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Journalisme – Lacunes de rationalité dans le traitement de l’affaire DSK

A moins d’être ummite (voir le dossier Ummo d’Erick Maillot), impossible de n’avoir pas entendu parler de l’affaire DSK, ce scandale impliquant l’ancien président du Fonds Monétaire International.
En une dizaine de jours se sont amoncelés des procédés journalistiques tout à fait surprenants. Au Cortecs, nous nous avons pensé qu’un petit Travail Pratique sur ce sujet pourrait animer vos longues soirées d’été. C’est un TP évolutif, c’est-à-dire qu’à chaque nouvelle trouvaille, nous viendrons compléter le dossier.

Il va de soi que ce TP ne dépend pas de la culpabilité ou non de Dominique Strauss-Kahn, qui n’est pas le propos de cet article.

Exercice à faire

Reprendre une manchette / un journal TV sur DSK, et une manchette / journal TV sur un obscur « délinquant » accusé de viol (appelons-le ODAV, comme Obscur Délinquant Accusé de Viol).

Exemples d’ODAV :

[dailymotion id=xizyzy]

JT de TF1 du 8 août 2010 (le ton de ce JT est moins « à charge » que celui de la veille, on y parle même de présomption d’innocence… jusqu’à la dernière phrase)

[dailymotion id=xizyzl] 

Exemple de reportage sur DSK : TF1, JT du 22 Mai /2011

[dailymotion id=xj065x]

L’effet à mettre en évidence est l’effet bi-standard : le traitement réservé à DSK est bien plus sympathique / atténué que ne l’est celui d’un violeur présumé moyen.

Indicateurs de l’effet bi-standard :

  • présumé : généralement, le complément « présumé » saute pour ODAV, aggravant la tonalité du traitement, alors qu’il est martelé pour DSK. 
  • images choquantes : il est certes interdit de montrer en France quelqu’un menotté depuis la loi Guigou de 2000. Mais alors que les cas où ODAV fut montré menotté n’a pas choqué grand monde (exemple le plus frappant : Michaël Jackson, pourtant lui même loin d’être un Obscur Délinquant), montrer DSK menotté est considéré par de nombreuses personnalités comme « choquant », et les images présentées comme « terribles ».

On pourra se servir de la Revue de presse du Zoom de la Rédaction sur France Inter, 16 mai 2011

 

  • Occultation de la victime : pour ODAV, la gravité est accrue en parlant immanquablement de la victime. Pour DSK, la victime n’est que « présumée », et encore, quand elle est citée – ce qui vaut une levée de critiques féministes, en particulier cette chronique dans Le Monde  du 21 mai intitulée « Sexisme : ils se lâchent, les femmes trinquent » à laquelle il va de soi que nous nous associons.
  • Circonstances : on ne cherche pas de circonstances atténuantes pour ODAV, contrairement à DSK.
Sur ce point, plusieurs méthodes ont été développées
 
1. Confondre violence sexuelle et libertinage, avec des arguments fallacieux du type : 
Ce n’est pas sa faute, il est comme ça, il a une sexualité débordante
C’est un french lover (heureusement que tous les french lovers ne sont pas comme ce qu’on dit de lui)
C’est un mélange français d’amour et de politique, qui témoigne de notre tempérament national (essentialisme)
 
C’est ce que pointe Julie Clarini dans sa chronique sur France Culture du 18 mai 2011

2. Parler de méprise avec une prostituée / femme de chambre

– une prostituée – ce qui laisse présumer de ce qu’on considère comme normal dans le traitement des prostitué-es.

– avec une femme de chambre, qui plus est africaine. Notons en passant que « africaine » = racisme ordinaire. On apprendra plus tard qu’elle est guinéenne, ce qui ne nécessitait pas de grandes recherches, mais que la plupart des journalistes ne firent pas – Diallo étant un nom poular, et son prénom étant typique des filles peuls du Fouta Djallon.

Clarini encore, dans sa chronique du 17 mai, le dit bien mieux que nous.

3. Invoquer des problèmes psychanalytiques dans l’enfance (?) qui expliqueraient ses frasques sexuelles / le viol présumé, ce qui ferait de DSK une victime de ses pulsions
On pourra lire à ce sujet l’article de Brigitte Axelrad sur le site de l’Afis : Affaire Strauss-Kahn : les psychanalystes « se défoulent »

4. Invoquer des problèmes psychanalytiques qui expliqueraient son envie irrépressible de se saborder – de se suicider politiquement – alors qu’il avait course gagnée

Questions d’experts sur France inter pendant les informations du 7-9
  • le 15 mai :
  • le 19 mai :
(DSK a mangé du poisson le 19, ndr)

L’hypothèse d’un acte manqué inconscient est très ennuyeuse car

– elle nécessite un inconscient (ce qui est scientifiqement discuté)

– duquel émergerait des actes manqués contre la volonté du sujet (ce qui est scientifiquement discuté)

– l’hypothèse est irréfutable (au sens de Popper).

Cela pose également la question du recours quasi-systématique au champ psychanalytique dans les médias pour éclairer un point d’actualité. Finalement, en terme de qualité d’information, le « scénario inconscient » ne vaut gère plus que l’intérêt de savoir que DSK a mangé en prison des macaronis au fromage le 18 mai et du poisson le 19.

Allons plus loin : on peut mettre en évidence un effet Pangloss. Maintenant que l’accession à la présidence n’est plus envisageable pour DSK, on ne parle que d’une immanquable victoire s’il avait pu se présenter.

« Un destin exceptionnel », « il avait tout pour réussir », « les socialistes perdent le seul candidat qui avait, dans toutes les configurations possibles, la faveur des sondages. » , « le directeur général du Fonds monétaire international était le favori pour la présidentielle de 2012 » et « favori de la primaire socialiste en vue de la présidentielle française de 2012 », etc. (la mise en gras est de notre fait).

L’effet Pangloss consiste à raisonner à rebours. Ici l’arrestation de DSK pointe l’anéantissement du destin exceptionnel qui l’attendait, un continuum inéluctable DSK= Présidence. On parle désormais d’une vie politique brisée, comme un long couloir qui devait incontestablement conduire DSK à l’Elysée. C’est l’athlète blessé qui, s’il avait participé, aurait remporté toutes les épreuves ou le chercheur qui devait indubitablement aboutir à une découverte scientifique majeure.

Pourtant rien ne garantissait réellement cette possibilité. Rien ne permet donc de mettre en avant ce qui n’était qu’une éventualité, pas même les sondages évoqués récemment, compte tenu des expériences antérieures sur ce genre de pronostiques.

« Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, les commentateurs politiques les plus médiatiques jouent – jusqu’à l’excès – aux petits chevaux de la présidentielle et reproduisent les égarements du passé. Rappelons-nous qu’Édouard Balladur était en tête des sondages jusqu’en février 1995, et qu’il ne fut même pas présent au second tour en mai 1995. Souvenons-nous que Lionel Jospin était donné gagnant en 2002, puis qu’il ne fut même pas présent au second tour. Enfin, si le duel Royal-Sarkozy était dans les bouches de tous les éditorialistes plus d’un an avant le second tour de l’élection de 2007, précisons que la candidate socialiste ne l’a été que parce que des sondages l’annonçaient comme la mieux placée pour l’emporter face au candidat de l’UMP. Le choix ne s’étant pas fait sur le fond, mais simplement sur des anticipations, Ségolène Royal, et les sondologues, ont perdu. » Mathias Reymond, Affaire DSK (1) : des médias orphelins. Voir suite de l’article d’Acrimed

La probabilité de voir DSK élu président s’il avait pu se présenter, devient, par effet Pangloss, l’inévitabilité de sa victoire fictive maintenant qu’il ne pourra pas le faire.

5. La théorie du complot : c’est tellement improbable qu’un monsieur aussi respectable que lui fasse cela, donc il y a complot. Cela tend en outre à faire disparaître le fait que justement, des gens tout à fait respectables commettent des viols, et que le viol est un drame traversant les classes sociales.

6. Raisonnement en faux dilemme : « il aime les femmes, certes, mais c’est quand même mieux que d’aimer les petites filles »

 

Suite de l’exercice : rechercher des sophismes dans les extraits suivants.

  • Répondeur N°1 de D. Mermet, France Inter, 16 mai 2011
  • Répondeur N°2 de D. Mermet, France Inter, 16 mai 2011
  • Journal de midi trente, sur France Culture 15 mai 2011
  • Journal de midi trente, sur France Culture 16 mai 2011

Enfin, pour rire un peu, voici le billet de l’humoriste Sophia Aram sur le traitement médiatique engendré par « L’affaire » DSK et la légèreté de certains journalistes. France Inter – 06/06/2011

Article co-écrit par l’équipe du CorteX

 

Hypothèse de RM : j‘ai la sensation que tout est fait pour éviter de penser qu’un individu aussi « respectable » socialement, politiquement et économiquement puisse se rendre coupable – ou simplement être suspect – d’un crime de viol. Il y a une résolution de dissonance cognitive tout à fait typique : on tend à alléger la balance de l’accusé, et il est très probable qu’on tende à charger la barque de la victime. De la même façon que la reconnaissance du viol conjugal a mis très longtemps à être reconnu, il semble que ce soit difficile de reconnaître que l’abominable, même présumé, puisse être potentiellement en nous. Ça me fait penser à toutes ces fabrications médiatiques du Monstrueux, de Hitler à Ben Laden, qui nous évite, à l’instar de ce qu’écrivait Soljenitsyne, à analyser la part du diable qu’il y a en chacun de nous. Ça me fait également songer à la mauvaise réception des travaux de Milgram lorsqu’il montra qu’une fraction importante de gens normaux seraient capables, à l’état agentique sous autorité, de torturer et tuer un individu qui ne leur a rien fait.

  

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Matériel pédagogique Médias & science

Ayant axé mon travail de recherche sur le sujet des interactions sciences et médias, je suis avec attention les critiques de la médiatisation, vulgarisation, publicisation. J’avoue que je suis souvent déçu, car la fonction de vulgarisation est toujours présentée comme « bonne en soi », et le vulgarisateur comme un bon apôtre qui vient évangéliser l’ignare.

La plupart du temps, il manque une analyse socio-politique de l’enjeu de cette vulgarisation : progressisme technologique larvé mercantile, fabrication du scoop, vente d’espoir thérapeutique,  communication d’entreprise et publi-reportages sur des enjeux purement politiques, Soap-science et effet Canada dry (on nous vend un article comme « tout ce qu’il faut savoir sur la mécanique quantique » en deux pages), etc.
J’ai passé du temps dans Pour une didactique de l’esprit critique à montrer que les médias dits scientifiques répondent plus volontiers à la nécessité de se vendre qu’à celle d’éduquer les citoyens intéressés qui aimeraient faire leurs choix politiques en connaissance de cause. Or j’ai remarqué qu’un certain nombre d’étudiants ou de doctorants-moniteurs ont des cours et des stages de vulgarisation où ils apprennent exactement ce que je dénonce : procédés rhétoriques séduisants, raccourcis fallacieux, mises en scène populistes, « bonté » du vulgarisateur qui fait descendre la bécquée intellectuelle au profane. En 2006 j’ai monté un stage pour doctorants-moniteurs intitulé « Médias & pseudosciences, quand la science se met en scène« , au Centre d’Initiation à l’Enseignement Supérieur de Grenoble. En 2011, avec ma collègue Guillemette Reviron, nous avons propagé ce stage à Montpellier.
Ci-dessous, nous mettrons à disposition de trop rares ressources qui peuvent contribuer à étoffer un cours d’analyse critique de la vulgarisation scientifique.

La médiascience

20 mai 2011, en écoutant Science Publique de Michel Albergonti, sur France Culture, je découvre la notion assez vague de médiascience, du professeur belge Michel Classens.

Après la vulgarisation et la médiatisation, voire la médiation, de la science, voici la médiascience. CorteX_Classens_allo_ScienceLe mot peut d’autant plus surprendre qu’il n’existait, semble-t-il, pas avant que Michel Claessens, professeur à l’université libre de Bruxelles, n’utilise ce néologisme dans son dernier livre intitulé Allo la Science , analyse critique de la médiascience.

Ces enjeux dépassent désormais largement leur contribution, pourtant essentielle, à la constitution de l’honnête « homme », cet être surgissant au 17e siècle  et que Montaigne a défini en donnant sa préférence à une tête bien faite plutôt que bien pleine. Aujourd’hui, la science se glisse dans la plupart des sujets d’actualité. Parmi les plus récents, on peut citer le séisme du Japon et la catastrophe nucléaire de Fukushima, l’exploitation des gaz de schiste ou même, les interprétations psychiatriques du comportement sexuel de Dominique Strauss Kahn… Désormais, les connaissances scientifiques sont sans cesse convoquées pour participer au débat démocratique. Mais les éclairent-elles vraiment ?

Se regroupent alors pour discuter autour de Monsieur Classens Pierre-Henri Gouyon, biologiste spécialisé en sciences de l’évolution, professeur au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, que nous connaissons bien, Jean-Yves Nau, journaliste à Slate.fr et Benjamin Dessus, ingénieur et économiste.

L’émission est assez brouillonne, ne garde pas toujours un fil directeur clair et conclut en queue de poisson, aussi ai-je tronçonné quelques morceaux choisis. Ici se trouve l‘émission complète, pour tout écouter ou comparer mes coupes.

Morceaux choisis

P-H. Gouyon distingue science et technique, J-Y. Naud pointe le caractère consommatoire des sujets traités par Slate, et P-H.Gouyon fait plaisir à entendre : « le boson de Higgs, on s’en fout« .

Je défendais cette idée dans Pour une didactique de l’esprit critique en ces termes :

« La particule qui va révolutionner la physique » titrait La Recherche en mai 2003. Ne devrions-nous pas attendre qu’elle la révolutionne effectivement ? (En arrière-plan, une lutte politique entre deux grands laboratoires, occultées par cette quête totalement construite pour l’Opinion Publique.) (p. 302).

et je proposais une fiche pédagogique sur le sujet (Annexe – Fiche pédagogique N°17 – Scénario du Graal et de la recherche scientifique de Dieu, p. 404)

Sur les OGM. P-H. Gouyon introduit la notion de conflit d’intérêt comme moteur du traitement de l’information. Il avance un argument qui, aussi vraisemblable soit-il, peut être pris pour un procès d’intention : la répartition géologues climatosceptiques / écologues non-climatosceptiques n’est pas due par hasard et est le produit d’un conflit d’intérêt. Peut-on l’étoffer ? Je vais écrire à P-H. Gouyon pour le lui demander.

La question des sciences dans les médias. Il est question des risques de Fukushima, de la vache folle, des chiffres du nucléaire et même de l’impact sur les déclarations médiatiques dans les pages de Wikipédia.

P-H. Gouyon, sur le principe de précaution et l’évaluation des risques. Il prend l’exemple du projet Génoplante. Benjamin Dessus amène le sujet sur le manque de prospective, avec l’exemple de la voiture électrique.

P-H. Gouyon dénonce la métaphore du « décodage » ou « décryptage » du génome. C’est la première fois que j’entends ça dénoncé aussi ouvertement ! J’ai alors réouvert ma thèse page 289, au chapitre des scénarisations type « odyssée », et surtout à l’annexe 20 (Analyse pédagogique du Graal génétique qu’est l’ADN des gènes), et j’ai exhumé matière à TP pour étudiants en biologie / journalisme (à venir).

M. Albergonti se fait taquiner sur son choix de parler en introduction de l’affaire D. Strauss-Kahn, et répond de manière assez claire. Nuance est faite entre information/communication et science, et sur le flot d’informations immédiates non vérifiées, que ce soit sur l’arrestation de DSK ou sur l’accident de Fukushima.

Extrait N°7(min 49-50) 

  Téléchargez.

P-H. Gouyon lance deux appels pour améliorer cette médiascience : que la recherche sur la connaissance (et non la technologie) redevienne subventionnée par l’Etat, et qu’on arrête de maltraiter l’art du documentaire scientifique.

La fabrication du scoop et autre scénarisation de l’information scientifique

Un exemple à exploiter : le numéro 1123 de Science et Vie paru en avril 2011 et qui titrait : « La vie serait quantique ! » 

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S&V n°1123, avril 2011 : « La vie serait quantique : les révélations des physiciens sur l’ADN, la photosynthèse, les enzymes… »

On retrouvera la version complète de cette analyse ici.

Création du scoop – effet impact 

Ici, un événement est proposé au lecteur. Pas à lui seulement d’ailleurs puisque le quidam qui passera devant l’affiche publicitaire du magazine sera lui aussi soumis à ce scoop : « la vie serait quantique ». On aura le temps de lire certainement le sous-titre qui parle de « révélations » et de « l’ADN », tout pour créer l’événement, événement au sens d’inattendu puisque l’on nous parle de révélations. Arrêtons-nous pour commencer sur ce terme qui figure à la une de la revue : qu’évoque-t-il exactement ? Plus précisément, comment est-il connoté ? Si sa définition (ce qu’il dénote) est aisée à trouver (porter à la connaissance une information inconnue), on s’aperçoit qu’il va également activer tout un champ lexical lié à ce qu’il connote, comme la révélation divine (Dieu communique la connaissance à l’Humain), la découverte miraculeuse d’une information dissimulée, ou bien encore une donnée nouvelle et qu’il a fallu extraire de haute lutte pour la porter aux oreilles du public.

Si en lisant ces lignes vous vous dîtes que c’est une interprétation personnelle et exagérée de ce terme, imaginez simplement dans quels contextes le mot révélation est habituellement utilisé. Affaire judiciaire : les révélations du présumé coupable. Contexte religieux : la révélation faite aux prophètes par le Tout Puissant. Ambiance Gala/Voici/Paris Match : les révélations sur les fréquentations de Johnny. Politique : la vérité sur le 11 septembre : les révélations des autorités américaines. Etc.

La connotation de ce mot est puissante et évoque sans qu’on s’en rende compte un fait caché, qui doit être porté à notre connaissance. On pourra ainsi parler d’effet impact pour ce terme avec un fort penchant pour le mystérieux et le sensationnel.

Mais l’effet impact le plus fort est sans doute celui du mot quantique. Pour exprimer ce que l’on peut ressentir en lisant ce terme – qui plus est accolé au mot « vie » – nous n’avons pas trouvé mieux que ce qu’écrivait notre ami Richard Monvoisin :

La mécanique quantique est actuellement la théorie scientifique qui crée le plus fort complexe d’infériorité intellectuelle. Il y a bien la Relativité, qui n’est pas mal non plus, tout comme la Théorie du Chaos, mais aucun autre terme ne conjugue autant science, mystère et complexité intellectuelle que le mot quantique.
Mécanique quantique. Il faut le dire dans un murmure, avec un air un peu mystérieux et les yeux plissés. En susurrant « méca-Q », comme les initiés, ou en l’écrivant MQ comme je le ferai dans la suite de cet article, on pense à Einstein, on pense aux Bogdanoff, on se dit qu’on pénètre là dans le temple de Delphes, dans la sacristie de la connaissance où tout est tellement obscur qu’il est difficile d’y distinguer un authentique prix Nobel de physique d’une paire de jumeaux russes médiatiques.
Au lycée, avant que je l’étudie pour de bon, le mot quantique était pour moi ce que le feu rouge des Humains est pour Louie, le roi des singes dans Mowgli : j’y voyais un pouvoir qu’il fallait acquérir à tout prix. J’avais envie de m’approcher, de pénétrer des connaissances interdites, mais avec cette peur de me brûler, de devenir fou, de savoir ce qu’il ne faut pas savoir, même d’approcher Dieu et de vérifier si effectivement il joue ou non aux dés.
Je n’avais pas du tout compris que je devais essentiellement cette fascination à un bon plan médiatique.

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces. Richard Monvoisin, 2010

On peut toujours rétorquer que, bien entendu, si tout ceci est un peu exagéré dans la présentation, l’important est le sens de ce titre ! Eh oui, la vie serait quantique… que nous dit donc S&V sur ces « révélations » ?
La suite ici.

À plus tard pour de nouvelles aventures sur les rapports médias/science.

RM

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Atelier Grand jeu de la recherche de la source de l’information

Atelier corrigés du grand jeu de la recherche de la source !
Voici une collection d’exercices simples à usage des élèves ou étudiants souhaitant se former à la recherche de la source d’une information, d’un concept ou d’une rumeur.

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  • D’où provient l’idée que l’humain possède cinq sens ? Cherchez avec internet l’origine de cette idée.

Essayez vraiment, avant de regarder la réponse, et comptez le temps passé et la méthode employée.
Réponse ici.

  • Quel « poète africain-américain » a dit, dans les années 50, que « Si le Noir n’est pas capable de se tenir debout, laissez-le tomber. Tout ce que je vous demande, c’est de ne pas l’empêcher de se tenir debout. » ?

Réponse ici

Richard Monvoisin 

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Effet Pangloss, ou les dangers des raisonnements à rebours

Dans la Traverse N°2, revue des Renseignements Généreux parue en mars 2011, a été publié un article de Richard Monvoisin initulé L’effet Pangloss, ou les dangers des raisonnements à rebours..En voici le pdf ! Merci aux Renseignements Généreux et à la graphiste Clara Chambon.
Et pour s’entraîner, on pourra aller vite fait ici.
Note : en 2010, des doctorants-moniteurs ont réalisé un excellent Zétéclip sur le raisonnement panglossien. Voir ici.

Effet Pangloss : les dangers des raisonnements à rebours

Aujourd’hui je vous propose de regarder de près un raisonnement qui a l’air tout à fait anodin mais qui peut se révéler terrifiant. Ce raisonnement consiste à penser à rebours. À la manière de ces poils qui poussent à l’envers et s’enkystent dans la peau, il est agaçant et difficile à éliminer, quelle que soit la dose de crème dont on l’enduit. Il est bien plus répandu qu’on ne le pense, et nous allons essayer de le débusquer au travers de quelques exemples.

Le Loto

Je vais partir de la loterie nationale française, ledit Loto. Ayant pour objectif de nous soutirer jusqu’à nos derniers sous en nous faisant miroiter une lointaine et peu probable carotte, ce jeu, nous allons le voir, ressemble à une forme élaborée de soumission librement consentie. Si nous avons un élève de terminale scientifique à portée de main, demandons-lui d’évaluer nos chances de nous faire détrousser, c’est à son programme de maths. Sinon, nous allons le faire ensemble, ce n’est pas très compliqué.

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« Le loto, c’est facile, c’est pas cher, et ça peut rapporter gros ». Slogan de 1984.

Depuis 2008, le nouveau Loto (qui est plus difficile à remporter que l’ancien si l’on compare) demande d’obtenir 5 numéros parmi 49, ainsi que le numéro « chance » tiré parmi 10. Le nombre de tirages possibles se calcule ainsi : frac{ 49 times 48 times 47 times 46 times 45 }{ 1 times 2 times 3 times 4 times 5} times frac{10}{1}= 19068840

Sachant qu’il y a trois tirages par semaine (le lundi, le mercredi et le samedi), une personne dotée d’une espérance de vie à la naissance de 2010 en France (moyenne Femmes-Hommes : environ 82 ans) et qui, chose invraisemblable, jouerait dès le berceau à tous les tirages aura rempli le jour de sa mort 82 (ans) x 52 (semaines) x 3 (tirages) soit quelque chose comme 13000 grilles, en voyant large. Ça lui donne un peu moins d’une chance sur mille de gagner une fois la cagnotte. C’est peu.

Pour avoir un autre ordre d’idée, nous pouvons prendre le taux annuel moyen de mortalité d’un individu garçon de 33 ans vivant en France comme moi, qui est de 119 sur 100 000 (soit 1 sur 840) – qui signifie qu’un type en France a une chance sur 840 de mourir dans l’année de ses 34 ans. Partons du principe que la probabilité de mourir est uniforme tout le long de l’année. Lorsque j’achète un billet de loto j’ai autant de « chances » de mourir dans les 24 minutes qui suivent que de gagner le gros lot. Si j’avais 90 ans, j’aurais autant de chance de gagner le gros lot que de ne pas survivre 9 secondes à l’achat du billet1.

En clair, un individu guidé par sa seule raison refuserait de claquer ses étrennes comme ça. Mais l’humain n’est pas toujours rationnel, loin de là. Et à l’orée du bois, les tire-laine guettent.

altMonique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon, deux sociologues ont décrypté le comportement des vainqueurs du Loto dans Les millionnaires de la chance (Payot, Paris, 2010). Ils expliquent que certains individus jouent au Loto en sachant bien que les chances de gagner sont minces, mais… moins minces que celles de changer de classe sociale. En d’autre terme, il serait plus probable pour les classes pauvres de devenir riche en cochant les cases qu’en travaillant d’arrache-pied – ce qui fait réflechir sur le  « mérite » et les encouragements à travailler plus.

Où est le raisonnement à rebours ? Il arrive.

Et les 100% de perdants ?

L’argument massue qui a été employé pour nous faire jouer pendant des années était, rappelons-nous : « 100% des gagnants auront tenté leur chance ».

Ce slogan, à bien y regarder, ne veut pas dire autre chose que ceci : « tous ceux qui ont gagné ont joué », ce qui ne nous apprend rien : on ne gagne pas au loto, au football ou au poker à l’insu de son plein gré – quoi que, lors des matchs nationaux de football, on en voie certains hurler en ville « on a ga-gné » alors qu’ils n’ont pas joué, que voulez-vous, c’est le charme chauvin du sport.

Le séduisant de l’affaire est qu’on nous édicte une règle sur les gagnants. Et comme vous et moi voudrions tous gagner, on se dit tiens, comment ont-ils fait ? Ont-il trituré un trèfle, un fer à cheval ? Eh bien non, ils se sont contenté de jouer. Ils ont tenté leur chance. Voilà. Mais si on y pense, la même chose est valable pour les perdants. Car, c’est ce que la Française des jeux ne nous dit pas : « 100% des perdants ont eu aussi tenté leur chance ! ». Et comble des choses, le 100% des perdants est vachement plus nombreux que le 100% des gagnants. Il n’y a pas beaucoup de gagnants, alors qu’il y a plein de perdants. Mathématiquement, ça se calcule, on a une chance de gagner le gros lot sur 19 millions et quelques (voir le tout premier calcul).

Chercher des raisons

Examinons maintenant ce qui se passe dans la tête d’un joueur lambda.

Quand il perd, il a une forte tendance à se dire quelque chose comme « la chance n’était pas là », puis à shooter dans une boîte de conserve qui traîne. C’était la normalité, qu’il ne gagne pas, il n’était pas dupe, il conclut parfois d’un l’air las « je ne gagne jamais, de toute façon » ou « de toutes les manières je n’ai jamais eu de chance au jeu ». Mais là où le perdant a somme toute un côté assez pragmatique, le gagnant lui, pas du tout ! Il en est même agaçant : il commence déjà par être content de lui, ce qui est une réelle faute de goût. Puis il se trouve plein de bonnes « raisons », comme « je le méritais », ou alors « j’ai joué les bons numéros », « je le sentais », etc.

C’est là que commence le raisonnement à rebours.

Les psychologues sociaux mettent des mots à cela, et c’est bien pratique : le perdant aura un « locus de contrôle » externe (la cause de son échec est le manque de chance, extérieur à lui), tandis que le gagnant aura un « locus de contrôle » interne (il attribue sa réussite à ses qualités propres, ce qui est horripilant). Depuis les travaux de Miller & Ross en 1975, on parle de biais d’autocomplaisance.

Rebours, rebours et ratatam

À chercher une raison pour avoir gagné, la tendance est forte à aller la trouver dans son mérite personnel, comme si le Hasard personnalisé se souciait d’évaluer nos mérites respectifs. Ou dans un coup du sort, comme une espèce d’ange gardien qui veille sur nous. Cela rejoint, vous vous rappelez peut être, le biais du monde juste (cf. Traverse N°1).

C’est effectivement le hasard (sans H majuscule) qui fait la différence entre le gagnant et le perdant. Si les 19 millions et quelques combinaisons possibles sont jouées, la probabilité que quelqu’un gagne est de 1 (on dit 1, mais ça veut dire 100%, tout comme une proba de 0,5 veut dire 50%).

Qu’il y ait un gagnant dans ces cas-là n’est pas une surprise. C’était même quasi-certain. L’incertain, c’est sur qui ça va tomber. Que ça tombe sur moi ou un inconnu, au fond, ce n’est qu’un aléa : il n’y a logiquement aucune conclusion à tirer, ni sur la beauté du monde, ni sur les numéros joués. Pourtant, c’est trop dur : devant la rareté statistique, on cherche une raison à rebours. Alors on se dit au choix

  • qu’on a de la veine,
  • qu’on s’est levé du pied droit,
  • qu’on avait touché sa patte de lapin,
  • que Dieu est bon,
  • que malheureux en amour, heureux au jeu,
  • que le hasard est gentil,

On se dit que quelque part (où ?) quelque chose (immatériel ?) comme la Chance lui a souri (avec quelles dents ?).

Mais le hasard n’est pas gentil. Ni méchant. En tant que volonté, il n’ « est » pas. Il n’obéit à rien, il se contrefout royalement de vous et de moi. Il ne se « contrefout » même pas.

Le sentiment d’avoir déjoué la volonté du Destin est d’ailleurs telle que bien peu veulent rejouer la semaine suivante la combinaison qui a déjà gagné, comme si elle était usée – ce qui n’a pas de sens, les tirages étant indépendants les uns des autres (on appelle ça le sophisme du joueur, je le dis pour l’anecdote).

alt

Raisonnement à rebours sur la bière, selon frère Joseph (extrait de Jean Van Hamme, Francis Vallès, Les maîtres de l’orge, vol. 1 1854, Charles).

Un balcon sur la tête de Tante Olga

Ce raisonnement à rebours nous arrive aussi en cas de coup dur. On a tous une histoire tragique en stock, comme un balcon qui se décroche juste au dessus de la tête d’une Tante Olga. Alors que la « normalité » est de ne pas se prendre le balcon sur la face (tout comme perdre au Loto), là, on se dit qu’il a « manqué » quelque chose à Tante Olga, du pot, de la veine, de la baraka, du cul bordé de nouilles. On se hasarde même à penser que les desseins du Seigneur sont impénétrables, ou que rien n’arrive par hasard, ou que c’était son karma, et qu’elle paye des vies antérieures plutôt fautives. Il se trouvera bien un vieux voisin un peu aigri, une vieille voisine grincheuse pour dire qu’au fond, entre nous, elle ne l’a pas volé2. Mais l’erreur est toujours la même : on se retrouve à raisonner à rebours sur ce cas seulement, et on oublie de replacer le cas dans la statistique de toutes les tantes (ou oncles) du monde qui se sont promenées un jour en passant sous un balcon et à qui il n’est rien arrivé, surtout pas un balcon.

Le TSD (tri sélectif des données)

Allons plus loin. Imaginons qu’à la terrasse d’une taverne, seul-e comme un menhir, vous jouez à pile ou face. Quelle est la probabilité d’obtenir cinq fois pile d’affilée ? Facile. 1 chance sur 2 au premier lancer (soit 0,5), pareil pour le deuxième, etc. Ça donne : 0,5×0,5×0,5×0,5×0,5 = 0,0312 environ, ça veut dire environ 3 chances sur 100.

Imaginons maintenant que dans 64 autres tavernes, 64 autres comme vous s’emmerdent à mourir et fassent la même chose. Là, la probabilité que vous fassiez 5 fois pile est toujours la même, mais la probabilité que l’un d’entre vous fasse 5 fois pile est, quant à elle, immense : il est quasiment certain que l’un des joueurs fera ce résultat. Et s’il est tout seul et ne regarde que sa lorgnette, il va conclure qu’il est quand même sacrément doué.

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On a envie de sourire, tellement c’est simple, et pourtant, cette erreur qui consiste à extraire le résultat extraordinaire de sa souche statistique et de le brandir comme un étendard est à la base de tout un tas de « miracles ». En voici quelques-uns.

Ötzi la momie

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Prenons la malédiction de la momie Ötzi : ce chasseur vieux de cinq milles ans retrouvé congelé en 1991 dans les alpes italo-autrichiennes aurait causé la mort de six personnages l’ayant approché de près, trois scientifiques, un journaliste, un guide de haute montagne, etc. Sachant le nombre conséquent de gens qui ont gravité autour du corps, depuis les expertises lors de sa découverte jusqu’aux visiteurs du musée italien de Bozen-Bolzano où il réside désormais, est-il si extraordinaire que six d’entre elles meurent, surtout lorsqu’elles sont soit pas spécialement jeunes (cinq sur six avaient plus de 50 ans) soit une profession à risque (guide de haute montagne, tué par une avalanche) ? Si l’on compare le nombre de morts rapporté au nombre de personnes qui ont approché Ötzi et sont restées vivantes, l’hypothèse de la malédiction, tout comme les dents de la momie, se déchausse.

Paul le poulpe

Il était une fois une pieuvre qui, durant la coupe d’Europe 2008 et la coupe du Monde 2010 de football masculin, a su déterminer douze des quatorze résultats d’épreuve qui lui ont été demandés. Certaines mauvaises langues disent que la pieuvre aurait actuellement moins d’un an (fin 2010), ce qui implique soit que le poulpe remonte le temps, soit qu’il y a eu deux poulpes, mais enfin peu importe.

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Ce poulpe mâle, appelé Paul a mérité son surnom d’oracle d’Oberhausen en choisissant, soit disant avec une chance sur deux l’une des deux boîtes affublées des couleurs de chaque équipe (voir l’illustration) En évaluant ce que représentent 12 bonnes réponses sur 14, et en partant du principe qu’il ne pronostique pas les matchs nuls, la probabilité de réussite du poulpe par hasard était de 0,56 %, en gros une chance sur 200. A priori balèze, donc, l’octopode ! Mais bien peu ont enquêté sur le nombre de céphalopodes, de poissons, oiseaux ou autres bestioles de part le monde à qui on s’amuse à poser la question. Si un allemand sur 400 000 fait le coup avec un animal quelconque, on est assuré d’avoir au moins un labrador, un iguane ou un canard cendré qui aura un tel résultat par pur hasard. Suffit de placer ensuite le projecteur des médias sur l’œil humide du vainqueur, en évinçant tous ceux qui ont échoué, et le scénario de l’animal extraordinaire au tentacule malicieux peut se dérouler dans notre vitreux petit écran.

Est-ce risqué d’aller à Lourdes ?

C’est sensiblement le même processus pour les miracles de guérison de Lourdes. On ne peut que s’extasier des 67 miracles revendiqués par l’Église catholique sur le lieu saint depuis les visions de Bernadette Soubirous en 1858, mais posons-nous la question : y-a-t-il réellement plus de guérisons extraordinaires là-bas qu’ailleurs ?

Comme les chiffres sont assez imprécis, nous allons faire une simple estimation.

La principale étude de guérisons considérées comme miraculeuses en milieu hospitalier, là où on trouve un grand nombre de malades, a été réalisée dans le titanesque travail d’archives de O’Regan et Hirshberg3. Leurs résultats sur 128 ans indiquent que, le « taux de miracle » en hôpital est d’environ un cas sur 100 000. Comme la Commission médicale internationale de Lourdes ne prend pas en compte les 70 % de rémissions liées au cancer (car elles sont généralement précédées d’une thérapie, ce qui dilue la part du miracle), il nous reste quelque chose comme un cas de rémission pour 333 000 personnes dans les hôpitaux. Autrement dit, il y a dans les hôpitaux un cas « comme à Lourdes » sur 333 000.

Puisqu’une bonne partie des miracles eut lieu avant de véritables expertises scientifiques, et sont peu fiables même de l’avis de médecins de la Commission d’expertise, nous allons raisonner sur les cinquante dernières années, lors desquelles 5 miracles eurent lieu. Pour se donner une idée, pensons que le dernier en date, reconnu en 2005, porte sur une dame appelée Anna Santaniello, miraculeusement guérie en … 1952. Gardons tout de même ces 5 derniers cas.

Le secrétariat général des sanctuaires estime à plus de 6 millions le nombre de visiteurs de Lourdes par an – dont 1% sont malades. Sur les 50 dernières années, cela donne 300 000 000 visiteurs. Parmi eux, 1%, donc 3 millions de malades plein d’espoir. Retirons comme le fait la Commission de Lourdes les non-atteints de cancer, cela fait 30% des 3 millions, soit environ un million de personnes malades sans cancer, donc susceptibles de vivre un miracle pouvant être homologué.

Cinq miracles sur un million, c’est à peine supérieur à la moyenne des miracles en hôpitaux. La moyenne des hôpitaux étant une moyenne, on comprend bien qu’il y en a affichant des scores meilleurs, d’autres des scores moins bons, et que cela forme une sorte de résultat en cloche autour de la moyenne. Le résultat de Lourdes tombe dans les résultats de cette cloche, et les matheux avec leur langage diraient que son résultat n’est pas significatif. Il semble donc que Lourdes ne soit pas un endroit plus propice aux miracles que l’hôpital près de chez nous, et que si nous en avons l’impression, c’est parce que chaque cas Lourdais est fortement médiatisé.

Certaines mauvaises langues ajoutent que si l’on compte le nombre de gens qui se sont tués sur la route pour aller à Lourdes, alors il semble en fin de compte plutôt risqué d’y faire pèlerinage.

Une pente panglossienne

Quel est le lien entre le « chanceux » au Loto et les frères Bogdanoff ?

Quel est le trait commun entre Paul le poulpe et les créationnistes « scientifiques » ?

Quel est le fil conducteur entre le « miraculé » de Lourdes et la fameuse main invisible du marché ?

Il s’appelle Pangloss. C’est, peut être vous rappelez-vous, le precepteur de Candide, dans le conte de Voltaire. Il enseigne la métaphysico-théologo-cosmolonigologie, et répète à qui mieux-mieux qu’ admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce monde qui est le meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux et madame la meilleure des baronnes possibles.

Pangloss dit surtout :

« Il est démontré (…) que les choses ne peuvent être autrement : car, tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. Les jambes sont visiblement instituées pour être chaussées, et nous avons des chausses. Les pierres ont été formées pour être taillées, et pour en faire des châteaux, aussi monseigneur a un très beau château ; le plus grand baron de la province doit être le mieux logé ; et, les cochons étant faits pour être mangés, nous mangeons du porc toute l’année : par conséquent, ceux qui ont avancé que tout est bien ont dit une sottise ; il fallait dire que tout est au mieux. »….4.

Il s’agit d’une resucée de ce que le XIXe siècle a appelé la métaphore de l’horloger, que l’on doit au philosophe William Paley, et qui dit ceci

  1. Si l’on regarde une montre, on comprend très vite que la finesse de cette fabrication a nécessité quelqu’un pour la penser, — en l’occurrence un horloger.
  2. Si l’on regarde un phénomène naturel incroyablement fin / complexe / beau / rare / étrange / miraculeux on est contraint (au nom de l’horloger) de penser que la finesse / complexité / beauté / rareté / étrangeté de ce phénomène a nécessité quelque-chose pour la penser, pour la vouloir, c’est-à-dire un créateur intelligent ou un dessein cosmique.
  3. Donc un créateur ou un dessein existe.

Le melon, le schtroumpf, les Bogdanoff

Les exemples de cette dérive panglossienne se comptent par centaines. Cela démarre par des trucs rigolos, comme le melon, qui, selon Jacques-Henri Bernardin de Saint Pierre « a été divisé en tranches par la nature afin d’être mangé en famille. La citrouille étant plus grosse peut-être mangée avec les voisins.» 5

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Cela fait tout de suite moins rire quand des créationnistes chrétiens, juifs, ou plus récemment musulmans comme Harun Yayah viennent expliquer dans certaines écoles que l’œil humain, la synthèse des protéines, ou l’apparition de la conscience ne sont pas le produit d’une évolution mais d’un créateur et que l’Humanité a été créée par la volonté de Dieu. Cela fait vite frémir quand, de la même manière que le gagnant du Loto croit qu’il est élu par la Chance, Igor et Grishka Bogdanoff, ou Trinh Xuan Thuan le physicien bouddhiste croient l’univers trop finement réglé pour être le fruit du hasard physique (ce qu’ils appellent le fine-tuning, ce que d’autres appellent l’irréductible complexité).

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On vient par cette occasion implanter une lecture finaliste des choses, l’idée qu’avant que toute chose démarre il y a comme un plan, une idée préconçue, une main invisible qui guide le processus et qui, implacablement, place chaque élément à sa juste place. C’est beau, c’est frais, c’est rassurant… mais c’est la fin de la connaissance, et c’est l’entrée des explications simples. Car finalement, dans quelque univers que l’on vive, même différent, on pourrait conclure la même chose : que tout est bien dans le meilleur des mondes, et que madame la baronne est la meilleure des baronnes possibles. Tout être vivant, qu’il soit Paul le poulpe, une bactérie ou un martien, pourrait conclure lui-aussi qu’il est le but ultime du Dessein Intelligent, d’une volonté cosmique. C’est irréfutable.

Dans un épisode des Schtroumpfs, on voit un des personnages décocher une flèche avec son arc les yeux fermés, puis chercher sa flèche. Une fois trouvée, il s’applique à peindre une cible autour du lieu de l’impact et… repart tout fier.

Pangloss et la fin des « possibles »

On trouve également Pangloss caché derrière l’idée que si le capitalisme s’est imposé, c’est qu’il le fallait, inexorablement, et que la main invisible du marché veille au grain. Pangloss passe par la porte quand les anciens rapports coloniaux affirmaient que puisque les Noirs étaient corvéables un peu partout, c’est qu’il devait y avoir un ordre naturel des choses. Pangloss se glisse dans la cuisine en instillant que si les femmes s’occupent des enfants et font le ménage, c’est qu’elles sont « faites » pour ça. Pangloss revient par la fenêtre quand il nous murmure à l’oreille que c’est dans l’ordre des choses que nous torturions d’autres animaux. Pangloss se tortille dans nos postes de télévision quand, on conclue parmi tous les possibles que tout est de la faute de la CIA, de la maffia russe, du lobby gay et lesbien, de la Mondialisation, des Francs-Maçons, des Sages de Sion… Éloge du scénario simple pré-écrit par des groupes supérieurs inaccessibles.

Le raisonnement des Bogdanoff des défenseurs du fine-tuning, des créationnistes, d’une bonne part des scénarios capitalistes, des théories racistes, sexistes et spécistes6 est le même : il vient essentialiser l’état actuel du monde comme une nécessité, comme une sorte de destin. Pangloss, que ce soit en jouant sur un tri des données ou sur un tri des « possibles », vient troquer la connaissance contre une croyance. C’est en cela qu’il est trompeur et séduisant : en faisant miroiter un finalisme facile, il évince notre capacité à repenser notre vie, nos actes et nos préjugés. Il nous gèle intellectuellement et nous nourrit de scénarios implacables, de karma, de mektoub, autant de chapes de plomb contre lesquelles on nous fait croire qu’on ne peut pas se révolter.

Richard Monvoisin

1 Statistiques disponibles ici.

2 Eh oui, vous l’aviez reconnu, c’est encore le biais du monde juste ! (cf Traverse N°1).

3 Ils ont recensé 1574 cas dans le laps 1864 – 1992. O’Regan, Hirshberg, Spontaneous Remission: An Annotated Bibliography (1993).

4 Voltaire, Candide et autres contes V (1758).

5 J-H. Bernardin de Saint-Pierre, Etude de la nature XI (1784).

6 Spéciste : qui vise à poser que l’humain est fondamentalement différent de l’animal, avec un ordre moral.

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Atelier corrigé – Recherche de la source de l’information – Origine des cinq sens

Nous vous proposons une collection de travaux pratiques simples à usage des élèves ou étudiants souhaitant se former à la recherche de la source d’une information, d’un concept ou d’une rumeur. Parmi ces TP, celui-ci : d’où provient l’idée que l’humain possède cinq sens ?

Cette recherche m’a pris environ 10 mn. Voici la méthode que j’ai (RM) employée.

Partir de Wikipédia français, et anglais car souvent plus fourni pour des sujets de ce genre. Mais pour trouver la bonne entrée, je recommande de commencer en tapant « wiki » et « cinq sens » (avec guillemets). On aboutit alors à « Sens ». Pour passer à l’anglais, même lorsqu’on n’a pas idée du terme équivalent, il suffit de faire défiler les différentes langues côté gauche, pour aboutir à la page en anglais du même terme – ici en l’occurrence Sense.

  • 1ère piste : dans la page française, on trouve une référence à Aristote.
  • 2ème piste : dans la page anglaise, on trouve une référence à la littératue bouddhiste.

Creusons la première piste : placer Aristote et « cinq sens » dans le moteur de recherche.
On obtient en farfouillant un peu Aristote et son ouvrage De l’âme, livre II.
Puis on tombe sur le site de Corinna Coulmas, qui indique :

« Connu dans la littérature rabbinique en référence au Psaume 115, 5-7, le concept des cinq sens a été utilisé par Platon et pour la première fois analysé en détail par Aristote« 

Et hop ! Nous avons donc trois sources.

Source N°1 : Aristote, De l’âme, II. Deux clics et nous sommes sur le texte traduit en français du site de Philippe Remacle. Anecdote : livre III, il introduit même un 6ème sens, le sens commun !

Source N°2 : Platon. Si l’on tape Platon et « cinq sens » on sait que les textes anciens étant tous accessibles en ligne, on trouvera la citation exacte – qui est dans le dialogue Théétète (daté de 369 avant l’ère commune), sous cette forme : « Est-il acceptable, demande Platon, que tout ce que nous savons provient uniquement de nos cinq sens?« . Encore un surf et on se retrouve sur le livre Théétète en français ici.

Source N°3 : Psaume 115, 5-7. Deux clics et on obtient les bibles en ligne, dont on extrait les versets.

«5. Elles ont une bouche, et ne parlent point; elles ont des yeux, et ne voient point.

6. Elles ont des oreilles, et n’entendent point; elles ont des narines, et ne sentent point.

7.Elles ont des mains, et ne touchent point; elles ont des pieds, et ne marchent point; de leur gosier elles ne font entendre aucun son.»

Ces versets sont-ils antérieurs à Aristote ? Cherchons la date de création, si elle est connue.
Directement, on apprend que « la tradition les attribue au Roi David, (soit -1000) mais beaucoup de critiques modernes estiment qu’il s’agit d’une composition collective et anonyme« . Quand bien même, ces psaumes ne furent écrits parchemin qu’au VIe siècle avant l’ère commune, ce qui semble précéder légèrement Platon et Aristote.
La seconde piste maintenant.

Si l’on a des problèmes pour traduire une page en anglais, passer par un logiciel de traduction en ligne, type systran. Je recommanderai bien sûr les logiciels dits « opensource »( car il y en a au moins un, me si je ne suis pas habitué à son fonctionnement : Linguaphile).

On trouve une référence aux pañcannaṃ indriyānaṃ avakanti,les cinq facultés matérielles, sous la forme de 5 chevaux conduisant le chariot du corps, dans le Katha Upanishad, daté approximativement du 6ème siècle avant EC.
Voilà. Ceci montre que cette notion est floue et archaïque, et que parler de cinq sens aujourd’hui est une commodité qui ne doit pas cacher la complexité de notre appareil sensitif (qui compte chez l’humain des sens à part entière, comme la sensation de faim, la nociception, la proprioception, etc.)

Toute idée ou suggestion est la bienvenue.

Richard Monvoisin


PS : j’utilise volontairement av./ap. EC (avant / après l’ère commune) même si la notion d’ère commune est discutable. Je le fais pour introduire l’idée que le calendrier ne va pas de soi, a été l’enjeu de débats importants, et porte un certain ancrage idéologique. C’est pour cela que je ne souhaite pas dater à partir de la naissance de Jésus Christ – si tant est qu Jésus Christ soit réellement né, ce que des historiens discutent encore.
Clin d’oeil de l’histoire : s’il est né, il serait probablement né en … 4 avant Jésus Christ !  Nous ferons un article sur ce sujet.

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Atelier Science & Vie – La vie serait-elle quantique ?

Les magazines de vulgarisation scientifique offrent très régulièrement (pour ne pas dire systématiquement) un large choix de thèmes à disposition du lecteur. La manière dont sont traités ces sujets, proposés la plupart du temps de façon alléchante, dramatique, mystérieuse ou même révolutionnaire, donne une image de la science tronquée, raccourcie et parfois même fausse. Que ce soit en véhiculant des affirmations inexactes sous prétexte de scénariser l’information scientifique comme tout autre type d’information, ou en jouant sur l’ambiguïté et la soi-disant soif de mystère et de scoop des lecteurs, nous ne pouvons que déplorer cet état de faits.
Quelles sont les techniques utilisées par ces « diffuseurs de science » ? Comment les identifier et s’en méfier ? Un décorticage du dernier numéro de Science et Vie va aujourd’hui nous servir de support.

Analyse de la couverture

Création du scoop – effet impact

 

Ici, un événement est proposé au lecteur. Pas à lui seulement d’ailleurs puisque le quidam qui passera devant l’affiche publicitaire du magazine sera lui aussi soumis à ce scoop : « la vie serait quantique ». On aura le temps de lire certainement le sous-titre qui parle de « révélations » et de « l’ADN », tout pour créer l’événement, événement au sens d’inattendu puisque l’on nous parle de révélations. Arrêtons-nous pour commencer sur ce terme qui figure à la une de la revue : qu’évoque-t-il exactement ? Plus précisément, comment est-il connoté ? Si sa définition (ce qu’il dénote) est aisée à trouver (porter à la connaissance une information inconnue), on s’aperçoit qu’il va également activer tout un champ lexical lié à ce qu’il connote, comme la révélation divine (Dieu communique la connaissance à l’Humain), la découverte miraculeuse d’une information dissimulée, ou bien encore une donnée nouvelle et qu’il a fallu extraire de haute lutte pour la porter aux oreilles du public.

Si en lisant ces lignes vous vous dîtes que c’est une interprétation personnelle et exagérée de ce terme, imaginez simplement dans quels contextes le mot révélation est habituellement utilisé. Affaire judiciaire : les révélations du présumé coupable. Contexte religieux : la révélation faite aux prophètes par le Tout Puissant. Ambiance Gala/Voici/Paris Match : les révélations sur les fréquentations de Johnny. Politique : la vérité sur le 11 septembre : les révélations des autorités américaines. Etc.

La connotation de ce mot est puissante et évoque sans qu’on s’en rende compte un fait caché, qui doit être porté à notre connaissance. On pourra ainsi parler d’effet impact pour ce terme avec un fort penchant pour le mystérieux et le sensationnel.

Mais l’effet impact le plus fort est sans doute celui du mot quantique. Pour exprimer ce que l’on peut ressentir en lisant ce terme – qui plus est accolé au mot « vie » – nous n’avons pas trouvé mieux que ce qu’écrivait notre ami Richard Monvoisin :

La mécanique quantique est actuellement la théorie scientifique qui crée le plus fort complexe d’infériorité intellectuelle. Il y a bien la Relativité, qui n’est pas mal non plus, tout comme la Théorie du Chaos, mais aucun autre terme ne conjugue autant science, mystère et complexité intellectuelle que le mot quantique.

Mécanique quantique. Il faut le dire dans un murmure, avec un air un peu mystérieux et les yeux plissés. En susurrant « méca-Q », comme les initiés, ou en l’écrivant MQ comme je le ferai dans la suite de cet article, on pense à Einstein, on pense aux Bogdanoff, on se dit qu’on pénètre là dans le temple de Delphes, dans la sacristie de la connaissance où tout est tellement obscur qu’il est difficile d’y distinguer un authentique prix Nobel de physique d’une paire de jumeaux russes médiatiques.

Au lycée, avant que je l’étudie pour de bon, le mot quantique était pour moi ce que le feu rouge des Humains est pour Louie, le roi des singes dans Mowgli : j’y voyais un pouvoir qu’il fallait acquérir à tout prix. J’avais envie de m’approcher, de pénétrer des connaissances interdites, mais avec cette peur de me brûler, de devenir fou, de savoir ce qu’il ne faut pas savoir, même d’approcher Dieu et de vérifier si effectivement il joue ou non aux dés.

Je n’avais pas du tout compris que je devais essentiellement cette fascination à un bon plan médiatique.

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces. Richard Monvoisin, 2011

 

On peut toujours rétorquer que, bien entendu, si tout ceci est un peu exagéré dans la présentation, l’important est le sens de ce titre ! Eh oui, la vie serait quantique… que nous dit donc S&V sur ces « révélations » ? 

Analyse du contenu

Effet Pangloss

Jetons un œil à la première page, celle qui présente le dossier en question. Dans ce cas, voici ce que nous avons trouvé :

Depuis l’avènement de la science expérimentale, et plus encore depuis la découverte de l’ADN, les biologistes ont toutes les raisons de considérer que la vie est le fruit de réactions chimiques. Mais placez le vivant sous le regard et les instruments des physiciens de l’infiniment petit, ils vous diront tout autre chose. A Berkeley, Toronto, Londres, Singapour, et ailleurs encore, des équipes de physiciens sont en passe d’acquérir la conviction que les plus grand mystères de la vie peuvent être élucidés grâce… à la physique quantique ! Seules les étonnantes propriétés de la matière aux plus petites échelles semblent à même d’expliquer l’extrême efficacité de la photosynthèse, l’intense activité enzymatique, la miraculeuse stabilité de l’ADN, et même les sens de l’orientation et de l’odorat… La physique quantique au cœur de la vie ? Après tout, le vivant, qui a eu tout le temps de sélectionner le meilleur, aurait été bien sot de ne pas se servir dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. (p.3)

 

Il faut s’arrêter sur la dernière phrase. Le vivant aurait eu, d’après ce qui est écrit,  tout le temps de sélectionner le meilleur. On imagine que l’auteur de cette phrase a voulu parler de l’évolution à travers ces mots. Malheureusement, comme beaucoup, il est tombé dans les pièges d’un finalisme naïf : l’idée que l’univers aurait un but (ici, le vivant), une signification, que toute chose serait faite à dessein. On entend par exemple que l’œil est fait pour voir, que l’aile a pour but de voler, que les animaux inventent des ruses pour survivre, que la nature ne fait rien en vain, que la sexualité a été sélectionnée dans le but de créer de la diversité, que l’Humain est l’aboutissement de l’évolution ou, comme l’écrivait Voltaire à travers son personnage de Pangloss : « que les choses ne peuvent être autrement : car tout étant fait pour une fin, tout est nécessairement pour la meilleure fin. Remarquez bien que les nez ont été faits pour porter des lunettes, aussi avons-nous des lunettes. »

Le vivant n’a rien sélectionné du tout, et encore moins le meilleur (1). Dire cela équivaut à valider les thèses de H. Spencer et sa « sélection des plus aptes », dont le darwinisme social en est une application, avec les conséquences sur les dérives colonialistes, eugénistes et fascistes que l’on sait. Il faut bien admettre que la théorie de l’évolution n’est pas forcément bien maîtrisée par l’individu lambda, qui parlera de la girafe qui étire son coup pour aller chercher à manger ou de la sélection natturelle comme d’une sélection des plus forts. Il nous semble donc d’autant plus important, dans un journal qui se veut scientifique, de ne pas faire ce genre d’erreurs dans le but d’écrire une phrase qui présente bien.
(1) Comme dirait Florence Foresti : « Quand tu regardes l’être humain tu te rends compte qu’ils ont arrêté en plein chantier c’est n’importe quoi… » (Extrait du sketch La nature est mal faite)

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N’oublions pas la fin de la phrase où il est question d’aller piocher dans la prodigieuse boîte à outils de la physique quantique. Là encore, on fait croire que le vivant a un but et « aurait été bien sot » (anthropomorphisme) de ne pas faire appel à la mécanique quantique…

Malheureusement, ce genre d’erreurs est reproduit dans le reste des articles. Vous pouvez les retrouver assez facilement en repérant les passages où il est question d’évolution et de nature. N’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires qui pourront ainsi se rajouter au présent cours.

Technique du carpaccio et de la peau de chagrin

Mais d’ailleurs, quels sont ces outils prodigieux que le vivant exploiterait ? Rendons-nous quelques pages plus loin et lisons attentivement. On y trouve là encore tout un tas de phrases données au lecteur pour aiguiser son appétit, phrases qui soulèvent à chaque fois une forte charge de sensationnel, de mystère et/ou de merveilleux., en donnant ainsi une vision déformée de la réalité. Tout est « superlativisé », voire scénarisé. R. Monvoisin parle de technique du carpaccio pour caractériser cette mise en scène de l’information scientifique avec pour seul effet de la rendre séduisante, accrocheuse, mais bien souvent vide de sens :

« […] nous parlerons de carpaccio pour désigner les processus d’exposition de connaissance dont le seul intérêt réside dans leur scénarisation, bien souvent stéréotypale. Un carpaccio est à la connaissance scientifique ce que le lieu commun est à l’information classique, ce que la romance est au film hollywoodien : un apparat séduisant, mais vide, qui façonne à la longue le goût des consommateurs de vulgarisation scientifique. Le carpaccio a semble-t-il des vertus apéritives, pour ne pas dire publicitaires.» (*p.272)

Quelques-uns de ces carpaccios trouvés en vrac :

–          « A commencer par l’étonnante efficacité de la photosynthèse, qui voit les végétaux convertir en énergie 100% de la chaleur du soleil. Un rendement prodigieux… que les biologistes ne s’expliquent pas ! » (carpaccio mystère)

–          « Par quel prodige des effets quantiques parviennent-ils à émerger au cœur du vivant ? » (carpaccio énigme. On peut aussi repérer le terme prodige, qui s’inscrit dans le même champ lexical que celui de révélation avec toute la connotation qu’il dégage, voir ci-dessus)

–          « Une superposition quantique qui permet au célèbre chat de Schrödinger, enfermé dans une boîte, de narguer les physiciens en présentant à leurs équations comme à la fois mort et vivant[1]. »

–          « Sens de l’odorat. Sa subtilité tiendrait aussi à l’effet tunnel ! »

–          « Dépositaire de la mémoire du vivant, la molécule d’ADN se doit de rester stable. Comment ? L’intrication quantique serait ici la clé de l’énigme. » (carpaccio énigme)

Attention, il n’est pas question ici de dénigrer ou critiquer les recherches tout à fait intéressantes et passionnantes que des scientifiques mènent sur ces sujets. Il est question de la façon dont on traite l’information scientifique qui s’y rattache. Et force est de constater qu’on est plus proche d’une mise en forme publicitaire de celle-ci que d’une vulgarisation à visée pédagogique et rigoureuse.

On peut notamment vérifier cela en prêtant attention à la sensation laissée après lecture des articles du dossier, comparée à l’appât que constitue la couverture du magazine. Rappelons que le titre parlait de la vie qui serait quantique et des révélations des physiciens. Mais qu’apprend-t-on dans les pages à l’intérieur ? Par exemple, p.54, au tout début du dossier :

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« Les biologistes l’ont amplement démontré, la vie est un prodige de réactions chimiques. Mais pas seulement ! […] Jusqu’où la vie est-elle quantique ? La question est posée. »

On comprend tout de suite que les fameuses révélations dont il était question ne vont finalement pas être une révolution mais simplement des pistes de recherches puisque « la question est posée ».

Quelques pages plus loin, concernant la photosynthèse, si le titre évoque une réponse,

« Comment les végétaux peuvent-ils convertir 100% de la lumière ? Une propriété quantique – la superposition d’états – apporte enfin une réponse ».

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on apprend que « la réponse a commencé à se dessiner en 2007. » (p.58). Puis que cette « expérience [de Flemming] ne permettait pas de l’affirmer [le phénomène quantique responsable de la conversion d’énergie lors de la photosynthèse] : elle fut réalisée à une température peu propice à la vie de…-196°C. » (p.60)

Même page, on lit qu’une autre expérience, équivalente, aurait été conduite à température ambiante. Mais là encore on apprend que « ce résultat doit encore être validé« .

Bref, c’est ainsi pour chaque thème abordé, de la photosynthèse en passant par l’ADN et les enzymes : on nous fait miroiter des « révélations » pour au final nous servir des études en cours et qui méritent réplication et confirmation.

Cette technique d’effritement du contenu après une mise en bouche mirobolante porte le nom de peau de chagrin (voir bibliographie) et désigne la tendance des médias à « gonfler la marchandise », quitte à ce que la conclusion de l’article n’ait plus grand-chose à voir avec le titre d’accroche de départ.

 

En conclusion

On pourrait répéter ce type de décryptage sur bon nombre de médias s’occupant de vulgarisation scientifique, ou, comme l’indique R. Monvoisin, s’occupant de la publicitarisation de la science. Il relève ainsi trois points importants et récurrents :

– le remplacement de la raison par la sensation
– la séduction par la simplicité
– la création de l’ « événementiel »

Nous avons tenté de donner quelques pistes concernant ce dernier volet en prenant un exemple parmi tant d’autres. Laissons à Richard le mot de la fin, illustrant le deuxième aspect de cette publicitarisation :

« Deuxième volet de la publicitarisation de l’information scientifique : le mythe de la simplicité. La vulgarisation scientifique (VS) dans son ensemble tend à faire croire que grâce à elle, la connaissance savante sera apportée au profane, par son entremise, et cela sur un plateau. Nous ne nous appesantirons pas sur le caractère assujettissant d’une telle démarche, le profane attendant la becquée que le vulgarisateur, tel l’évangélisateur du XIXe siècle en Afrique sahélienne, viendra aimablement lui délivrer : celui qui ne « sait » pas est campé dans un rôle de quémandeur d’aumône, et il n’y aura pas grand monde pour l’encourager à s’aventurer sur les chemins rocailleux de la formation scientifique et à réellement se former, en reprenant des études par exemple. La VS entretient aimablement ce mythe de la simplicité, en persistant à faire croire aux exclus de la connaissance scientifique que par son entrefaite, par quelque docufiction ou quelques pages imagées dans une revue, l’individu avide aura à peu de frais la substance de la connaissance en question. Le problème est qu’en guise de substance, il y a au mieux un aperçu, au médian une caricature, au pire une misconception.
Dans un océan de vulgarisation simplifiante, l’accueil réservé à un réel développement analytique est désormais perçu comme au mieux soporifique, au pire complexe, élitiste, voire snob, et des postures anti-intellectualistes naîssent. Au vu du nombre d’individus, étudiants ou non, qui lors des cours, des conférences ou sur les forums Internet, restituent des lieux communs sur la mécanique quantique par exemple, il y a quelque inquiétude à nourrir sur une « sciencesetavenirisation » de la connaissance scientifique populaire. Dans l’idéal, il faudrait rompre avec cette idée reçue que la science et l’information scientifique sont simples : elles sont difficiles, exigeantes et pleines de pièges. Quiconque souhaitant se forger une opinion sur la relativité restreinte, l’algèbre, la théorie du chaos ou le néo-darwinisme ne pourra éviter de compulser les bases, le vocabulaire, les règles, au même titre que celui qui voudra apprendre une langue étrangère devra passer par les fondamentaux. Il y a généralement autant de différence entre un champ scientifique et sa vulgarisation qu’entre une pratique maîtrisée d’une langue et le petit lexique de voyage des Guides du Routard. Nous ne disons pas que ces lexiques ne sont pas utiles, ou que cette VS simplifiante ne devrait pas exister : nous demandons à ce qu’il soit précisé à ses consommateurs que cette connaissance est simplifiée à outrance, non suffisante pour avoir une opinion éclairée, et crée du « sens » ou du « rêve » bon marché. Aussi sympathique soit-elle, ce n’est pas avec une fausse cape de Superman achetée en supermarché qu’on parviendra à voler. » (*p.119)

Denis Caroti

 


Bibliographie :
On retrouvera l’essentiel de ces critiques dans la thèse de Richard Monvoisin : Pour une didactique de l’esprit critique (2007), p.114, disponible ici

 


[1] Cette histoire du chat de Schrödinger qui narguerait les physiciens est ici, il faut l’avouer, très mal présentée. Ce chat ne nargue personne, c’est simplement une image pour illustrer ce que l’on nomme la superposition des états en MQ. Or, cette superposition n’a lieu qu’à des dimensions proches de celles de l’atome. Le chat, comme illustration de ce phénomène, est intéressant mais laisse souvent le lecteur dans un état pour le moins dubitatif sur les mystères de cette physique si étrange…voir ici pour plus de détails.

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Journalisme – Pourquoi cette japonaise dans les décombres fait-elle la Une de nombreux journaux ?

Nous savons que le choix d’une information parmi les millions d’informations possibles disponibles chaque jour dans le monde se fait selon des critères subjectifs. Ainsi, regarder un journal TV ou un journal quotidien n’est pas, contrairement à ce qu’on veut nous faire comprendre, un véritable scan de l’actualité, mais bien au contraire une reconstruction de la réalité telle que le média souhaite qu’on la voie. Certains étudiants se désespèrent lorsqu’ils comprennent qu’aucun média ne peut être objectif en soi, qu’aucun média ne peut présenter de faits « bruts », car le simple fait que ce fait brut soit choisi et non un autre est déjà un tri subjectif en soi.

Parmi ces critères, il y en a certains plus évidents que d’autres : choisir les informations spectaculaires, ou qui choquent, qui heurtent le sens commun, ou qui flattent des idées reçues. Ils ont ce point commun d’être vendeurs, et il faut nous rappeler qu’un média a pour objectif premier non de nous informer, mais de se vendre.

Et pour augmenter l’accroche, le recours à l’image est vieux comme la presse, et se vérifie tous les jours la maxime de Paris Match : le poids des mots, le choc des photos.

Alors voici une question qui n’attend pas de réelle réponse, mais qui ne sert qu’à susciter le doute sur la fabrication de nos représentations du monde.

Le séisme qui a frappé le Japon le 11 mars 2011 est dramatique, et les risques nucléaires qu’il suscite sont terrifiants. Tous les médias importants ont dépêché des journalistes et des photographes sur place.

Voici quelques premières pages de journaux*, et étrangement, une photo de jeune femme prise par Yomiuri Shimbun (Agence France Presse) dans les décombres d’Ishinomaki a été particulièrement prisée.

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Voici des questions que l’on peut poser à des élèves, des étudiants, du grand public.

Question 1 : comment expliquez-vous que des médias si divers aient tous choisi en photo de couverture la même image ?

Question 2 : quels sont les « ingrédients » de cette image qui lui ont assuré un tel succès ?

Question 3 : votre appréciation de la photo changerait-elle si on apprenait que la jeune femme posait pour la photo, sur demande du photographe ?

Merci à Eric Bévillard de m’avoir montré ce petit phénomène médiatique !

Richard Monvoisin

* Tirées de www.zigonet.com/japon/.

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Appel à la peur – Collection d’exemples

Vous trouverez ici une collection de documents, images ou vidéos, dans laquelle vous pouvez piocher à votre guise pour illustrer le sophisme de l’appel à la peur

Comment faire travailler un groupe avec ce matériel ? Proposition de Richard Monvoisin :

  • leur montrer quelques couvertures de la même catégorie « simple » (insectes, astrophysique), et les laisser formuler le point commun
  • dispatcher quelques couvertures faisant appel à la peur dans une dizaine d’autres, à eux de les retrouver
  • faire la même chose avec une catégorie « plus complexe » (science politique)
  • débattre de l’intérêt de cette scénarisation
  • et enfin leur demander d’essayer de présenter les mêmes situations/phénomènes sans faire appel à la peur

Créer / entretenir la peur de menaces extra-terrestres

Ogres stellaires, bolides de l’espace…
Les nouveaux monstres du cosmos 

Special FIN DU MONDE
Quand le ciel nous tombera sur la tête

> Astéroïdes : un jour c’est sûr…
> Galaxies : Andromède fonce sur nous
> Soleil : Il embrasera la Terre

Le soleil en panne !
Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle
perturbation climatique ?

Notons que sur France Inter, le 22 Octobre 2007, La tête au carré et Science et Vie ont proposé une émission intitulée La fin du monde.

On peut lire dans le sous-titre de cette émission :

Quand le ciel nous tombera sur la tête : astéroîdes, galaxies et soleil… les scientifiques en sont désormais sûrs mais ce n’est pas pour demain ! Nous voici rassurés.

Créer / entretenir la peur d’invasions

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  • Grèce, Portugal, Espagne : l’offensive de Pékin
  • Entreprises : la stratégie des prédateurs
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L’économie européenne gangrénée

Créer / entretenir la peur dans les campagnes de prévention

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Créer / entretenir la peur des médicaments

Ce type d’appel à la peur peut avoir des conséquences graves : détournement des thérapies efficaces et reconnues comme telles.

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Créer / entretenir la peur d’un ennemi intérieur 

L’ultra-gauche – les anarcho-autonomes

Petit montage trouvé sur le net* à l’époque de l’affaire Tarnac, sur l’arrestation le 11 Novembre 2008, de personnes accusées d’avoir posé des fers à béton sur les caténaires de TGV.

Médiatisation des émeutes de 2005 dans les banlieues

Dans cet extrait de Banlieue sous le feu des médias, que l’on peut regarder gratuitement dans son intégralité sur le site de Clap 36, les journalistes français s’étonnent des appels à la peur des journalistes étrangers. Il est toujours plus facile de repérer ce genre de choses chez les autres que dans sa propre édition.

Créer / entretenir la peur de l’islamisme

En France et en Europe

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Affiche suisse créée à l’époque de la votation sur les minarets
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Reprise de l’affiche suisse par le Front National
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Image trouvée sur le Web
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  • Plus de porc dans les cantines
  • Absentéisme au cours de gym
  • Contestation du Darwinisme
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  • Le retour de la menace terroriste
  • La poussée des fondamentalistes
  • L’échec de l’intégration
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Révolutions Tunisienne et Egyptienne

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  • La peur de l’islamisme
  • Le Moyen-Orient destabilisé
  • Comment sauver la paix
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  • La contagion est-elle possible ?
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  • Ce que la France risque
  • La vérité sur les Frères musulmans

Dans ce montage réalisé par Arrêt Sur Image, l’animateur de l’émission Mots croisés de 07/02/2011 ne cesse de questionner ses invités sur le thème : « Faut-il avoir peur des frères musulmans ? »

Toutes les images suivantes concernant la « contagion » ont été recueillies dans l’article intitulé La presse contaminée par la contagion sur le site d’Arrêt sur Image. Elles illustrent particulièrement bien comment le simple choix d’un champ lexical (ici celui de la maladie ou de l’épidémie) peut susciter la peur.

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Actu-Match du 24/01/2011
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20minutes.fr du 24/01/2011
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Le Monde.fr du 19/01/2011
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Libération.fr du 24/01/2011
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Le Point.fr du 20/01/2011
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Le Figaro.fr du 21/01/2011

Créer / entretenir la peur des récidivistes 

Rappelons une fois encore, sur ce sujet sensible, que désigner un appel à la peur n’est en rien une manière de dire qu’on accorde trop d’importance à un sujet ; cela met simplement en évidence le fait qu’on nous pousse dans un état dans lequel il est plus difficile de réfléchir rationnellement et sereinement.

  • Vidéo : le 10 Février 2011, sur le plateau de TF1, lors de l’émission Paroles de Français, N. Sarkozy répond en particulier aux questions d’une pharmacienne sur le thème de l’insécurité. Il y évoque le meurtre de Laetitia. Vous ne pouvez plus visionner la vidéo sur le site de l’Elysée mais voici le passage retranscrit ci-dessous commence à la minute 18’27.
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« Pour moi, ce qui fait déborder le vase, c’est cette jeune Laëtitia, violée par un récidiviste, assassinée par un récidiviste, découpée en morceaux par ce même récidiviste, s’il s’avère que c’est bien lui, les charges pesant sur lui étant très lourdes. Vous voyez, moi je suis plus choqué par ça que par toute autre chose. […]Je veux d’abord aller à l’essentiel. Qu’est-ce qui s’est passé avec Laëtitia ? Ça intéresse les gens de savoir ça. C’est pas rien. Un monsieur, qui avait déjà violé, qui avait passé onze années en prison, est relâché, après sa peine, ce qui est normal, sans que personne ne le suive ! Et ne s’occupe de lui ! Personne ! Ce même monsieur, au même moment où sa compagne dépose au commissariat de police une plainte pour tentative de meurtre et viol, on ne le recherche pas. […] Soit l’enquête conclut que tout s’est bien passé (circulez, y a rien à voir).
C’est la fatalité ? Je peux pas l’accepter ! Je peux parfaitement comprendre la fatalité d’un homme qui n’a jamais violé et jamais tué et qui tout d’un coup commet l’irréparable. Ça, qui pouvait prévoir ? Mais il avait déjà violé, il avait déjà un passé judiciaire ! Donc je ne peux pas accepter qu’on me dise… [changement d’idée en cours d’énoncé] »

 

Voir l'extrait

Oui, Tony Meilhon est un récidiviste. Oui, il a été condamné pour un viol commis en 1997, à cinq ans de prison dont deux avec sursis. Il avait alors 16 ans. Tel que Nicolas Sarkozy le raconte, on peut croire que le violeur mis en examen dans l’affaire Laëtitia est donc un délinquant sexuel qui s’est déjà attaqué à des femmes par le passé.

Or, les faits pour lesquels il a été condamné n’ont rien à voir avec cette association d’idées induite par le propos de Nicolas Sarkozy. Dans un foyer pour mineurs, en compagnie de deux codétenus, ils ont introduit un manche à balai dans l’anus d’un quatrième détenu mineur afin de le punir d’être ce que l’argot des prisons nomme un « pointeur » (des détenus inculpés pour des affaires de mœurs, pédophilie notamment).
Cet acte de torture est une punition contre des délinquants sexuels pédophiles qui sont victimes de l’opprobre en prison depuis très longtemps, comme Jean Genet par exemple a su le décrire. Car même les taulards se considèrent comme régis par un certain code de l’honneur, dans lequel figure le droit de martyriser ceux qui se sont sexuellement attaqués à des enfants, jugés des êtres faibles et incapables de se défendre.

« Il avait passé onze années en prison. » Dans le contexte énonciatif, on peut penser qu’il s’agit de onze années pour des faits de viol. Or, il n’a purgé pour cette affaire que trois ans, et les autres années sont liées à divers délits, essentiellement des attaques à main armée et une agressivité vis-à-vis des autorités de police et de justice (« rébellion », « outrage »…).

Toujours dans le même contexte, le propos de Nicolas Sarkozy, par contiguïté des énoncés, laisse croire que, après ces onze années de prison pour délinquance sexuelle supposée, il a été mis en liberté sans suivi pour être soigné de ses pulsions.
Or, les faits ont été commis il y a plus de douze ans, la peine purgée pour cela il y a bientôt dix années. La justice a manifestement affaire à un être violent, pas à un délinquant sexuel récidiviste.

Quant à la plainte déposée par son ex-petite amie, elle date du 26 décembre 2010, et la disparition de Laëtitia date du 18 janvier. Si l’enquête concluait à l’absence totale de toute tentative de le retrouver, suite à cette plainte, il faut quand même noter qu’il ne s’est écoulé qu’une vingtaine de jours et qu’il est courant de voir des enquêtes et recherches s’enclencher en plus de temps.

Enfin, le motif de la plainte n’est pas celui énoncé par Nicolas Sarkozy, qui charge la barque pour renforcer sa démonstration : « Une plainte pour tentative de meurtre et viol. » Il s’agit en réalité d’une plainte pour « menace de mort » et « agressions sexuelles ». Très agressif avec sa compagne et encore après qu’elle soit devenue son ex-compagne, Tony Meilhon n’a pas accepté la rupture et lui a annoncé : « Je vais te tuer ! Je vais tuer ton fils ! Et j’irai tuer ta mère à Fougères [Ille-et-Vilaine] et je vais me tuer après » et « Il a répété ces menaces une dizaine de fois en quinze jours », ajoute-elle dans une interview au Parisien.

Elle n’a donc pas porté plainte pour tentative de meurtre, comme l’affirme Nicolas Sarkozy, mais pour des menaces. Ça ne le rend pas plus sympathique, mais cela relativise la gravité de la faute que Nicolas Sarkozy impute aux juges et aux policiers. Ce n’était pas un violeur récidiviste ni un assassin recherché suite à une plainte pour tentative de meurtre. En matière d’homicide, il n’était encore jamais passé à l’acte. Il est donc tout à fait dans le cadre « d’un homme qui n’a jamais tué et qui tout d’un coup commet l’irréparable », ce que Nicolas Sarkozy « peut parfaitement comprendre » selon ses propres dires…

TP Médias – Scénarisation de la mort de nombreux oiseaux et poissons

Début Janvier 2011. Des oiseaux et des poissons meurent « en masse » aux quatre coins du monde. Une partie du public a peur, invoque la théorie du complot ou voit dans ces « évènements » des signes annonciateurs de la fin du monde. Comment les médias ont-ils couvert ce sujet ? 
Retour sur ce bel exemple de scénarisation de l’information.

Matériel

Extrait du JT de 20h de France 2 du 03/01/2011.

[dailymotion id=xgtii0]

Les titres d’articles réunis ci-dessous ont été récoltés le 27/01/2011.

Titres d’articles jusqu’au 3-4 Janvier (Télécharger une sauvegarde des articles en .pdf) :
Pluie d’oiseaux morts inexpliquée dans l’Arkansas Le Monde.fr (02/01/2011)
5000 oiseaux morts de peur dans une petite ville d’Arkansas Libération.fr (03/01/2011)
Il pleut des oiseaux morts en Arkansas Ouest France.fr (04/01/2011)
Une pluie d’oiseaux morts s’abat sur une ville de l’Arkansas Le Point.fr (04/01/2011)
Titre d’articles du 4-5 au 6 Janvier (Télécharger une sauvegarde des articles en .pdf) :
Nouvelle pluie mystérieuse d’oiseaux morts aux Etats-Unis Le Monde.fr  (04/01/2011)
Nouvelle pluie mystérieuse d’oiseaux morts aux Etats-Unis Le Figaro.fr  (05/01/2011)
Nouvelle pluie mystérieuse d’oiseaux morts aux Etats-Unis
L’Express.fr  (05/01/2011)
Nouvelle pluie mystérieuse d’oiseaux morts aux Etats-Unis Le Point.fr  (05/01/2011)
Nouvelle pluie mystérieuse d’oiseaux morts aux Etats-Unis La Provence.com  (05/01/2011)
Nouvelle hécatombe chez les oiseaux aux Etats-Unis Libération.fr (05/01/2011)
Nouvelle mystérieuse hécatombe d’oiseaux ledauphine.com (05/01/2011)
Deux nouvelles mystérieuses pluies d’oiseaux morts Ouest France.fr (05/01/2011)
2012 Les pluies d’oiseaux morts aux USA et en Suède relancent les thèses apocalyptiques Midi Libre.com (05/01/2011)
Hécatombe d’oiseaux morts aux Etats-Unis : simple coïncidence ou prémice de l’Apocalypse ? 20 minutes.fr (05/01/2011)
Après les oiseaux, des millions de poissons périssent mystérieusement 7sur7.be (06/01/2011)

Titres d’articles à partir du 7 Janvier (Télécharger une sauvegarde des articles en .pdf) :
Les hécatombes d’animaux en série pas si mystérieuses Le Figaro.fr(07/01/2011)
Pourquoi ces milliers de morts ? ledauphine.com (07/01/2011)
Le faux mystère des oiseaux morts SudOuest.fr (08/01/2011) ???
Roumanie : des oiseaux morts ivres Le Figaro.fr (11/01/2011)
Des dizaines d’oiseaux retrouvés morts étaient… ivres  7sur7.be (11/01/2011)
Les oiseaux morts en Roumanie étaient ivres Ouest France.fr (12:01:2011)
Les pigeons italiens, eux, avaient mangé trop de graines 7sur7.be (12/01/2011)
Pourquoi tant d’oiseaux meurent-ils ? La Croix.com (13/01/2011)
Nouvelle pluie d’oiseaux morts en Alabama : un phénomène courant 7sur7.be (14/01/2011)

Pour mener le TP en trois étapes

1. Vous pouvez commencer par montrer la vidéo une première fois, montrer les titres d’articles de la deuxième période (du 4-5 au 6 Janvier 2011), puis repasser la vidéo en demandant à votre public de récolter toutes les expressions relevant du mystère et de la peur.
 

2. Vous pouvez ensuite :

→ aborder le fait que le même titre apparaît au mot près sur 5 sites différents (reprise d’une dépêche Reuters) et trois fois à peine modifié. Cela permet de poser la question de la source de l’information.

→ discuter du sentiment produit.
→ soulever quelques questions à se poser avant de céder à la panique – Facette Z : le contexte est important.

Par exemple :
Est-ce déjà arrivé ?
Quelle est la fréquence de tels « évènements » ?
2 000 oiseaux morts, est-ce vraiment beaucoup ? Combien y en avait-il en tout ? (Le contexte est important + détachement de données importantes)
Le fait qu’il n’y ait pas d’explication scientifique au moment du reportage (réalisé le jour même ou peu de temps après) implique-t-il nécessairement le mystère ?

→ discuter de l’effet induit par le rapprochement d’évènements qui n’ont a priori rien à voir entre eux – mille demi-preuves ne font pas une preuve.
→ les causes potentielles de ce phénomène évoquées dans le reportage sont-elles si mystérieuses ? Effet peau de chagrin.

3. Montrer la liste des articles par ordre chronologique.
Comparer les tons des trois différentes périodes.

Réactions du public sur le web

Sur une multitude de sites, invocation de théories du complot ou de citations bibliques annonçant la fin du monde.
Vous trouverez tous les exemples que vous voudrez en « surfant » sur le net.  En voici quelques exemples parmi beaucoup d’autres :

mary joli : OUI C EST VRAI QUE C EST ETRANGE VOIR INQUIETANT ET QUEL MASACRE PAUVRES OISEAUX SE PASSE SUREMENT DES CHOSES DONT NOUS SOMMES PAS AU COURANT

I christophe : Allez sur le site Officiel americain de Haarp (gacona Alaska) allez sur les sites de recherches en physique et geophysique americains et vous aurez une meilleure iddee des effets sur les oiseaux et sur les poissons .

Pierre Avia : Ils n’en mouraient pas tous mais tous étaient atteints. Les dommages collatéraux des éruptions de pétrole brut n’ont pas encore donné toutes leurs mesures. Toute la chaîne, Louisiane, Arkhanzas, Golfe du Mexique, Bassin caraïbe sont au premier rang pour la pollution cancéreuse.

MARC Pagé : Voyons donc!!! De la foutaise… Nuage toxique probablement ou autre choses quils ne veulent pas nous dires..

Gerlm001 : A part l’hypothese de phenomenes atmospheriques electriques atypiques (voire artificiel), je ne vois pas grands chose pouvant expliquer ces mortalites brutales et massives. L’examen du coeur des oiseaux appotera peut-etre quelques explications.

Réactions des médias aux réactions du public sur le web

Notons que les médias eux-mêmes mentionnent les peurs du public, s’en étonnent ou s’en amusent. Ils n’ont pourtant pas spécialement cherché à calmer ces craintes, loin de là.

Citons, par exemple,
Sciences et Avenir (09/01/2011) :

En quelques jours, des informations faisant état de la mort soudaine de quantités massives d’oiseaux et de poissons sont venues aussi bien de Suède que de Grande-Bretagne, du Japon, de Thaïlande ou du Brésil. Pigeons, méduses, vivaneaux, choucas… de nombreuses espèces semblent avoir été frappées.
Adeptes de la théorie du complot, Cassandres de tout poil et extrémistes religieux n’ont pas tardé à avertir que la fin du monde était proche, et toutes sortes d’hypothèses ont été évoquées. Pouvait-il s’agir d’astronautes testant une puissante arme sonore pour éloigner les extra-terrestres? De tests de l’armée américaine portant sur une arme alimentée en énergie par satellite? D’aérosols chimiques, de pluies de météorites, de séismes rendant actifs les polluants déversés dans l’océan par la récente marée noire du golfe du Mexique?
En un battement d’aile, le mot « oiseau » est devenu le plus recherché sur le site internet du New York Times.
Les sites de blogueurs religieux ont ressorti un passage de la Bible extrait du livre d’Osée (chapitre 4, verset 3): « C’est pourquoi le pays sera dans le deuil, tous ceux qui l’habitent seront languissants, et avec eux les bêtes des champs et les oiseaux du ciel; même les poissons de la mer disparaîtront ».

Sud Ouest (07/01/2011) :

La blogosphère s’agite et s’enfièvre. La fin du monde approcherait-elle ? […]On peut passer quelques heures fort distrayantes à se balader sur les forums de discussion et les blogs qui fleurissent sur la question. La fin du monde ne recule pas, c’est une évidence bien comprise de tous, mais avance-t-elle à la faveur de ces ondées de volatiles sur les bourgades américaines et scandinaves ? Oui, répondent en chœur les promoteurs des thèses millénaristes, qui y voient le hors-d’œuvre de l’Armageddon que les Mayas auraient programmé pour 2012.
Dans le fatras de la Toile, on relève aussi des explications relatives au grand complot – on nous cache tout, on nous dit rien- comme pour la mort subite du nourrisson et les armes ultimes de l’armée américaine. De doctes développements sont par ailleurs consacrés aux résurgences de la grippe aviaire qui foudroierait les oiseaux en plein vol. Et aux « pluies de poissons » (volants ?) que les autorités (éventuellement vendues aux extraterrestres) masqueraient ici ou là.
Nos recherches ne nous ont pas encore permis de détecter sur Internet des témoignages relatifs à des pluies de rhinocéros dans la savane, mais il convient de ne pas désespérer. La fantaisie est parfois moins exotique. On relate, ici ou là, des attaques d’aigles sur l’espèce humaine. « Ils ont peur de quelque chose dans le ciel », témoigne une internaute, sûre de son fait. Pas sûr que dans cette histoire les oiseaux soient les plus apeurés…

  Guillemette Reviron

Note de Richard M : le 14 janvier 2011, Stéphane Foucart, du Monde, abordait ce sujet de manière critique et comparative dans l’émission la Tête au carré, sur France Inter.

Voici l’extrait :

CorteX - dent d'or de Fontenelle

La dent d’or de Fontenelle et le château en Espagne

Métaphore utile que celle de la dent d’or de Fontenelle. Elle illustre à merveille ce que Henri Broch dénonce dans un certain nombre de thèses paranormalistes (Voir ici). J’ai (RM) coutume de l’illustrer ainsi : Facette zététique : avant de bâtir des châteaux de sable en Espagne, assurons-nous qu’il y a bien du sable. À déguster sans modération.

CorteX - dent d'or de FontenelleAssurons-nous bien du fait, avant que de nous inquiéter de la cause. Il est vrai que cette méthode est bien lente pour la plupart des gens qui courent naturellement à la cause, et passent par-dessus la vérité du fait ; mais enfin nous éviterons le ridicule d’avoir trouvé la cause de ce qui n’est point.

Ce malheur arriva si plaisamment sur la fin du siècle passé à quelques savants d’Allemagne, que je ne puis m’empêcher d’en parler ici.

« En 1593, le bruit courut que, les dents étant tombées à un enfant de Silésie âgé de sept ans, il lui en était venu une d’or à la place d’une de ses grosses dents. Horstius, professeur en médecine dans l’université de Helmstad, écrivit, en 1595, l’histoire de cette dent, et prétendit qu’elle était en partie naturelle, en partie miraculeuse, et qu’elle avait été envoyée de Dieu à cet enfant pour consoler les chrétiens affligés par les Turcs ! Figurez-vous quelle consolation, et quel rapport de cette dent aux chrétiens ni aux Turcs ! En la même année, afin que cette dent d’or ne manquât pas d’historiens, Rullandus en écrit l’histoire. Deux ans après, Ingolsteterus, autre savant, écrit contre le sentiment que Rullandus avait de la dent d’or, et Rullandus fait aussitôt une belle et docte réplique. Un autre grand homme, nommé Libavius, ramasse tout ce qui avait été dit de la dent, et y ajoute son sentiment particulier. Il ne manquait autre chose à tant de beaux ouvrages, sinon qu’il fût vrai que la dent était d’or. Quand un orfèvre l’eut examinée, il se trouva que c’était une feuille d’or appliquée à la dent, avec beaucoup d’adresse : mais on commença par faire des livres, et puis on consulta l’orfèvre. »

Rien n’est plus naturel que d’en faire autant sur toutes sortes de matières. Je ne suis pas si convaincu de notre ignorance par les choses qui sont, et dont la raison nous est inconnue, que par celles qui ne sont point, et dont nous trouvons la raison. Cela veut dire que, non seulement nous n’avons pas les principes qui mènent au vrai, mais que nous en avons d’autres qui s’accommodent très bien avec le faux

Bernard le Boyer, de Fontenelle, Histoire des oracles, chapitre IV (1687).

Cité comme fiche pédagogique dans R.Monvoisin, Pour une didactique de l’esprit critique (2007) p 386.