Depuis deux ans, ils cravachent à nous enseigner les rudiments de l’épistémologie de l’informatique. Ils ont sauvé le site cortecs.org des griffes d’attaques pirates. Ils nous apprennent à comprendre ce qu’est le Net, ce qu’est réellement un courriel, et comment mettre les mains dans le cambouis derrière les écrans mordorés de nos ordinateurs. Il était temps qu’on leur dise merci, à Ismaël Benslimane et Julien Peccoud. En photo, leurs efforts, nuit et jour. Une série télévisée leur a été consacrée, The big bang theory : ils ont servi de modèles pour les personnages de Sheldon Cooper (en beige) et Leonard Hofstadter (assis sur le canapé).
Author: Richard Monvoisin
Stage doctoral "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme"
Nouveau stage doctoral « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » – De l’éthique à l’université. Deux stages prévus, co-dirigés par Guillaume Guidon et Richard Monvoisin.
Inscriptions au DFI (service Doctoral pour la Formation, l’Initiation et l’insertion professionnelles de l’Université de Grenoble)
Stage 1 : lun 17, mar 18 et lun 24 novembre 2014
Stage 2 : lun 23, mar 24 février et lun 2 mars 2015
Objectifs visés :
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Analyser les postures idéologiques sous-jacentes en science et questionner sans complaisance le statut, les enjeux et le rôle de la science.
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Créer un outil pédagogique critique exploitable durant le stage.
Résumé :
« Sapience n’entre point en âme malivole, et science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».
Rabelais, « Pantagruel » (1532)
Sur quelle base porter un jugement moral sur une action ? Faut-il juger une invention, ou une grande découverte scientifique, au regard de ses conséquences pratiques ou prévisibles ?
Faut-il condamner l’inventeur du couteau, ou Einstein pour ses théories en physique ayant permis la bombe atomique ? D’un autre côté, innover, inventer n’est-il pas un droit, voire un « devoir moral », récompensé par l’institution ? Faut-il freiner les études scientifiques au nom de leurs conséquences ultérieures ?
Nous verrons à travers ce stage comment il est possible de mobiliser la raison dans les réflexions éthiques, et de bien cerner les parts subjectives de nos analyses. Nous essaierons de montrer, à quatre voix, dans un tiraillement entre conséquentialisme et déontologisme, que le questionnement est récurrent : si je fais ceci plutôt que cela dans telle situation, au nom de quoi pourrais-je dire que ma décision est la bonne ? Cette question est rendue d’autant plus piquante que nous, enseignants et chercheurs, faisons profession d’intellectuels : avons-nous une responsabilité plus grande dans nos choix moraux ?
Au moyen d’outils simples, et de bases épistémologiques claires, nous développerons une grille d’analyse de grands sujets et des grandes notions éthiques, et voyagerons au travers de trois thématiques aux objets différents, mais aux impacts sociopolitiques majeurs :
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la santé,
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l’histoire et sa mémoire,
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et la science politique.
Le troisième jour permettra aux doctorant.e.s de s’emparer d’un sujet posant un problème éthique, de le décortiquer en groupe et d’en faire un outil pédagogique sur le site de ressources critiques www.cortecs.org.
Résumé technique :
Stage en 2j +1
Max : 12
Responsables : Guillaume Guidon, Richard Monvoisin
Intervenant-es : Clara Egger, Nicolas Pinsault
Jour N°1
- Introduction – R. Monvoisin
Grands courants de la philosophie morale – Illustrations et limites de chacune
Déontologisme et conséquentialisme. Que fournit la science aux débats moraux ? Réalisme et matérialisme méthodologique.
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Science et santé – N. Pinsault
Réflexions critiques sur la notion de maladie et de bien-être.
Interactions art du soin / données scientifiques. Légitimité du placebo. Alternatives. Libre choix. Nouvelles technologies. Marché. Liens d’intérêts. Dépendance santé / industrie. Secret médical.
Jour N°2
-
Éthique et sciences politiques – C. Egger
Sciences politiques et positionnements éthiques.
Discours creux. Analyses grossières. Vernis de scientificité et concepts flous. Leurs dangers dans l’explication du monde politique et social. Propagandes et idéologies. Rôle de l’intellectuel.
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L’Histoire et sa mémoire – G. Guidon
Enjeux éthiques, politiques et sociaux de l’Histoire.
Instrumentalisation, révisionnismes et négationnismes.
Invention de mythes et roman national. Problématique des lois mémorielles.
Cours spécialisé « Sciences et pseudosciences politiques »
Sciences et pseudosciences politiques : un nouveau cours spécialisé à l’Institut d’études politiques de Grenoble, créé par C. Egger et R. Monvoisin. Début des cours amphi E de sciences Po, le 23 septembre 2014, puis cours tous les lundi de 17h30 à 19h.
Polycrise, arc terroriste, choc des civilisations, jonction des extrêmes, hausse de la délinquance : qu’elle soit le fait d’experts auto-consacrés, d’anciens ministres, de chefs d’État ou de militants de partis, la science politique se voit couramment submergée par des formes de discours aussi seyants que creux. En usant d’un certain vernis de scientificité, de concepts flous, de pseudo-notions souffrant mille acceptions et de demi-preuves ourlées d’analogies douteuses, ces discours prétendent à une vraisemblance dans leur explication du monde politique et social. Or la science politique repose sur une épistémologie suffisante pour dégonfler les baudruches, exiger des corpus de faits tangibles et ne pas souffrir d’approximations douteuses. Rappeler les outils dont elle dispose contribue grandement à clarifier le débat publique sur des enjeux clivants. À partir de sujets stimulants, ce cours propose dans un premier temps de présenter des outils simples pour appréhender les discours sur la politique de façon critique. Nous verrons ensuite comment ces outils peuvent être mobilisés pour cerner les dévoiements politiques à des fins idéologiques. L’objectif de l’enseignement est de rappeler aux étudiant.e.s ce qu’est la démarche intellectuelle scientifique contraignante, et de leur donner les moyens de repérer les biais de raisonnement principaux, les rhétoriques fallacieuses et les entreprises de manipulation. Par contraposée, en maîtrisant bien les biais classiques, ce séminaire donnera l’opportunité aux étudiants de mener leur propre travail d’investigation et de recherche en science politique, de manière rigoureuse et dépassionnée, sur des controverses actuelles.
Contenu prévu :
- Mensonges médiatiques et manipulation de l’image
Outils : images ; conflits d’intérêt ; fabrique de l’opinion ; appel au sentiment ; carpaccios ; storytelling ; grands stéréotypes.
- La pensée à coups de hache : déconstruire les notions-valises
Outils : effet impact, métonymies ; effet puits, Barnum, mots fouines, effet de validation subjective, biais de confirmation d’hypothèse.
- Science politique & chiffres
Outils : démarche scientifique ; faits ; causalités ; statistique ; monisme méthodologique vs. spécificité des sciences sociales ; paradoxes mathématiques classiques ; illusions de probabilité…
- Métaphores sclérosantes
Outils : affaire Sokal ; imposture intellectuelle ; concepts nomades ; analogies.
- Science politique, historique et idéologie
Outils : intrusions spiritualistes ; progressisme hégélien ; négationnismes ; complotismes ; deus ex machina… histoire de garde ; révisionnismes ;
- Déconstruire les argumentaires
Outils : sophismes et paralogismes classiques ; manœuvres dilatoires ; erreurs logiques.
- Décortiquer les systèmes de domination
Outils : sociologie critique ; études de genre ; théories racialistes ; anthropologie du XIXe ; spencérisme ; antispécisme.
- Propagande, manipulation des idées, dissonance cognitive
Outils : propagande, introduction aux mécanismes de base de psychologie sociale et aux méthodes de
manipulation ; état agentique.
- Philosophie morale expérimentale et décorticage des axiomes moraux de la science politique
Outils : conséquentialisme, utilitarisme, déontologisme et applications directes aux thèmes politiques
Recension – Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique
Livre sympathique à lire, sur les grands combats entre individus lorgnant le pouvoir en France. Mitterrand – Chirac, Chirac – Balladur, Rocard – Mitterrand, Jospin – Fabius, Hollande – Royal, Sarkozy – De Villepin, etc. Hélas, un recours à la psychanalyse tout à fait désuet plombe un peu le propos.
Le constat est tout de même accablant : de ces grandes luttes, il n’y a rien, strictement rien qui relève du débat d’opinion, de l’expertise politique ou de joutes économétriques. Non, il s’agit de pure realpolitik, de jeux d’extermination où tous les coups sont permis. L’essentiel des personnages ont pour seul engagement un parti, choisi non pour ses valeurs, mais pour ses capacités à les mener au pouvoir. On ne lit aucune préoccupation du bien public ou du traitement des plus vulnérables de la société. C’est la même froideur que l’on retrouve dans la mini-série « L’école du pouvoir », de Raoul Peck (2009), retraçant la promotion Voltaire de l’Ecole Nationale d’Administration ; la même incurie intellectuelle de l’ENA telle que montrée dans l’excellent livre Ubu Roi, d’Olivier Saby, déjà chroniqué ici.
Seul bémol : plutôt que de contacter de vrais compétences pour l’analyse des caractères de ces tristes sires, les auteurs (Henri Vernet, du Parisien, et Renaud Dély, du Nouvel Observateur) passent par l’ « expertise » du psychanalyste Serge Hefez, à la grille d’analyse freudienne, ce qui fait passablement rigoler quand on connaît l’immense marais qu’est le freudisme.
Dans Le livre noir de la psychanalyse (Arènes, 2004), Borch-Jacobsen parle de la psychanalyse comme d’une théorie zéro, qui dit tout et rien. C’est criant ici.
Exemples.
- p 16 : « Dans le jeu politique, le crime est permis ; on peut tuer, sauf qu’on ne tue pas vraiment, le crime est d’ordre du symbolique », comme le souligne Serge Hefez.
Contenu de la phrase = 0
- p 48 « La rivalité entre frères pour accéder à la fonction paternelle, pour s’imposer en successeur du père, c’est classique, cela relève de l’émulation », décrypte le psychanalyste Serge Hefez.
(à propos de gens qui ne sont pas frères, et qui veulent arriver au poste de président, qui n’est pas une fonction paternelle)
Contenu de la phrase = 0
- p 131-2 à propos de Rocard maltraité par Mitterrand. « L’intéressé se retrouva immédiatement dans une situation de sujétion d’autant plus terrible qu’elle n’était pas seulement institutionnelle, mais aussi psychologique, presque psychanalytique ». Ah bon ?
je ne sais pas la qualité des soins proposés par Serge Hefez. Mais la teneur de ses livres a le charme des théories mortes Dans La Sarkose obsessionnelle, Hachette Littératures (2008), il affirme analyser le narcissisme de la société française à travers celui de Nicolas Sarkozy…
De quoi alimenter un bêtisier psychanalytique. Dommage.
Renaud Dély, Henri Vernet, Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique, Calmann-Lévy (2011)
RM
Le dragon dans le garage de Carl Sagan et Ann Dryuan
Du matériel pédagogique simple, surpuissant et qui crache du feu, voilà ce qui devrait meubler utilement quelques inter-classes.
Dans la série des objets conceptuels qui vont de la dent de Fontenelle à la parabole du réservoir d’eau de Bellamy en passant par le dieu des trous ou la théière de Russell (à venir), voici un incontournable de la pensée sceptique contemporaine : le dragon un peu spécial, planqué dans le garage de Carl Sagan et Ann Dryuan.
Carl Sagan – pas de lien connu avec Françoise Sagan – était astrophysicien, célèbre entre autres pour la série télévisée Cosmos, et le best-seller du même nom, et connu chez les sceptiques comme co-fondateur avec Kurtz, Asimov, Randi et d’autres du CSICOP (Committee for the Scientific Investigation of Claims of the Paranormal), devenu depuis le CSI (Committee for Skeptical Inquiry), et qui a inspiré un certain nombre de groupes de zététique / de scepticisme / de libre pensée / d’humanisme séculier.
Certains morceaux du livre The Demon-Haunted World: Science as a Candle in the Dark de 1995 (Ballantine books) ont été écrits avec sa femme qu’on oublie trop souvent, Ann Dryuan. Comme il est fréquent chez les scientifiques, comme pratiquement partout ailleurs, de voir le rôle des femmes évincé, il m’a semblé juste de rappeler que, quoi qu’en ait gardé la postérité, ce livre fut écrit à quatre mains.
Le/laquel-le a écrit le chapitre 10 ? Peu importe, y est développée l’image du dragon planqué dans son garage. Sous ses airs simples, ce dragon permet à l’enseignant-e d’introduire en peu de temps :
- le problème de la charge de la preuve
- la réfutabilité d’une hypothèse
- la notion d’hypothèse ad hoc
- le principe d’économie d’hypothèse, ou rasoir d’Occam.
Il peut être remplacé – j’ai essayé – par le détraqueur* dans mes toilettes sèches au fond du jardin, qui marche tout aussi bien.
Voici le texte original.
« UN DRAGON CRACHANT DU FEU VIT DANS MON GARAGE »
« Un dragon crachant du feu vit dans mon garage ». Supposez que je vous affirme cela sérieusement.
Vous voudriez certainement le vérifier, le voir de vos propres yeux. Il y a eu d’innombrables histoires de dragons à travers les siècles, mais jamais de preuves. Quelle opportunité!
« Montrez le moi » dites-vous. Je vous emmène à mon garage. Vous regardez à l’intérieur et vous voyez une échelle, des pots de peinture vides, un vieux tricycle, — mais pas de dragon.
« Où est le dragon ? » demandez-vous.
« Oh, il est juste là, » je réponds en remuant vaguement le bras. « J’ai oublié de préciser qu’il s’agit d’un dragon invisible. »
Vous me proposez de répandre de la farine sur le sol du garage pour avoir les empreintes du dragon.
« Bonne idée » dis-je, mais ce dragon flotte en l’air. »
Alors vous utiliserez un capteur infrarouge pour détecter le feu invisible.
« Bonne idée, mais le feu invisible ne dégage aucune chaleur. »
Pourquoi ne pas utiliser un spray de peinture pour le rendre visible ?
« Bonne idée, mais c’est un dragon immatériel, et la peinture n’y adhérera pas ».
Et ainsi de suite… Pour chaque test que vous proposez, je trouve une manière d’expliquer pourquoi cela ne fonctionnera pas.
Maintenant, quelle est la différence entre un dragon flottant dans les airs, invisible et immatériel, crachant du feu sans chaleur, et pas de dragon du tout ?
S’il n’y a aucun moyen de vérifier mon affirmation, ni aucune expérimentation concevable ne pouvant l’infirmer, que cela signifie-t-il de dire que mon dragon existe ? Votre impuissance à invalider mon hypothèse n’est pas la même chose que de prouver qu’elle est vraie.
Des affirmations qui ne peuvent être vérifiées, des assertions immunisées contre toute réfutation sont vraiment sans valeur, peu importe le pouvoir qu’elles ont à nous inspirer ou exciter notre sens du merveilleux. Ce que je vous demande, c’est d’en venir à me croire, en absence de toute preuve, simplement sur parole.
La seule chose que vous avez réellement apprise de mon insistance à affirmer qu’il y a un dragon dans mon garage, c’est que quelque chose ne tourne pas rond dans ma tête.
Vous vous demanderez, si aucun test ne peut être entrepris, ce qui m’a convaincu. La possibilité qu’il s’agisse d’un rêve ou d’une hallucination vous aura certainement effleuré l’esprit. Mais alors, pourquoi est-ce que je le prends autant au sérieux ? Peut-être ai-je besoin d’aide ? Au mieux, peut-être ai-je sérieusement sous-estimé la faillibilité humaine.
Imaginez que, en dépit de l’échec de tous les tests, vous souhaitiez être scrupuleusement ouvert d’esprit. Ainsi vous ne rejetez pas catégoriquement le fait qu’il y ait un dragon cracheur de feu dans mon garage. Vous suspendez simplement votre jugement. Pour l’instant, l’évidence semble aller fortement à l’encontre, mais si jamais de nouvelles données apparaissaient, vous seriez prêt à les examiner pour voir si cela pourrait vous convaincre.
Sûrement que ce n’est pas très fairplay de ma part d’être offensé de n’être pas cru; ou de vous critiquer pour être si balourd et peu imaginatif — simplement parce que vous avez rendu le verdict: « non prouvé ».
Imaginons que les choses se soient passées autrement. Le dragon est invisible, très bien, mais vous voyez des empreintes se faire dans la farine devant vous. Votre détecteur infrarouge s’affole. La peinture en spray révèle une crête en dent de scie dansant comme un bouchon à la surface de l’eau juste devant vous. Peu importe combien vous avez été sceptique à propos de l’existence des dragons (pour ne rien dire de ceux qui sont invisibles) vous devez vous rendre à l’évidence qu’il y a là quelque chose, et qu’à première vue, ce n’est pas incompatible avec un dragon invisible.
Un autre scénario à présent : supposons qu’il n’y ait pas que moi, supposons que plusieurs personnes de votre connaissance, qui ne se connaissent pas entre elles, vous affirment tous qu’il y a des dragons dans leur garage, mais dans tous les cas, sans aucun début de preuve. Chacun de nous admettons que nous sommes un peu gênés d’avoir une conviction si étrange et tellement peu vraisemblable et ne reposant sur aucun indice concret.
Aucun de nous n’est fou. Nous spéculons sur ce que cela signifierait si des dragons se cachaient réellement dans des garages dans le monde entier, et que nous humains, venions juste de le comprendre. Je préférerais que ce ne fût pas vrai, je vous le dis. Mais peut-être que tous ces antiques mythes chinois et européens au sujet des dragons ne sont pas du tout des mythes. Après tout quelques empreintes de dragons dans la farine ont déjà été relevées. Cependant elles n’ont jamais été faites devant les yeux d’un sceptique. À y regarder de plus près, il semble clair que ces empreintes puissent avoir été des faux. Un autre dragonophile rapporte qu’il a eu les doigts brûlés par une rare manifestation physique du souffle brûlant du dragon. Mais nous comprenons qu’il y a bien d’autres façons de se brûler les doigts en dehors du souffle enflammé des dragons invisibles.
De telles preuves (peu importe combien les avocats du dragon leur donnent de l’importance) sont bien loin d’être satisfaisantes. Une fois encore, d’un point de vue raisonnable, la tentation est de rejeter l’hypothèse des dragons invisibles, tout en restant ouvert à d’hypothétiques nouvelles données physiques, et surtout de se demander quelle pourrait être la cause de l’illusion partagée par tant de personnes qui paraissent pourtant toutes sobres et saines d’esprit.
Merci à http://pjkanywa.blogspot.fr pour le dragon.
*Note : un détraqueur (dementor en anglais) est la plus sordide créature, à mon avis, de l’univers de Harry Potter, de J. K. Rowling.
GRENOBLE – Jacques van Rillaer et le freudisme
Jacques Van Rillaer, co-auteur du Livre Noir de la psychanalyse, fait une tournée grenobloise du 23 au 25 septembre 2014. Quatre événements de désintoxication du freudisme sont au programme (tous gratuits, bien entendu).
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Mardi 23 de 17h à 19h, dans le cours « Zététique & autodéfense intellectuelle » de R. Monvoisin (Amphi Weil), Jacques parlera environ une heure sur Le dévoilement de quelques légendes freudiennes. Des historiens, la plupart admirateurs du génie de Freud en commençant leurs enquêtes, ont découvert progressivement que Freud n’était pas le savant intègre qu’ils avaient imaginé. Freud a menti sur les effets de sa méthode et sur des observations. Il a négligé de citer des sources d’idées prétendument originales. Il a considéré ses opposants comme des malades. C’est plus un conteur qu’un homme de science.
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Mercredi 24, de 13h à 13h30, l’auteur introduira la conférence du soir dans les Ateliers de l’information de la bibliothèque des sciences. Titre : «Le freudisme : un conte scientifique ?», suivi de questions. Partant du commentaire fait par Krafft-Ebing d’une conférence de Freud : « cela ressemble à un conte scientifique », on montrera que Freud, qui croyait que sa place était à côté de Copernic et Darwin, est à placer à côté de Charles Perrault et les frères Grimm, les auteurs de contes.
- Mercredi 24, 19h30, (Amphi Weil) après une introduction par le CORTECS, conférence plénière Le freudisme : un conte scientifique ? co-organisée avec Interpsy.
- Jeudi 25, cours « La nouvelle gestion de soi« , par Jacques Van Rillaer, IUT Carrières sociales, 10h-12h
(Pour plus de détails, voir l’agenda en page d’accueil).
Maçon privé de ses outils : suppression de l'émission "Là-bas si j'y suis", sur France Inter
Dernière nouvelle, l’émission migre sur le Net pour 2015. Il est possible de soutenir en souscrivant ici. Nous y allons derechef.
Là-bas si j’y suis supprimée des ondes hertziennes de France Inter et pour des raisons comptables : c’est un coup dur pour la pensée critique. Cependant, il est possible de ne pas se laisser faire, et de maintenir un des rares îlots de journalisme d’investigation.
Là-bas si j’y suis est une vieille émission tout à fait hors norme. D’un gauchisme parfois un peu granuleux, elle fait appel à une batterie de reporters infatigables, sur des sujets rarement abordés, avec un progressisme qui n’a guère d’égal. Depuis plus de dix ans que j’écoute, puis que je télécharge (en balladodiffusion ou directement sur le site flibustier la-bas.org) les émissions orchestrées par Daniel Mermet, j’ai pu piocher un grand nombre de matériels pédagogiques, sous forme de plages entières ou d’extraits, que j’ai pu utiliser dans mes cours d’autodéfense intellectuelle. Depuis les émissions sur les visiteurs médicaux à celles sur l’histoire populaire de certaines luttes (voir nos pages ici ou là), en passant par les entrevues de Shlomo Sand, de Eric Hobsbawm, et tant d’autres.
Je ne compte plus la teneur de ma dette envers ce programme. Sur les 30 ou 40 émissions que j’écoute régulièrement, moyennant un tri préalabale selon les sujets abordés, je dirais que là-bas, comme l’appelle ses intimes, m’a autant apporté de contenu que, par exemple, Rendez-vous avec X de Patrick Pesnot, ce qui n’est pas peu dire. Et ceci en me faisant parfois rire, parfois pleurer, alors que X n’a jamais réussi à m’arracher une larme. Ce n’est pas pour rien que là-bas est probablement l’une des rares émissions à avoir fait germer des « cafés-repaires » de-ci de-là dans toute la France, sur des initiatives personnelles ( au nombre de 187 si j’ai bonne mémoire).
Les raisons invoquées pour la suppression de l’émission sont douteuses, et sont le fruit de logiques comptables assez bien décortiquées par l’article ci-dessous qu’a publié Action Critique Média le 30 juin 2014 (qui est également en péril, soit dit en passant, voir en bas). Au-delà de la personnalité de l’animateur, c’est un des rares bastions de presse libre et investigatrice qui disparaît. Comme le maçon a qui on retirerait ses outils, c’est en tant qu’intellectuel de profession que je réclame au service public de replacer cette émission en la confiant, comme c’était prévu, aux jeunes reporters qui l’ont nourrie.
Il existe une pétition en ligne, ici. Mais il est possible d’aller plus loin
- en écrivant au service auditeurs de France Inter (ici),
- ou en souscrivant à une stratégie collective naissante (là). L’émission migre sur le Net, et il est possible d’y souscrire ici.
Richard Monvoisin
France Inter : suppression de « Là-bas si j’y suis » et autres sévices publics (Communiqué d’Acrimed, le 30 juin 2014)
Les directions des radios publiques se suivent et se ressemblent. Ne consultant que leurs états d’âme, leurs amitiés et leurs inimitiés, elles composent et recomposent les programmes à leur goût. De Laure Adler sur France Culture (secondée par Laurence Bloch) à Philippe Val sur France inter (secondé par Laurence Bloch), on ne compte plus les invitations discrétionnaires et les suppressions abusives, décidées en tout arbitraire. Laurence Bloch, désormais cheffe de France Inter (probablement secondée par elle-même), est en train d’en administrer une nouvelle fois la preuve.
L’oukase est tombé de la bouche de la nouvelle directrice de France Inter dans une interview accordée vendredi 27 juin à un site spécialisé dans les médias : « Là-bas si j’y suis » serait supprimé en septembre. Et comme les nobles causes requièrent la plus grande habileté managériale, le verdict a été rendu après la dernière émission de la saison pour épargner à l’équipe de « Là-bas si j’y suis », la tentation d’en appeler, au micro, à la mobilisation des auditeurs !
Bilan : la direction de France Inter réengage Demorand (tout auréolé de ses exploits à Libération…) et dégage Mermet. Le premier serait « extraordinaire » et le second trop vieux.
Passons sur l’âge du capitaine : non seulement, il ne lui est pas opposable juridiquement puisqu’il est lui-même en CDD, mais surtout Daniel Mermet (dont les relations avec certains de ses collaborateurs ont fait l’objet de vives critiques [1]) avait prévu de passer progressivement la main aux (plus jeunes) reporters de l’équipe au cours de la saison prochaine. Cette décision était connue de la direction de France Inter qui, après avoir fait mine de la prendre en compte, l’a subitement ignorée !
Autre motif invoqué : l’audience quantitative de l’émission qui aurait « perdu 100 000 auditeurs en deux ans ». Cet argument comptable est avant tout un argument faussé puisque cette audience se maintient à des niveaux très élevés, avec près de 450 000 auditeurs chaque jour – alors même qu’elle était descendue aux alentours de 150 000 auditeurs après la décision de la direction d’imposer le déplacement de l’émission de 17h à 15h en 2006. Mais surtout cet argument omet l’essentiel : l’audience d’une émission – du moins sur le service public, on veut encore le croire – est essentiellement qualitative ; elle se mesure aux rapports que les auditeurs entretiennent avec ce qu’ils écoutent !
Laurence Bloch – on l’a dit – ne nous est pas inconnue. C’est en effet une virtuose. Réputée pour le rôle qu’elle a joué auprès de Laure Adler dans le processus de normalisation de France Culture en 1999 et au début des années 2000, elle l’est sans doute moins pour avoir incité Elisabeth Lévy (selon le témoignage de celle-ci) à priver Acrimed de tout accès à l’antenne de France Culture. Elle mérite également d’être saluée pour avoir, en 2004, tenté d’interdire la programmation dans un festival d’un documentaire radiophonique sur la Palestine. Plus récemment, Laurence Bloch s’est également distinguée pour avoir en 2010 congédié Florent Chatain (qui « après avoir enchaîné, « 180 contrats de producteur » souhaitait « obtenir un CDI au sein du groupe Radio France » »), en affirmant sans sourciller : « « [il] n’a pas été viré […], son contrat n’a simplement pas été renouvelé » ». (« Un journaliste présentateur de France Inter est congédié », Mediapart, le 27 août 2010. Article payant).
Les contrats précaires, quand ils n’incitent pas à la docilité, favorisent tous les abus de chefferie. Certes, des « collaborations », « plutôt pour l’été », auraient été proposées à Daniel Mermet et la direction affirme que « tous ses collaborateurs auront une place dans l’univers et l’héritage de « Là-bas si j’y suis » », mais rien n’est acquis, et tous, dans l’équipe de l’émission, comme parmi les auditeurs, restent dans l’expectative, suspendus au fait du Prince.
Et c’est ce qui est en cause ici. La suppression de « Là-bas si j’y suis » n’est pas seulement un coup porté à la diversité des pratiques et des formats journalistiques, au pluralisme de l’information et à la qualité du service public. Cette décision est aussi le signe que ses dirigeants, singeant ceux du privé, se comportent en véritables propriétaires du service public radiophonique, du coup soumis à l’arbitraire de leur inspiration ou de leurs envies du moment…
Notes
[1] Nous ne retirons rien de ce que nous avons écrit à propos des relations de Daniel Mermet avec certains de ses collaborateurs dès 2003 (nous étions alors bien seuls…), puis en 2004 et enfin, en 2013 (« A notre avis », en fin d’article). Précision donnée à la suite de l’interpellation de plusieurs internautes.
Magnifique appel à la pitié pour Acrimed. En savoir plus pour aider cette association unique, ici.
Charlie Hebdo cause de "Tout ce que vous n'avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles"
Charlie Hebdo parle du bouquin CORTECS sur les thérapies manuelles.
Antonio Fischetti, le spécialiste des dérives sectaires à Charlie Hebdo, a voulu tout savoir de « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles« . Alors il l’a lu. Et il en dit ça.
Bi-standard et biais du monde juste : une question d’« équilibre », par Serge Halimi
L’effet bi-standard est sournois, et peut, adossé au biais du monde juste, se tapir dans les discours des plus érudits. En voici un exemple, absolument tragique puisque tiré de la terrible actualité du conflit israélo-palestinien, décrypté par Serge Halimi.
Cet article a été publié dans le Monde Diplomatique d’août 2014, en édito. Version en ligne ici.
Une question d’« équilibre »
L’expédition punitive de l’armée israélienne à Gaza a réactivé l’une des aspirations les plus spontanées du journalisme moderne : le droit à la paresse. En termes plus professionnels, on appelle cela l’« équilibre ». La chaîne de télévision américaine d’extrême droite Fox News se qualifie ainsi, non sans humour, de « juste et équilibrée » (fair and balanced ).
Dans le cas du conflit au Proche-Orient, où les torts ne sont pas également partagés, l’« équilibre » revient à oublier qui est la puissance occupante. Mais, pour la plupart des journalistes occidentaux*, c’est aussi un moyen de se protéger du fanatisme des destinataires d’une information dérangeante en faisant de celle-ci un point de vue aussitôt contesté. Outre qu’on n’observe pas ce même biais dans d’autres crises internationales, celle de l’Ukraine par exemple (lire « Médias français en campagne ukrainienne »), le véritable équilibre souffre pour deux raisons. D’abord parce que, entre les images d’un carnage prolongé à Gaza et celles d’une alerte au tir de roquettes sur une plage de Tel-Aviv, une bonne balance devrait pencher un peu… Ensuite, parce que certains protagonistes, israéliens dans le cas d’espèce, disposent de communicants professionnels, tandis que d’autres n’ont à offrir aux médias occidentaux* que le calvaire de leurs civils.
Or inspirer la pitié ne constitue pas une arme politique efficace ; mieux vaut contrôler le récit des événements. Depuis des décennies, on nous explique donc qu’Israël « riposte » ou « réplique ». Ce petit État pacifique, mal protégé, sans allié puissant, parvient pourtant toujours à l’emporter, parfois sans une égratignure… Pour qu’un tel miracle s’accomplisse, chaque affrontement doit débuter au moment précis où Israël s’affiche en victime stupéfaite de la méchanceté qui l’accable (un enlèvement, un attentat, une agression, un assassinat). C’est sur ce terrain bien balisé que se déploie ensuite la doctrine de l’« équilibre ». L’un s’indignera de l’envoi de roquettes contre des populations civiles ; l’autre lui objectera que la « riposte » israélienne fut beaucoup plus meurtrière. Un crime de guerre partout, balle au centre, en somme.
Et ainsi on oublie le reste, c’est-à-dire l’essentiel : l’occupation militaire de la Cisjordanie, le blocus économique de Gaza, la colonisation croissante des terres. Car l’information continue ne semble jamais avoir assez de temps pour creuser ce genre de détails. Combien de ses plus gros consommateurs savent-ils, par exemple, qu’entre la guerre des six jours et celle d’Irak, soit entre 1967 et 2003, plus du tiers des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ont été transgressées par un seul État, Israël, et que souvent elles concernaient… la colonisation de territoires palestiniens (1) ? Autant dire qu’un simple cessez-le-feu à Gaza reviendrait à perpétuer une violation reconnue du droit international.
On ne peut pas compter sur Paris pour le rappeler. En déclarant, le 9 juillet dernier, sans un mot pour les dizaines de victimes civiles palestiniennes, qu’il appartenait au gouvernement de Tel-Aviv de « prendre toutes les mesures pour protéger sa population face aux menaces », M. François Hollande ne se soucie plus d’équilibre. Il est devenu le petit télégraphiste de la droite israélienne.
(1) Lire « “Deux poids, deux mesures” », Le Monde diplomatique, décembre 2002.
* NdRM : Seul bémol à ce texte : l’utilisation du mot Occidental, qui n’a pas de définition précise, et sert de cache-sexe à ce qui se rapproche certainement de « capitalisto-chrétiens ».
Fruit, légume et raisonnement dans Pulp Fiction, de Tarantino
Mia Wallace (Uma Thurman) : « Trois tomates se baladent dans la rue. Papa tomate, maman tomate et bébé tomate. Bébé tomate traîne, regarde les belles nanas. Papa tomate se met en rage, lui balance une claque et lui dit : « Qu’est-ce que t’as ? T’es tout rouge ? »
Vincent (John Travolta) : Hum hum.
Pulp Fiction, de Quentin Tarantino et Roger Avary (1994)
Tout le monde connait cette histoire [de la version française – la version US est différente, voir plus bas] et pourtant il y a là une petite erreur de raisonnement.
Du coup on a deux possibilités :
-
Bébé tomate est rouge donc ce n’est plus un bébé, et Papa tomate n’a plus à le corriger sur son attitude envers les belles tomates.
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Bébé tomate est vraiment un bébé alors il n’est pas rouge – il est vert. Il devient rouge lorsqu’il voit les belles nanas. Dans ce cas là, tout se tient mais ça n’a plus rien de drôle…
En attendant, la tomate est un aliment riche en eau, en minéraux, vitamines (A, C, E) et pauvre en calories. C’est l’ingrédient de cuisine le plus consommé dans le monde après la pomme de terre, et se laisse consommer non comme un fruit mais plutôt comme un légume. D’où la question : la tomate est-elle un fruit ou un légume?
Le terme « légume » quant à lui n’est utilisé qu’en cuisine pour distinguer les végétaux que l’on mange salés, des végétaux sucrés. Quand on mange des légumes, on mange en réalité des fruits (poivron, tomate), des fleurs (brocoli), des racines (patate, carotte), des tiges (céleri), des graines (maïs), des feuilles (salade), des algues ou d’autres formes de vie comme les champignons…
Pour conclure :
La tomate est un fruit rouge que l’on mange comme un légume et Bébé tomate a ramassé pour rien…
Merci à Alex Dufour, et à sa version originale.
Note : la blague US est différente, et est un calembour qui traduit en français, ne marche plus.
« Three tomatoes are walking along.. papa tomato, mama tomato and baby tomato. Baby tomato is lagging behind so Papa tomato goes and squishes him and says : catch up«
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=H-oQtJXLb7o]