trouvons ou au lieu de
ce qui perturbe momentanément la lecture. Et que dire alors de cette
confusion de verbe : « Nous considérons que l’expérience minimale est le
fait d’avoir terminé une formation spécifique à la pratique. Il nous
semble en effet indispensable, en tant que patients, de ne pas devoir
attendre qu’un praticien est (sic au lieu de ait)
plusieurs années d’expérience pour pouvoir fonder ces choix
thérapeutiques sur des examens reproductibles » (p.158 du Rapport).
Finalement c’est bien peu de choses, et je me suis même posé la question
de savoir : fallait-il le signaler ? (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Question qui ressemble à une prétérition, puisque finalement vous
avez choisi de le faire. On pourrait dire trois choses sur ce point :
primo, c’est un angle de critique assez pauvre, vous en conviendrez.
Secundo, sans relecteur professionnel à rémunérer, c’est impossible sur
un aussi long travail de relever toutes les coquilles. Enfin, dernier
point, il y a une façon plus élégante de nous aider : au lieu d’exposer
en public en les citant nos fautes d’orthographe, ce qui manque un peu
de… style… Vous auriez pu les noter, nous les envoyer, et nous permettre
de remettre en ligne une version expurgée, avec nos remerciements et
l’impression d’une collaboration, pas d’un tir au pigeon.

7. Les extrapolations

A l’aide de la littérature, ils concluent : […] – la
circulation du LCR est admise mais il n’existe aucune preuve de lien de
cause à effet entre fluctuation du LCR et mobilité du crâne ; […] (Ostéopathes Plus)

Vous nous amenez ici hors de notre sujet. La question d’un lien entre
fluctuation du LCR et mobilité du crâne n’est abordée nulle part dans
notre travail et pour cause : aucune donnée expérimentale consistante
pour soutenir l’hypothèse d’une mobilité des os du crâne entre eux n’a
été découverte.

[…] – aucune étude au sujet des membranes de tensions
réciproques et toujours ce même raisonnement « vu qu’on a montré que le
MRP n’est pas démontrable, il n’est pas soutenable de lier les membranes
de tensions réciproques à la mobilité crânienne ». (Ostéopathes Plus)

Notre citation exacte est substantiellement différente de celle que vous rapportez. La voici :

« Le concept de MRP n’étant pas lui non plus démontré, il n’est pas
soutenable de penser que les membranes de tension réciproque jouent un
rôle dans la mobilité des os du crâne et de la face (elle non plus
infondée scientifiquement) ou dans la mobilité involontaire du sacrum (idem). » (page 132)

En fait, l’imbroglio est un peu de notre faute car faire apparaître
le MRP ici était dilatoire. S’il nous appartenait de changer notre
phrase, nous mettrions : « Il n’est pas soutenable de penser que les
membranes de tension réciproque jouent un rôle dans la mobilité des os
du crâne ou dans la mobilité involontaire du sacrum dans la mesure où
ces deux types de mobilité ne sont pas démontrées. »

Le dernier article étudie les techniques crâniennes sur
les cervicalgies chroniques. Les auteurs reconnaissent l’efficacité de
l’ostéopathie crânienne dans ce cadre […] (Ostéopathes Plus)

Vous allez vite en besogne ! Nous vous encourageons à nous relire :
ce que nous reconnaissons, c’est la valeur de l’étude de Haller et al.
en tant que données expérimentales pour soutenir l’efficacité de
l’ostéopathie crânienne dans le cadre des cervicalgies chroniques. Ceci
n’est pas la même chose que de dire que nous reconnaissons l’efficacité
de l’ostéopathie crânienne dans ce cadre. Pour cela, il nous faudrait
plusieurs études épurées des biais méthodologiques présents dans l’étude
de Haller et al. En gros, ostéopathes, retroussez vos manches !

8. Les redites

Rappelons également que Sutherland s’est largement servi
des écrits de Swedenborg (1688-1772) pour inventer son MRP. Et quitte à
être iconoclaste, Sutherland a simplement rajouté le mouvement des os du
crâne et celui du sacrum entre les iliaques à la théorie de Swedenborg
exposé dans son livre « The Brain ». (Jean-Louis Boutin sur le Site de l’Ostéopathie)

Oui, nous évoquons cela page 17 du rapport : « Swedenborg est un
philosophe et théologien suédois du XVIIIe siècle. Deux travaux
d’ostéopathes ont suggéré que Sutherland connaissait les idées de
Swedenborg concernant la physiologie et l’anatomie cérébrale et
crânienne et s’en est inspiré pour élaborer son modèle du mécanisme
respiratoire primaire. Jordan T., Swedenborg’s influence on Sutherland’s
‘Primary Respiratory Mechanism’ model in cranial osteopathy,
International Journal of Osteopathic Medicine.(2009) Sept ;
12(3):100–105, et Fuller D.D., A Comparison of Swedenborg’s and
Sutherland’s Descriptions of Brain, Dural Membrane and Cranial Bone
Motion, The new philosophy. (2008) Oct–Dec ; 619-650. » Swedenborg
apparaît même dans notre tableau page 46 où nous faisons la synthèse des
principaux concepts et pratiques associées, développés par Sutherland
et ses continuateurs.

9. Les questions concernant l’intérêt du rapport

D’où ma question sur ce rapport, où est la surprise? Il
n’y a rien d’étonnant sur les résultats, il y a seulement 79
publications sur pubmed dont la majorité date d’avant 2000. Comment le
niveau de preuve aurait pu changer du tout au tout avec si peu d’études
récentes? Y avait-il vraiment besoin d’un rapport pour nous faire
l’historique incomplet du concept et nous livrer des conclusions que des
revues de littérature datant de 2012 et 1999 nous avait déjà apprises
(quasi-absence de preuves, manque de reproductibilité de tests, besoin
de recherche)? (Laurent Marc, Rapport de Cortecs sur l’ostéopathie cranienne : où est la surprise?)

Votre dernier paragraphe nécessite quelques réponses.

1) Personne (et certainement pas le CorteX) n’avait promis de
surprise ou quelque chose d’étonnant. Nous ne sommes pas des producteurs
de sensationnel.

2) Vous dites :

« […] seulement 79 publications sur pubmed dont la
majorité date d’avant 2000. Comment le niveau de preuve aurait pu
changer du tout au tout avec si peu d’études récentes? »

Cinq nouvelles publications sont parues depuis les dernières revues
de 2012. Libre à vous de juger que cela fait peu. En attendant, pour des
raisons redondantes, nous ne pouvions pas nous contenter de citer les
revues existantes en ignorant les publications récentes sous prétexte
qu’il y en avait peu. Et bien nous en a pris car les études présentant
les plus faibles risques de biais font partie des études récentes.

3) Concernant les revues de littérature, nous en avons déjà discuté.

4) Vous jugez l’historique incomplet ? Voir nos réponses précédentes.
Nous estimons qu’aucun des auteurs et concept que vous avez évoqués ne
peuvent être cités (aujourd’hui en tout cas) dans un historique
spécifique de l’ostéopathie crânienne. Et il est très probable qu’ad nauseam,
quand bien même nous aurions eu la chance de citer vos auteurs,
seraient venus d’autres professionnels nous notifiant d’avoir manqué tel
ou tel nom. Sans vouloir être cinglant : peut être n’y avait-il pas
besoin d’un rapport comme le nôtre, certes. Mais posons le problème
autrement : comment se fait-il que sans réelle avancée majeure de la
discipline en dépit des rapports précédents, les ostéopathes crâniens
dans leur majorité ont continué à professer, sans tressaillir, sans
faire des « assises » urgentes de leur discipline ? Comment se fait-il
qu’il n’y ait pas eu urgence dans votre profession, devant un « bazar »
épistémologique et scientifique pareil ? C’est cette question à laquelle
il faudrait répondre.

L’équipe du rapport

Plus d’un an après la mise en ligne de
notre rapport, des réactions nouvelles surviennent encore. Voici la
dernière en date d’Eric Goyenvalle : ici et notre réponse ici.
Cette réponse sera la dernière de notre part, notre temps étant hélas
limité. Dorénavant, nous répondrons uniquement aux critiques qui, en
apportant des éléments nouveaux (nouvelles études expérimentales ou
études que nous aurions pu manquer) mettraient en cause nos conclusions
concernant l’efficacité ou la validité de l’ostéopathie crânienne.

CorteX_couteau_suisse_critique

Février 2017 : nouveau cours Santé et autodéfense intellectuelle à Grenoble

Depuis 12 ans, l’Université Grenoble-Alpes accueille les cours de Zététique & autodéfense intellectuelle enseignés par Richard Monvoisin. Au fil des années, le public de ces cours s’est élargi et la majorité des étudiant-es universitaires du campus grenoblois peuvent aujourd’hui suivre cette unité d’Enseignement transversal à choix. Les étudiant-es filières santé se trouvent parmi les rares à ne pas pouvoir suivre cet enseignement, alors que les enjeux dans ce domaine sont majeurs. Heureusement, grâce à la ténacité et à l’immense travail de notre collègue Nicolas Pinsault, accompagné en coulisse de son fidèle afidé, Richard Monvoisin, une nouvelle Unité d’énseignement (UE) intitulée Santé & autodéfense intellectuelle a pu voir le jour en 2016. En exclusivité, voici le programme de la première session qui s’est déroulée au premier semestre 2016-2017 et qui nous l’espérons sera le précédent d’une longue série.

Public  pouvant suivre cette UE : étudiants  en  Master  1  ISM (Ingénierie pour la santé et le médicament), médecins, pharmaciens, kinésithérapeutes, sage-femmes, infirmiers, manipulateurs d’électro-radiologie médicale…

Semestre 1

Volumes horaires : 24h / étudiant – 18h de cours magistraux (CM), 6h de travaux dirigés (TD)

Programme :

Il s’agit d’amener les étudiant·es à appréhender la démarche scientifique et sa portée critique à partir des frontières de nos disciplines médicales et paramédicales : thérapies magiques ou spiritualistes, fluides curatifs, soins « alternatifs », méthodes chamaniques… Une large place sera faite à la question de l’utilisation du placebo dans les stratégies thérapeutiques et à ses implications éthiques ainsi qu’aux multiples raisons de se tromper dans l’interprétation d’un lien causal en santé. Seront également abordés les éléments de psychologie de l’engagement permettant de comprendre certaines dérives thérapeutiques graves. En abordant la question du rôle des médias et de la vulgarisation scientifique et en étudiant de près les rouages de la production et de la diffusion des connaissances, nous verrons ensuite en quoi la manière dont la science s’écrit ou se montre alimente des représentations erronées et « fabrique » l’opinion. Enfin seront abordés les impacts des interactions entre industries des produits de santé et professionnel·les de santé et les mécanismes cognitifs qui biaisent notre jugement sur ces questions.

Lieu : Amphithéâtre de l’école de kinésithérapie, Site hôpital sud.

Formats : 3 heures de CM = 3h et TD = 2h

CM 1 : Autodéfense intellectuelle : les outils de base

CM 2 : Pensée critique et médecines dites « alternatives »

CM 3 : Placebo, effet placebo, réponse au placebo : mise au point scientifique et éthique

CM 4 : Influences et manipulations : prévenir les dérives sectaires

CM 5 : Éléments de discernement des manipulations de l’information en santé

TD 1 : Décorticage critique

TD 2 : Conflits d’intérêts, une santé sous influence

TD 3 : Media et pseudosciences

TD4 : Comprendre les processus de production et de diffusion des connaissances

Intervenant-es : N. Pinsault, R. Monvoisin, N. Darbois, A. Guillaud, I. Benslimane

Détails techniques pour participer

Cette UE est dispensée dans le cadre du Master « Ingénierie de la santé », tous parcours confondus. Ce master est accessible aux étudiant-es en santé par le biais du double-cursus dont des informations sont disponibles à cette adresse. Si des étudiant-es veulent s’inscrire seulement à cette UE, c’est possible en demandant un certificat universitaire (il faut pour cela se rapprocher du responsable pédagogique de votre formation).

Vous souhaitez plus d’informations ? Contactez-nous : contact (at) cortecs.org

Mémoire de Master : intégration et évaluation des médecines alternatives et complémentaires

Albin Guillaud a réalisé en 2015-2016 le Master 2 d’Histoire, philosophie et sociologie des sciences de l’UGA (ici). Dans le cadre de son mémoire intitulé « Doit-on intégrer les « médecines alternatives » dans les systèmes de santé ? Éléments d’analyse générale, cas de la recherche clinique », il s’est intéressé à la question de l’intégration des médecines alternatives et complémentaires (MAC) au système de santé et plus précisément à la problématique de leur évaluation : doit-on évaluer toutes les médecines alternatives et complémentaires ? Aucune ? Certaines ? Le cas échéant, selon quels critères ? Quels sont les arguments avancés, notamment par l’Organisation mondiale de la santé, pour recommander l’intégration de ces médecines ? Ces arguments sont-ils rigoureux ? Autant de questions abordées dans ce travail qui permet de dépasser le débat stérile « pour » ou « contre » les MAC.

Résumé du mémoire d’Albin co-encadré par Nicolas Pinsault et Stéphanie Ruphy.

Les « médecines alternatives et complémentaires » (MAC) ont le vent en poupe à tel point que des institutions comme l’Organisation mondiale de la santé souhaiteraient que les États intègrent celles-ci à leur système de santé. On appelle un tel projet politique la « médecine intégrative ». Un tel projet est-il éthiquement justifiable ? L’identification et l’analyse d’une partie des arguments de l’OMS dans son dernier document stratégique ont permis de mettre en évidence la faiblesse et l’imprécision de son argumentaire, et l’importance de procéder à des clarifications et analyses des concepts de « médecine alternative et complémentaire », de « médecine » et de « médecine intégrative ». Ce travail a permis de dégager une multitude de sous-questions. Parmi ces dernières, nous avons choisi de traiter du problème de la justification à entreprendre des essais cliniques pour évaluer l’efficacité thérapeutique des MAC. Nous avons soutenu qu’il n’existait pas d’argument irréfutable d’un côté comme de l’autre et que la décision d’entreprendre ou non un essai clinique pour une MAC impliquait un choix politique. Dans la perspective d’un tel choix, un ensemble de treize critères a été proposé et illustré par une étude de cas de la MAC « ostéopathie crânienne ». Cette analyse de cas nous a permis d’apporter un éclairage sur les difficultés que rencontrerait un éventuel promoteur d’essai clinique portant sur l’ostéopathie crânienne pour justifier son souhait de réaliser une telle étude. D’une manière plus générale, notre travail démontre qu’un projet global de médecine intégrative qui ne précise pas les niveaux auxquels il compte opérer (pratique clinique, recherche clinique, etc.) n’est pas éthiquement justifiable.

Télécharger le mémoire

L'ostéopathie crânienne chez Scepticisme scientifique

Notre rapport sur l’ostéopathie crânienne comprend presque 300 pages et sa lecture n’est pas des plus aisée. Aussi avons-nous jugé pertinent de répondre à l’invitation de Jérémy Royaux de Scepticisme Scientifique, le balado de la science et de la raison. Albin Guillaud et Nelly Darbois discutent des motifs qui ont conduit à la réalisation de ce rapport, de son contenu et des critiques qui ont été faites. Bonne écoute !

Pour télécharger le balado, visiter cette page.

Pour consulter l’article qui présente le rapport voir ici.

Pour lire les critiques qui nous ont été faites et nos réponses voir .

Pour l’article sur notre publication scientifique, se rendre sur cette page.

Liens d'intérêts – Données sur l'indépendance des facultés de médecine vis-à-vis des industries

Notre camarade Paul Scheffer (doctorant en sciences de l’éducation, laboratoire Experice, Université Paris 8 – Vincennes Saint-Denis) et ses comparses font passer un article dans PLOS One, sur l’indépendance des facs de médecines françaises vis-à-vis des industries. Nous en reproduisons le résumé plus bas, avec un article de The conversation.com en introduction. La question des liens d’intérêt nous intéresse particulièrement au CorteX dans la mesure où de nombreux travaux expérimentaux montrent depuis plus de 30 ans à quel point notre jugement et nos actions peuvent être influencés par eux, alors même que nous pensons agir et raisonner en tout indépendance.

Les facs de médecine les plus indépendantes vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique

publié ici.

C’est une première en France. Les facultés de médecine viennent d’être classées sur l’indépendance qu’elles garantissent à leurs étudiants vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques. Ce travail inédit, inspiré d’un palmarès établi chaque année par l’Association américaine des étudiants en médecine, vient d’être publié, le 9 janvier, par la revue scientifique de référence en accès libre PLOS ONE, sous le titre « Conflict-of-Interest Policies at French Medical Schools : Starting from the Bottom » (NdCorteX : voir plus bas).

La faculté de Lyon Est arrive en tête, avec un score de 5 points, sur un maximum possible de 26. Celle d’Angers arrive en deuxième position, avec 4 points. Suivent sept établissements ex aequo, avec chacun 1 point : Aix-Marseille, Lyon Sud, Paris Descartes, Paris Diderot, Rennes 1, Strasbourg et Toulouse Purpan.

Ainsi, notre étude montre que seules 9 facultés sur 37, en France ont pris des initiatives pour se prémunir contre les conflits d’intérêts qui surgissent en cas de liens de l’établissement ou de ses enseignants avec l’industrie du médicament. Les 28 autres, n’ayant adopté à ce jour aucune mesure en ce sens, n’obtiennent aucun point.

Des prescriptions moins orientées par le marketing des firmes

Ces résultats montrent, sans surprise, que la situation française n’est pas brillante. Mais celle des États-Unis, lors du premier classement réalisé en 2007, ne l’était pas beaucoup plus. Or des changements significatifs se sont produits outre-Atlantique en moins d’une décennie. La majorité des universités américaines se sont hissées en haut du tableau. Et selon plusieurs études, les étudiants qui en sortent prescrivent différemment, d’une façon moins orientée par le marketing des firmes et plus favorable aux patients.

Doctorant en sciences de l’éducation, j’ai proposé l’idée de ce classement au sein du Formindep, association qui milite pour une formation et une information indépendantes dans le domaine de la santé, à laquelle j’appartiens. Nous avons constitué fin 2014 un groupe de travail composé de 2 médecins, 3 étudiants en médecine et 2 chercheurs. Nous espérons fournir un levier dont pourront s’emparer les enseignants et les étudiants décidés à changer la situation. Nous puisons notre motivation dans les formidables avancées constatées dans les universités américaines.

Pour ma part, j’ai été convaincu de l’importance de la formation initiale dans les pratiques de toutes les professions en lisant un témoignage à charge contre une école de journalisme prestigieuse, Les petits soldats du journalisme (Les Arènes), publié en 2003 par François Ruffin. C’est en effet durant les études que se forgent les valeurs, les normes, les habitudes et le réseau amical, que certains plis plus ou moins heureux se prennent, parfois pour la carrière entière.

La défense de l’esprit critique dans l’éducation

Plus tard, j’ai rejoint le Formindep. J’y ai trouvé une convergence avec mes propres points de vue et des encouragements à défendre l’esprit critique dans l’éducation. Des membres m’ont fait découvrir l’existence du « Tableau de bord des politiques de conflits d’intérêts dans les universités de médecine » réalisé par l’Association américaine des étudiants en médecine (AMSA).

Gradué de A à F, à l’anglo-saxonne, ce classement utilisant des pictogrammes très simples est fondé sur des critères d’indépendance dont la validité est établie par la littérature scientifique. Il indique par exemple s’il existe ou non dans l’université une politique pour encadrer les cadeaux offerts aux étudiants par les firmes pharmaceutiques ou leurs invitations à déjeuner, l’organisation d’événements par les industriels sur le campus, les déclarations des liens d’intérêts par les enseignants au début de leurs cours. Aujourd’hui, les deux-tiers des établissements sont classés A ou B alors qu’en 2007, la plupart avaient écopé d’un F…

Notre travail sur les universités françaises s’inspire de ce tableau de bord – qui a également fait des émules au Canada, avec un classement publié en 2013. En plus de l’article publié dans la revue scientifique internationale PLOS ONE, nous avons mis en ligne sur le site du Formindep le « Classement des facultés françaises en matière d’indépendance », fondé sur 13 critères. Les 9 établissements ayant démontré une politique dans ce domaine sont gratifiées d’un D, les autres d’un I pour « incomplet ». Précisons qu’à ce jour, aucune n’a rédigé de document pour définir sa politique officielle en matière de conflit d’intérêts, comme cela existe dans les universités américaines, par exemple à Stanford.

Seuls trois doyens nous ont répondu

Notre méthode d’évaluation et de recueil des données reprend les principes américains, adapté aux spécificités françaises. Nous avons combiné plusieurs sources sur une période s’étalant de juin 2015 à début 2016 : les sites Internet des facultés, les informations de terrain dont nous disposions notamment par le biais d’enseignants, et des demandes d’information envoyées aux bureaux des doyens de chaque faculté. Seuls 3 doyens nous ont répondu, en dépit de nombreuses relances de notre part, suggérant que la coopération sur ce sujet ne va pas de soi pour les équipes dirigeantes des facultés.

Pourtant, davantage de transparence sur cette question ne ferait que répondre aux souhaits de nombreuses institutions à travers le monde. L’Académie de médecine américaine, le Collège des facultés de médecine aux États-Unis et son équivalent au Canada, le Conseil de l’Europe, le parlement français, tous ont publié des rapports concluant à cette nécessité. Il existe d’ailleurs déjà un manuel pratique d’enseignement, Comprendre et répondre à la promotion pharmaceutique, édité par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’ONG Health Action International. Il est disponible en français sur le site de la Haute autorité de santé.

Mais pour faire bouger les lignes, rien ne remplace l’engagement des étudiants sur les bancs même des facultés. Le cas d’Harvard est devenu emblématique suite à un article du New York Times. Celui-ci relatait comment les étudiants de cette université américaine de premier plan avaient interpellé leurs enseignants après l’attribution d’un F à l’établissement. Ils avaient également découvert qu’un des professeurs présentait de façon avantageuse les médicaments anticholestérol dans ses cours et minimisait leurs effets secondaires, alors qu’il était par ailleurs consultant salarié de dix firmes pharmaceutiques, dont cinq commercialisaient ces médicaments. Ces liens n’étaient pas déclarés. Aujourd’hui, Harvard est gratifiée d’un A.

Une tribune d’Irène Frachon

En France, la principale association étudiante, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF), s’est emparée de la question dès 2014. Le médecin qui révéla le scandale du Mediator, Irène Frachon, rend d’ailleurs hommage à son implication dans une tribune publiée sur The Conversation. À la rentrée 2016-2017, l’ANEMF a imprimé et distribué aux étudiants 8 000 livrets sur le thème « Pourquoi garder son indépendance face aux labos pharmaceutiques ? » (NdCorteX : dont le CorteX s’est fait l’écho et le soutien en son temps, ici). L’organisation a réussi à se passer complètement des financements des firmes pharmaceutiques.

L’ISNAR-IMG, le syndicat des internes en médecine générale (étudiants ayant au moins 6 ans d’études), qui regroupe 6 000 adhérents, est également en bonne voie d’y parvenir. Le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (SNJMG), qui regroupe des internes et des jeunes médecins, a quant à lui fait le choix de l’indépendance financière dès sa création.

Ils se croient immunisés contre l’influence des firmes

Cependant, bon nombre d’étudiants estiment aujourd’hui que l’industrie pharmaceutique est un partenaire tout à fait légitime ne posant pas de problème particulier, comme on l’entend de la bouche de médecins et enseignants. Ils se croient souvent immunisés contre l’influence des firmes, en dépit d’études concordantes montrant le contraire, comme celle du chercheur Inserm Bruno Etain portant sur plus de 2000 étudiants.

La réflexion sur l’indépendance vis-à-vis des firmes peut se heurter à des résistances, voire de l’hostilité. Ainsi 14 facultés ont déjà projeté dans leurs murs le film La fille de Brest, qui raconte le combat d’Irène Frachon. Mais 3 s’y sont opposées – sans toutefois en donner officiellement les raisons.

Pour notre part, nous retenons surtout le message adressé par le président de la Conférence des doyens, le professeur Jean-Luc Dubois-Randé. Une journée sur la formation à l’indépendance dans les études médicales dont les vidéos sont disponibles ici s’est tenue le 30 avril 2016 à Paris, dans des locaux de la revue Prescrire. Le doyen de médecine de l’université Paris-Est Créteil y a déclaré :

« L’actualité nous rappelle que le temps des collusions entre le monde médical et l’industrie pharmaceutique n’est plus soutenable. Nul n’a sa liberté dès l’instant où il est juge et partie. L’expertise devient-elle difficile ? On est un très bon expert lorsqu’on est le professionnel de telle ou telle discipline, ou champ scientifique. Nul ne le conteste, mais il faut alors que la communauté soit informée de la façon la plus transparente des conflits d’intérêts […]. Les règles sont en train de changer, l’ignorer est s’exposer à des réveils judiciaires difficiles. La Conférence des doyens a maintenant homogénéisé les formulaires de cumul d’intérêts et sera très vigilante pour qu’ils soient remplis et signés. »

L’année 2017 débute, et avec elle l’espoir que la formation médicale devienne, dès les premières années, plus indépendante vis-à-vis des firmes. La faculté pourra ainsi donner davantage les moyens aux futurs médecins de déjouer les multiples stratégies d’influence les visant avec, pour cible ultime, leurs patients. Gageons que les résultats de la deuxième édition de ce classement, prévue fin 2017, seront meilleurs et le nombre de facultés volontaires pour partager leurs informations, plus élevé.

Conflict of Interest Policies at French Medical Schools: Starting from the Bottom

Paul Scheffer, Christian Guy-Coichard, David Outh-Gauer, Zoéline Calet-Froissart, Mathilde Boursier, Barbara Mintzes, Jean-Sébastien Borde

PLOS One, January 9, 2017

Abstract

Background

Medical faculties have a role in ensuring that their students are protected from undue commercial influence during their training, and are educated about professional-industry interactions. In North America, many medical faculties have introduced more stringent conflict of interest (COI) policies during the last decade. We asked whether similar steps had been taken in France. We hypothesized that such policies may have been introduced following a 2009–2010 drug safety scandal (benfluorex, Mediator) in which COIs in medicine received prominent press attention.

Methods

We searched the websites of all 37 French Faculties of Medicine in May 2015 for COI policies and curriculum, using standardized keyword searches. We also surveyed all deans of medicine on institutional COI policies and curriculum, based on criteria developed in similar US and Canadian surveys. Personal contacts were also consulted. We calculated a summary score per faculty based on 13 criteria. [range 0–26; higher scores denoting stronger policies]

Results

In total, we found that 9/37 (24%) of French medical schools had either introduced related curriculum or implemented a COI-related policy. Of these, only 1 (2.5%) had restrictive policies for any category. No official COI policies were found at any of the schools. However, at 2 (5%), informal policies were reported. The maximum score per faculty was 5/26, with 28 (76%) scoring 0.

Conclusion

This is the first survey in France to examine COI policies at medical faculties. We found little evidence that protection of medical students from undue commercial influence is a priority, either through institutional policies or education. This is despite national transparency legislation on industry financing of health professionals and limits on gifts. The French National Medical Students Association (ANEMF) has called for more attention to COI in medical education; our results strongly support such a call.

Publication du CorteX dans Plos One – Les affres de la publication scientifique

Si vous suivez régulièrement les travaux du collectif, le rapport sur l’ostéopathie crânienne réalisé à la demande du Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (CNOMK) et les réponses portées aux réactions suivant sa parution ne vous auront pas échappés. Après un an de labeurs, nous venons tout juste de publier Reliability of Diagnosis and Clinical Efficacy of Cranial Osteopathy : A Systematic Review dans Plos One. Nous vous livrons ici le dessous des cartes, une illustration de plus des limites et des avantages du processus de publication scientifique actuel. Pour nous, accepter de se plier aux règles du jeu imposées n’a de sens qu’en les explicitant, pour que chacun puisse affiner son regard critique sur ce système.

Première étape : affrontement de considérations éthiques et économiques – Le choix de la revue

Logo Boycott Elsevier (parmi d’autres créé par Michael Leisen)Le vieux sage se tourne cette fois vers la planète de PLoS, Public Library of Science, pour un accès libre, et laisse l’arbre mort seul.
Logo Boycott Elsevier (parmi d’autres créé par Michael Leisen). Le vieux sage se tourne cette fois vers la planète de PLoS, Public Library of Science, pour un accès libre, et laisse l’arbre mort seul.

Le choix de la revue ne s’est pas fait sans mal. En 2013, nous signalions notre boycott d’Elsevier1. Nous manifestions notre refus de publier chez des éditeurs qui privatisent et rendent lucrative la connaissance alors que celle-ci est souvent le fruit de l’argent public investit dans la formation et le financement des chercheur/ses. Seulement, les alternatives sont coûteuses et demandent de faire des concessions. Nous pouvions faire le choix de ne pas publier dans une revue avec relecture par les pairs, mais nous aurions alors perdu en qualité scientifique et en visibilité internationale. Une autre alternative est de publier dans une revue en accès libre avec relecture par les pairs. Cette option présente l’inconvénient de générer un coût financier substantiel pour une petite équipe comme la nôtre. C’est pourtant le choix que nous avons fait. La rétribution octroyée par le CNOMK au CorteX pour son rapport sur l’ostéopathie crânienne, que nous destinons au financement de stages de master 2, a ainsi été amputée des 1400 euros réclamés par Plos One. C’est semble-t-il le prix à payer pour garantir un accès libre et gratuit au compte-rendu d’un travail de recherche relu par les pairs.

Deuxième étape : le problème linguistique – La nécessité de recourir à un anglais « natif »

Impérialisme culturel et linguistique

Une fois la revue choisie, une étape cruciale s’est présentée : celle de la traduction. La question ne se pose pas lorsque l’on souhaite publier dans une revue de bonne qualité scientifique dans le champ de la santé : il faut écrire en anglais, bien que nous le déplorons2. Nicolas Pinsault est le plus affûté d’entre nous avec la langue de Shakespeare et le vocabulaire scientifique, c’est donc lui qui a écrit l’essentiel de l’article. Nous avons ensuite tou-tes relu son manuscrit, puis nous l’avons soumis aux gracieuses relectures de nos ami-es Maguendra Codandamourty, Phillipe Prouvost, Catherine Wilcox et Edward Ando, qui ont respectivement vécu et travaillé dans un pays anglophone, enseigné l’anglais toute une carrière ou sont carrément anglophone de naissance. Qu’ils et elle en soient chaleureusement remercié-es. Assez confiant-es après toutes ces précautions, nous soumettons notre manuscrit à Plos One. Advient alors notre première déconvenue. Notre manuscrit ne passe même pas à l’étape de l’attribution d’un éditeur à cause de fautes de grammaire et de lisibilité globale du texte. Plos One nous suggère de nous tourner vers quelqu’un qui parle anglais de manière fluide, et si possible un natif. Aucune précision supplémentaire sur les passages concernés n’est amenée, ce qui nous a mis dans l’impossibilité de reprendre nous-même l’article. Notre ultime solution est alors de nous tourner vers une traductrice scientifique professionnelle, le Dr Alison Foote de l’Université Grenoble-Alpes, qui a accepté de modifier notre manuscrit dans des délais très courts imposés par la revue. À nouveau, notre cagnotte réservée initialement aux futurs stagiaires de Master se voit amputée de quelques centaines d’euros.

Après la correction d’éternelles coquilles et « vices de forme » dans les tableaux et figures, qui nous ont valu de perdre quelques cheveux – qui s’obstine à utiliser des logiciels sous licence libre comprendra, nous avions enfin un manuscrit linguistiquement acceptable pour Plos One.

Troisième étape : la relecture par les pairs − Intérêt réel du système de publication

cortex_relecture-par-les-pairs

À ce stade, plusieurs mois se sont déjà écoulés, alors que la qualité scientifique de notre manuscrit n’a pas encore été étudié. Qui plus est, alors que nous avons déjà passé tant d’heures à reprendre le contenu, Plos One nous informe que le processus est bloqué car la revue n’arrive pas à trouver un éditeur3. Heureusement, quelques semaines plus tard, nous recevons enfin un message nous informant que notre article a été attribué à un éditeur, le Dr. Fleckenstein. Il a confié la relecture à trois relecteurs/trices anonymes. Leurs retours nous imposent de reprendre l’article et d’y apporter des « révisions majeures ». Soit. Nous acceptons bien évidemment les critiques, certaines étant très pertinentes. Nous est demandé d’affiner l’analyse, de préciser la méthode et d’approfondir les discussions. Finalement, après avoir tenu compte des relectures, l’article est d’une qualité sans commune mesure avec le premier jet. Ceci nous conforte dans l’intérêt de se soumettre à la relecture par les pairs, car nous améliorerons ainsi la fiabilité de nos revues systématiques à venir – bien que nous ne remboursons pas notre dette de sommeil, tant s’accumulent de nouvelles heures de travail de fond, de forme et de traduction, l’exigence de l’anglais natif étant toujours là.

Quatrième étape : affrontement de considérations épistémologiques

"Les preuves sont comme les poires : de ux poires médiocres ne font pas une  bonne poire (à la rigueur une compote)" - Tirée de la thèse de Richard Monvoisin
« Les preuves sont comme les poires : de
ux poires médiocres ne font pas une
bonne poire (à la rigueur une compote) » – Tirée de la thèse de Richard Monvoisin

Nous soumettons alors la nouvelle mouture une énième fois à Plos One. La réponse qui nous parvient quelques semaines plus tard nous laisse cette fois-ci complètement abasourdi-es : le manuscrit doit à nouveau subir une révision majeure. Alors que deux relecteurs/trices jugent nos modifications très adéquates et sont heureux de recommander la publication de l’article, le/la troisième relecteur/trice est « disagree with the approach of only highlighting the better quality studies », alors qu’il n’avait rien dit à ce sujet lors de sa première relecture. Autrement dit, le reproche que nous faisait ce relecteur était de ne pas accorder assez de place dans la discussion aux études de mauvaise facture méthodologique. Si cela peut s’avérer justifié s’il s’agit d’élaborer des conseils et recommandations aux futur-es chercheurs-ses pour concevoir de meilleures études (ce que nous avons déjà fait sur conseil d’un-e autre relecteur-trice), ce que nous demande le présent relecteur n’est ni plus ni moins que de considérer les mauvaises études comme des preuves : « The authors should strive to discuss all of the included studies in their paper. Otherwise, they put the spotlight on a subset of articles and do not report the totality of the evidence. » Nous sommes à ce stade tou-tes dépitées et l’envie de tout abandonner est bien là. Notre volonté de rigueur épistémologique et nos futurs projets nous motivent cependant à continuer – avec un soupçon d’escalade d’engagement.

Nous reprenons alors une énième fois le manuscrit en prenant en compte les quelques remarques de forme restantes. En revanche, nous refusons de modifier le manuscrit en fonction de la principale critique du troisième relecteur (ici). Nous avons argumenté ce point . Le tout se fait toujours laborieusement en anglais, et repasse à chaque fois par la case traduction professionnelle.

Cette fois, enfin, nos efforts paient (notre cagnotte aussi), notre manuscrit est accepté et sera publié dans les semaines qui viennent.

Trois questions restent en suspens :

primo, où vont ces 1400 euros ? A quoi servent-ils, et à qui ?

Secundo, les structures sans financement comme la nôtre n’ont aucune chance de publier tant le processus est cher. Il y a une sorte de gentrification de la publication, qui de fait exclut les petits, les chercheurs de pays pauvres, les hors-grosses structures4.

Tertio, n’aurions-nous pas dû avec le même investissement écrire deux livres grand public bon marché, faire 25 conférences gratuites, ou encore faire des conférences de méthode critique dans des universités d’Afrique de l’Ouest ? C’est l’éternel dilemme moral de toute personne ou collectif qui souhaite avoir le meilleur impact sur son monde : sommes-nous sûrs de devoir faire ceci plutôt que cela ? Avant de nous lancer dans cette publication, nous avons fait sciemment certains paris stratégiques. Espérons que ceux-ci porteront leurs fruits car leur coût est, comme prévu, élevé.

Albin Guillaud, Nelly Darbois, Nicolas Pinsault et Richard Monvoisin.

Retour d'expérience : enseignement de l'esprit critique en école de kiné

Matthieu Loubiere est kinésithérapeute à Troyes et enseigne en école de kiné entre autres matières la recherche bibliographique, la pratique basée sur les preuves (ou EBP en anglo-américain) et l’esprit critique. Il prend le temps ici de nous relater un de ses enseignements. Il y a là de quoi donner de l’inspiration à tou.te.s les enseignant.e.s du champ de la santé !

Objectif

Dans le cadre de la nouvelle réforme des études de kinésithérapie, j’ai proposé de réaliser un cours sur l’esprit critique dans un nouvel Institut de formation en masso-kinésithérapie (IFMK). J’avais déjà réalisé cette expérience dans un IFMK parisien et cette année, j’ai voulu aller un peu plus loin. J’avais à ma disposition 3h de cours ainsi que 2h de TD pour amener quelques notions d’esprit critique et instiller la curiosité des étudiant.es.

Je me suis donc attelé à écrire un cours en m’inspirant grandement du matériel disponible sur le site du CorteX et en allant piocher dans quelques bouquins dont les excellents Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles de Nicolas Pinsault et Richard Monvoisin (ici) et Petit cours d’auto-défense intellectuelle de Normand Baillargeon (ici). 

Mon objectif était de montrer aux étudiant.e.s kinés qu’en matière de santé et de rééducation, la dérive pseudo-scientifique est possible. Après avoir longuement réfléchi, j’ai choisi l’option de réaliser un faux cours dans lequel j’ai utilisé un maximum d’éléments retrouvés dans les thérapies alternatives (sophismes, arguments fallacieux, etc.). J’ai ensuite réalisé un cours sur la science et l’esprit critique. Enfin, lors des Travaux Dirigés, nous avons analysé des textes présentant quelques pépites.

Faux cours – Le drainage lymphatique énergétique

Tout commence par la présentation : je demande à un responsable de l’IFMK (le mieux étant le directeur) de m’introduire en annonçant mon expertise, les nombreuses publications réalisées et ma position d’expert dans le domaine (vous aurez compris que je suis tout sauf expert de ce domaine). S’établit un petit jeu de scène dans lequel le directeur m’encense, en réponse à quoi je joue le faussement humble.

Extrait du site de l'Institut de formations en applications corporelles et énergétiques
Extrait du site de l’Institut de formations en applications corporelles et énergétiques

Je démarre mon cours sur le drainage lymphatique énergétique. J’ai construit un cours de 10 minutes autour des sources suivantes : https://sites.google.com/site/ifacejmb/home et http://www.syndicat-ondobiologues.com/

J’ai cherché à monter crescendo dans la présentation en liant des concepts scientifiques et pseudo-scientifiques, des glissements lexicaux (paillasson, impact) et des arguments d’autorités.

  • Présentation du concept de drainage
  • Anatomie, physiologie du système lymphatique
  • Énergie : explication physique, Einstein, filières énergétiques, présentation du Pr Rocard (celui qui aurait travaillé, entre autre, sur les « fameux » cristaux de magnétite et les sourciers), de la physique quantique
  • Présentation de Jean-Marie Bataille (créateur de la biochirurgie immatérielle et de l’ondobiologie)
  • Ses concepts, les indications et contre-indications.

Je termine par la phrase suivante : « grâce à cette méthode, pas plus tard qu’hier, j’ai fait remarcher un tétraplégique ».

Je marque une pause et demande s’il y a des questions. En général, les étudiant.e.s relèvent juste le fait que j’ai exagéré sur la fin, ce dont je conviens volontiers. Étant donné que nous sommes au début d’un cycle pour eux, qu’ils ne se connaissent pas encore forcément et que je suis formateur (statut d’autorité), je peux comprendre qu’ils ne m’interpellent pas forcément même s’ils sont choqués. De plus, la posture choisie lors de cette partie de l’enseignement a volontairement été très directive laissant peu de place aux questions et aux doutes (j’aurais bien été embêté.)1

Mea Culpa j’ai menti

J’arrive alors à la partie confession (qui soulage bien finalement). Les étudiants rient pour certains, d’autres se sentent abusés et choqués. Je passe à la diapo suivante en leur expliquant qu’il s’agissait d’un cours en esprit critique. Je sens que j’ai capté leur attention et je déroule la suite du cours. C’est à ce moment là que je parle de mes conflits d’intérêts (je n’en ai pas en ce qui concerne l’esprit critique)

Science, non science, pseudo-science

Je change la façon de faire maintenant.. Je stimule l’étudiant par des questions, des histoires. Je tente d’établir des interactions entre eux.

Je commence à leur montrer ce reportage de France 2 (avril 2013) sur la biochirurgie immatérielle.

Cela leur parle un peu puisque je viens de réaliser un faux cours sur une partie de la question. À la fin de la vidéo, les étudiants manifestent leur incompréhension quant à la possibilité qu’une mère puisse avoir été convaincue de recourir à une telle solution.

Nous discutons alors un peu de la dérive sectaire et du comment, tout un chacun, nous pourrions un jour tomber dedans. Cela me permet d’aborder la notion de dissonance cognitive en rappelant l’expérience de Festinger, Schachter et Riecken avec Mme Keech2.

Vient l’introduction, où j’évoque que l’adhésion à des thèses pseudo-scientifiques n’est pas une histoire de diplôme ni d’âge (voir ici).

Extrait du site du syndicat des ondobiologues
Extrait du site du syndicat des ondobiologues

Nous discutons ensuite de la science et je leur pose la question suivante : à quoi sert la science ? Les débats sont animés puis je donne les différents sens du mot « science » (démarche, connaissance, technopolitique, communauté vue de l’intérieur et de l’extérieur). S’ensuivent les définitions de non-science et pseudo-science (quelques critères de Bunge dans Demarcating Science from Pseudoscience. Fundamenta Scientiae 3: 369-388, 1983). Une fois les bases posées, je leur passe quelques images sous la forme de jeu et je leur demande de trancher entre science et pseudo-science. En vrac : reiki, biochirurgie Immaterielle, psychanalyse, radiesthésie, ventouse, réflexothérapie, homéopathie, astrologie, mathématique, acupuncture, barreurs de feu, morphopsychologie… Nous discutons de chaque approche ce qui me permet d’ébaucher quelques outils.

Autodéfense intellectuelle

Arrive la dernière partie du cours magistral. Après avoir défini la pensée critique et la zététique, je me suis demandé comment aborder cette vaste question. J’ai décidé de la présenter en deux parties. Une première dans laquelle j’ai défini quelques outils puis la seconde où j’ai repris le kit de détection très pratique de Richard Monvoisin et Nicolas Pinsault dans Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles.

Photo et citation de Karl Popper
Photo et citation de Karl Popper

Les outils présentés en vrac.

  • Rasoir d’Ockham et la fameuse publicité de Canal+.

  • La maxime de Hume
  • La réfutabilité popperienne qui me pose en général quelques problèmes lors de l’explication. J’ai trouvé cette petite vidéo parfaite : je l’ai même passé en premier (Vidéoscop, Université Nancy 2, Universcience.tv, 2011).

  • La commensurabilité des théories
  • Quelques facettes zététiques de Henri Broch (retrouvées ici)

Pour finir sur quelque chose de dynamique, nous avons évoqué la subjectivité et la perception et son rapport avec le savoir en utilisant comme exemple des paréidolies, l’échiquier d’Adelson ou encore deux vidéos sur la Monkey Illusion (voir ici l’atelier 12).

J’ai pu terminer mon cours théorique à ce moment-là.

Pour ce qui est du TD qui a suivi, je suis revenu sur le cours théorique et j’ai développé la définition de la pratique basée sur les preuves (EBP). Puis nous avons travaillé par petit groupe sur trois textes de thérapies pseudo-scientifiques. J’ai demandé aux étudiants de noter les éléments qui les interpellaient, puis nous avons repris en groupe l’ensemble des informations. Ils se sont vite rendus compte de la similitude des méthodes entre les trois textes : arguments d’autorité, prétentions floues ou extraordinaires et tout un jargon générant effets paillasson et effets impact.

Conclusion

J’ai pu avoir à distance un retour de certains étudiants pour ce cours. Ils ont trouvé cela instructif ; certains se sont sentis trahis par le faux cours mais ont bien compris la démarche. J’espère avoir eu un impact positif sur leur posture critique. En tout cas, le plaisir d’enseigner était là.