Enquêtes Z au collège Le Bastion

Depuis la rentrée 2014, Marion Margerit, professeure de mathématiques, et Marie-Hélène Hilaire, professeure documentaliste, ont lancé le club Enquêtes Z au sein du collège Le Bastion, à Carcassonne. Une quinzaine d’élèves, essentiellement de 6ème et 5ème, apprennent à douter, expérimentent, formulent des hypothèses et s’approprient les outils zététiques. Et leur mission ne s’arrête pas là : les enseignantes tenaient également à faire réaliser à ces zététiciens et zététiciennes en herbe le montage des vidéos qui résument le travail de chaque séance. Voici en détail la description de leurs séances avec, en prime pour les enseignants qui voudraient se lancer, un retour en images des séquences pédagogiques. Un immense merci à elles pour le temps passé à nous faire partager ce retour d’expérience.

L’idée de créer cet atelier est venue suite à la formation que nous avons suivie Médias, pseudosciences et esprit critique proposée dans le Plan Académique de Formation par Guillemette Reviron et Denis Caroti. Il a pour objectif principal de faire découvrir aux élèves la zététique dont la définition est prise au sens large comme « l’art du doute », l’élaboration d’un esprit critique. Nous, les enseignantes, avons apporté les sujets d’étude et encadré les débats et les expériences, mais toute la démarche d’investigation, de l’analyse aux conclusions en passant par l’expérimentation ainsi que la réalisation d’un montage vidéo de l’étude ont été réalisés par les élèves. Nous souhaitons qu’ils s’emparent des outils mis à leur disposition afin d’élaborer des protocoles d’analyse efficaces et rigoureux. Nous pensons que cette façon de faire leur permettra d’acquérir de l’autonomie et des mécanismes qu’ils pourront mettre beaucoup plus facilement en application par la suite dans leur vie de tous les jours.

La fabrication d’un diaporama nous a paru être un bon moyen pour remettre en ordre les idées qui sont lancées rapidement lors de l’analyse, et de les résumer pour ne garder que l’essentiel et permettre la généralisation.

Cet atelier fait intervenir un grand nombre de disciplines : la documentation avec les médias, le français avec l’analyse des mots et leur sens, l’histoire, la géographie et bien sûr l’ensemble des sciences – les mathématiques, la physique, la chimie, la SVT et l’informatique.

Les séances ont lieu de novembre à juin à raison d’une heure par semaine pendant la pause déjeuner, afin qu’un maximum d’élèves puissent y assister. Il a été financé l’année 2014-2015 par des heures prises sur l’accompagnement éducatif, supprimées pour la rentrée 2015 – 2016. Les élèves présents à l’atelier sont des élèves volontaires : ils se sont inscrits au club en début d’année après être venus à une séance « découverte ». La première saison, ils étaient 12 au départ et 4 se sont inscrits en cours de route grâce au bouche à oreille.

Nous n’avons pas mesuré l’effet de nos enseignements, mais nous pouvons dire tout-à-fait subjectivement que les élèves se sont (pour la plupart) investis avec enthousiasme dans les enquêtes proposées. Nous avons senti au fur et à mesure de l’année qu’ils prenaient de plus en plus de recul face aux médias et aux informations notamment vues à la télévision ou sur internet et nous en ont parlé de manière spontanée au cours de nos séances. Voici le détail de nos séquences.

Saison 1

Séance de découverte

Cette séance consistait à présenter le club Enquêtes Z aux élèves.

Temps : Environ 45 min
Télécharger le diaporama ici.

Séances 1 et 2 – Nos yeux nous trompent ! Nos oreilles nous trompent !

Séances d’initiation à la zététique et à la démarche scientifique qui a pour but de « casser » les idées reçues sur la fiabilité de nos sens.

Temps : 2h pour les illusions d’optiques, 2h pour les illusions auditives

Description

  • Etape 1 – Introduction et présentation d’illusions d’optiques et auditives

Comme certains élèves n’avaient pas assisté à la séance découverte, nous avons débuté cette séance par une présentation « rapide » des objectifs du club et de la zététique.

  • Etape 2 – Présentations d’illusions d’optiques et auditives

Pour remettre en question la valeur d’un ressenti, de l’expérience personnelle et du témoignage, nous nous sommes appuyées sur les ressources pédagogiques présentées ici (voir notre diaporama)

  • Etape 3 – Réalisation par les élèves d’illusions d’optique et auditives

Nous avons ensuite proposé aux élèves de construire des illusions d’optique mais par manque de temps, ils n’ont pas pu réalisé d’illusion auditive.

Matériel utilisé

– Appareils photos / vidéos
– Ordinateurs + logiciels : bureautique (libre office), retouche photos (paint.net) et vidéo (movie maker)
– Papier et crayons pour deux élèves

Bilan

Il est difficile de canaliser certains élèves qui fourmillent d’idées immédiatement et démarrent trois projets en même temps tandis que d’autres ne savent pas comment commencer. Nous avons choisi de proposer à ces derniers des projets moins ambitieux, comme refaire une illusion géométrique vue sur un site internet à l’aide d’un ordinateur.

Nous avons aussi été confrontées à un autre problème non prévu : les élèves n’étaient absolument pas formés en bureautique. Nous avons perdu beaucoup de temps à leur montrer comment créer, modifier et enregistrer leur travail.

Voici quelques-une de leurs réalisations.

Paréidolies

Illusions géométriques

La longueur des flèches est-elle la même ?
enquetes-z_1_illusion-geometrique_2
Les deux formes blanches sont-elles identiques ?
enquetes-z_1_illusion-geometrique_3
Y a t-il des formes blanches identiques ?
enquetes-z_1_illusion-geometrique_4
Les deux petits rectangles ont-ils les mêmes dimensions ?
Montage vidéo – Je vole ou pas ?

Séance 3 – Hypnose et catalepsie

Première mise en place d’une véritable démarche scientifique d’investigation : observation, hypothèses, expériences, conclusions. Support : la vidéo d’un spectacle d’un prestidigitateur se présentant comme hypnotiseur.

Temps : 4h

Description

Nous avons suivi le plan de séance présenté par Denis Caroti lors du deuxième atelier en 5ème et 3ème : l’alternative est féconde.

Illustration 1: tableau sur lequel nous notions les hypothèses proposées

Etape 1 : Présentation de la vidéo aux élèves

Etape 2 : Discussion autour de cette vidéo en vue d’élaborer des hypothèses pouvant expliquer le phénomène

Etape 3 : Expérimentation et conclusion

Étape 4 : Réalisation d’un diaporama

Voici le résumé en vidéo

test avec légende

Bilan

L’expérimentation est très délicate et nécessite du matériel adapté : deux chaises stables ou tréteaux. La position de la personne faisant le test est primordiale : ce sont les épaules et mollets qui doivent reposer sur les tréteaux. Cette partie a été problématique et nous avons dû nous y reprendre plusieurs fois avant de réussir.

Comme c’était la première séance où nous réalisions un diaporama nous avons guidé les élèves pas à pas. Pour commencer, nous leur avons fait réaliser une trame du diaporama : introduction – explication de la vidéo spectacle (hypnose, catalepsie – définition et situation) – liste des hypothèses – explication des tests et de ce qu’ils permettent de montrer – relecture des hypothèses et conclusion (vraisemblable, non vraisemblable, non « testable »). Puis, nous les avons formés à l’usage du logiciel. Chacun (seul ou en groupe) devait s’occuper de l’une des trois tâches suivantes : montage vidéo, réalisation du texte « commentaires » et enregistrement de ce texte via un magnétophone.

Cette étape ne s’est pas déroulée comme nous l’avions envisagée : certains élèves ont réalisé parallèlement les mêmes actions, nous avons donc perdu du temps et, plus problématique, il nous a fallu choisir entre les différentes versions.

Par la suite, nous avons adapté légèrement cette étape. Le diaporama final a été finalisé par nos soins par manque de temps.

Séance 4 – La rumeur

La séance 4 a pour objectif de montrer aux élèves qu’une information qui circule s’appauvrit, se transforme et se trouve facilement faussée ou vidée de son message initial principal. Il est donc nécessaire d’aller à la source de l’information.

Durée : 3h, deux séances d’expérimentation, une d’analyse

Effectifs – Pour l’occasion, nous avions demandé au club de sciences de participer à l’expérience (une dizaine d’élèves). Nos élèves étaient, eux, spectateurs. Nous avons ensuite réalisé une deuxième expérience avec nos élèves acteurs.

Description de la séance

enquetes-z_4_rumeur_homme-invisible

Matériel à prévoir : une photo, une vidéo ou tout autre support qui pourrait être « raconté ». Il faut que le support ait suffisamment de détails. Nous avons choisi pour la première expérience une photo de Liu Bolin, l’homme Invisible « Hiding in the City »

  • Étape 1 – Préparation avant l’expérience

Avant que le club de sciences n’arrive, nous avons présenté l’expérience à nos élèves et analysé la photo.

  • Étape 2 – L’expérience

Nous accueillons le club de sciences dans une salle attenante à la salle d’expérimentation et nous leur demandons de décider d’un ordre de passage.
Le premier élève est invité à entrer dans la salle de l’expérience. Nos élèves lui montrent la photo et lui expliquent qu’il sera le seul à la voir, qu’il doit retenir le maximum d’informations sur cette photo pour pouvoir l’expliquer aux autres qui suivront. Une fois que c’est fait, nous faisons rentrer le deuxième élève du club sciences. Le premier essaie de lui donner un maximum d’informations sur le support que nous lui avons présenté puis va s’asseoir dans le public. Nous demandons au deuxième élève de sortir 5 minutes et surtout de bien retenir toutes les informations données.
Nous faisons une petite analyse de ce qui a été transmis en remplissant à chaque étape un document afin de garder une trace pour l’analyse future.
Nous reproduisons ce processus jusqu’à ce que le dernier élève du club de sciences soit passé.

  • Étape 3 – L’analyse

La deuxième séance est consacrée à l’analyse – nous aurions préféré pouvoir la faire dans la foulée, mais nous n’en avons pas eu le temps. Nous reprenons le tableau complété durant l’expérimentation et demandons aux élèves ce qu’ils ont remarqué. Tout est noté au tableau « en vrac ». Petit à petit, des idées se dégagent :
– de l’information a été perdue durant les communications ; c’est ce à quoi l’on pouvait s’attendre le plus ;
– de l’information a été transformée : un mot est changé par un autre, ce qui a été parfois très comique ;
– de l’information a été rajoutée. C’est peut-être ce qui est le plus impressionnant. Les élèves n’arrivant plus à se rappeler des informations données par la personne précédente, brodent et inventent des détails (peut-être non consciemment).

  • Étape 4 – Conclusion

Nous terminons cette séance par une discussion sur les conséquences de ces mécanismes dans la vie quotidienne : l’information est très facilement biaisée, modifiée, transformée. Tout le monde, même involontairement, est susceptible de corrompre une information. C’est pourquoi il est important de se méfier des « renseignements » que l’on nous donne, y compris si ce sont des gens à qui l’on fait totalement confiance. Il faut toujours chercher à se rapprocher au maximum de la source de l’information.

Bilan

Une dizaine d’élèves suffit pour réaliser l’expérience. En effet, au bout d’un moment, il y a tellement d’informations perdues qu’il ne reste que trois ou quatre mots à transmettre – ce ne sont même plus des phrases. Ces mots sont alors transmis en boucle sans modification jusqu’au dernier élève.

Nous avons réalisé une deuxième expérience à la demande de nos élèves. Ils étaient persuadés que, eux, ayant vu l’expérience précédente, ne se feraient pas « avoir », qu’ils réussiraient bien mieux. Voici le résumé en images :

Ce qui est remarquable c’est que les mêmes mécanismes observés lors de la première expérience se sont reproduits à la deuxième malgré l’analyse qui en avait été faite. Cela a conforté la conclusion que les élèves avaient émis en première analyse.

Pour voir une autre illustration de ces mécanismes, voir l’atelier de Tudy Guyonvarch avec des écoliers ici.

Séance 5 – L’horoscope



Séance faisant intervenir une personne extérieure pour faire découvrir aux élèves l’effet Barnum1.

Durée : 2h. Une séance d’expérimentation et d’analyse + Une séance pour réaliser le diaporama + 1/4h de pré-expérimentation à effectuer la séance précédente

Effectifs : Les élèves du club Enquêtes Z + une intervenante extérieure

Description de la séance

Tout d’abord, nous avons utilisé un document du laboratoire de zététique (2006) détaillant la mise en place de cette séance qu’on nous avait présenté lors de la formation Médias, pseudosciences et esprit critique .

  • Étape 1 : Préparation de l’expérience avec les élèves

A la fin de la séance précédente, nous donnons aux élèves une feuille et leur demandons d’y noter leurs nom, prénom, date de naissance, adresse, signe astrologique ainsi que les mêmes informations sur leurs parents. Nous leur demandons aussi de rajouter ce qu’ils souhaitent (dessin, mot, autre information) et qui leur paraît important. Certains ont rajouté leur couleur préférée, d’autres ont fait un dessin…

Nous leur expliquons qu’une astrologue sera présente la séance suivante et qu’elle leur aura préparé un horoscope personnalisé à partir de ces informations. Bien que nous soyons dans un club d’esprit critique, ils ont tous eu l’air de prendre l’expérience au sérieux et ont rempli la feuille avec application. Certains ont tout de même demandé si c’était une vraie astrologue. Nous leur avons donc demandé ce qu’était pour eux une « vraie » astrologue, question à laquelle ils ont eu du mal à apporter une réponse claire. Nous avons laissé la question en suspend.

  • Étape 2 : Préparation de l’expérience

Nous avons demandé à la documentaliste d’un autre collège de Carcassonne de venir jouer le rôle de notre astrologue. Elle a joué le jeu en se « déguisant » (foulard dans les cheveux, lunettes, collier de planètes) pour paraître un peu « loufoque ». Nous avions aussi préparé un horoscope à partir du document obtenu en formation en y apportant quelques modifications. Tout d’abord,  nous avons reformulé certaines phrases pour que des élèves de collège comprennent tous les mots. Par ailleurs, pour renforcer le sentiment de personnalisation du document, nous avons réalisé une version au féminin et nous avons glissé les « horoscopes » dans des enveloppes portant le nom de chaque élève.

  • Étape 3 : L’expérience

Nous avons présenté l’astrologue, puis elle a distribué à chacun son enveloppe. Nous avons bien insisté sur le fait que ces horoscopes étaient personnels et avons donc proposé aux élèves de s’isoler pour lire le leur. Ils l’ont fait sans se poser de question.

Une fois lu, nous avons distribué à chaque élève un document d’évaluation de la description de personnalité, puis nous avons fait un bilan : 9 élèves sur 10 étaient d’accord pour dire qu’elle leur correspondait parfaitement ou très bien. Un seul a indiqué que cela ne correspondait que moyennement à sa description.

Enfin, nous avons demandé si l’un d’entre eux accepterait de lire son horoscope bien que cela soit très personnel. Un seul a accepté – peut-être les élèves ont-ils estimé que ceci était trop personnel pour le lire à haute voix ?

A la lecture de l’horoscope, les réactions ont été variées : une élève a compris le manège dès la première phrase et s’est pris la tête dans les mains, une autre a ré-ouvert son enveloppe pour relire son horoscope et vérifier que c’était le même, les autres élèves se sont regardés et semblaient s’interroger.

Un point a été fait et la supercherie fut révélée. Un dialogue s’est ensuivi avec nous et l’astrologue pour savoir comment nous avions fait.

  • Étape 4 : L’analyse

Nous avons poursuivi à chaud sur l’analyse. Qu’est-ce qui avait fait que chacun-e s’était reconnu-e dans cet horoscope ? L’explication fut immédiatement amenée par les élèves : les phrases présentes dans cet horoscope étaient faites pour correspondre à tout le monde. C’est ce qu’on appelle l’effet barnum.

Des exemples :
– une phrase qui dit tout et son contraire : « Tu peux te montrer très sociable mais aussi prudent et réservé. »
– une phrase qui parle de quelque chose auquel tout le monde ne peut qu’adhérer : « Tu préfères un peu de changement et de variété et tu es insatisfait lorsque tu te sens bloqué par des règles trop strictes ou des limitations. »
– une phrase qui valorise le lecteur : « Tu possèdes de considérables capacités non employées que tu n’as pas encore utilisées à ton avantage. »

Nous avons ensuite donné aux élèves les journaux de la semaine et leur avons demandé de rechercher ce genre de phrases dans les horoscopes présents. Ils se sont rendus compte avec étonnement que les horoscopes fourmillaient d’effets Barnum.

Nous avons terminé la séance en leur demandant de créer eux-mêmes des horoscopes pour les donner à l’un de leur proche ou professeur (sans dire qu’il vient d’eux) et recueillerir leur avis.

  • Étape 5 : Retour sur l’expérience et fabrication du diaporama

La semaine suivante les élèves nous ont raconté leurs expériences avec les horoscopes créés. Mais peu d’entre eux étaient allé-es jusqu’au bout de l’expérience, nous ne nous sommes donc pas attardées.

Pour la fabrication du diaporama, nous avons fait les choses différemment. Au lieu de constituer des groupes, nous avons fait les choses ensemble. Nous avons commencé par reconstituer la trame :

En amont de la séance :

  • Recueil d’infos les concernant
  • Annonce de la visite prochaine d’une astrologue

Pendant la séance :

  • Présentation de l’astrologue
  • Distribution des enveloppes personnalisées
  • Lecture individuelle de l’horoscope
  • Évaluation de la pertinence de son propre horoscope
  • Un volontaire est invité à lire son horoscope
  • Découverte de l’entourloupe
  • Conclusion

Nous avons ensuite visualisé toutes les vidéos prises lors de l’expérience et les avons réparties sur les différents points que nous souhaitions aborder. Nous avons réalisé le diaporama en coupant et en juxtaposant les vidéos dans l’ordre pré-établi. Finalement, nous avons enregistré les commentaires des élèves dont nous avions besoin à chaud et les avons intégrés directement au diaporama. Voici le résultat :

Cette façon de faire nous a permis de réaliser le diaporama en 1h et tous les élèves ont pu voir les méthodes de création d’une vidéo et y participer.

Bilan

Cette séquence a particulièrement bien fonctionné et les élèves se sont montrés très intéressés par le sujet et particulièrement investis. Nous ne sommes cependant pas passé loin d’un gros écueil : l’un des élèves connaissait la fausse astrologue. Heureusement, le déguisement l’a fait douté et il n’a rien dit avant que la supercherie ne soit exposée.
Pour un effet encore plus important, nous avions imaginé que notre complice puisse associer les noms et les visages pour distribuer les enveloppes directement à la bonne personne. Nous n’avons pas assez anticipé cette étape.

Certains élèves s’en voulaient beaucoup de s’être fait dupés. Pour éviter qu’ils ne se sentent « nuls », nous leur avons bien expliqué que nous avions vécu la même expérience lors de notre formation et que cet effet est puissant.

Note de Guillemette Reviron – Monter ce type de séance nécessite effectivement de prendre des précautions. Tout d’abord, il n’est nullement question de ridiculiser une pratique, mais bien de « faire sentir » à chacun que nous sommes sensibles à certains biais. On ne pourra donc pas conclure à l’issue de cet atelier que l’astrologie n’est pas efficace, mais si l’on prétend qu’elle a une efficacité spécifique, il faudra notamment démontrer qu’elle fait mieux que l’effet barnum.

Séance 6 – L’extraordinaire est possible

Cette séance a pour objectif d’introduire la facette zététique « le bizarre est possible » et le rasoir d’Occam. Thèmes abordés : paniers de basket « impossibles » et pourtant réalisés sans trucages, Loto, tirs de pile ou face, « prédictions » d’animaux sur les résultats d’un match.

Temps : 2 h

Nous avons suivi la séance décrite par Denis Caroti sur le site du Cortecs. Voici le résumé en images :

Bilan

Nous nous sommes fait surprendre : alors que nous n’anticipions aucune difficulté particulière, cette séance a peut-être été la plus difficile à mener. Le manque de motivation des élèves s’est fait ressentir (sauf au moment de l’expérience du pile ou face). Ceux qui s’exprimaient partaient dans toutes les directions et étaient plus excités à l’idée de voir d’autres vidéos de tirs de canettes que de réfléchir sur la possibilité ou non de tels tirs. Nous n’avons pas réussi à réinvestir ce que nous avions mis en place les séances précédentes (échelle de vraisemblance ou rasoir d’Occam)
Nous avons eu tout de même quelques échanges intéressants notamment au moment de l’analyse d’une partie de la vidéo montrant un oiseau frappé par une balle de base-ball en plein vol (la question était de déterminer s’il y avait trucage ou non).

Il nous faudra repenser cette séance afin quelle soit plus efficace sans pour autant céder à l’amusement général.

Séance 7 – La curiosité de Lauriole

Cette séance se proposait d’appliquer la démarche scientifique à l’étude d’un phénomène « étrange » local : une pente qui semble monter alors qu’elle descend.

Durée :  une séance de découverte et de formulation d’hypothèses + une sortie pour expérimenter + une séance d’analyse / diaporama

Effectifs : les élèves du club Enquêtes Z auxquels nous avons associé une classe de 4ème et le club archéologie

Description de la séance

  • Étape 1 – Découverte du phénomène et formulation d’hypothèses

Pour leur faire découvrir la curiosité de Lauriole nous leur avons passé un montage d’une vidéo de Stop Science et d’une vidéo trouvée sur Youtube.
A la suite de la vidéo, nous leur avons demandé d’émettre des hypothèses pour expliquer le phénomène, exactement comme ils sont habitués à le faire dans d’autres matières (par exemple en SVT ou en Physique-Chimie) :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique
– 2ème hypothèse : effet d’un champ magnétique
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale

Puis nous leur avons demandé de proposer des expériences à faire sur place pour tester les hypothèses citées :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique – test à l’aide d’une bouteille d’eau, d’une balle, d’un niveau
– 2ème hypothèse : champ magnétique – test à l’aide d’aimants
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route – test à l’aide d’un niveau sur plusieurs endroits de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale – non testable, prise en considération si les autres hypothèses ne se vérifient pas (rasoir d’Occam)

  • Étape 2 : L’expérience sur place

Les tests sur place se sont déroulés la semaine suivante. Même le chauffeur de bus a participé. Les élèves ont abouti à la conclusion que c’était une illusion d’optique due notamment au talus et au lacet de la route et ont écarté les autres hypothèses grâce au rasoir d’Occam

  • Étape 3 : Analyse et diaporama

La séance suivante fut consacré à l’analyse des résultats et à la réalisation du diaporama. Nous l’avons fait tous ensemble comme pour la séance précédente à l’aide d’un vidéo projecteur. L’analyse fut l’occasion de revenir sur l’une des premières « leçons » de l’année : nos sens nous trompent. Ce que nous percevons n’est pas toujours la réalité.

Voici la résumé en vidéo de cette enquête.

Bilan

Tout d’abord, nous pensons qu’emmener autant d’élèves (environ 55) pour réaliser des expériences était un choix peu judicieux. Même si tout s’est très bien passé, il a été difficile d’effectuer les expériences étape par étape et de réussir à mener une réelle démarche d’investigation. En effet, chaque élève voulait manipuler. Ils testaient toutes les hypothèses en même temps et cela a été délicat de leur faire faire les tests l’un après l’autre. Ceci dit, nous pensons que le fait d’avoir manipulé et vu les expériences sur place marque beaucoup plus les élèves qu’une vidéo projetée avec des expériences effectuées par d’autres. Il nous paraît important pour la suite d’essayer de faire un maximum d’expériences directes et sur place quand c’est possible.

Séance 8 – La maison hantée

Séance d’initiation à l’analyse des médias (marchandisation de l’information) ; biais de confirmation

Les enseignantes n’ont pas eu le temps de décrire cette séance dans le détail, mais elles mettent tout de même à disposition la vidéo réalisée avec les élèves

Saison 2

Au programme de la saison 2 :

  • Séance 1 – Enquête sur la dame blanche de Mauroux (initiation à l’enquête de terrain)
  • Séance 2 – Cartes et magie
  • Séance 3 – Un dragon au CDI ? (matérialisme méthodologique)
  • Séance 5 – Enquête sur un OVNI à Oakland (enquête et croisement d’informations sur internet)

Les résumés vidéo de ces séances sont disponibles sur le site du collège Le Bastion (Carcassonne).

Dossier étudiant 2016 – Y a-t-il un effet propre des tisanes qui font dormir ?

Ce travail sympathique, frais, et bien emmené a été réalisé par un groupe d’étudiant-es de licence de l’Université Grenoble-Alpes, dans le cours de Zététique & autodéfense intellectuelle en mai 2016. Il prenait appui sur un article de la revue indépendante (des industries) Prescrire, qui indiquait que de toutes les plantes suspectées d’agir sur le sommeil (mélisse, oranger, tilleul, verveine odorante, etc. ) aucune n’avait une efficacité démontrée, hormis éventuellement la valériane (voir ci-dessous). En attendant, c’est là que la pensée critique libère : au fond, peu importe ce que vous mettez dedans, il semble que ce soit le bol d’eau chaude qui aide à dormir. Ça signifie que vous ne serez plus en panique si vous tombez en rade de tisane somnifère. Merci les étudiants !

Du latin tisana (orge mondé puis décoction d’orge qui, dans l’Antiquité, était utilisée contre la fièvre)1, la tisane désigne une « boisson aqueuse contenant une faible proportion d’une substance végétale peu chargée en principes médicamenteux »2.

La tisane est vendue en grande surface, dans les petits commerces, en pharmacies. C’est la vente en pharmacie qui semble des plus intéressantes au delà de son commerce, c’est une spécialité médicale et une science « ayant pour objet la recherche, la fabrication, le contrôle, le conditionnement et la distribution des médicaments »3, le médicament étant une substance employée à des fins thérapeutiques pour rétablir l’équilibre dans un organisme perturbé. Il semble donc convenable, dans ce contexte, de qualifier la tisane de produit pharmaceutique : elle est considérée comme ayant un effet, a priori thérapeutique sur la santé du consommateur. Nous traiterons brièvement, dans notre développement, des intérêts financiers des vendeurs de tisanes, notamment à travers le marketing qui mise sur l’aspect naturel de ces produits. Cependant, la fabrication et l’usage de la tisane peuvent se faire de manière domestique ; sur l’île de la Réunion, les plantes sont très usitées pour leurs vertus médicinales et consommées en tisanes. Autour d’elles est organisé tout un système de croyances et de rites que décrit Jean Benoist (médecin et anthropologue), dans son article « À la Réunion, la plante entre tisane et prière »4

Étudier la tisane suppose donc de commencer par faire intervenir le sens commun : pour la plupart des consommateurs de tisane, cette dernière serait l’une des alternatives aux médications dites « dures », la recherche d’un retour vers le naturel, le « bio ».
Quelles sont les vertus hypothétiques, et prouvées, de la tisane sur le sommeil ? En premier lieu, nous traiterons des différents enjeux que soulèvent le business de la phytothérapie et ses acteurs tout en distinguant santé du corps (bien-être) et santé au sens médical. Ensuite, nous aborderons les différentes plantes utilisées dans la composition des tisanes « qui font dormir » et l’état des recherches sur ces dernières. Pour continuer, nous nous attarderons sur la description de notre entretien avec un pharmacien dans la pharmacie grenobloise de La Mandragore, pour enfin proposer un plan expérimental de recherche susceptible de pouvoir tester l’efficacité propre des différentes composantes communément associées dans la fabrication des tisanes pour le sommeil.

Pour commencer notre analyse, il nous a paru intéressant d’ébaucher une analyse sociologique de l’engouement suscité par la multitude des produits prétendument facilitateurs du sommeil et qui garantiraient le « bien-être » : un concept flou aujourd’hui très en vogue.
Les troubles du sommeil affecteraient un tiers de la population générale (selon Maurice M. Ohayon5) et leur manifestation est traditionnellement divisée en deux classes : les dyssomnies (anomalie au niveau de la qualité et la quantité du sommeil) et les parasomnies, caractérisées par la survenue d’événements physiologiques ou comportementaux qui perturbent le sommeil (e.g. apnée du sommeil). À la vue des chiffres très élevés de prescriptions de médicaments hypnotiques, pour lesquels la durée de traitement doit être limitée et dont la prise entraîne souvent beaucoup d’effets secondaires pénibles (e.g. amnésie antérograde dans le cas de la Zopiclone)6 on comprend mieux l’envie des patients de vouloir améliorer leur sommeil en utilisant des méthodes moins invasives, mais dont l’efficacité n’a bien souvent pas été démontrée scientifiquement. L’industrie pharmaceutique a quant à elle bien saisi les enjeux financiers que soulève ce nouveau marché.

Si, dans la même veine, le marché des compléments alimentaires a lui aussi largement pris son essor et engendré des recettes colossales, alors que l’absence d’efficacité voire la toxicité de bon nombre de ces produits est reconnue (avec un certain cynisme ?) par les industries qui les produisent (Journal Télévisé de 20h du 23 avril 2016 sur France 2)7, cette industrie du bien-être s’est assurément développée dans les sociétés occidentales récemment, en parallèle avec les chiffres des prescriptions d’anxiolytiques. Car si l’efficacité de ces traitements n’est pas toujours prouvée, on peut s’attendre à ce qu’elle soit fluctuante voire inexistante et que certains patients souffrant de troubles du sommeil, en privilégiant ces remèdes, ne passent à côté d’une prise en charge qui serait susceptible de les soulager de leurs troubles.

Un autre aspect de la croissance de cette consommation pourrait être d’ordre conjoncturel et spirituel, puisque le marché estampillé « Bio », et la médecine traditionnelle holiste font l’objet d’un véritable engouement dans le contexte actuel, caractérisé par une défiance à l’égard des grands groupes pharmaceutiques dont la réputation est maintenant entachée par de nombreux scandales très médiatisés (e.g. Mediator, vaccins contre l’hépatite et, plus récemment, la Dépakine). Lors de notre enquête dans différentes pharmacies grenobloises, il nous est apparu que toutes les tisanes, infusions et autres huiles essentielles détenaient toutes le label Agriculture Biologique (AB), l’assurance pour le patient-client d’acheter un produit naturel, exempt de tous les traitements chimiques, également connus et craints pour leurs conséquences néfastes sur la santé8. Après avoir questionné 50 personnes à la sortie des quatre pharmacies visitées sur leur statut perçu (client ou patient) dans une pharmacie, 72 % d’entre eux se considèrent comme des patients et non comme des clients. Toutefois, 78 % d’entre eux estiment que l’achat des adjuvants au sommeil comme les tisanes qui nous intéressent ici ne relevaient pas du domaine du soin mais plutôt de celui du commerce ; ce qui renvoie donc à un modèle « vendeur-client » et non plus à celui du« soignant-soigné ». Cette distinction est importante dans la mesure où elle aide à clarifier la démarche commerciale sur laquelle la vente de ces produits repose ; les industriels cherchent à dépasser le paradoxe ici révélé par le sondage : la vente en pharmacie, le label AB permettent à la tisane sommeil de passer du côté du médicament en quittant l’univers de l’alimentaire alors même que son efficacité reste incertaine.

La vente de ces tisanes et plus généralement de tout facilitateur de sommeil à base de plantes est dopée par un marketing assez agressif : affiches publicitaires, publicités dans les magazines à très grand tirage comme le TV Magazine, etc. Il est cependant difficile de donner une estimation des recettes attenantes à ce commerce, les industries pharmaceutiques faisant preuve d’une relative opacité quand il s’agit de rendre public leurs bénéfices. La vente de ce type de produits en pharmacie repose sur d’autres aspects : le contact avec le client est direct, certaines pharmacies ou herboristeries réalisent elles-même leurs tisanes (cf. partie 3), la proximité et la persuasion sont dans ce contexte des éléments déterminants pour la vente.
Nous avons passé en revue les différentes plantes utilisées dans les tisanes pour améliorer le sommeil, tout en cherchant à cerner leur utilité et leur efficacité.

Dans sa thèse, « Les troubles du sommeil chez la personne âgée : état des lieux sur les thérapeutiques et rôle du pharmacien à l’officine »9

Thibaud Lamotte présente la phytothérapie comme une des thérapeutiques « alternatives » en cas de plainte de troubles du sommeil exprimés par une personne âgée. Dans cette partie, nous traiterons exclusivement des plantes que l’on retrouve dans la composition des tisanes pour le sommeil. D’abord, Thibaud Lamotte assure que les plantes vendues en pharmacie à des fins thérapeutiques sont soumises à des allégations santé délivrées par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé, une allégation santé étant « une indication ou une présentation qui suggère un lien entre le produit et la santé ». Il ajoute que les allégations santé « sont fondées sur une efficacité prouvée ou reconnue par un usage traditionnel ». Autrement dit, l’usage traditionnel (qui « doit être démontré sur une durée de 30 ans »), n’est pas un critère scientifique objectif pour établir l’efficacité des propriétés d’une plante ; il n’est donc pas nécessaire de prouver l’efficacité d’une plante pour la lancer sur le marché pharmaceutique.

cortex_valeriane

Il est à souligner que 222 allégations santé sont reconnues et autorisées en Europe. Toutefois, il paraît important de passer en revue les principales plantes utilisées dans les compositions de tisanes pour le sommeil.
La valériane, qu’on retrouve dans les compositions de tisane, est la seule plante dont on puisse penser que son efficacité soit prouvée. Elle sert à « soulager le stress et ses symptômes et faciliter le sommeil » 10 et Thibaud Lamotte va même jusqu’à affirmer qu’elle « comporterait une activité proche de certains hypnotiques prescris à faible dose ». La valériane est donc l’une des rares plantes dont les propriétés soient démontrées, selon cette étude. Cependant, une autre étude, plus ancienne (Taibi et col. 2007)11, nuance ce propos : ces chercheurs pointaient à l’époque le manque de preuves cliniques de cette efficacité tout en mettant en garde contre certains biais. « La concentration de certains constituant de la valériane varie selon que la plante soit fraîche ou sèche et les études sur les extraits de racine sèche ne peuvent être généralisées aux préparations réalisées à base de racine fraîche. »

La passiflore n’interviendrait que dans les troubles légers du sommeil mais l’état des études sur celle-ci reste insuffisant pour se prononcer sur une quelconque efficacité propre. De plus, l’anxiété et le stress étant fortement liés aux troubles du sommeil, l’aubépine et la mélisse sont deux plantes dont les bienfaits supposés aideraient à réduire les « faibles troubles du sommeil ». Dans les deux cas, il n’est pas possible de se positionner scientifiquement quant aux réels bienfaits de ces plantes. Enfin, certaines plantes peuvent avoir une fonction de complément dans la composition des tisanes, notamment le tilleul, dont l’efficacité n’est pas prouvée scientifiquement et dont le qualificatif de « complément » laisse supposer que son action seule serait nulle ou infime.
Deux points méritent d’être soulignés sur les plantes qui viennent d’être listées. Premièrement, la plupart ne sont reconnues que par l’usage traditionnel : cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas efficaces pour réduire les troubles du sommeil, simplement que l’état de recherche sur celles-ci est insuffisant pour présumer de leur inefficacité, autant que de leur efficacité. Deuxièmement, ces plantes sont souvent associées entre elles dans les compositions de tisane : la tisane « Herbesan bio sommeil » associe la mélisse, la passiflore et l’aubépine ; la tisane « Médiflor », elle, associe la valériane, la passiflore, l’aubépine, la mélisse et le tilleul ; quant à la « Tisane provençale N°4 » trouvée en pharmacie, elle est un mélange de tilleul, de passiflore, et d’aubépine. Il est donc impossible de tester l’efficacité de ces tisanes, puisqu’il est impossible, dans le cas des tisanes comportant de la valériane, de vérifier que les autres plantes présentes ont elles aussi des propriétés améliorant le sommeil sans les tester séparément. Pour les tisanes sans valériane, la tache pourrait sembler plus aisée, seulement, on ne connaît pas les potentiels d’association de ces plantes, lesquels seraient susceptibles d’inhiber l’effet de certaines plantes composant le mélange. Il serait donc intéressant de tester les effets associés des différentes substances, mais uniquement après avoir validé leur efficacité individuelle.

Pour compléter ce dossier, nous avons décidé d’interroger des pharmaciens sur les gammes de produits qu’ils proposent dans leurs rayons « Phytothérapie » ; nous en avons visité quatre, mais aucun pharmacien n’a su nous orienter vers une étude démontrant par l’expérimentation les propriétés myorelaxantes/ d’apaisement/ anti-réveils nocturnes etc. des plantes, propriétés que ces mêmes pharmaciens n’ont aucun mal à nous vanter de prime abord.
Nous allons donc, à titre d’exemple, décrire notre visite de la pharmacie de la Mandragore, située en plein centre de Grenoble près de la place Victor Hugo, spécialisée dans la phytothérapie.
Arrivés à la susdite pharmacie, nous constatons la présence d’une imposante étagère en bois sur le côté droit, contenant tout une gamme de produits issus de la phytothérapie et de surcroît faits « maison », allant de l’hydrolat (reste de la distillation lors de la fabrication d’huiles essentielles) aux gélules en passant également par ce qui nous intéresse ici : les tisanes. Nous interpellons donc une des deux personnes présentes dans la pharmacie pour recueillir des informations sur ces dernières ; celle-ci consent à nous expliquer le choix des plantes qui a été fait mais ne peut nous en dire plus sur les fondements scientifiques qui appuient ces choix, n’étant pas pharmacienne titulaire. Cela ne l’a pas pour autant empêché de nous vanter les effets du basilic sur la détente musculaire et de la lavande « apaisante », deux des quatre plantes utilisées dans la composition de leur Tisane Sommeil, les deux autres n’ayant qu’un intérêt visuel (rose pâle) et gustatif (menthe douce), pour une tisane tout de même vendue à un prix avoisinant la dizaine d’euros.

Plus tard, pour un autre produit, on en vint à parler de la valériane (précédemment citée) qui est, selon ses dires, elle aussi utilisée pour la détente musculaire mais plus puissante à cet usage que le basilic, pourtant présent dans leur Tisane Sommeil.
Après avoir passé en revue tous les produits en vente relatifs au sommeil et avoir listé les effets prétendus de chaque plante utilisée, nous avons demandé s’il était possible de parler au titulaire présent dans la pharmacie pour discuter des méthodes mises en places pour le recueil et l’analyse des données sur ces végétaux ; malheureusement, il nous fut impossible de nous entretenir avec le pharmacien titulaire, celui-ci nous évitait délibérément après qu’il fut informé de notre requête, retranché dans son arrière-boutique…
Nous sommes revenus le lendemain matin, et cette fois nous avons pu parler à un autre pharmacien titulaire ; il nous a expliqué d’abord qu’il recevait des bulletins d’analyse pour chaque lot de plantes utilisé pour la confection de ses tisanes, qui lui confirment que la plante est bien celle qu’il cherche à avoir, lui indique si l’échantillon est conforme sur le plan bactériologique et également que les principes actifs sont présents à plus de 20 ml par kilogramme. Nous avons ensuite cherché à savoir d’où provenaient les informations relatives aux effets des plantes, ce à quoi il répondit que des travaux de thèses avaient été effectués et avaient montré l’efficacité et la non-toxicité de certaines plantes, mais que les plantes ne pouvant être brevetées comme les molécules, les laboratoires pharmaceutiques ne cherchaient pas à effectuer de réelles expérimentations sur les plantes médicinales.

Nos autres entrevues en pharmacie se sont déroulées à peu près de la même façon ; on pouvait nous décrire avec beaucoup de détails comment telle ou telle plante pouvait soulager le stress, détendre les muscles ou encore réduire la température corporelle pour favoriser le sommeil, mais les sources restaient floues. Certains citent des travaux de thèses que l’on ne retrouve pas (à l’exception d’une), d’autres encore, qui ne vendaient que des tisanes pour le sommeil provenant de groupes pharmaceutiques (Tisane Herbesan, Picot, Médiflor, Nutrisanté, etc.), s’en référaient à l’éthique et à la bonne foi de ces groupes, déclarant que les produits vendus en pharmacie étaient testés d’une manière ou d’une autre. Cette série d’entretiens en pharmacie a constitué le premier pas de notre enquête, puisqu’à son terme, nous ne savions toujours pas d’où provenaient les informations…

Nous nous rendons compte qu’il existe un manque d’expérimentation et donc de validation des effets thérapeutiques et parfois même de la toxicité12 des plantes utilisées en phytothérapie ; dans le cadre des tisanes censées favoriser le sommeil qualitativement, un grand nombre de plantes sont utilisées et nous en avons fait un inventaire, non exhaustif, néanmoins représentatif de ce que l’on peut trouver dans le commerce. Le problème de la validation des effets thérapeutiques de ces plantes pourrait être résolu par une expérimentation dans laquelle on écarterait les variables parasites tout en effectuant, sur un échantillon assez conséquent pour permettre une validation statistique de la réplicabilité des effets observés, des tests, plante par plante. Ce qui va suivre est une ébauche de ce qui pourrait permettre la validation ou la réfutation des effets hypothétiques de nombreuses plantes précédemment citées.

Parmi les variables parasites à contrôler, l’hétérogénéité des temps de sommeil dans la population pourrait être contrôlée par identité, c’est à dire que nous ne prendrions, par exemple, que des personnes dormant entre 7 h et 8 h par 24 h (moyenne des 25-35 ans [12]).

Autre variable parasite, le type et la gravité des problèmes de sommeil ; comme nous l’avons vu précédemment, la parasomnie est à différencier de la dyssomnie et les effets supposés des plantes vont également dans ce sens, certaines sont censées favoriser l’endormissement et la qualité du sommeil, d’autres empêcher les réveils nocturnes. La méthode de contrôle par identité semble ici aussi adéquate : selon les effets hypothétiques de la plante testée, nous ne prendrions que des individus souffrant de parasomnie ou de dyssomnie, en privilégiant des personnes qui souffrent gravement de ces troubles pour des résultats plus visibles (insomnies sévères : problèmes de réveils nocturnes ou d’endormissement plusieurs nuits par semaines et pendant plusieurs mois13.
Le sexe est classiquement contrôlé par croisement (50% hommes /50% femmes), et l’âge le serait par identité pour correspondre à la première variable contrôlée (25-35 ans).

Avec un échantillon conséquent et répondant aux modalités précitées, nous pourrions suivre un protocole expérimental tel que le suivant pour valider ou réfuter les hypothèses émises sur chaque plante.
Nous débuterions avec la répartition aléatoire des individus dans les deux modalités de la variable indépendante, que l’on pourrait appeler « régime », avec pour les uns la plante à tester et pour les autres une plante sans effet. Chaque soir pendant deux semaines, les individus prendraient en infusion et suivant la posologie indiquée (pour permettre une homogénéité de la quantité prise) les plantes données, et au réveil répondraient à un court questionnaire pour évaluer la qualité de leur sommeil (questionnaire type Vis-Morgen). En complément, chaque individu pourrait, avant les deux semaines de traitement et après, passer une polysomnographie (examen des différents paramètres respiratoires, des mouvements de l’activité électrique du cerveau pendant une nuit de sommeil)14.

La comparaison entre l’avant et l’après traitement chez les individus ayant testé une plante comparativement à ceux n’ayant eu qu’une plante de type placebo pourrait permettre de savoir si oui ou non ces plantes ont un réel effet sur la qualité du sommeil.
Cette proposition d’expérience, pourrait permettre d’évaluer l’efficacité propre des plantes utilisées classiquement dans les compositions des tisanes pour le sommeil. Une fois réalisée, d’autres expériences pourraient être faites de la même manière pour mesurer cette fois les degrés de synergies entre les plantes ayant montré une efficacité suffisante.

L’efficacité propre de la « tisane qui fait dormir » n’a jamais été prouvée, simplement car l’efficacité propre de ses diverses composantes ne l’a jamais été non plus. Dans le cas de la valériane, les études se contredisent : impossible alors de dire que les tisanes prétendument facilitatrices de sommeil qui en contiennent ont un effet qui ne soit pas dû au hasard. Il est toutefois intéressant, d’un point de vue sociologique, d’analyser les raisons de ce réel engouement à l’égard des produits naturels et bio qu’ont su utiliser les laboratoires pharmaceutiques, qui profitent de leur position hégémonique sur ce marché pour vendre et « marketer » des produits dont l’efficacité propre n’est en tout cas pas avérée. La question de l’efficacité mériterait d’être posée pour d’autres types de tisanes censées pallier d’autres problèmes physiologiques, en prenant garde de tester chaque plante indépendamment et sous leurs différentes formes (sèche, fraîche…) avant de tester leurs éventuelles propriétés conjointes.

Axelle VITALIS
Teddy MERLE
Raphaël MESTRE
Karine BOUHDID

Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 22, mai 2016

Chaque semestre depuis 2005, les étudiants de l’UE transversale « Zététique & autodéfense intellectuelle » produisent des dossiers d’enquête sur des sujets « critiques ». SI certains dossiers sont vraiment peu exploitables, d’autres sont vraiment de très beaux travaux, qui contiennent certes parfois des erreurs ou des fautes, mais témoignent d’une démarche intellectuelle exigeante, d’une vérification des sources et des informations présentées, et allant pour quelque-uns jusqu’à l’élaboration de protocoles expérimentaux. Cette fois, cartes mystérieuses, psychologie de la santé, protocole Reiki et PNL, de la musique, du lait, des cartes étranges….

L’objectif à terme serait de mettre tous les dossiers réussis depuis dix ans. J’ai réussi à le faire le semestres 20 (ici) et 21 (). En attendant, en mai 2016 m’ont été rendu 74 travaux (hors rattrapages), dont voici à mon avis (subjectif) les plus stimulants. Bien sûr il y a des coquilles, des fautes d’orthographes, des maladresses, mais pour des étudiant-es commençant leur parcours universitaire, on aura vu bien pire, et difficilement mieux. Bravo à elles/eux.

RM

Sur les questions de santé :

Cancer et rôle de l’état psychologique – Camille CHAULAIC, Tristan DIENY, Mathieu KLEIN, Alexandre LEUILLET. Télécharger ici. En annexe, deux audios à écouter :

Homéopathie, le savoir des pharmaciens – Thibaud AYMOZ-BRESSOT, William BLANC, Anaëlle BRION, Lise BRUN, Yoann JULLIARD, Wivina MARCELLINI, Thomas MERCIER, Cheyenne PILLOUD, Marina PONS, Noémie RIEDINGE. Le résultat de cette enquête est proprement stupéfiant. Télécharger là.

La pratique du Reiki – Sonia BOUAÏCHA, Yoann BOUCARD, Marie BOUVIER, Thi-My-Phuong DO, Alexandre GAÏD-BONNET, Sylvain SASSE. Voir l’article ici.

Vertus curatives de la forêt de Vallin, où en est-on ? – Daniel CHARBONNEL, Cyril CHARDON, Kevin BIBET. Télécharger là. Retour sur cette vieille affaire qui a vu plusieurs groupes d’étudiants travailler.

Deux dossiers furent réalisés sur les arguments de Thierry Souccar sur le lait, chacun apportant son lot d’arguments :

  • Thierry Souccar et le lait – Matthieu BATTIER, Elda BAUDA, Vincent CHAUVEAU, Blandine LYONNARD, Justine PAGNIER, Baptiste SERRE. Télécharger là.
  • Les arguments scientifiques avancés par Monsieur Thierry Souccar sur le lait de vache permettent-ils de sérieusement nous alerter sur sa consommation de masse ? – Fanny LA MANNA, Mehdi DJEGHDIR, Julien NOIRAT, Millian DE MAGALHAES. Télécharger ici.

La tisane qui fait dormir – Karine BOUHID, Teddy MERLE, Raphaël MESTRE, Axelle VITALIS. Voir l’article ici.

Le statut ambigu du baume du Tigre – Mathilde ARGAUD, Camille COUTAZ, Fracy DAMOUNE, Ilona DOS ANJOS, Robin DURAND (la version au point arrive sous peu).

Barreurs de feu – critères de sélection à l’hôpital de Grenoble – Solène JOUANNY, Sébastien JOUSLIN, Benoît JOUSSEAUME, Maryse NAPOLEONI, Charlotte PASCAULT, Trygve PRESTGARD. Télécharger là.

Deux bons dossiers sur des cartes mystérieuses :

La carte de Piri Reis – Théo BAUDRY-SHERRY, Elisa BUT, Mouctar Mamadou DIALLO, Lounis MILOUD. Télécharger là.

La carte du Vinland est-elle un faux ? – Julien DEBARD, Félicien GIRAUD.Télécharger ici.

Un peu d’archéologie :

Les sépultures « déviantes » de Kilteasheen – Solenne BARRY, Matthieu BEAL, Iliana GHAZALI, Heniek KATGELY, Bastien TERRIER. Télécharger là.

Archéologie et nazisme – Léo FRANCKE, Maël MOREL, Dorianne SANTO, Meriam ZORGATI. Télécharger là.

De la psychologie :

La vague – The third wave – Ronan CLEREC, Andréine ULIANA, Johanna VATTIER, Laëtitia MASSO, Juliette CONJARD. Télécharger là.

Série Lie to me : la théorie des lapsus faciaux de Ekman est-elle valide ? – Océane BEQUIE, Mégane GELLENS, Clémence PECARELLA, Clément PLANTADE, Héloïse POIROT, Noémie ZEBY. Télécharger ici.

Test de l’affirmation PNL : quelqu’un qui ment regarde vers la gauche, quelqu’un qui dit vrai vers la droite ? – Adrien ALEXANDRE, Perrine BREYTON, Kimberley BRUN, Julie MALIGE. Télécharger ici.

Les expériences de sortie de corps – Paul CANGE, Guillaume ENSENLAZ, Marine REBOULLET, Chloé SUDRE. Télécharger là.

Du complotisme :

MK Ultra et L’affaire du Pain Maudit de Pont-Saint-Esprit – Cléa BOIRON, Sarah DUCREUX, Ingrid EYROLLES, Léa HOUBRE 1

. Télécharger ici.

Et pour les musicologues :

Le LA 432Hz ou « Le Diapason Verdi » : est-il légitime de mettre le LA à 432Hz comme hauteur de référence ? – Didier FLORENT et Baptiste MESSINA. Télécharger ici.

Mention originalité pour ce dossier bringuebalant, mais dont les auteurs se sont creusé la cervelle :

Étude du prix d’une vie – Lucie Rizzo, Hugo Vincent.Télécharger là.

Dossier étudiant 2016 – Protocole expérimental du Reiki, et un peu d'histoire

Voici un très intéressant travail sur le Reiki réalisé par les étudiant-es de Licence de l’Université Grenoble-Alpes en mai 2016. Les tests se sont déroulés dans les bureaux du CorteX. Toute la rédaction est de leur fait (quand c’était nécessaire, j’ai fait des notes, en italiques, notées NdRM, notes de Richard Monvoisin). A la fin, j’ai indiqué l’extrait de notre ouvrage Tout ce… qui concerne le Reiki.

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Très brièvement, qu’appelle-t-on le « Reiki » ?

Le Reiki est une technique de soin visant à soigner des zones pathologiques par « apposition des mains ». Cette dernière vient du Japon.
Elle date du début du 20eme siècle. Le Reiki se définit comme étant une « énergie universelle de vie » qui se transmettrait par les mains dans un but de guérison. Pour en devenir praticien, il suffirait de 6 à 7 jours de formations aux côtés d’un thérapeute « confirmé » (qui maîtrise cette pratique).
Il existe des écoles de Reiki, mais le Reiki ne fait l’objet d’aucunes reconnaissances légales, c’est donc une pratique non conventionnée.  Chacun peut donc se déclarer « maître Reiki ».

Notre dossier ci dessous, a pour simple but de vérifier l’existence de cette « énergie universelle », et ainsi de pouvoir répondre à la question suivante : quelle est la validité scientifique du Reiki ?
Pour ce faire, nous avons choisi de tester scientifiquement cette pratique, à l’aide d’une expérience, dont voici le protocole expérimental.

Protocole expérimental : Reiki

Introduction

Dans le cadre du cours autodéfense intellectuelle de notre professeur Richard MONVOISIN (2016) (NdRM : je ne suis pas Professeur, c’est un titre universitaire bien précis que je n’ai pas), notre équipe s’est intéressée au Reiki, sa pratique mais surtout sa validité scientifique.
Alexandre GAÏD-BONNET, membre de celle-ci en est un praticien, nous allons donc avec celui-ci mettre en place un protocole expérimental visant à tester scientifiquement cette pratique.
Alexandre ressent lors de ses consultations, de la chaleur au niveau de ses mains, qui s’avère être plus ou moins intense en fonction des personnes et des zones perçues. Il ressent une « énergie » chez chacun.
Dans le cadre de sa pratique de soin, ce phénomène présente un « trou », un « creux » lorsque ses mains approchent une zone pathologique.

Élaboration du protocole

Le professionnel dit être capable de ressentir la présence de quelqu’un grâce à son énergie.
Alexandre nous affirme percevoir un signal les yeux fermés à travers les vêtements, lorsqu’il est placé à 40 cm d’un sujet en position debout.
L’équipe convient donc de le laisser choisir la personne qu’il ressent le mieux (sujet C défini plus bas).
L’énergie ressentie ne laisse pas de traces à l’endroit où se trouvait le sujet, une fois celui-ci parti.

Nous posons alors les hypothèses suivantes.
Hypothèse théorique : le professionnel est capable de déceler la présence ou l’absence d’un individu grâce à son énergie uniquement.
Hypothèse opérationnelle : le professionnel est capable de déceler la présence ou l’absence d’un individu face à lui sans aucunes conditions restrictives et derrière un paravent, muni d’un casque antibruit.

Protocole expérimental

Matériel :
– 2 casques antibruit ;
– une toile opaque ;
– du gros scotch ;
– une lampe de chevet ;
– 4 paires de bouchons d’oreilles ;
– un masque de nuit ;
– un dé.

Le nombre de passages est de 100.
Nous prenons un seuil α=0.01. (NdRM : nos jeunes collègues ont mis le calcul plus bas – ici, ils indiquent le risque de première espèce). Le nombre de réussites doit être supérieur à 65 pour être une réussite.                                 

Variable indépendante : présence réelle vs. absence de l’individu
Variable dépendante : détection de la présence du sujet vs. absence

Alexandre est d’accord pour rendre l’expérience accessible au public.

Test en « ‘blanc »

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Le praticien de Reiki faisant le test

Début avril (2016), les membres du groupe se sont réunis chez Sylvain pour se familiariser avec le protocole et le finaliser.
Premièrement Alexandre a testé chacun des membres et choisi celui dont l’énergie est la plus perceptible. Il choisit le sujet C.
S’en est suivi un tirage au sort qui détermina le rôle de chacun dans l’expérience (Alexandre étant indifférent concernant la personne qui sera à ses côtés lors de l’expérience).
Sylvain et Yoann sont quant à eux chargés de la randomisation des passages (présence vs. absence du sujet).

Individu A : le professionnel (Alexandre)
Individu B : indique quand le professionnel peut commencer sa tache et note les indications de celui-ci (absence vs. présence du sujet)

Sylvain et Yoann procèdent à la randomisation des passages à l’aide d’un dé. Ils repartissent sur deux exemplaires une série de 0 (absence du sujet) et de 1 (présence du sujet ). Le tout constituant 20 passages.

L’individu se place en face du sujet qui lui-même se trouve devant le professionnel.
Ce dernier a mis une écharpe autour de ses yeux, des bouchons d’oreilles et un casque de musique.
Sylvain et Yoann donnent un exemplaire de la randomisation à l’individu D puis s’isolent.
Ce dernier indique au sujet quand se placer devant le professionnel. Une fois le sujet en place l’individu D tape un coup sur un mur pour indiquer à l’individu B que le sujet est prêt. L’individu B place le professionnel dans l’axe du sujet, celui-ci lève son pouce s’il sent la présence du sujet et forme un zéro avec son pouce s’il n’en sent pas, puis se retire. Le professionnel dispose d’un temps illimité. L’individu B note les indications du professionnel.

L’individu D prend connaissance du signal émis par le professionnel, lance un chronomètre de 10 s, puis fait signe au sujet de se placer ou non (pouce levé : placement vs. zéro avec la main: ne se place pas).
Après les 10 s, il retape un coup sur le mur.
L’expérience est réitérée 19 fois.
Puis, on vérifie que les comptages des deux parties congruent.

Résultats du test en « blanc »

(NdRM : est appelé ici test en blanc le test de réglage, en quelque sorte la répétition générale).

(Suivi à la lettre de la procédure présente dans le protocole expérimental sur le magnétisme de l’Observatoire zététique, cf. bibliographie)

Le nombre de passages valides est de 19/20 : N=19
Le professionnel avoua avoir effleuré les cheveux du sujet lors d’un passage.
Nous calculons alors le nombre d’essais minimum réussis  pour pouvoir valider l’hypothèse.

La probabilité de succès pour chaque essai est de 0.5. « La fourchette dans laquelle se trouve plus de 99% des essais sont centrées autour de M=Np (nombre de résultats attendus en moyenne) plus ou moins un intervalle I donné par la formule suivante :   I=3√[N*p*(1-p)]  On obtient alors : M=9.5 et I=6.54

La nouvelle fourchette est donc :
M-I<M<M+I soit 2,96<9.5≤16.04

Le résultat doit alors être supérieur ou égal à 16 pour être statistiquement recevable.                           

Lors du dépouillement des résultats, nous avons obtenu :

  • essais valides : 19
  • essais réussis : 11
  • essais échoués : 8

Le résultat du test-blanc n’est pas bon : c’est un échec. (NdRM : on ne peut cependant rien en tirer en soi, puisque c’est un test en blanc, émaillé de détails rédhibitoires).

La personne émettrice et sa randomisatrice
La personne émettrice et sa randomisatrice

Expérience finale

Dans les locaux du CorteX, nous prenons les mêmes dispositions que lors du test blanc, et répartissons les rôles de la même manière. Cependant, nous contrôlons certaines variables supplémentaires.

Variables contrôles :
– on dépose une toile opaque au niveau de l’encadrement de la porte, le sujet et le professionnel et leurs assistants s’y placent de part et d’autre de celle-ci.
– L’individu D et le sujet sont séparés de Sylvain et Yoann qui sont dans la pièce à côté, porte fermée.          
Après la randomisation, ils font passer le tirage par la fente de celle-ci a l’individu D.
– Le professionnel porte un masque de nuit (à la place de l’écharpe)
– Les individus B et D, le sujet et le professionnel portent des bouchons d’oreilles.
– L’individu B et le professionnel portent des casques antibruit par dessus.
– L’individu B indique au sujet et à l’individu D que le professionnel est prêt en levant son pouce par dessus la toile.
– Le signal qui indique que le sujet est en place est ici une lampe de chevet se trouvant dans la pièce dans laquelle sont le professionnel et son associé. Le fil de celle-ci passant sous la toile permettant à l’interrupteur de se trouver du côté de l’individu D et de son sujet.
– Les membres de l’équipe n’ont aucun moyen de communication virtuelle (téléphones, ordinateurs…)

Trois pauses sont faites à 25, 50 ; et 75 passages.
A la pause qui suivit le 50eme tirage, le professionnel et l’individu D sortirent de leur pièce, nous conduisant à une nouvelle randomisation pour les 50 derniers passages.

Résultats du test final

Indication d'un signal non ambigu : une lampe (qu'elle soit "à sel" est contingent, c'est la seule lampe de chevet du bureau)
Indication d’un signal non ambigu : une lampe (qu’elle soit « à sel » est contingent, c’est la seule lampe de chevet du bureau)

(Suivi à la lettre de la procédure présente dans le protocole expérimental sur le magnétisme de l’Observatoire zététique, cf. bibliographie)

Le nombre de passages valides est de 100/100 : N=100
Nous calculons alors le nombre d’essais minimum réussis  pour pouvoir valider l’hypothèse.

La probabilité de succès pour chaque essai est de 0.5.

« La fourchette dans laquelle se trouve plus de 99% des essais sont centrées autour de M=Np (nombre de résultats attendus en moyenne) plus ou moins un intervalle I donné par la formule suivante :   I=3√[N*p*(1-p)] »

On obtient alors : M=50 et I=15

La nouvelle fourchette est donc :
M-I<M<M+I soit : 35<50≤65

Le résultat doit alors être supérieur ou égal à 65 pour être statistiquement recevable.

Après dépouillement nous avons :

  • essais valides : 100 ;
  • essais réussis : 51 ;
  • essais échoués : 49.

Le résultat de l’expérience conclue à un échec.                                           

Conclusion

Au terme de cette expérience, le résultat est décevant.
Nous sommes de tout cœur avec Alexandre pour qui l’expérience se solde d’une double déception : en plus de l’échec de l’expérience il doit faire face au fait que ses soins ne présentent pas plus d’effet qu’un placebo (NdRM : ce point est inexact : les étudiant-es n’ont montré que le fait que le sujet ne pouvait distinguer par Reiki la présence ou l’absence de l’émetteur, pas que ses soins étaient placebo. En outre, contrairement à ce que nous avons bien étudié en cours, l’effet placebo est une notion complexe qu’il vaut mieux subdiviser en différents effets contextuels).  Il fait cependant preuve d’un grand fair-play.
Avant l’expérience il nous affirmait qu’il saurait accepter le résultat quel qu’il soit, et ce fut le cas. Nous admirons tous son attitude.

Limites de l’expérience

  • Il n’a pas été possible pour nous d’expérimenter le Reiki sur des patients faute de moyens et de temps. Nous incitons donc vivement d’autres chercheurs à le faire.
  • Bien que l’expérience ait été effectuée en suivant un rigoureux protocole expérimental, elle n’a été faite qu’une fois. Peut-être avons nous omis certaines variables/détails/biais expérimentaux. Nous incitons donc d’autres chercheurs à la reproduire avec de nouveaux locaux, de nouveaux sujets, professionnels.. et même dans d’autres contextes socioculturels.
  • Nous avons tenté de contacter mercredi 4 mai 2016 un professionnel du domaine, le chercheur et kinésithérapeute Nicolas PINSAULT, afin de prendre connaissance de son point de vue sur cette pratique. Ce dernier, sûrement très pris par son travail, (NdRM : il faut dire que vous l’avez contacté à la dernière minute !) nous a affirmé « avoir trop peu travaillé la question pour nous donner un avis éclairé ». Nous le remercions tout de même d’avoir pris le temps de nous répondre.

Bibliographie (NdRM : assez maigrelette, il faut le dire – mais devant un si joli protocole, on ne leur en tiendra pas rigueur) :

Une partie de l'équipe, avec quelques victuailles
Une partie de l’équipe, avec quelques victuailles

DO Thi-My-Phuong : L1 biologie
SASSE Sylvain : L1 Science de la Vie et de la Terre
BOUAÏCHA Sonia : L2 psychologie
BOUCARD Yoann : L1 biologie
BOUVIER Marie : L1 biologie
GAÏD-BONNET Alexandre : L1 chimie-biologie

Extrait de Pinsault N., Monvoisin R., « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles« , Presses Universitaires de Grenoble,pp. 98-99

Reiki (1922)
[Fondateur] Mikao Usui (Japon) (1865-1926), moine bouddhiste.

L’histoire du fondateur est fortement controversée. Il est dit que, fréquentant un temple bouddhiste Tendaï (tradition du Grand Véhicule) au nord de Kyõto, Mikao Usui étudia d’abord le Kiko, version japonaise du Qi Gong (« exercice de Qi », en mandarin), gymnastique traditionnelle chinoise proposant une méthode de respiration fondée sur la maîtrise du Qi, l’énergie vitale alléguée. Sous l’influence d’un « maître », Watanabe Kioshi Itami, il aurait changé d’école bouddhiste en 1894, passant de Tendaï à Shingon (un des bouddhismes tantriques, la grande différence tenant dans la possibilité d’atteindre l’état du bouddha dans cette vie-ci, et non dans une autre).
On a prêté à Usui des études de psychologie (ce qui est peu probable pour l’époque), de médecine (ce que nous n’avons pu vérifier) et un doctorat en théologie de l’université de Chicago, mais l’unique source, The Reiki handbook (Arnold & Nevius, 1992), est pour le moins douteuse (son coauteur étant Larry E. Arnold, bien connu entre autres pour avoir développé des thèses paranormales fantaisistes sur les auto-combustions humaines « spontanées »).
Après vérification, comme l’indique le site ihReiki.com dans son article Historical Reiki inconsistencies, personne de ce nom n’étudia à ladite université dans cette période. Bref, Usui, en proie à des difficultés financières, aurait décidé d’embrasser la carrière monastique et c’est en 1922 qu’il fit une expérience de mort imminente (« visions » ou « sensations » consécutives à une mort clinique ou à un coma avancé), ainsi qu’un satori (une illumination) pendant une retraite jeûnée sur le Mont Kuruma-yama. Il y « reçut » le Reiki. Il ouvrit alors un, puis deux centres, et créa son enseignement.

Mais cette histoire est douteuse et remaniée plusieurs fois. Des héritiers spirituels, en particulier la maître Reiki Hawayo Takata (1900-1980), créèrent de toutes pièces des détails, comme une prétendue inspiration de Usui par le personnage de Jésus, afin de
mieux exporter la méthode en « Occident ». Pire encore, des faux documents prêtés à Usui lui-même étaient en fait l’œuvre d’un faussaire, par ailleurs faux psychologue et faux enseignant de Reiki, le Lama Yeshé, qui s’avéra être… un faux Lama, Richard Blackwell.
Les fraudes et inventions de Blackwell ont dupé et dupent encore un certain nombre de praticiens Reiki, ce qui lui a valu les foudres d’une grande part de la communauté. Blackwell rebondit et fit une résolution de dissonance cognitive spectaculaire en se déclarant en ‘‘channeling’’ avec Usui lui-même. Puis il affirma être poursuivi par la CIA, avant de disparaître vers la fin des années 2000.

Mode de découverte : une épiphanie.
Scientificité de la découverte : aucune publication scientifique publiée du fondateur.
Principe théorique non étayé : l’imposition des mains apporterait des soins dits « énergétiques ».

L'effet Will Rogers, ou effet de migration des stades

L’effet de migration des stades (stage migration en anglais), ou effet Will Rogers, en hommage à l’acteur du même nom qui aurait déclaré « quand les Okies 1 quittèrent l’Oklahoma et vinrent en Californie, ils élevèrent l’intelligence moyenne des deux côtés ».

En déplaçant un élément d’un groupe à l’autre, on peut paradoxalement faire monter la moyenne dans… les deux groupes ! Représentons-nous par exemple un ensemble de patients qui indiquent sur une échelle de 1 à 10 la douleur moyenne qu’ils
ressentent. On crée un groupe A à douleur faible, A = {1, 2, 3, 4} et
un groupe B de douleur forte, à partir de 5, soit B = {5, 6, 7, 8, 9}

Si l’on fait la moyenne de chaque groupe, on obtiendra 2,5 pour A,
et 7 pour B.

Mais imaginons que les normes d’inclusion changent, et que par exemple, après une recommandation de l’Organisation mondiale de la Santé, 5 est finalement considéré comme faible. Les groupes deviennent alors A = {1, 2, 3, 4, 5} et B = {6, 7, 8, 9}. Or
de ce fait, la moyenne (notée ci-dessous μ) de A est montée à 3, et celle de B, à 7,5. Les deux groupes ont vu leur moyenne augmenter.

Situation 1
A = {1, 2, 3, 4} ->  μ = 2,5
B = {5, 6, 7, 8, 9} ->  μ = 7

Situation 2
A = {1, 2, 3, 4, 5} -> μ = 3
B = {6, 7, 8, 9} ->  μ = 7,5

Quelles en sont les conséquences ? Si le système de détection d’une maladie par exemple s’améliore et permet du dépistage précoce, certains individus passeront du groupe des sujets en bonne santé vers le groupe des sujets malades. À travers ce changement, la moyenne de la durée de vie augmentera paradoxalement dans les deux groupes, et cela quel que soit le traitement que l’on fera. On aura ainsi tendance à conclure à l’efficacité du traitement, alors que c’est un problème d’un critère d’inclusion dans les groupes qui a changé 2.

Nicolas Pinsault, Richard Monvoisin

(tiré de Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, aux éditions PUG).

On trouvera un autre exemple dans « Le dépistage organisé du cancer du sein : outils d’autodéfense intellectuelle » de N. Darbois et G. Reviron.

Comment évaluer l'esprit critique ? Quelques pistes.

L’esprit critique (EC) 1 est l’objet qui rassemble les membres et contributrices.teurs du Cortecs. Cet été j’ai voulu savoir ce qui se disait sur le sujet dans la littérature scientifique internationale2. Les mots clés « critical thinking » donnant plus de 15 000 résultats rien que dans le moteur de recherche d’ERIC3, j’ai ciblé mes recherches plus spécifiquement sur les moyens d’évaluer l’EC d’un individu ou d’une population. La finalité n’étant pas la classification des personnes en fonction de leur niveau d’EC mais plutôt l’évaluation de nos enseignements qui ont souvent pour volonté de développer l’EC.

Tests évaluant l’EC

J’ai d’abord identifié les travaux ayant effectué des synthèses sur les différents outils existants  1. Une revue de 1997 identifiait déjà une trentaine de tests différents 2. J’ai ensuite identifié les tests les plus fréquemment cités et utilisés en lisant ces publications, leurs bibliographies, et les études auxquelles elles renvoient. Ils sont présentés dans le tableau ci-dessous (les tests apparaissent selon l’ordre chronologique selon lequel je les ai trouvés).

La liste des tests est bien loin d’être exhaustive ; je m’en suis tenue à présenter ceux pour lesquels des informations a minima détaillées étaient accessibles. La plupart des tests identifiés sont en langue anglo-américaine (ceux disponibles en langue française sont surlignés en gris clair). Le plus souvent ces tests ne sont pas en libre accès et leur commercialisation apparaît comme une entreprise bien lucrative au vu des tarifs accolés (les tests accessibles gratuitement sont surlignés en gris foncé). Si les tests sont majoritairement destinés à évaluer le niveau d’esprit critique d’étudiant.e.s (particulièrement des étudiant.e.s en santé), ils sont aussi souvent utilisés dans les ressources humaines et plus rarement destinés à évaluer la qualité des enseignements dispensés (par l’intermédiaire du « niveau » en esprit critique des étudiant.e.s). Leur qualité métrologique est rarement évaluée de manière complète. Presque toujours, seule la cohérence interne est évaluée, c’est-à-dire la corrélation entre les réponses des questions portant sur le même sujet du test.

 

Définition

Contenu

Validité et fiabilité

Population visée

Spécificités

California Critical Thinking Disposition Inventory (CCTDI)

Facione & Facione

1986-1990

« We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. »

(Rapport Delphi)

– QCM (Questionnaire à choix multiples), 75 questions ;

– degré d’accord-désaccord avec différentes affirmations demandées ;

– 7 dispositions étudiées.

Étudiées

Étudiants du secondaire et plus, professionnels

– Commercialisé (environ 7 $ US/étudiant.e) ;

– temps de passation : 30 min max ;

– existe en 19 langues dont le français.

California Critical Thinking Skills Test

Facione

« We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. »

(Rapport Delphi)

– QCM, 34 questions ;

– 5 dimensions étudiées.

Étudiées

Étudiants du collège (états-unis)

– Commercialisé (environ 7$ US/test) ;

– temps de passation : environ 50 min.

Health Science Reasonning Tests

« We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. »

(Rapport Delphi)

– QCM, 33 questions ;

– 7 dispositions étudiées.

Étudiées

CCTDI pour les professionnels et étudiants en santé

– Commercialisé ;

– temps de passation : 30 à 50 min.

Halpern Critical Thinking Assessment (HCTA)

Halpern

années 2000

« We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. »

(Rapport Delphi)

– QCM ;

– 20 scénarios de la vie quotidienne ;

– 5 dimensions étudiées.

Étudiées

Plus de 15 ans.

Secteurs de l’éducation, de la psychologie, des ressources humaines.

– Commercialisé ;

– temps de passation : 60 à 80 min.

Watson Glaser Critical Thinking Appraisal (WGCTA) ou The Gold Standard Critical Thinking Test

Watson et Glaser

1925-1980-2010

« (…) the raw material that underlies fundamental workplace competencies, such as problem solving, decision making, planning, and risk management. »

(http://www.thinkwatson.com)

– QCM, 40 questions ;

– 5 dimensions étudiées.

Étudiées

– Recrutement des managers et cadres ;
– détection de potentiels ;
– gestion des carrières.

– Commercialisé (environ 12$ US / étudiant) ;

– temps de passation : 30 à 50min ;

– existe en 9 langues dont le français.

Holistic Critical Thinking Scoring Rubric

Facione et Facione.

1994

« We understand critical thinking to be purposeful, self-regulatory judgment which results in interpretation, analysis, evaluation, and inference, as well as explanation of the evidential, conceptual, methodological, criteriological, or contextual considerations upon which that judgment is based. »

(Rapport Delphi)

Permet d’évaluer des documents produits par des élèves en leur attribuant un score allant de 1 à 5 en fonction du contenu.

Non étudiées

Élèves et étudiant.e.s

– En accès libre ici ;

– existe en 6 langues mais pas en français.

International Critical Thinking Test (ICTET)

Paul et Elder,

Foundation for Critical Thinking

«  Critical thinking is that mode of thinking – about any subject, content, or problem — in which the thinker improves the quality of his or her thinking by skillfully taking charge of the structures inherent in thinking and imposing intellectual standards upon them. »

(Paul and Elder, 2001)

Questions ouvertes sur un texte.

Étudiées

Étudiant.e.s

Commercialisé : 1000$ US la licence.

Collegiate Assessment of academic Proficiency, module Critical thinking (ACT CAPP Critical thinking)

« (…) measures students’ skills in clarifying, analyzing, evaluating, and extending arguments. »

(http://www.act.org/)

– QCM de 32 questions à partir de 4 textes ;

– 3 dimensions étudiées (score global).

Étudiées

Utilisé par de nombreuses universités états-uniennes pour évaluer l’efficacité de leurs programmes d’éducations généraux.

– Commercialisé ;

– temps de passation : 40 min.

Critical Thinking assessment test (CAT)

années 2000

Tennessee Technological University

?

– QCM et questions ouvertes, 15 questions ;

– 4 dimensions étudiées.

Étudiées

Étudiant.e.s

– Commercialisé (9,95$ US/test, minimum 50 tests + participation annuelle de 200$) ;

– temps de passation : 30/45 min.

Critical Thinking Test

«  (…) measure an individual’s ability to make analyse, conceptualise and reason effectively. »

(http://www.act.org/)

– QCM, 20 questions ;

– porte sur des syllogismes uniquement.

Non étudiées

Étudiants du supérieur

Gratuit, en ligne, avec réponses ici

Cornell Critical Thinking Test Level

2005

Ennis et Millman

Niveau X et niveau Z

« Critical thinking is reasonable reflective thinking that is focused on deciding what to believe or do. »

(Ennis, 1962)

– version X : 76 items de QCM en 4 sections ;

– version Z : 52 items de QCM en 7 scetions.

Étudiées

– Version X : élèves de 9 à 18 ans ;

– version Z : élèves de 12 à 18 ans et adultes.

– Traduit en français dans le cadre du travail de recherche de Boisvert, 2002 ;

– commercialisé : 3$ US par test pour 10 tests, 500 $ pour 1000 tests ;

– temps de passation de 90 min pour la version Z, 50 min pour la version X.

Ennis-Weir Critical Thinking Essay Test

Ennis et Weir

1985

« Critical thinking is reasonable reflective thinking that is focused on deciding what to believe or do. »

(Ennis, 1962)

Lecture d’une lettre argumentée (concernant la nécessité de restreindre le stationnement automobile). Évaluation des arguments y figurant (9, un par paragraphe). L’évauluation de chaque argument est notée (-1 à 3).

Évaluées

Étudiants (high school et college)

Pour l’enseignement et la recherche.

–  Traduit en français dans le cadre du travail de recherche de Boisvert, 2002 ;

– temps de passation : 40 min.

Évaluation de l’apprentissage au niveau collégial

(CLA et CLA+)

Council for Aid to Education

2002-2012

« Poser des questions pertinentes, déceler les problèmes et les définir, trouver des arguments de part et d’autre dans un débat, chercher des données pertinentes et s’en servir, puis arriver à la conclusion après un jugement soigneusement raisonné. »

(Bok, 2006)

– 6 dimensions étudiées ;

– à partir d’une sélection de documents divers (articles, vidéos, sites web, etc.), répondre à des questions ouvertes et fermées.

Étudiées

Étudiants universitaire de première à quatrième année.

– 35 $ US / étudiant.e. (minimum 100 tests) ;

– potentiellement le test choisi au niveau national aux États-Unis ;

– ressources ici et exemple ;

– temps de passation : 90 min puis 30 min.

Illinois Critical Thinking Essay Tests

Finken et Ennis

1993

« Critical thinking is reasonable reflective thinking that is focused on deciding what to believe or do. »

(Ennis, 1962)

Lire un court texte présentant deux positions sur le visionnage libre ou non par des jeunes de clips vidéos et rédiger un texte argumenté.

Non étudiées

Étudiants

En libre accès ici

General Analytical Aptitude Test (GAAT) – Critical Thinking

« L’habilité de communiquer effectivement, la facilité à résoudre des problèmes, analyser des arguments et prendre des décisions objectives. »

(http://www.centraltest.fr)

– 30 questions ;

– évaluation des arguments, analyse critique, raisonnement déductif et raisonnement inductif.

Non étudiées

– Ressources humaines ;

– cadres, managers, jeunes diplômés, étudiants des grandes écoles.

– Commercialisé ;

– existe en français ;

– temps de passation : 4 0min.

Réflexions sur l’évaluation de l’EC

Étant donné la diversité des tests existants, j’ai ensuite cherché, par des recherches moins formalisées, des écrits plus généraux sur l’évaluation de l’esprit critique. J’ai identifié un auteur contemporain, Kevin Possin, professeur de philosophie et d’esprit critique aux États-Unis, qui écrit régulièrement sur le sujet, en analysant notamment de manière critique les tests existants. Robert Ennis, auteur et co-auteur de nombreux tests d’EC dont certains sont en accès libre, a également écrit sur le sujet. En langue française, on peut se tourner vers certains textes de Jacques Boisvert, dont nous avons déjà cité les travaux ici ainsi que de Mathieu Gagnon, professeur en en sciences de l’éducation au Québec.

Aux États-Unis, une commission gouvernementale chargée d’évaluer une stratégie pour réformer le système d’éducation du post-secondaire (l’équivalent de l’après-bac par chez nous) a recommandé de généraliser l’utilisation par les universités de tests d’esprit critique, à condition qu’ils soient transparents et comparables d’une université à l’autre. Certain.e.s pensent qu’il serait possible de choisir ou créer un test unique permettant d’évaluer l’EC au niveau national tandis que d’autres arguent du fait qu’il est plus judicieux d’avoir des outils spécifiques selon l’enseignement dispensé, la compétence visée et la discipline concernée 3.

Concernant la forme des outils d’évaluation, Possin 4 et Gagnon 5 en énumèrent un certain nombre en les commentant de manière critique. On peut citer principalement les questionnaires à choix multiples, les sondages auprès des élèves ou étudiant.e.s du type « avez-vous appris quelque-chose », la réalisation de travaux aux format écrit ou audio-visuel, le commentaire d’essais argumentés, les entretiens, etc.

Qu’en retenir pour les enseignant.e.s d’EC

Pour concevoir un cours, et éventuellement l’évaluer, on pourra :

  • réfléchir aux compétences précises visées : apporter des connaissances ? Apprendre à repérer des sophismes, un argumentaire fallacieux ? Améliorer les capacités argumentatives ? Monter un protocole expérimental ? Rechercher des informations fiables ? Évaluer la qualité des sources d’information ? etc.
  • réfléchir au(x) domaine(s) d’application de ces compétences pour le public qui nous intéresse : la biologie ? Les sciences politiques ? La santé ? La vie quotidienne ? Les médias ?
  • s’inspirer des tests déjà existants (voir tableau précédent) ainsi que des exercices et examens finaux disponibles sur notre site à cette adresse ;
  • imaginer d’autres formes d’évaluation en s’appuyant sur les tests indiquant le degré d’adhésion aux phénomènes dits paranormaux ou envers d’autres croyances (efficacité spécifique des médecines alternatives, scénarios conspirationnistes etc.).
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Travaux pratiques : la théorie de l'anus du Cardinal Carrera

Vous êtes déjà bien entraîné-e à la recherche du finalisme en biologie, n’est-ce pas ?1. Cette fois, un petit exercice sur le pouce : quelles critiques peut-on faire à la « théorie de l’anus » du Cardinal Carrera ?

Norberto Rivera Carrera est un cardinal mexicain de l’Église catholique romaine, archevêque de Mexico depuis 1995. En tant que prélat, il n’est pas censé parler de science – et le fait d’avoir été professeur de théologie et d’écriture sainte ne compense malheureusement pas. Or il s’est aventuré récemment (début août 2016) dans le terrain des sciences de la vie et de la terre en dispensant dans le journal Desde la Fe une leçon pour le moins frappante. La voici dans le texte.

“La mujer tiene una cavidad especialmente preparada para la relación sexual, que se lubrica para facilitar la penetración, resiste la fricción, segrega sustancias que protegen al cuerpo femenino de posibles infecciones presentes en el semen.

En cambio, el ano del hombre no está diseñado para recibir, sólo para expeler. Su membrana es delicada, se desgarra con facilidad y carece de protección contra agentes externos que pudieran infectarlo. El miembro que penetra el ano lo lastima severamente pudiendo causar sangrados e infecciones”.

Un enseignant d’espagnol sera ravi de proposer ce texte en version. Cela donnera quelque chose comme :

« La femme dispose d’une cavité spécialement conçue pour la relation sexuelle, qui se lubrifie pour faciliter la pénétration, résiste au frottement, secrète des substances qui protègent le corps féminins de possibles infections présentes dans la semence. A l’inverse, l’anus de l’homme n’est pas conçu pour recevoir, mais seulement pour expulser. Sa membrane est délicate, se déchire avec facilité et manque d’une protection contre les agents externes qui pourraient l’infecter. Le membre qui pénètre l’anus lui fait sévèrement mal, pouvant causer saignements et infections.» (traduction personnelle)

 Première erreur : le finalisme

Mon collègue Julien Peccoud répète souvent qu’en évolution, le « pour » n’a pas sa place. Rien n’est fait pour ceci ou pour cela. L’évolution des espèces s’est faite par séries de contraintes du milieu, sans but précis, sans plan. Le labelle de la fleur d’orchidée Ophrys apifera ne « choisit » pas de prendre la forme d’un abdomen d’abeille solitaire pour attirer les autres abeilles. L’humain n’a pas des jambes pour mieux porter les pantalons, ni un nez pour sentir (sinon, il aurait dû préférer la truffe du chien ou du cochon, bien meilleure en terme de performance olfactive). Les personnes qui postulent l’existence d’un dieu, ou d’un plan préalable, ont le droit de le faire, puisque c’est un postulat, une croyance, un acte de foi, et cela les regarde. Mais s’ils prennent leur acte de foi et le présentent aux autres comme un fait, alors ils doivent apporter des éléments à l’appui.

Or pour l’instant, la théorie de l’évolution n’a jamais eu « besoin » de plan prédéfini 2, de dessein, pour reprendre le célèbre terme qui a fait le succès populaire du Dessein Intelligent3. C’est une hypothèse coûteuse en trop, comme dirait Laplace, et comme l’indique le rasoir d’Occam, il n’y a aucune raison de la privilégier (pour creuser ce point, voir Rasoir d’Occam et le Dragon dans mon garage).

Par conséquent il est faux de dire que

  • la femme dispose d’une cavité spécialement conçue pour la relation sexuelle
  • qui se lubrifie pour faciliter la pénétration,
  • l’anus de l’homme n’est pas conçu pour recevoir,
  • mais seulement pour expulser.

Il faudrait dire en toute rigueur :

  • la femme dispose (généralement4) d’une cavité musculo-muqueuse car de génération en génération, les femmes porteuses de la variation « cavité » ont été plus en mesure de faire des enfants que celles qui en étaient dépourvues. 5. Ce caractère s’est donc davantage transmis….avec un mâle de la même espèce portant un pénis de dimension similaire ou approchant
  • Les femelles ayant une cavité de taille correspondante au pénis des mâles ont été avantagés dans la facilité de reproduction sans risque de déchirement et donc d’infections, et ont donc eu plus de descendants… et ainsi de suite.6
  • qui se lubrifie car parmi toutes les options empruntées par les diverses mutations, celle-ci s’est révélée plus efficace dans la maximisation du succès reproducteur des individus portant ce trait (ce caractère) – de même que par exemple, le peu d’innervation du vagin actuel, fruit des probables nombreux décès ou refus de coït devant la douleur qu’engendrait l’enfantement. Pour illustrer ça, pensons à des hérissonnes : toutes les hérissonnes dont les petits avaient des piquants sont probablement mortes en couche. De fait, les hérissonnes faisant des petits sans piquants se sont plus volontiers reproduites, et on les comprend.

etc.

Deuxième erreur : le raisonnement panglossien

En filigrane du finalisme de ses propos, le cardinal mexicain imprime des rôles prédéfinis aux organes. C’est l’une des spécificités des religions : imposer un ordonnancement du monde, avec des êtres bien à leur place et des organes bien à leur fonction. Ainsi a-t-on pu lire :

– que les femmes avaient été crées pour satisfaire les hommes,

– que les Noirs avaient les os et les sutures du crâne plus épais pour mieux recevoir les coups 7

– que les animaux sont mis à disposition pour le service des humains (considérés comme non-animaux)8,

– que les oiseaux ont des plumes pour voler, (ce qui est faux – on sait désormais que les plumes se développèrent car propices à la régulation de la température de certains reptiles. Le vol que certains développèrent n’est qu’une conséquence secondaire – depuis 1982, on appelle ce processus secondaire l’exaptation9),

– que les cerises sont rondes comme la bouche humaine et que les melons ont été prédécoupés par Dieu pour être mangés en famille10,

etc.

Le programme est prédéfini à l’avance, comme c’est le cas dans les raisonnements de type panglossien.

Ici, pour notre prêtre, le vagin est conçu (par Dieu) pour la relation sexuelle avec pénétration. Si vous pensiez, porteuses d’un vagin, vous en servir pour

– des relations homosexuelles, c’est péché

– des relations hétérosexuelles sans pénétration, c’est péché

– planquer des billets de banque ou une barrette de shit au parloir, c’est péché,

vous êtes hors des conditions d’usage recommandées par l’entité surnaturelle dans laquelle croit le monsieur, et qu’il vient vous imposer sans vous demander si vous souscrivez à la même.

De même pour l’anus : il serait conçu pour expulser, donc malheur à :

– la femme dans l’anus de laquelle un homme introduit un pénis / un doigt / un plug anal / un suppositoire / une sonde de dépistage…

– l’homme dans l’anus duquel une femme introduit un godemiché / un doigt / un plug anal / un suppositoire / une sonde de dépistage…

– l’homme dans l’anus duquel un homme introduit un godemiché / un doigt / un plug anal / un suppositoire / une sonde de dépistage…

Ce qui nous amène au troisième problème.

Troisième erreur : l’ordre moral immanent

Le cardinal imprime des rôles aux organes, dans la même ligne que son église a toujours imprimé des rôles aux individus : à la femme d’être bonne épouse, par exemple, et d’être soumise à son mari, comme on le lit dans la première épître de Pierre, chapitre 3, verset 111. Au vagin (de Maman) d’être bien lubrifié pour la pénétration (de Papa, pas de quelqu’un d’autre).

Soit cet ordre moral n’existe que dans la tête des croyants, auquel cas il n’a aucune raison de prendre la forme d’une leçon scientifique (qui rappelons-le a pour but de diffuser de la connaissance désubjectivée), et de ce fait le cardinal outrepasse ses droits avec un savoir obsolète.

Soit cet ordre existe (même si on ne peut pas le prouver) à la façon d’un destin. De deux choses l’une : si c’est un destin de Dieu, alors comment se fait-il que nombreux sont ceux qui ne le suivent pas ? Serait-ce un destin mou ? Et surtout, quand bien même il y aurait un rôle prédéfini, qu’est-ce qui nous empêche d’y désobéir ? Surtout si cette désobéissance, en l’occurrence sous forme de pénétrations diverses, n’entraîne aucune souffrance à personne – au contraire, bien souvent.

J’ai coutume de dire aux étudiants ceci : quand quelqu’un au nom d’une entité supérieure vous enjoint à suivre un destin (subir un dictateur, se voir cantonnée à des tâches subalternes, etc.), il n’y a rien de plus réjouissant intellectuellement que d’essayer de s’y insoumettre.

Quatrième erreur : l’argument de la douleur

Vous connaissez probablement l’effet bi-standard, qui consiste à changer de critère d’évaluation selon les circonstances. Ici Carrera précise : Le membre qui pénètre l’anus lui fait sévèrement mal et sous-entend dans sa diatribe que puisque douloureux, ce n’est pas bien. Or, bien que mes connaissances en pénétration anale ne soient pas démesurées, je sais que :

– il y a des choses que le cardinal trouvent bonnes et qui font pourtant mal : par exemple l’accouchement12 ;

– toutes les pénétrations anales par des « membres » ne font pas mal – cela dépend de la dimension du membre, de l’anus, mais surtout de la douceur et de la délicatesse du partenaire. En toute cohérence, le cardinal devrait tolérer les pénétrations anales qui ne font pas mal ;

– certaines pénétrations vaginales font mal – dans ce cas, dilemme, n’est-ce pas : le vagin est fait pour ça, mais ça fait mal, donc ça ne devrait plus être bien. Étonnant, non ?

– certaines pénétrations anales douloureuses ou désagréables sont somme toute plutôt souhaitables, depuis le toucher rectal (en cas de fécalome, de prévention du cancer de la prostate, etc.) jusqu’à la coloscopie.

Indication : le contexte est important

 Il faut replacer la saillie du cardinal dans son contexte. Depuis début août (2016) une polémique attise la ville de Monterrey, ville la plus cossue du pays, dans l’Etat du Nuevo Léon. Des élus issus de la droite catholique invitent les parents à brûler les livres, arracher les pages consacrées à la biologie et aux droits sexuels, voire à occuper les écoles. Luz María Ortiz, présidente de l’Union des parents d’élèves de l’Etat du Nuevo Léon, revendique pour certains livres distribués par l’Éducation publique une nouvelle forme de mise à l’Index (bien que l’Index librorum prohibitorum n’existe plus chez les Catholiques depuis 1966). Elle dénonce une incitation à la débauche, et comme le rapporte Libération le 25 août : «A force de marteler ces thèmes, les manuels provoquent des pulsions sexuelles précoces. En outre, on inculque aux enfants une idéologie de genre, leur faisant croire qu’ils peuvent choisir leur sexe.» Joignant le geste à la parole, la leader de la révolte parentale désigne un exercice pour élèves de CP, invitant ceux-ci à nommer les parties du corps sur des schémas. «Un éveil à la génitalité, selon elle. C’est un exercice isolé, il n’y a aucun développement, aucun encadrement. C’est comme leur lancer une bombe sans se préoccuper des dégâts

On peut parler de pseudo-controverse sur le plan scientifique. Pseudo car les questions introduites par les études sociales de genre ne sont pas aussi caricaturales que ça – il suffit de les compulser. La science a permis de comprendre que le sexe et le genre d’un individu ne sont pas toujours en accord, et qu’il est moralement loisible à une personne de changer de genre si elle le souhaite, puisqu’aucun destin, contrairement à ce que nombre de clercs ont souhaité faire croire de tout temps, ne préside aux choix de chacun. Pseudo encore car les études montrent qu’une information accrue sur la sexualité diminue fortement certaines souffrances sociales, comme les grossesses précoces 13

Pseudo enfin, par le caractère propagandiste et communautaire : rappelons-nous les réactions épidermiques de certains parents en France métropolitaine début janvier 2014, persuadés par des SMS qu’on apprenait à leurs enfants à se masturber en classe, à se travestir, que des intervenant-es gays et lesbiennes viendraient expliquer aux enfants comment on s’embrasse, que des associations juives (sic !) viendraient voir le sexe des enfants, que l’école diffuserait des films pornographiques, etc. Cette campagne, appelée JRE pour Journée de retrait de l’école, avait été portée par Farida Belghoul, et l’équipe d‘Egalité & Réconciliation d’Alain Soral.

J’avais écrit une conclusion à ce sujet, que j’ose à peine vous faire lire. Qu’au lieu de se préoccuper de la prédestination hypothétique et surnaturelle de nos organes, Monsieur Carrera devrait se consacrer à minimiser la souffrance collective ; qu’au lieu de préjuger de nos incuries, qu’il se consacre à sa propre curie, et qu’en guise de préoccupation pour nos anus, le cardinal ferait peut être mieux, entre nous, de s’occuper de ses propres fesses.

RM

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P.S. : le CorteX revendique une indépendance maximale vis-à-vis des industries. Qu’il permette pour une fois de mettre en avant une entreprise peu connue, celle de Magnus Irvin, edible anus, qui développe une gamme d’anus comestibles en chocolat, tout à fait adaptés pour des soirées de haute tenue. Cinq boites d’anus pour moins d’une quarantaine de dollars US, ici : mais à l’heure de clore ces lignes, l’entreprise est en rupture de stock.

Anglais, dramaturgie, philosophie morale et santé – La « pièce à problème » Doctor's dilemma, de George B. Shaw

CorteX_GB_ShawL’irlandais George B. Shaw (1856 – 1950) est un écrivain assez peu connu en France, et pourtant : il est caustique, il écrit remarquablement bien, et il affiche un goût assez prononcé pour les controverses politiques. On l’entendra promouvoir l’eugénisme, s’opposer à la vaccination, avoir de l’admiration pour Mussolini et Staline, mais aussi contester la notion de religion, dénoncer les deux camps à la guerre de 14, ou refuser systématiquement toute récompense, médaille ou honneur. Il aura un pied dans l’anarchisme et le soutien aux figures anarcho-féministes comme Charlotte Wilson, mais adhérera aussi au mouvement néolibéral dit « fabien », qui existe toujours1.

L’une des pièces de G. B. Shaw s’intitule Doctor’s dilemma, et a été mise en scène pour la première fois à Londres en 1906. J’apprécie cette pièce pour les dilemmes moraux de type médical, engendrés par des moyens médicaux limités et les contradictions dans les revendications à une médecine privé : de fait, cela range cette pièce dans ce que les francophones appellent les « pièces à problème », et les anglophones « problem plays ».

Pour la savourer on peut :

  • la lire en français – Paris : Aubier, 1941.
  • la lire en anglais (ici)
  • l’écouter en anglais : j’ai eu le plaisir de dénicher l’enregistrement de la pièce sur Librivox. Le voici, en cinq épisodes.

Acte 1

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Acte 2

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Acte 3

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Acte 4

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Acte 5

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Le synopsis :

À la fin de l’époque victorienne à Londres, l’artiste-peintre Louis Dubedat est atteint de la tuberculose. Sa femme Jennifer, follement amoureuse d’un mari qu’elle idéalise, ne peut se résoudre à le voir disparaître. Elle va demander au célèbre spécialiste Sir Ridgeon de tenter le tout pour le tout afin de le sauver. Le docteur a tellement de patients qu’il ne peut traiter en priorité que certains cas extrêmes et Jennifer le convainc (en même temps qu’il est séduit par son charme) en lui présentant des œuvres de son mari en qui le docteur reconnaît un grand artiste. Mais en prenant Louis en charge, le docteur et son équipe découvrent que l’artiste est doublé d’un escroc qui est, de surcroît, bigame, marié à une autre femme qu’il a abandonnée. Le docteur est confronté à un dilemme, entravé, en plus, par les sentiments qu’il éprouve pour Jennifer : soit laisser l’artiste s’éteindre en préservant les illusions de Jennifer, soit tenter de le sauver en dévoilant à celle-ci la bigamie et les autres travers de son mari.