Vidéo – L’ostéopathie en question, Albin Guillaud

Nos collègues de l’Observatoire zététique organisent régulièrement des conférences à Fontaine (38) ouvertes à tou-te-s. Albin Guillaud a été invité à cette occasion le 20 mai 2015 pour présenter une conférence intitulée L’ostéopathie en question qui s’est poursuivie par des questions-réponses.  La prestation a été enregistrée par l’Observatoire zététique. Des problèmes techniques ont été rencontrés, nous nous excusons par avance pour la qualité de l’enregistrement ; le port d’écouteurs audio est vivement recommandé.

Résumé

La reconnaissance légale du titre d’ostéopathe est effective en France depuis 2002. Pourtant, l’approche ostéopathique dite indifféremment “non conventionnelle”, “alternative” ou “complémentaire” est encore objet de vives critiques. Dès lors, difficile pour le patient d’analyser objectivement la validité de cette pratique et de faire le tri parmi les différentes informations souvent contradictoires. Que recouvre exactement ce vocable “d’ostéopathie” ? Quels sont ses principes, ses champs d’applications ? L’ostéopathie a-t-elle une efficacité thérapeutique propre ?

Albin Guillaud, membre du CORTECS et de l’Observatoire zététique, a souhaité répondre à ces questions en apportant un éclairage scientifique et zététique sur cette pratique en vogue.

Vidéo

 Télécharger le diaporama.

Suite à la diffusion de cette vidéo sur le groupe Facebook de l’Observatoire Zététique de Grenoble, un commentaire appelant une réponse a été posté et nous a été signalé par un membre de l’Observatoire. Le commentaire brut ainsi que la réponse sont présentés ci-dessous1.

Commentaire d’un auditeur

Merci beaucoup pour pour cette conférence très bien menée. Quelques questions à l’auteur :

La conférence porte sur l’efficacité de l’ostéopathie mais la méta analyse choisie de Mencke parle des Spinal Manipulative Traitement (SMT) et non de l’Ostepathic Manipulative treatement (OMT), qui est une approche systemique différente. Pourquoi ne pas avoir parler de la Meta analyse Franke et Fryer 2014 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25175885) qui ne prend en compte que l’OMT. Est ce une forme de cherry picking pour aller dans le bon sens voulu du conférencier ou est ce un oubli ?

A propos de la fiabilité inter examinateur du diagnostic de dysfonction somatique (somatic dysfunction qui est défini dans l’ICD10) et non lesion ostéopathique qui est un terme abandonné depuis les années 50, quelques ref qui aurait pu être lu avant de dire qu’il n’y a rien de fiable :
Degenhardt, B.F., Snider, K.T., Snider, E.J., & Johnson, J.C. Interobserver reliability of osteopathic palpatory diagnostic tests of the lumbar spine: improvements from consensus training. J Am Osteopath Assoc 2005;105:465-473.
Snider, K.T., Johnson, J.C., Snider, E.J., & Degenhardt, B.F. Increased incidence and severity of somatic dysfunction in subjects with chronic low back pain. J Am Osteopath Assoc 2008;108(8):372-8.
Snider, K.T., Johnson, J.C., Degenhardt, B.F., & Snider, E.J. Low back pain, somatic dysfunction, and segmental bone mineral density T-score variation in the lumbar spine. J Am Osteopath Assoc 2011;111(2):89-96.

Enfin à propos de l’effet tiroir, il faut souligner qu’il n’y a pas de financement (ni privé car pas d’interet de vendre un produit, ni publique car ils ne font pas parti du systeme de santé publique) pour la plupart des études et c’est souvent de leur poche que les ostéo qui font de la recherche le font sur leur temps libre, et ils sont motivés par l’analyse critique de leur pratique et il n’y a pas d’intéret financier et donc certainement l’effet tiroir est certainement moindre que dans la publi biomédicale pharmaceutique.

Enfin concernant l’impact sociétal, je ne partage pas le point de vue de l’auteur mais plutot celui de Dagenais et al (A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally. Spine J 2008, 8:8–20) qui montre que l’impact économique des low back pain est énorme et que l’effet sur la qualité de vie est important

Réponse d’Albin Guillaud

Les différentes portions du commentaire sont reprises.

La conférence porte sur l’efficacité de l’ostéopathie mais la méta analyse choisie de Mencke parle des Spinal Manipulative Traitement (SMT) et non de l’Ostepathic Manipulative treatement (OMT), qui est une approche systemique différente. Pourquoi ne pas avoir parler de la Meta analyse Franke et Fryer 2014 (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25175885) qui ne prend en compte que l’OMT. Est ce une forme de cherry picking pour aller dans le bon sens voulu du conférencier ou est ce un oubli ?

Vous avez raison. La méta-analyse de Menke2 ne traite pas de l’Osteopathic Manipulative Treatment (OMT) mais des Spinal Manipulative Treatment (SMTs) : « Objective. Determine relative effectiveness of spinal manipulation therapies (SMTs), medical management, physical therapies, and exercise for acute and chronic nonsurgical low back pain».

Je suppose que, par cette remarque, vous souhaitez indiquer que l’ostéopathie n’est pas concernée par l’étude de Menke. Si c’est le cas et bien il faut avouer que c’est faux (la mise en gras est ajoutée) : «Five SMT provider types were summarized: osteopaths (15 studies/15 arms), physical therapists (22/27), chiropractors (37/39), allopathic medical physicians (9/10), and bonesetters (3/3 for chronic pain only)».

Pour voir les résultats qu’obtiennent les ostéopathes quand ils manipulent des patients atteints d’une lombalgie chronique ou aigue, voir la figure 3 dans la publication : « Figure 3. Best SMT providers. SMT indicates spinal manipulation therapy ».

Notez que, et cela n’est pas mentionné dans la vidéo, les ostéopathes sont les professionnels qui obtiennent les moins bons résultats (qui sont déjà peu supérieurs aux effets des facteurs non-spécifiques et de l’histoire naturelle, et inférieurs à des exercices supervisés pour tous les thérapeutes quelque soit leur affiliation – médecins, physiothérapeutes, ostéopathes, chiropraticiens, bonesetters (rebouteux) ).

Concernant la méta-analyse que vous indiquez3, c’est un malheureux oubli. La raison de cet oubli est assez simple : les recherches bibliographiques menées pour cette conférence n’ont pas inclus le terme « osteopathic » mais uniquement le terme « osteopathy » et celui-ci ne figure pas ni dans le titre ni dans le résumé de cette méta-analyse. Cette meta-analyse sera incluse sans faute lors des prochaines communications. Merci pour ce partage d’information. On peut déduire de votre remarque que vous estimez cette méta-analyse comme constituant un argument en faveur de l’efficacité de l’OMT pour les lombalgies chroniques et aigues. Le CORTECS ne manquera pas de l’analyser en détail.

A propos de la fiabilité inter examinateur du diagnostic de dysfonction somatique (somatic dysfunction qui est défini dans l’ICD10) et non lesion ostéopathique qui est un terme abandonné depuis les années 50, quelques ref qui aurait pu être lu avant de dire qu’il n’y a rien de fiable :

  • Degenhardt, B.F., Snider, K.T., Snider, E.J., & Johnson, J.C. Interobserver reliability of osteopathic palpatory diagnostic tests of the lumbar spine: improvements from consensus training. J Am Osteopath Assoc 2005;105:465-473.
  • Snider, K.T., Johnson, J.C., Snider, E.J., & Degenhardt, B.F. Increased incidence and severity of somatic dysfunction in subjects with chronic low back pain. J Am Osteopath Assoc 2008;108(8):372-8.
  • Snider, K.T., Johnson, J.C., Degenhardt, B.F., & Snider, E.J. Low back pain, somatic dysfunction, and segmental bone mineral density T-score variation in the lumbar spine. J Am Osteopath Assoc 2011;111(2):89-96.

Au sujet des notions de « lésion ostéopathique » vs. « dysfonction somatique », un ostéopathe m’avait également précisé cette nouvelle dénomination à la fin de la présentation. Cependant, nous nous posons toujours la question de l’existence de ces « dysfonctions somatiques ». Nous serions ravis que vous nous indiquiez les travaux qui vous semblent attester de leur existence.

À propos des fiabilités des procédures d’examens, il me semblait avoir parlé uniquement de la fiablilité des procédures diagnostiques en ostéopathie crânienne (qui elles sont véritablement médiocres – au CORTECS, nous avons fait une revue systématique sur le sujet qui sera bientôt rendue publique). En fait, après avoir réécouté ce passage, il s’avère que j’ai bien évoqué les procédures d’examen pour le rachis juste avant de parler des procédures crâniennes. Par conséquent, on a effectivement l’impression que je me prononce pour les deux types de procédures. Je précise donc que nous ne nous sommes pas encore penchés sur les examens du rachis (et nous ne connaissons donc pas les travaux dont vous parlez) et que nous n’avons aucun avis sur la question pour l’instant.

Enfin à propos de l’effet tiroir, il faut souligner qu’il n’y a pas de financement (ni privé car pas d’interêt de vendre un produit, ni public car ils ne font pas parti du systeme de santé publique) pour la plupart des études et c’est souvent de leur poche que les ostéo qui font de la recherche le font sur leur temps libre, et ils sont motivés par l’analyse critique de leur pratique et il n’y a pas d’intéret financier et donc certainement l’effet tiroir est certainement moindre que dans la publi biomédicale pharmaceutique.

L’effet tiroir n’est pas uniquement lié à des situations de financement. Voir ici et (chapitre 6 pour ce dernier lien).

Enfin concernant l’impact sociétal, je ne partage pas le point de vue de l’auteur mais plutot celui de Dagenais et al (A systematic review of low back pain cost of illness studies in the United States and internationally. Spine J 2008, 8:8–20) qui montre que l’impact économique des low back pain est énorme et que l’effet sur la qualité de vie est important

Dans la présentation, mon propos sur la question n’est pas clair. Je vais donc clarifier ici.

  1. Je ne remets pas en cause l’impact sociétal des lombalgies : nous sommes donc en réalité d’accord.
  2. Ce que je questionne, c’est la pertinence d’investir de l’argent, du temps et de l’énergie dans des dispositifs de formation et de recherche (par exemple : thérapie manuelle en général) qui concernent des moyens d’action à l’efficacité propre minime voire douteuse. D’autant plus quand on connaît aujourd’hui le poids de certains paramètres tels que les inégalités sociales de santé4. Dans l’étude de la page 15 de : Lombalgie invalidante et situation sociale, résultats issus de l’enquête HID (Handicap-incapacité-dépendance), France,

Les résultats présentés documentent des inégalités intervenant tout au long de la vie : être enfant de cadre ou de profession intermédiaire est un facteur protecteur vis-à-vis d’une lombalgie invalidante à l’âge adulte ; exercer une profession ouvrière, particulièrement parmi les hommes , est un facteur de risque très important, ce qui est cohérent avec les connaissances sur le rôle des expositions professionnelles ; de plus, une fois que la lombalgie est établie, l’avenir professionnel est compromis, car il devient difficile de se maintenir en activité, et, pour les demandeurs d’emploi, de retrouver un emploi.

Investir pour comprendre les mécanismes de ces déterminants et pour agir dessus, par exemple, pourrait être plus important car cela impliquerait beaucoup plus que le seul problème de la lombalgie5.

Pour toutes réactions complémentaires, n’hésitez pas à écrire à : contact@cortecs.org

Albin Guillaud

Retour d'expérience : débat mouvant « pour ou contre la sectorisation des kinés » ?

Le 17 novembre 2015 Jérémy Muccio est venu présenter à l’Institut de Formation en Masso-Kinésithérapie (IFMK) de Grenoble sa conférence gesticulée devant les étudiant.e.s kinés de première et troisième année et quelques enseignant.e.s de l’IFMK. Avec Jérémy, nous avons voulu prolonger ce temps par un moment d’échanges et d’argumentation avec les étudiant.e.s. En voici un compte-rendu.

Objectifs

Nous avions initialement prévu d’organiser deux débats mouvants sur les thématiques suivantes :

– le tiers payant généralisé 1 ;

– la sectorisation des professionnels de santé2.

Nous avons finalement retenu uniquement la seconde thématique car notre temps a été plus limité que prévu. De plus un enseignant nous a pertinemment fait remarquer que le sujet du tiers payant généralisé serait peut-être trop complexe à traiter avec des étudiant.e.s de première année.

Notre objectif a été de faire prendre position les étudiant.e.s sur un sujet volontairement polémique concernant leur future activité professionnelle mais surtout de mobiliser leurs capacités argumentatives permettant d’étayer leur positionnement.

Déroulement

Nous avons disposé d’1h15 avec environ 100 étudiant.e.s.

Nous avons d’abord présenté l’affirmation polémique sur laquelle ils ont ensuite du prendre position :

Les kinésithérapeutes nouvellement diplômé.e.s doivent s’installer pour une certaine durée dans des zones sous-dotées3. S’ielles refusent, ielles doivent être déconventionné.e.s4.

Nous avons précisé que cette proposition n’était pas le pur fruit de notre invention. Elle s’inspire notamment d’une récente suggestion de la Cour des comptes dans un rapport publié le 15 septembre 2015 5 : « Afin de contribuer au rééquilibrage géographique, une affectation prioritaire [des infirmièr.e.s et kinésithérapeutes] dans des structures collectives situées dans les zones déficitaires mériterait d’être étudiée. » Ce rapport fait le constat de l’augmentation des dépenses par l’Assurance maladie de remboursement des soins pratiqués par les infirmièr.e.s et les kinésithérapeutes en exercice libéral. Il souligne entre autre que pour une même pathologie le nombre d’actes est plus important dans les zones surdotées en professionnel.le.s que dans les zones sous-dotées.

Les médias relaient dès le 15 septembre la publication du rapport de la Cour des comptes. Le parisien sous-titre "l'explosion des dépenses" et des professions "massivement employés", termes à effet impact non employés dans le rapport en question.
Les médias relaient dès le 15 septembre la publication du rapport de la Cour des comptes. Le Parisien souligne en accroche « l’explosion des dépenses » et des professions « massivement implantées« , termes à effet impact non employés dans le rapport en question.

Nous avons proposé aux étudiant.e.s de constituer  :

– un groupe dont les membres étaient a priori pour l’affirmation proposée concernant la sectorisation des kinésithérapeutes, qui devait se placer du côté droit de la salle de conférence dans laquelle avait lieu l’intervention ;

– un groupe contre, positionné à gauche.

Nous leur avons laissé 20 minutes pour discuter en petits groupes au sein de chaque camp des arguments qu’ils pouvaient avancer pour justifier leur prise de position.

Ensuite a eu lieu à proprement parlé le débat mouvant qui a duré environ 30 minutes. Chaque camp a du à tour de rôle énoncer un argument. À l’issu de l’énonciation de chaque argument, les étudiant.e.s ont pu décider de se lever et changer de camp :

– soit parce que l’argument de l’autre camp a été séduisant et a fait fléchir leur positionnement ;

– soit parce qu’il n’ont pas été d’accord avec l’argument énoncé par leur propre camp.

Quelques précautions ont été prises pour que le débat se déroule au mieux et pour faciliter la prise de parole de ceux et celles moins enclin à la saisir :

– chaque personne n’a du prendre qu’une seule fois la parole (lorsqu’il n’y a plus eu de nouvelles mains levées, nous avons redonné la parole à celles et ceux l’ayant déjà pris) ;

– il n’a pas fallu répondre directement aux arguments du camp adverse, mais relancer un nouvel argument ;

– il a été préférable de jouer le jeu et de ne pas hésiter à changer de camp, plutôt que de rester campé sur ses positions initiales.

Initialement, les « pour » étaient minoritaires (environ 1/3 des étudiant.e.s). À l’issu du débat, les groupes étaient équilibrés. Nous avons été content.e.s de la façon dont s’est déroulé le débat, des prises de parole relativement bien réparties et nombreuses, et du fait que plusieurs étudiant.e.s aient changé leur positionnement au cours du débat.

Voici un résumé des arguments énoncés ; nous espérons ne pas les avoir trop déformés en en prenant note.

Arguments proposés par les étudiant.e.s

POUR

CONTRE

Les difficultés d’accès au soin dans les zones sous-dotées font que les personnes consultent moins souvent et plus tardivement. La prise en charge de leur pathologie pourra donc coûter finalement plus cher.

La prise en charge des personnes sera de moins bonne qualité car les kinésithérapeutes ne seront pas motivé.e.s par leur travail.

Quand on sort de l’école, on est plus motivé, donc même si on travaillera dans une zone imposée, on pourra rester motivé.

Il y a un manque de kinés aussi dans les zones surdotées puisqu’il y a encore des kinés qui prennent en charge 5 patients par 30 minutes dans ces zones.

Si l’on n’est pas d’accord, on a la possibilité du déconventionnement.

Des obligations personnelles et familiales peuvent nous contraindre à devoir rester dans une territoire bien précis.

Il s’agit d’une restriction de liberté de courte durée.

Si le kiné fait le choix d’être déconventionné, alors il aura plus difficilement accès à de la formation continue, et donc ses soins seront de moins bonne qualité.

La sécurité sociale est un système de solidarité, c’est notre devoir d’être solidaire et de faire des concessions sur notre liberté.

Les étudiant.e.s kinés sont déjà parfois obligé de rester pendant 4 ans loin de leur région de naissance pour leurs études. Cette mesure rallongerait cette période d’éloignement non désirée.

Si la Cour des comptes suggère cela, c’est qu’il y a des bonnes raisons économiques à le mettre en place.

Si les kinés font le choix d’être déconventionné.e.s, ils vont sélectionner leurs patient.e.s par l’argent.

Il y a des déserts médicaux partout sur le territoire, pas forcément loin de nos régions d’origine.

Cela ne va pas réduire les dépenses en santé car les kinés voudront rester dans les zones sur-dotées.

Cela permettrait de créer une dynamique et de faire en sorte que les choses bougent, d’améliorer les intéractions ville-campagne.

Les kinés doivent naturellement tendre vers une installation dans des zones sous-dotées sans que cela soit imposé.

Les modalités pourront être plus ou moins souples, cela pourra être pour une durée courte, et on pourra tout de même aller dans différentes régions.

Il y a d’autres solutions comme l’augmentation du numerus clausus.

Cela permettra une redistribution des patient.e.s.

S’il n’y a pas de médecins dans ces zones, alors il n’y aura pas de travail pour les kinés.

Cela permettra d’apporter des soins aux gens qui n’y ont aujourd’hui pas accès alors qu’ils sont dans le besoin.

C’est aux kinésithérapeutes diplômés à l’étranger, nombreux à venir en France, de s’installer dans les zones sous-dotées.

Dans les années qui suivent le diplôme, les kinés font surtout des remplacements, il suffirait qu’il y ait des cabinets dans ces zones là pour faciliter les remplacements.

Cela touche à notre liberté individuelle.

Si l’on tient à s’installer dans un endroit bien précis, alors on sera libre de s’y installer en activité salariale plutôt que libérale.

Si on accepte l’obligation de s’installer pour une courte durée dans une zone sous-dotée, alors c’est la porte ouverte à ce qu’on nous oblige d’y rester pour une durée beaucoup plus longue.

Le redistribution des professionnels de santé sera d’autant plus facile si elle résulte d’un effort commun des professionnels.

Il ne se sera pas possible d’apprendre des choses par l’intermédiaire d’autres kinés puisqu’il n’y aura personne à la ronde.

Les zones sous-dotées ne sont pas situées qu’à la campagne.

Il y a des gens qui ne sont pas faits pour vivre à la campagne, ils risqueront de tomber en dépression.

Brève analyse des arguments

Pente glissante
Pente glissante

Nous n’avons pas pris le temps de revenir sur certain.e.s des arguments qui parfois reposent  sur des constats empiriquement non vérifiés (le fait que les zones sous-dotées soient situées uniquement à la campagne6 ; le fait d’être plus motivé lorsqu’on sort de l’école – à notre connaissance, il n’existe pas de données à ce sujet, etc.) ; sur des erreurs de raisonnement (pente glissante 7 : « Si on accepte l’obligation de s’installer pour une courte durée dans une zone sous-dotée, alors c’est la porte ouverte à ce qu’on nous oblige d’y rester pour une durée beaucoup plus longue. » ; argument d’autorité : « Si la Cour des comptes suggère cela, c’est qu’il y a des bonnes raisons économiques à le mettre en place. » ), faute de temps et d’anticipation de notre part quant à la survenue de tels arguments.

Remarques et bilan

À froid, deux remarques sont à faire selon nous.

Une première concernant la facilité avec laquelle les étudiant.e.s ont pris position, mais ont aussi changé leur positionnement (pour certain.e.s), ainsi que la diversité des arguments proposés dans un camp comme dans l’autre. Ces éléments entrent en contradiction avec le fait que les étudiant.e.s (comme la majorité de la population) soient très peu sollicité.e.s dans les processus de prise de décision concernant des mesures, législatives ou non, qui auront un impact direct avec leur activité quotidienne. Une intervention de ce type, certes de très faible taille et ampleur, nous laisse penser que l’implication d’étudiant.e.s kinés dans des processus décisionnels concernant leurs activités actuelle et future serait légitime.

Une seconde remarque au sujet de la proposition de sectorisation des kinésithérapeutes comme un des moyens de limiter l’augmentation des dépenses de remboursement par l’Assurance maladie. Cette proposition s’inscrit dans une volonté plus large de diminution du déficit de la Sécurité sociale (composé de la branche maladie, mais pas que), souvent appelé « trou de la sécu » 8. Or, un déficit est nécessairement composé d’un déséquilibre entre des recettes et des dépenses. Dans son rapport, la Cour des comptes ne propose que des mesures vis-à-vis de la réduction des dépenses et non de l’augmentation des recettes. De plus, le gain économique qui résulterait de ces mesures (comme de celle de la sectorisation des infirmièr.e.s et kinés) n’est pas quantifié. À l’inverse, nous disposons depuis plusieurs années de données concernant le gain qui pourrait résulter de mesures prises concernant l’augmentation des recettes. L’État tout comme de grandes entreprises ne versent pas au régime général l’intégralité des cotisations qu’ils devraient lui transmettre, suite notamment aux mesures d’exonération fiscale ou de cotisations pour les bas salaires 9.

Nous referions bien volontiers un débat de ce type auprès d’étudiant.e.s kinés, en anticipant peut-être mieux la survenue d’arguments non valables et en trouvant une solution pour les décortiquer sans pour autant blesser les personnes les énonçant. Nous aimerions aussi procéder à une évaluation, par les étudiant.e.s, de la pertinence de l’organisation de ce type de débat à leurs yeux.

Nelly et Jérémy

Ateliers "Médias" avec des écoliers chambériens

Tudy Guyonvarch est assistant d’éducation en Maurienne. L’année dernière, il a mené en parallèle de son activité principale des ateliers « Médias » auprès d’enfants d’une école primaire chambérienne. En plus de se livrer avec intérêt à cet exercice, il a bien voulu partager avec nous son expérience, qui devrait être renouvelée cette année au second semestre avec des ateliers de zététique.

Contexte

La mise en place de la réforme des rythmes scolaires à Chambéry a permis à la Maison de l’enfance de proposer des ateliers périscolaires. A un tarif plus que modique, les enfants des écoles du Biollay (un quartier classé zone urbaine sensible (ZUS) de Chambéry) peuvent s’inscrire à des cycles de 5 à 7 séances, de 16h à 17h30. L’idée de l’atelier « Médias » était de reprendre une animation déjà menée sur les vacances d’été, à savoir réutiliser des techniques de tournage et de montage similaires à celles utilisées dans Enquêtes Exclusives pour monter un reportage bidon sur le Biollay et comprendre comment les spectateurs peuvent être manipulés.

Modalités

Durée : 6 séances d’1h30

Matériel : un appareil photo numérique, un ordinateur

Lieux : Maison de l’enfance et quartier du Biollay, Chambéry, 73000

Public : enfants de 8 à 9 ans

1er atelier : cas d’école

Après avoir discuté des différents médias, de leur rôle dans la vie quotidienne et sur la société (en plein post-Charlie-Hebdo, la question revient évidemment), nous avons visionné certaines scènes choisies de Villeneuve ; le rêve brisé 1 : le suivi des forces de l’ordre menant une « guerre de territoire », la présentation de la journaliste, l’interview des jeunes, la démonstration de tir, l’interview des « anciens », plus quelques travellings à travers la cité.

Je lance, un peu imprudemment, l’idée qu’il a pu y avoir des manipulations. Certains enfants remettent aussitôt l’ensemble du documentaire en question, estimant que tout n’est qu’effets spéciaux. Puis un débat démarre sur la voiture brulée : vraie ou truquée ? Quelles sont les chances de tomber sur une voiture en flamme en suivant la police durant plusieurs semaines ? De même, certains remarquent les coupures durant l’interview de l' »ancien » qui se plaint de son agression et formulent la question « qu’est-ce qui a été enlevé ». Enfin, ils estiment que l’attitude des « jeunes » interviewés est grossière et trop caricaturale.

2ème atelier : téléphone taïwanais

On rediscute un moment de ce que les élèves ont vu à la télé récemment. Peu d’entre eux ont regardé attentivement la télé dans la semaine, peu se souviennent de ce qu’ils ont vu.

On discute sur le témoignage et la qualité des on-dits. Puis, à partir d’une vidéo de quelques secondes sur des passants qui tombent dans un trou en Corée (voir vidéo ci-dessous), nous faisons l’expérience du téléphone arabe. Mohammed s’isole et regarde la vidéo tandis que les autres sont dans une autre pièce. Puis, Liam a quelques minutes pour entendre son témoigage et poser quelques questions complémentaires. Ensuite, c’est au tour de Wassim d’interviewer Liam, puis Nassime interview Wassim. Quand enfin Jérémie interviewe Nassime puis restitue ce qu’il a entendu à Gaspard, la version finale n’a absolument rien à voir avec le contenu de la vidéo (voir vidéo ci-dessous).

Extrait d’un reportage télévisuel rapportant un évènement s’étant déroulé dans une ville coréenne, suivi d’une expérience de téléphone arabe avec les écoliers. La vidéo est diffusée avec l’autorisation des personnes y figurant.

On constate en regardant ensemble la vidéo d’origine que le témoignage de base est déjà bancal, mais que chaque maillon de la chaîne ajoute des approximations, inventions ou erreurs qui changent complètement l’histoire.

3ème atelier : l’attention

Après une énième discussion sur ce que les enfants ont vu dans les médias cette semaine, toujours relativement stérile, on se met au boulot. Après avoir visionné deux ou trois expériences de mémoire sélective (comme celle du gorille 2), nous décidons de faire notre propre expérience. On met au point un protocole et on se rend vite compte que les seuls sur lesquels on peut tester cet effet sont les parents. Quand ceux-ci arrivent à l’accueil, ce sont 5 enfants qui vont se cacher sous le bureau de l’agent d’accueil ou dans le bureau de la direction pour appeller les parents, tendre un papier à remplir, aller chercher un stylo, puis dire au revoir.

Après un débrief avec chaque parents, il apparaît que tou.te.s ont détecté une surpercherie, mais qu’ils ont seulement vu 2 ou 3 changements, mais pas 5. Même dans des conditions peu optimales, il apparaît donc que l’expérience fonctionne.

4ème atelier : « coupez »

Le temps de discussion sur les médias de la semaine apporte peu, encore une fois, et on disgresse sur de nombreux sujets. Ensuite, on attaque le corps du sujet : la sélection des données par le montage vidéo.

Après avoir regardé quelques exploits (paniers au basket, lancer de canette dans des poubelles), on décide de faire notre propre vidéo. On élabore notre mise en scène. Pour optimiser le nombre de lancers, donner le même nombre de chance à chacun, tous les enfants tentent de lancer un papier froissé dans une poubelle derrière eux. Assis en rond autour de la table, ils font semblant de dessiner et, chacun son tour, l’un d’eux tente le panier. Je filme en continu, prêt à couper en cas de problème.

C’est très laborieux. Ils visent mal et, après 20 minutes et sans doute une bonne cinquantaine de tirs, aucun n’a réussi de façon visuellement impressionante. Finalement, un des tirs reste pour la postérité.

On tente alors une seconde approche, le montage pur et dur. En faisant deux plans différents, un du lancer et un du papier arrivant dans la poubelle, on donne l’impression d’un très beau lancer. On fait avec les enfants une première approche du montage.

5ème et 6ème atelier : au coeur de l’action

Pas de discussions sur les médias lors de ces ateliers car on a du boulot : tourner sur le Biollay et réaliser le « rush ». Lors du premier atelier, on filme un match de foot sur l’espace multisports et on ne sélectionne que les moments les plus violents (insultes, bousculade et tacle).

Lors du second atelier, on marche en groupe en se faisant tourner l’appareil photo et, dès que quelqu’un a une idée à filmer, la personne qui a l’appareil tente un plan. On en profite pour voir comment la façon de filmer donne des impressions différentes (la contre plongée pour rendre les immeubles écrasants), pour travailler l’élipse, et pour filmer des crottes de chien. On filme aussi les éléments positifs, au cas où on voudrait un jour faire un film de pub sur le quartier pour contre-balancer celui-ci.

Au cours du 6ème atelier, on prend quelques minutes sur la fin pour envisager le montage, mais ce temps est largement insuffisant. Aussi, durant les vacances, nous allons prendre deux heures pour réaliser le montage et ajouter des musiques. Les enfants regorgent d’idées diaboliques (ralenti sur des jeunes avec des capuches, zoom, gangsta rap en fond sonore) pour manipuler le spectateur !

Film réalisé par les écoliers à l’issue des ateliers

Tudy Guyonvarch

Onus probandi aux pruvodevo

Ni faru ekzerceton: bonvolu fermi la okulojn dum duonsekundo… Bone, vi povas malfermi ilin1. Sciu, ke tiu ĉi libro, kiun vi tenas enmane, profitis la momenton por transformiĝi en egalmasan, buloforman, verdaĉan monstreton, silentan kaj senodoran. Tiel rapida estis la fenomeno, ke vi nenion sentis… Kio? Vi aŭdacas dubi! Nu, pruvu, ke mia aserto malveras… Ha! Vi ne kapablas, do vi devas akcepti la ekziston de mia monstro.

Vi jam komprenis: verecpruvo pri ajna aserto venu de la asertanto, kaj de neniu alia. Estas plenumende de Raël, alinome Claude Vorilhon, pruvi mem ke li renkontis eksterteranojn; liaj kontraŭuloj devas pruvi nenion ajn. Same, ne la kritikantoj de permana terapio devas pruvi ĝian neefikon – tiuj, kiuj asertas, ke ĝi estas efika pruvu la verecon de sia aserto.2 Imagu la absurdon se endus konsideri kiel vera ajnan aserton pri nova kuracilo kaj atendi malpruvojn por ĝin forĵeti. Iu ajn ĉarlatano povus rebati, kontraŭ ies duboj: « Pruvu, ke mia panaceo ne estas miraklofara ». Ĉiumaniere, pruvi neekziston neeblas logike. Tiun problemon oni nomas pruvodevo (onus probandi en la latina) – devo plenumenda de tiu, kiu asertas.3 Inversigo de tiu devo estas la fiilo preferita de la ad ignorantiam uzantoj, kiuj, ekzakte kiel pri nia verda libro-monstro, ŝatas diri, ke iu aserto estas vera, ĉar oni ne montris, ke ĝi estas falsa.

(El Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles, N. Pinsault, R. Monvoisin, PUG, 2014)

1 Nu, vi ne povas legi tion: vi ĵus fermis la okulojn…

2 Oni distingu inter ĝenerala kaj propra efiko.

3 Kondiĉe, ke ĉiuj estu kapablaj krei kaj apliki eksperimentajn pruvojn. Seniluziige, pro la granda aro de financaj kaj leĝaj malebligoj, averaĝuloj tre probable ne sukcesos prie.

Affiche de l'association SAT-amikaro, Le mur des langues, abattez-le

L’espéranto, langue anationale, par André Hoarau

Depuis quelques mois, on peut lire un peu d’espéranto sur le site du Cortecs, et c’est en partie grâce à André Hoarau. André est espérantiste et actif au sein de l’Association mondiale anationale (SAT) qui « a pour but, par l’utilisation constante de l’espéranto et son application à l’échelle mondiale, de contribuer à la formation d’individus dotés d’esprit critique (…) »1. André a bien voulu, avec tact et patience, répondre aux questions curieuses et critiques de quelques membres du Cortecs à l’égard de l’espéranto l’été dernier, et nous avons jugé utile de les retranscrire.

Quelle est l’origine de l’espéranto ?

L’espéranto est officiellement apparue en 1887, lorsque son initiateur, le docteur Ludwik Lejzer Zamenhof publia en russe Lingvo internacia, un petit manuel décrivant la grammaire de la langue, ainsi qu’un dictionnaire.

Portrait de Zamenhof
Louis-Lazare Zamenhof

Quels sont les idéaux qui ont mu le fondateur ?

Zamenhof passa son enfance à Bialystok, une ville de l’actuelle Pologne dans laquelle se côtoyaient des communautés de langue allemande, polonaise et russe, yiddish ou hébreu. Il fut très tôt marqué par les discriminations linguistiques entre les communautés. C’est donc mû par des idéaux de compréhension mutuelle, pensant que les difficultés de communication entre les communautés serait sinon supprimées, du moins atténuées par l’utilisation d’une langue neutre, qu’il s’attela à la tâche de création.

Une langue unique et universelle constitue-elle un idéal chez la plupart des espérantistes ? Si oui pourquoi ? Si non, quels sont le ou les idéaux linguistiques/communicationnels en vogue dans le milieu des langues construites de même prétention que l’espéranto ? Sur quels raisonnements s’appuient ces idéaux ? Quelles en sont les critiques ?

La question de la langue « unique et universelle » a suscité et suscite toujours beaucoup de débats dans la communauté espérantiste. Zamenhof parlait de lingvo internacia, de langue internationale, « qui souhaite seulement donner aux hommes [humains] de peuples différents […] la possibilité de se comprendre […] et qui ne souhaite d’aucune manière s’immiscer dans la vie intérieure des peuples »2.
Certains espérantistes avaient cependant une position beaucoup plus radicale. La plus extrême a sans doute été formulée par Lanti, de son vrai nom Eugène Adam. Dans son Manifeste des anationalistes, il déclarait ainsi que « les anationalistes se battent contre tout ce qui est d’essence nationaliste, contre les langues et cultures nationales, les coutumes et traditions nationales. L’espéranto est pour eux la langue principale, et ils considèrent que les langues nationales ne sont qu’auxiliaires ».
À l’opposé de ce point de vue, une partie du mouvement espérantiste considère que l’adoption d’une langue neutre permettrait de sauvegarder la diversité linguistique. Au sein de l’association universelle d’espéranto (l’Universala Esperanto-Asocio, UEA), il existe un groupe s’occupant de la question des droits linguistiques qui recommande que chacune, chacun puisse apprendre ses langues maternelle, régionale, nationale et… l’espéranto3.
D’autres encore ont en partie abandonné l’idée de langue internationale auxiliaire. Cette frange du mouvement considère que les espérantistes constituent « un minorité linguistique auto-élue de type diaspora »4.

En quoi est-ce une langue plus « facile » ?

Il est difficile d’affirmer d’emblée que l’espéranto est « plus facile »… Plus facile par rapport à quoi ? À une langue nationale jouant un rôle diplomatique important ? À mon sens, l’espéranto se distingue par une grammaire simple, qui ne souffre de quasiment aucune exception. Par exemple, la conjugaison est parfaitement régulière : la terminaison du passé est -is, celle du présent -as et celle du futur -os, et c’est tout pour les temps simples. Si l’on sait que « je chante » se dit en espéranto mi kantas, on peut former immédiatement mi kantis (« je chantai » ou « je chantais ») et mi kantos (« je chanterai »). Quelle économie par rapport aux longues listes de verbes irréguliers que l’on doit péniblement apprendre ! Autre exemple : chaque mot se prononce comme il s’écrit et s’écrit comme il se prononce5. Dans les deux cas, on peut supposer que l’apprentissage de la conjugaison et de la prononciation de l’espéranto sera plus facile que celui, par exemple, de l’anglais ou du français. Mais suppositions et témoignages personnels ne constituent pas des preuves, et le nombre d’études sur l’acquisition de l’espéranto ne sont hélas pas légions…
Note de Nelly Darbois (ND) : Dans un document de 2005, Reagan et al.6 relatent les résultats de 4 études. Nous n’avons malheureusement pas accès à leurs détails méthodologiques. La plupart du temps, il s’agit de comparer des résultats à des tests jugeant du niveau de langue en espéranto d’élèves du primaire ou du secondaire apprenant l’espéranto sur plusieurs années, aux résultats à des tests en d’autres langues réalisés par des étudiants qui apprennent ces autres langues (français, allemand, anglais etc.). L’espéranto s’apprendrait 4 à 5 fois plus rapidement que toute autre langue étudiée, mais il n’est pas certain que les populations étudiées soient vraiment comparables. Dans le contexte actuel, où l’espéranto n’est enseigné officiellement à l’échelle nationale dans aucun pays, il semble difficile de mener, malheureusement, des études qui permettraient de questionner sa rapidité d’apprentissage.

Plus « juste » ?

L’espéranto n’est la langue officielle d’aucun pays. La grande majorité de ses locuteurs a fait l’effort de l’apprendre et ne bénéficie donc par de la supériorité linguistique que possède par exemple, un Anglais discutant dans la langue de Shakespeare avec un Français.

Quelle est la répartition géographique actuelle des pratiquants d’espéranto ? Comment est-elle calculée ? Existe-il des réseaux de pratiquants de l’espéranto ?

Il est difficile d’avoir une idée précise de la répartition et du nombre d’espérantistes. Toutes et tous ne font pas partie d’association espérantistes, et peu d’études ont été menées à ce sujet. On ne peut avoir qu’une vague idée de la répartition des espérantistes en consultant les annuaires des associations, le plus important étant celui d’UEA, l’association universelle d’espéranto. Il existe de nombreux réseaux et de nombreuses associations. D’un point de vue historique, les deux plus importantes sont l’UEA précédemment citée et SAT, l’ « association anationale mondiale », qui a quant à elle un agenda politique explicite de transformation sociale par « l’union des travailleurs » à l’échelle mondiale grâce à l’espéranto. Mais il existe de nombreuses associations pour des domaines très différents : l’athéisme, le cyclisme, l’écologie, la philatélie, la pédagogie Freinet, le végétarisme7

L’espéranto est-il enseigné au sein du système scolaire dans certaines régions ? Pays ?

L’espéranto est enseigné au sein du système scolaire de plusieurs pays. Parmi ceux-ci, la Hongrie mérite une mention spéciale : l’espéranto y est en effet la troisième langue la plus apprise à l’université, derrière l’anglais et l’allemand. En France, il y eut plusieurs proposition pour intégrer l’apprentissage de l’espéranto dans l’Éducation nationale, mais celui-ci est enseigné uniquement sur le temps d’activité péri-scolaire dans certaines écoles.
 

Est-ce qu’il existe des œuvres littéraires, musicales, cinématographiques etc. rédigées directement en espéranto ?

Une revue en espéranto
Une revue en espéranto

Il existe de nombreuses œuvres originales en espéranto. La littérature originale de l’espéranto est tout à faite raisonnable pour une langue ayant à peine un siècle : on peut y lire des romans, de la poésie, des drames, des nouvelles8… En ce qui concerne la musique, Vinilkosmo, une maison de disque espérantiste basée à Toulouse, produit de la musique espérantiste depuis 1990. On y trouve des artistes du monde entier, dans des styles variés : pop, rock, folklorique, hip hop… Certains morceaux sont des traductions, mais beaucoup sont des compositions originales. Depuis quelques années, il existe même une radio en ligne entièrement en espéranto : Muzaiko, qui diffuse essentiellement de la musique, mais également des reportages, des interviews. De nombreux journaux et revues sont également publiés en espéranto, on peut citer, parmi les plus connus Esperanto, Kontakto, Monato, La Ondo de Esperanto. L’association SAT publie quant à elle Sennaciulo, dans laquelle on peut trouver une rubrique Intelekta memdefendo (autodéfense intellectuelle) : au menu, casse-têtes mathématiques et… traductions des articles sur les sophismes et paralogismes parus sur le site du CorteX !

Quel est l’intérêt de pratiquer et diffuser l’espéranto d’un point de vue progressiste ? Y a-t-il déjà eu des avancées sociales grâce à des projets internationaux dont le moyen de communication était l’espéranto ? Autrement dit, y a-t-il eu au moins un problème socio-politique, écolo-politique, scientifico-politique ou autre, d’ampleur internationale, qui a pu être traité grâce à l’espéranto ? À défaut d’avoir permis le traitement d’un problème quelconque, quels type de problème l’espéranto ou une langue de même nature et prétention pourrait-elle permettre de résoudre ?

Affiche de l'association SAT-amikaro, Le mur des langues, abattez-le
Affiche de l’association SAT-amikaro

Il n’y a jamais eu d’avancée sociale majeure issue de projets internationaux dont le moyen de communication était l’espéranto, mais de nombreux mouvements d’émancipation en ont encouragé l’apprentissage et la diffusion. Citons, entre autres, la CGT française9, les mouvements Freinet10 et de l’École moderne rationaliste de Francisco Ferrer 11, la Libre Pensée12, les Républicains espagnols pendant la guerre civile de 1936−193913
D’un point de vue progressiste, de nombreux espérantophones partagent l’idée que l’usage d’une langue neutre, relativement facile et rapide à apprendre, permettrait une substantielle amélioration des communications non seulement entre les personnes ayant un capital culturel et économique important, mais également − « surtout » dira la frange la plus sociale du mouvement − entre les laissés-pour-compte de la mondialisation culturelle, celles et ceux qui auraient intérêt à se comprendre et s’organiser par-delà les frontières, mais qui ne disposent que de peu de temps et de moyens pour apprendre une des « grandes » langues de communication internationale.

Comment s’organise en France et dans le monde le réseau associatif promouvant l’espéranto ? Y a-t-il différentes branches ? Est-il politisé ? Laïque ?

Les deux principales associations françaises d’espéranto sont Espéranto-France et SAT-Amikaro. Elles sont toutes deux laïques, la deuxième étant nettement politisée et déclarant dans ses statuts se placer « sur le terrain de la lutte de classe ».

Quelle est la place de l’espéranto dans le milieu scientifique aujourd’hui ?

Quasi-nulle. Il existe cependant une « Académie internationale des sciences » basée à Saint-Marin, dont l’espéranto est une langue de travail, qui édite une revue, Scienca revuo, plusieurs fois par an. L’association des jeunes espérantistes, TEJO, comporte aussi une section Scienca kaj faka agado, pour les jeunes espérantistes scientifiques de profession ou de passion, et organise notamment des conférences scientifiques lors de certaines rencontres internationales.

Comment commencer à apprendre ?

Livre pour apprendre l'espéranto par la méthode directe
Livre pour apprendre l’espéranto par la méthode directe.

Il existe de nombreuses ressources pour apprendre l’espéranto : livres, sites internet, vidéos… Le site le plus connu est sans doute lernu.net. En ce qui concerne les livres, on peut distinguer ceux qui ont une approche « grammaticale » traditionnelle (par exemple, Le nouveau cours rationnel d’espéranto) et ceux qui utilisent la méthode « directe » (par exemple, L’espéranto par la méthode directe, de Stano Marček). À chacune et chacun d’utiliser les cours qui lui conviennent le mieux. Je conseille également à toute personne désireuse d’apprendre rapidement d’entrer en contact avec un groupe d’espérantistes compétents, qui ont à cœur la pratique de la langue ; en effet, bien que l’espéranto soit relativement plus simple que la majorité des autres langues, elle reste une langue à apprendre, et pas plus que pour une autre on ne peut faire l’économie de la pratique. L’apprentissage de la grammaire et du vocabulaire de base est très rapide, mais il faut du temps avant d’être vraiment à l’aise à l’oral. Trop d’espérantistes français s’en tiennent aux belles idées et ne deviennent jamais pleinement espérantophones…
Deux ouvrages pour apprendre : 

Couverture du Cours rationnel d'espéranto

Cours rationnel d’espéranto, SAT-Amikaro. Une méthode « grammaticale » assez classique, mais bien conçue et illustrée, même si la mise en page mériterait quelques perfectionnements. Pour celles et ceux qui apprécient ce type de manuel, il permet d’avoir assez rapidement de bonnes bases, à perfectionner ensuite par la pratique (notamment orale).

Claude Piron, Gerda Malaperis!, Fonto, 1983. Un roman « policier » d’apprentissage, qui introduit le vocabulaire de façon progressive, par l’un des plus grands auteurs espérantistes. À compléter par le livre du même auteur Lasu min paroli plu! qui reprend le vocabulaire de chaque chapitre et le développe dans des textes plus approfondis.

Y a-t-il d’autres langues construites universelles ? Pourquoi se tourner vers l’espéranto plutôt que vers une autre ?

Il y a des centaines de projets de langue construite à vocation universelle. Parmi les plus connues, nous pouvons citer le solrésol, le volapük, le latino sine flexione, l’ido, l’occidental et l’interlingua. La plupart des langues dérivées de l’espéranto (comme l’ido) n’apportent au mieux que quelques discutables améliorations, et au pire compliquent et rendent la langue moins équitable. Mais l’argument qui selon moi est le plus pertinent est le suivant : l’espéranto bénéficie aujourd’hui d’une riche culture de plus d’un siècle et d’un mouvement très diversifié, présent dans de très nombreux pays. Aucune autre langue construite à vocation internationale n’a à ce jour atteint un tel degré de développement.

Si le but est de pouvoir communiquer avec le plus de monde possible, pourquoi choisir l’espéranto plutôt que le mandarin ou l’anglais qui comptent plus de locuteurs ? Autrement dit, quels sont ses avantages et ses inconvénients par rapport aux langues comportant le plus de locuteurs dans le monde (mandarin, espagnol, anglais, arabe, bengali, etc.) ?

Si le seul critère pour choisir une langue à apprendre est de pouvoir communiquer avec le plus de locuteurs possible, alors il faut choisir le mandarin ou l’anglais. Si en revanche d’autres critères sont utilisés, comme l’équité ou la facilité d’apprentissage, quelque soit notre langue d’origine, résultant d’une grammaire la plus régulière possible, alors l’espéranto s’impose pour certains, qui la considèrent comme étant plus juste, équitable et facile que le français, le mandarin ou l’anglo-américain.

Transparaît-il, comme dans les autres langues, des choix racistes, sexistes, spécistes dans les fondements grammaticaux de l’espéranto et de la construction de son vocabulaire ? Si oui, qu’en penser ?

Oui, et ils sont d’ailleurs discutés depuis plusieurs dizaines d’années dans certaines revues, ouvrages, ou sur certains sites internet. Comme dans les langues nationales, certain.e.s espérantistes neutralisent leurs textes.

Merci à André Hoarau pour cette entrevue.

Bibliographie : article spécifique « Ressources critiques pour aborder les politiques linguistiques ».

Kio estas scienco?

Antaŭ ol paroli pri “scienco”, oni ja interkonsentu pri ĝiaj diversaj sencoj. Ĉi tiu ŝtupo estas laŭ ni nepreterlasebla, ĉar la plursenceco de la vorto ja malsimpligas la diskutojn, en kiuj la diversaj sencoj miksiĝas. Distingeblas laŭ ni kvin sencoj. La vorto “scienco” povas signifi:

  • Senco 1. Premdevigan klopodon intelektan celantan racian komprenon de la natura kaj socia mondoj.

  • Senco 2. Aron da enhavoriĉaj scioj komune akceptitaj, taksataj objektivaj kaj konsiderataj je difinita momento.

  • Senco 3. La aplikitajn sciencojn kaj teĥnikarojn, kun ĉi tiu grava punkto, kiu estas la socipolitika estiĝo de la esplorbranĉoj, de la teĥnikaraj malvolviĝadoj kaj de la financaj fluoj.

  • Senco 4. La sciencan komunumon kaj ties morojn, ties ritojn kaj povoluktojn (t.e., la sociscienca kono pri la scienca kampo).

Al ĉi tiuj kvar sencoj, ni aldonas jenan, kiu estas misforma spegulo de la lasta:

  • Senco 5. La sciencan komunumon kaj ties morojn, ties ritojn kaj povoluktojn, sed de-ekstere perceptitan (t.e., iuspeca sociscienca kono pri la socia prezento pri la scienca komunumo el la vidpunkto de la ordinara individuo).

Ĉi tiu kvina senco ŝajnas al ni necesa, ĉar la ordinara prezentado pri la scienca mondo ofte estas fantazia, eĉ paranoja, kaj igas nemalatenteblan parton de la homoj malagnoski sciencon kiel klopodon (1a senco) pro la malakcepto de la bildo, kiujn ili memfaras pri scienca komunumo lumringita de ŝtatsekretoj kaj mensogoj. Sekve, la malagnosko de scienco ofte devenas de skolo ne vere kontraŭscienca, sed “kontraŭsciencula”. Ĉi tiu fenomeno estas komprenebla: unue, kvankam la scienculo ofte eraras ĉiutage, la malkunigo de liaj aŭ ŝiaj scioj kaj praktikoj, kiu okazas en amaskomunikiloj, ne ebligas ĉi tiun fakton. Tiam sekvas tion tre idealigita vidmaniero pri la praktiko. Plie, la “absoluta vero” de la scienculoj regule estas ekspluatita, tiel de la ĵurnalistoj liverantaj tribunon al fakuloj pri fakoj, kiuj kelkfoje ne estas iliaj, kiel de la politikaj sferoj, kun la flankeniĝoj, kiujn oni konas: ni pensu pri la konsekvencoj de Ĉernobil aŭ pri la irakaj armiloj amasdetruaj. Fine, la perceptado de la rilatumo de profitoj al riskoj de teĥnikaro ne tre klaras por la ordinarulo, kiu ĉiuokaze ne estas konsultita pri ĉi tiu temo. Kiam aldoniĝas aferoj tiaj, kiaj la infektita sango1, asbesto2 kaj kuraciloj kun gravaj kromefikoj kiel Vioxx3, malfacilas komprenigi la interparolanton malaklamantan “sciencon” laŭ la 5a senco, ke malmulte da aferoj, kiujn li aŭ ŝi kredas kaŝitaj, vere estas; ke ili estas eventuale alireblaj kaj ke la kritiko, kiu devenas de ĉi tiuj dramoj neniel malkonfirmas la sciencan klopodon laŭ la 1a senco kaj glitas sur ĝi tiel, kiel sur anas-plumoj.

La kreskanta malakcepto de scienco fare de la publiko kaj la sukceso de iuj spiritismaj influsferoj devenas de konfuzo inter ĉi tiuj kvin difinoj: ekzemple, scienco kiel racia klopodo esploradi la mondon (1a senco) estos malakceptita ĉar klonado timigas (2a senco), ĉar la atomenergia teknokratklubo ĉiam decidas ofendmokante demokration (5a senco), ĉar la atombomboj eksplodis (3a senco), ĉar povokvereloj manifestiĝas dum sciencaj kongresoj (4a senco), aŭ ĉar rezulto, kiun oni taksis vera, pruviĝis malvera (2a senco).

Plumbistoj klopodas celante kompreni racie kiel malfunkcias la sanitaraj instalaĵoj. Ili do uzas ĉiutage sciencan metodon.
Plumbistoj klopodas celante kompreni racie kiel malfunkcias la sanitaraj instalaĵoj. Ili do uzas ĉiutage sciencan metodon.

Ja povas temi pri konfuzo, sed ankaŭ pri grava manipulado: utiligante la nuran vorton “scienco” sen precizigi, pri kiu senco temas (ofte devus temi pri la 1a senco, sed ŝajnas esti komprenata de la publiko laŭ la 4a aŭ 5a), oni lasas disvastiĝi la miskomprenon, laŭ kiu la racia klopodo malkovri la mondon rekte gvidas al malutilaj sociaj konsekvencoj. Ni insistas pri tio, kio laŭ ni devus esti komune akceptita punkto: la fakto, ke scienco laŭ la 4a aŭ 5a difinoj kontraŭstareblas, kaj kontraŭstarindas, ne sekvigas, ke oni forĵetu ĉiujn aliajn sencojn de l’ vorto. Male − la tuta kritika klopodo ĉi tie kuŝas − estus grave diskonigi tion, ke realproprigo de scienco kiel klopodo estas multe pli efika ol nura kaj pura deturno. Ni plu limigos nin al rekamado de scienco laŭ la 1a senco.

Kiel skribis la franca fizikisto Brok (Broch), “la metodo, pli ol la rezulto, fakte karakterizas la sciencan spiriton”.

Traduk-adaptita de Andreo Hoaro el Richard Monvoisin, Pour une didactique de l’esprit critique [Por didaktiko de l’ kritika spirito], doktora disertaĵo, Grenoblo, Francujo, 2007. Pri la modifoj kaj adaptoj respondecas nur la esperantiginto.

Kelkaj sofismoj

Sofismo estas rezonado ŝajne korekta, sed fakte erara. Ĝi distingiĝas de paralogismoj per la fakto, ke ĝi estas intence trompa.

Antaŭsupozo de la pruvotaĵo

Oni antaŭsupozas pruvotaĵon, kiam oni starigas demonstron, kies konkludo estas akceptita jam antaŭe, aŭ kiu ŝajnas sencohava nur se la aŭskultanto jam akceptis tiun konkludon.

Ekzemplo:

Psikogenealogio estas ja efika terapio, ĉar ĝi helpas homojn pli bone farti.

Ĝi povas alpreni plurajn formojn:

La formo de subsugesto: Hodiaŭ komenciĝas la proceso de aĉa murdisto.

La formo de demanda subsugesto: Ĉu vi volas diri, ke fizikaj leĝoj ekzistas sendepende de Dia volo?

La formo de analogio: Same kiel domo bezonas arkitekton, la universo klare bezonas Kreinton.

La formo de rondira rezonado: Virgulino naskis Jesuson. Kiel eblus tio sen dia interveno? Kia ajn la respondo, ĝi nerekte agnoskas la ekziston de dia volo.

La formo de ĝirafpelilo: Tiu ĉi ĝirafpelilo estas efikega. Pruve: Ĉu vi vidas ĝirafojn en la ĉirkaŭaĵo?

Ne hezitu proponi kompletigaĵojn aŭ ekzemplojn pri tiu sofismo.

Ekfrapa efiko

La ekfrapa efiko konsistas en uzado de konotacio (aŭ kromnocio – kiun oni povus ankaŭ nomi vortpezo) – por venigi en la menson de la interparolanto ideojn iom (aŭ tre) malsamajn, ol tiuj, kiuj kutime akompanas iaj vortoj. Ĝi estas fiuzado de la distanco inter konotacio kaj denotacio. Du vortoj povas esti samdenotantaj, sed elvoki malsamajn konotaciojn, plaĉajn aŭ malplaĉajn, laŭkaze .

Uzante la ekfrapan efikon, oni bazas sin malpli sur la senco de la vortoj, ol sur la emocioj, kiujn ili povas estigi.

Jen kelkaj ekzemploj:

Duhidrogena monooksido estas kemia (molekula) kombinaĵo senkolora kaj senodora, kiun oni ankaŭ nomas duhidrogena oksido. Ĝi troviĝas en pluraj kaŭstikaj, eksplodpovaj, aŭ toksaj kombinaĵoj, kiel sulfata acido, nitroglicerino kaj etilalkoholo.

Ĉi-sube, duhidrogena monooksido en likva formo kaj rivero malpurigita de duhidrogena monooksido.

Fakte, duhidrogena monooksido estas nur akvo. En tiu ĉi ekzemplo, la ekfrapa efiko venas de la uzo de sciencaj terminoj – vortoj ja timigaj. Kvankam ĉio kio estas menciita veras, la efiko estas esence negativa. Oni povas estigi bonegan ekfrapan efikon eĉ per nuraj bildoj.

Francio komencas la rekonkeron de la tuta teritorio de Malio. Ĉu oni ne provas mildigi la krudecon de la vorto vere uzenda ĉi tie – milito? Sed termino tia kuntrenas negativan efikon…

Kaj fine, jen kelkaj ekzemploj el la Eta kurso pri intelekta sindefendado de Normand Baillargeon : Inteligenta frapo – bombado, kiun oni esperas preciza, pro la proksimeco de civitanoj al la celo; Ekspedicieto – invado; Ekstraj mortintoj civitanaj viktimoj.

Pli da detaloj en la ĉi-supre menciita libro de Normand Baillargeon franclingve.

Redaktis france anoj el Cortecs, esperantigis la kebeka skeptikulo

La ĉifonfiguro, alinome paljohomo

Ĉi tiu sofismo konsistas el du ŝtupoj. Unue, krei ĉifonfiguron falsante la starpunkton de la interparolanto tiel, ke ĝi iĝu erara kaj facile refutebla. Due, detrui ĝin asertante, ke oni refutis la starpunkton de la interparolanto.

akupunkturiloj

Jen kelkaj ekzemploj:

  • La evoluistoj certigas, ke la surtera vivo hazarde aperis. Sed kiel homo aŭ elefanto povus aperi el nenio, el nenie?

  • La kontraŭantoj de astrologio asertas, ke la astroj ne influas nin. Demandu do al maristoj, ĉu Luno ne influas la tajdon!

  • Kritikante la efikon de akupunkturo, vi malŝate flankenbalaas la azian kulturon.

Oni povas utiligi aliajn sofismajn meĥanismojn por krei ĉi tiun ĉifonfiguron tiel, ke ĝi estu eĉ pli facile refutebla. Ekzemple, utiligante:

  • redukton al Hitlero (latine reductio ad Hitlerum) − “resume, vi alprenas eŭgenikismajn teoriojn”;

  • perligan atakon kontraŭ homo (latine argumentum ad hominem) − “vi alvokas Volteron kaj liajn verkojn pri la egalo de l’ homoj, zorge forgesante lian partoprenon en sklavkomerco.

Alvoko al nescio (ad ignorantiam), alinome “inversigo de la provŝarĝo”

Temas pretendi, ke io veras tial, ke ne pruvitas, ke ĝi malveras; aŭ inverse. Jen ekzemploj:

  • Neeblas pruvi, ke min ne forkaptis la eksterteranoj. Do mi estis forkaptita de la eksterteranoj (argumento de Rael, sektestro).

  • Ne pruvitas, ke vifi-ondoj ne estas danĝeraj. Do ili estas.

Ĉi tiu formo de falsa dilemo (vd. la juli-aŭgustan numeron de Sennaciulo) konsistas el la aserto, ke tial, ke nepruvitas la malvero de io, oni povas deklari, ke ĝi veras. Tio ne nur kontraŭstaras racian skeptikismon, sed ankaŭ estas evidenta okazo de inversigo de l’ provŝarĝo: kvankam ja tiu, kiu asertas, devas pruvi sian aserton, tamen, la interparolanto, asertante, ke ĝi veras, subkomprenigas “kaj pruvu al mi, ke tio malveras”. Oni retrovas ĉi tiun sofismon en tiaj frazoj, kiaj: “pruvu al mi, ke homeopatio ne funkcias”.

Jen plia amuza ekzemplo por kompreni, kial “kiu asertas, tiu devas pruvi”:

Se mi asertas, ke inter ĉi tiuj du fingroklakoj (klak, klak!), mi nudiĝis kaj trifoje rondiris la ĉambron saltante per unu piedo, kaj poste revestiĝis, sed vi nenion vidis, ĉar mi estis en superspaco; se mi aldonas “pruvu al mi la malon”, vi bone komprenas, ke vi (false) kaptitas en via argumentaro. Ĉar ja mi devas pruvi tion, kion mi asertas.

CorteX_pruvshargho

La non sequitur (“kio ne sekvas”)

Silogismo estas racia rezonado, kiu konsistas el tri frazoj: du premisoj (maĵora kaj minora), kiuj devas logike konduki al la konkludo. Ĉi tiu rezonmaniero estas la baza principo de multaj famaj asertoj kiaj:

Ĉiuj homoj estas mortemaj
Sokrato estas homo
Do Sokrato estas mortema

Aristotelo formaligis ĉi tiun rezon-manieron kaj klasigis ĉiujn rezon-tipojn. Kelkaj estas logike validaj, ekzemple:

Se A veras, tiam B veras
Nu, A veras
Do B veras

Sed aliaj, ne:

Se A veras, tiam B veras
Nu, B veras
Do A veras

CorteX_La pluvoPor kompreni, kial ĉi tiu lasta ne validas, la SAT-anoj partoprenintaj la lastan SAT-kongreson iomete pensu pri la kanto “La pluvo”. Oni povas aserti, ke kiam ĵus pluvis (A), tiam la “trotuaroj malsekaj estas” (B). Kaj jen, promenante, mi vidas, ke la trotuaroj estas malsekaj. “Do ĵus pluvis” ŝajne logike pensas mi… Sed ja povas esti multaj kialoj, pro kiuj la trotuaroj estas malsekaj. Eble purigistoj ĵus pasis. Eble subite multaj homoj decidis lavi siajn biciklojn surtrotuare. Eble… Oni vidas, ke tia rezono ne validas: el la fakto, ke B veras, oni ne povas dedukti, ke A veras.

Okazas sofismo nomata non sequitur tiam, kiam tiaj konkludoj, kiuj ne logike sekvas la premisojn, estas farataj. Oni tamen atentu, ke temas pri la logika valido de la rezono. La konkludo ja povas esti vera, eĉ se ĝi ne sekvas la premisojn, aŭ se la premisoj ne estas veraj:

Ĉiuj rozoj estas bluaj
Ĉi tiu azeno estas verda
Do ĉi tiu rozo estas rozkolora

Utiligante ĉi tiun sofismon, oni iluzitrompas per ŝajnigo de logika rezonado.

“Nu, oni facile povas distingi ĝin”, mense diros la leganto, pensante pri la ĵus menciitaj silogismoj. La problemo estas, ke ili preskaŭ neniam estas tiel prezentitaj. Ili plej ofte kaŝiĝas, dise, kaj unu el la taskoj de la intelekta memdefendanto estas elfosi ilin…

Freud

Ekzemploj:

  • Oni diris al mi: “Se vi ne manĝos ĉi tiun kaĉon, vi estos enfermita en punlaborejon.” Nu, mi manĝis ĉi tiun kaĉon, do mi ne estos enfermita en punlaborejon.

  • Ĉiuj rabistoj unue ŝtelis ovon. Vi ŝtelis ovon, do vi iĝos rabisto.

  • Tre probable, supera inteligentulo ludis gravan rolon en la ellaborado de l’ universo. Hazardo kaj iu ajn teorio de l’ evoluo do ne povas esti la solaj kaŭzoj de tia perfekto.

  • Vi kritikas la Freŭdan psikanalizon. Freŭdo estis judo. Do vi estas kontraŭjudisto.

La falsa dilemo

Temas proponi nur du malsamrangajn alternativojn, formetante ĉiujn aliajn, tamen eblajn alternativojn. La celo estas malpliigi la elekton al du alternativoj, kiuj ne vere estas kontraŭaj. Finfine, la elekto estas konfiskita kaj la decido limigita.

CorteX_GeorgeWBushJen kelkaj ekzemploj:

  • La Buŝ-argumento: “Kiuj ne estos kun ni, tiuj estos kontraŭ ni”.

  • Se vi ne estas ĉi tia, do vi estas tia.

  • Se vi ne kontraŭas, do vi malkontraŭas.

  • Se vi ne akceptas la komploton de la 11-a de Septembro, vi malkontraŭas Buŝon…

Jen praa rezonmaniero, kie ne estas tria, kvara, kvina vojoj… Ne! Temas pri jino kaj jango, blanka kaj nigra, lumo kaj mallumo de la persa Manianismo de l’ 3-a jarcento. Estas tre disvastigita sofismo, ofte utiligita por kontraŭmeti la “malpli plejmalbonan” alternativon al la plejmalbona:

  • Ĉu nudpiediri aŭ aĉeti ŝuojn fabrikitajn de infanoj en Ĉinujo?

  • Ĉu militon en Irako aŭ lasi tutismon libere disvatiĝi?

  • Ĉu malpermeson de l’ vualo aŭ religian ekstremismon?

La falsa dilemo ankaŭ funkcias pri du malpozitivaj proponoj, kiuj same malpliigas la elektojn. Ĉi tiun falsan dilemon oni nomas “nek-neko”. Ĝi ekzemple kaŝiĝas en ekstremdekstraj frapfrazoj kiel “(Mem elektu landonomon): ŝatu ĝin aŭ ĝin forlasu!”.

Ĉi tiu strategio timindas, ĉar ĝi inside gvidas la debaton, ĝin simpligante al unusola antagonismo. Sed ĉi tiu estas nur ŝajna: la fakto, ke du proponoj interkonkuras, ne nepre sekvigas, ke ili estas kontraŭdiraj. La falsa dilemo estigas iluzion pri “kontraŭdira konkureco”. En la aserto “aŭ vi estas kun ni, aŭ vi estas kontraŭ ni”, oni povas trovi akcepteblajn argumentojn por esti ne “kun ili”, kaj tamen ne esti “kontraŭ ili”: ne estas kontraŭdiro.

Finfine, ambaŭ interkonkurantaj supozoj povas montriĝi malveraj!

Traduk-adaptita de Andreo Hoaro el Richard Monvoisin, Pour une didactique de l’esprit critique [Por didaktiko de l’ kritika spirito], doktora disertaĵo, Grenoblo, Francujo, 2007. Pri la modifoj kaj adaptoj respondecas nur la esperantiginto.

CorteX - dent d'or de Fontenelle

La ora dento de Fontenelle

Jen metaforo utila por reliefigi kelkajn fiksajn ideojn de paranormalistoj.

Certigu ni la fakton antaŭ ol zorgi pri la kaŭzo. Ja malrapida tiu metodo estas por la plejparto, kiu nature kuras al la kaŭzo kaj flankenlasas la verecon de la fakto. Tamen, ni tiel evitos esti mokitaj, pro la malkovro de ĥimeraĵa kaŭzo.

Ĉirkaŭ la fino de la pasinta jarcento, bedaŭrindaĵo tia okazis tiel amuze al kelkaj germanaj scienculoj, ke mi ne povas ne elvoki la aferon ĉi tie.

« En 1593, disvastiĝis la onidiro, ke en la buŝo de sepjara Sileziano, kiu estis perdinta siajn laktodentojn kreskis, inter siaj normalaj daŭraj dentoj, unu kiu estis ora. Horstius, profesoro de medicino de la universitato de Helmstadt, raportis, en 1595, pri tiu dento, kaj asertis, ke ĝi estas parte natura, parte mirakla, kaj sendita de Dio al tiu knabo por konsoli kristanojn persekutitajn de la Turkoj. Imagu: kia konsolo, kaj kia rilato inter tiu dento kaj la kristanoj kaj Turkoj! Tiun saman jaron, por ke al tiu ora dento ne manku heroldoj, Rullandus verkis ĝian historion. Du jarojn poste, Ingolsteterus, alia eminentulo, skribe kontraŭstaris al tio, kion pensis Rullandus pri la ora dento, kaj Rullandus tuj faris belan kaj multescian rebaton. Alia famulo nomata Libavius, kolektis ĉion, kio estis dirita pri la dento, aldonante sian propran opinion. Post tiom da erudiciaĵoj, nur mankis, ke ja ora estu la dento. Oraĵisto ekzamenis ĝin, kaj montris, ke ĝi fakte estas tre lerte kovrita per orfolio. Bedaŭrinde, unue venis la libroj, kaj nur poste la oraĵisto. »

Nenio estas pli konforma al la naturo, ol agi tiele en ĉiaj cirkonstancoj. Konfirmas nian malscion ne tiom kio estas ja, sed kies kialon ni ne konas, kiom kio estas ne, kaj kies kialon ni malkovras malgraŭe. Tio signifas ne nur, ke ni ne havas vero-atingigantajn principojn, sed ankaŭ, ke ni havas aliajn, kiuj per malvero kontentiĝas.

Bernard le Boyer, de Fontenelle, Histoire des oracles, ĉapitro IV (1687).

Redaktis unue Richard Monvoisin, esperantigis la kebekan skeptikulon.

Une séance de reiki

Décortiqué – "Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ?", France Inter, janvier 2015

Après avoir écouté l’émission de La tête au carré intitulée « Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ? » (ici), nous en proposons une brève analyse. N’hésitez pas à nous suggérer du contenu pour compléter cette page.

Une séance de reiki
Reiki

 C’est le titre qui m’a donné envie d’écouter l’émission : « Guérisseurs, magnétiseurs, coupeurs de feu… que dit la médecine ?« . Qu’entend-on par « médecine » ? Est-ce le point de vue des médecins, du corps médical que l’on interroge ? Mais cet avis est-il unanime ?  S’agit-il plutôt de l’expertise scientifique sur ces pratiques ? L’émission durant 37 minutes, une retranscription suivie d’analyses phrase par phrase me semblait trop coûteuse. Voilà comment j’ai préféré m’y prendre.

Après une première écoute attentive, j’ai essayé de me remémorer à chaud ce qui m’avait titillé : arguments fallacieux, faiblesses épistémologiques, etc. Lors d’une deuxième écoute, j’ai retranscris textuellement chaque phrase qui méritait selon moi d’être décortiquée. Une troisième écoute m’a permis de corriger des erreurs de retranscription.

J’ai ensuite essayé de réunir les failles argumentatives et les erreurs de raisonnement les plus redondantes. J’ai fait une sélection parmi les phrases ou passages les plus représentatifs des biais présentés. Voila donc un échantillon de ce que l’on peut relever dans cette émission.

Avec Christophe Limayrac (guérisseur, rebouteux , magnétiseur et réflexologue), Isabelle Nègre (médecin anesthésiste réanimateur, spécialiste de la douleur), Isabelle Célestin-Lhopiteau (directrice de l’IFPPC, Institut français des pratiques psycho-corporelles, présidente de l’Association Thérapies d’Ici et d’Ailleurs, psychologue, psychothérapeute au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du Centre hospitalier universitaire Bicêtre). 

  • Des appels au témoignage en guise de preuve d’efficacité spécifique des pratiques présentées

« Combien faudra-t-il de témoignages de patients pour pouvoir simplement donner notre numéro de téléphone dans le service d’un hôpital ? »

 « Comment expliquer que ce que je fais agit très bien, mieux sur les enfants et encore plus sur les nourrissons et les animaux ? »

« L’efficacité parait indémontrée dans ses mécanismes mais suffisamment puissante comme peuvent en témoigner beaucoup de personnes ».

Sur le placebo chez les animaux, nous recommandons la lecture de Francklin D. McMillian.

  • Des prétentions thérapeutiques aussi démesurées que peu précises

« dans l’essentiel des cas on arrive à compenser le manque de résultat qu’il y eu précédemment ».

 « mes mains guérissent ou du moins aident à guérir »

« le magnétiseur est capable de dégager un fluide et ce fluide est capable soit de couper le feu, c’est à dire de dissiper les symptômes de la brûlure, ou au moins aider le corps à se régénérer et faire passer certains troubles »

« le guérisseur c’est quelqu’un qui est capable de guérir tout être vivant » (…) « ça peut être les animaux, ça peut être aussi les plantes »

« avec un minimum d’enseignement ils arriveront à guérir les gens »

 

 

  • Appel à des entités immatérielles

« Mes mains guérissent. »

« Le flux est capable d’aider les gens à se régénérer. »

« Il y en a qui ont un certain potentiel, ce que certains appellent le don, et donc avec un minimum d’enseignement ils arriveront à guérir les gens. »

 

  • Non-utilisation du rasoir d’Occam

En l’occurrence, la croyance en un don des guérisseurs, que nos connaissances actuelles en médecine ne permettraient pas d’expliquer sans faire appel à des capacités extraordinaires :

« Comment vous avez compris que vous aviez ces capacités particulières ? »

« Le magnétisme tout le monde en a. »

« Là il s’agit d’une capacité individuelle d’une personne qui va avoir un don particulier pour une certaine pathologie. »

 

  • Phrases puits

où l’auditeur est noyé dans des concepts peu définis et flous :

« Chez le guérisseur il y a vraiment un travail très intuitif, qui emmène a une relation, une observation globale, très fine, et c’est certainement dans la discussion entre la science la plus rigoureuse et cette réflexion sur l’intuition qui a des choses à créer. »

 

  • Rhétorique de repoussoir

– cet effet puits se trouve aussi dans l’opposition qui est dressée entre une médecine « officielle », et une médecine « traditionnelle », « ancienne », la première ayant une « vision organiciste », insuffisante, la seconde une vision « globale » (mais « très fine »), faisant appel à l’intuition :

« Au niveau de la médecine conventionnelle l’homme a été divisé à l’infiniment petit et on traite l’infiniment petit sans prendre en considération ce qu’il y a autour, et nous guérisseurs on prend l’ensemble, on prend la globalité, et oui effectivement, l’endroit qui est lésé nous intéresse mais on va traiter l’ensemble de la personne, et je pense que ces deux attitudes peuvent être très complémentaires, nous traiter le patient dans sa globalité, et la médecine conventionnelle faire sa spécialité que je ne connais pas, mais l’ensemble pourrait emmener de supers résultats. »

 

  • Faux dilemmes

Dans ces faux dilemmes, peuvent être intriquées plusieurs affirmations (voir Plurium).

« On peut se demander ce qu’il faut préférer, est-ce qu’on peut préférer une thérapeutique dont l’efficacité est démontrée mais faible, ou une thérapeutique dont l’efficacité est indémontrée mais forte. »

Une séance de shiatsu
Shiatsu

Ce faux dilemme incorpore des affirmations qui peuvent passer inaperçues mais qui demandent pourtant à être étayées ; la personne affirme au passage que les thérapeutiques dont elle parle on une efficacité démontrée mais faible, ou une efficacité non démontrée mais forte.  

  • Effet paillasson sur « efficacité »

Je crois qu’une des confusions centrales de cette émission réside dans la confusion  » efficacité non spécifique » et « efficacité spécifique » d’un traitement. Lorsqu’un des intervenants parle d' »efficacité indémontrée mais forte« , je pense qu’il sous-entend que beaucoup de personnes vont mieux après avoir suivi tel ou tel traitement, d’ou l’efficacité qualifiée de forte, mais que l’on n’a pas recueilli ces améliorations lors d’une ou plusieurs études, d’où l’efficacité indémontrée. Le problème est le suivant : on ne peut pas savoir si l’amélioration de l’état de santé des patients constatée (si elle est bien avérée) est liée au traitement ou à d’autres facteurs : effets dits « placebo » (ou effets contextuels, voir par exemple l’excellent article de J. Brissonnet sur le sujet), évolution naturelle de la maladie, et tant d’autres etc. Le traitement peut être efficace sans avoir d’efficacité spécifique (liée uniquement aux modalités du traitement en lui-même). A ce sujet, voir « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles ».

Dans cet autre extrait,

« il y a une efficacité qu’on ne peut pas expliquer scientifiquement actuellement, mais il y a une efficacité »

il est plus raisonnable de supposer que l’efficacité « inexpliquée » peut en fait s’expliquer par nos connaissances concernant les effets non spécifiques associés à tout traitement.

Ce qui est assez étonnant, c’est qu’un auditeur prénommé Jean-Paul, envoie durant l’émission un courriel contenant une explication pertinente du phénomène d’évolution naturelle des maladies : 

 « La plupart des affections qui nous affligent tout au cours de notre existence ont tendance à se résoudre d’elles-mêmes, ce phénomène de guérisseurs donne prise à toute pratique rebouteuse ou autre qui prend appui sur ce phénomène de guérison spontanée pour se vendre comme efficace. »

À cela, lui est répondu :

« C’est un argument qui tient la route puisqu’il y a souvent ce phénomène de régression liée à l’histoire naturelle de toute affection ».

Puis :

« C’est pour ça qu’il faut des études pour qu’on essaie de mieux appréhender l’efficacité »

ce qui est en pleine contradiction avec ce qui a été dit précédemment, la même personne ayant affirmé à plusieurs reprises l’efficacité démontrée des pratiques dont il est question ici. 

À plusieurs reprises les intervenants soulignent les difficultés méthodologiques qu’ils pensent rencontrer pour étayer l’efficacité spécifique de leur pratique : 

« Il y a une difficulté extrême d’évaluer ces pratiques qui vont à l’encontre de nos méthodes d’évaluation qui ne doivent pas dépendre du thérapeute » 

 « L’intervention d’un coupeur de feu va avoir une conséquence sur la cicatrisation et sur la consommation de morphine qui est objectivable mais il n’y a pas d’étude qui soit méthodologiquement valable, c’est pas publié, on observe des choses, on peut constater que ces patients vont mieux, consomment moins d’antalgiques, mais encore une fois il manque une vraie évaluation qui soit scientifiquement valable, ce qui est une vraie difficulté, alors peut-être que ces méthodes d’évaluation ne sont pas adaptées, alors peut-être que d’une manière générale elles ne sont pas adaptées à des notions de bien-être et de vision globale du corps »

Pourtant, de nombreux guérisseurs, magnétiseurs, voyants et autres personnes pensant avoir un don, une capacité particulière, ont déjà été testés de manière rigoureuse, au sein par exemple du laboratoire zététique de Nice, ou même à Grenoble (voir La Kinésiologie Appliquée à l’épreuve du CORTECS, ou le protocole magnétiseur de l’Observatoire zététique). Une autre intervenante est pour sa part plus optimiste quant aux possibilités de tester les capacités de ces praticiens : 

« Pour nous tester il suffirait de nous mettre en présence de pathologies et de tester nos capacités ».

C’est pourtant très facile de montrer l’efficacité propre de ces soins ? Au sein du CORTECS, nous serions ravi.e.s de pouvoir collaborer et élaborer des protocoles avec des personnes qui souhaiteraient tester leurs capacités.  

ND 

À écouter ou lire – Des vers de terre et des hommes, Marcel Bouché

Hermaphrodites et aveugles, les lombriciens, plus connus sous le nom de « vers de terre », jouent un rôle fondamental dans les écosystèmes. Peu connus et étudiés, ces artisans de la fertilité des sols constituent une part importante de la masse animale des terres émergées, plus importante que celle constituée par les humains. Nous vous présentons ci-dessous deux documents permettant de découvrir ces animaux grâce aux travaux de Marcel Bouché, géodrilogogue (spécialiste des lombriciens) francophone. 

Couverture du livre Des vers de terre et des hommesIl y a d’abord cet ouvrage dense, parfois ardu (Marcel Bouché recommande lui même de sauter certains chapitres) mais ô combien captivant : Des vers de terre et des hommes, chez Actes Sud, 2014. Dès les premières pages, l’auteur nous cite un passage du livre que Charles Darwin a consacré aux vers de terre en 1881, ce qui nous met dans l’ambiance : « La charrue est une des inventions les plus anciennes et les plus importantes de l’homme, mais longtemps avant qu’elle n’existe, le sol était de fait labouré régulièrement par les vers de terre et il ne cessera jamais de l’être encore. Il est permis de douter qu’il y ait beaucoup d’autres animaux qui aient joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure. » (On notera le « inférieur », opposé à supérieur, qui montre l’ordonnancement moral des espèces à l’époque, dans l’arbre phylogénétique).

Marcel Bouché prend le temps de déconstruire quelques idées reçues et réticences que l’on pourrait avoir envers les vers de terre, expliquant par exemple qu’il y a autant de ressemblances entre un ver blanc et un ver de terre qu’entre un crabe et un lapin. Il présente longuement et scrupuleusement tout ce que l’on sait de leur anatomie, leur histoire, leur physiologie, etc… Il précise surtout leur importance dans l’environnement, constituant ainsi un plaidoyer en faveur de leur intérêt en sciences et une critique de certaines applications techno-politiques dans le champ de l’environnement (le chapitre III est particulièrement savoureux à cet égard).

Photo de Marcel Bouché, cet expert des vers de terreGrâce à cette émission de France Culture de septembre 2014, il est aussi possible d’écouter Marcel Bouché en bêchant, en plantant, en semant… mais inutile de labourer car ces petites bêtes s’en chargent pour nous !

Télécharger. Page de l’émission.

ND