Un ministre peut-il tomber enceinte ?* Dé-masculiniser la langue française, entrevue avec Pascal Gygax

Sans doute avez-vous déjà lu des textes où l’on évoquait des « enseignant-es », ou l’on parlait d’« ielle », et peut-être avez-vous été intrigué·e ou agacé·e par ces libertés grammaticales. Au CorteX, nous employons régulièrement de telles tournures, mais, faute de temps, nous n’avions jamais consacré un article à ce sujet. Nous tentons d’y remédier partiellement avec ce petit article, afin d’expliciter les enjeux et les alternatives possibles et surtout déconstruire quelques idées reçues auxquelles nous avons été confronté·e·s (ou auxquelles nous avons même pu souscrire). Pour cela, nous avons sollicité l’expertise de Pascal Gygax, chercheur en psycholinguistique à l’Université de Fribourg, qui a chaleureusement accepté de nous répondre.  Nous vous proposons ensuite quelques ressources documentaires. *Le titre « Un ministre peut-il tomber enceinte » est emprunté à l’excellent article de Markus Brauer1.

 

Entrevue

Bonjour Pascal Gygax, votre laboratoire travaille sur les représentations sociales véhiculées par le langage, et notamment par l’usage massif du genre masculin dans la grammaire française. Pouvez-vous expliquer quels types d’expériences vous mettez en place pour étudier cela ?

CorteX_Gygax2017De manière générale, nous nous intéressons surtout à l’ambiguïté de la forme grammaticale masculine – celle-ci ayant plusieurs sens possibles – , et la manière dont notre système cognitif résout cette ambiguïté. Nous avons utilisé des paradigmes de psycholinguistique expérimentale pour étudier ceci. De manière générale, nous nous intéressons à la manière dont une phrase comme « une des femmes portait un parapluie » est traitée lorsqu’elle suit une phrase comme : « Les musiciens sortirent de la cafétéria »1.

Illustration. L’équipe de Pascal Gygax a présenté à notamment 36 francophones des groupes de 2 phrases. Chaque première phrase introduisait un groupe de personne appelées par un nom de métier au pluriel (comme « Les musiciens sortirent de la cafétéria. » ou « Les assistants sociaux marchaient dans la gare. »). Les métiers étaient associés à des stéréotypes masculin, féminin, ou neutre. Chaque seconde phrase précisait qu’il y avait des (mais pas exclusivement) femmes ou hommes dans le groupe (par exemple, « Une des femmes portait un parapluie. » ou « Du beau temps était prévu, plusieurs femmes n’avaient pas de vestes. »). Les francophones devaient dire rapidement si la deuxième phrase était une suite possible ou non de la première. Les francophones répondaient plus souvent par l’affirmative lorsque des hommes figuraient dans la deuxième phrase, indépendamment des stéréotypes de la première phrase. En d’autres termes, les représentations des francophones étaient moins guidées par les stéréotypes que par les marques de genre au pluriel.

Quels sont les principaux résultats de la littérature sur le sujet ?

Nous avons montré (avec d’autres équipes également) que notre cerveau résout l’ambiguïté sémantique du masculin au dépend des femmes et au profit des hommes, systématiquement et indépendamment du contrôle que nous essayons parfois de mettre en place. Ceci veut simplement dire que le sens « masculin = homme » est toujours activé, et que ne pouvons pas empêcher cette activation, même si nous essayons d’activer consciemment les sens « masculin = mixte ou neutre »2.

Ilustration. Une équipe de recherche de Clermont-Ferrand3 a demandé à 101 personnes de répondre à une des deux questions suivantes : « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique masculin) ou « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats/candidates de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique neutre). Les résultats, représentés ci-dessous, montrent que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes citent plus de femmes lors de la deuxième condition.CorteX_brauer_candidates-candidats

Peut-on dire que le masculin neutre existe en langue française ?

De fait, un sens neutre peut exister (comme pour les termes épicènes4), mais ce sens ne peut pas être porté par le masculin. En effet, le fait de désigner un groupe de personnes par un mot ou un groupe de mots au masculin fait que l’on va plus souvent penser que des hommes constituent ce groupe.

Vous suggérez de ne pas utiliser de formules de ce type : «  Pour faciliter la lecture du document, le masculin générique est utilisé pour désigner les deux sexes ». Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

Nous avons montré que le sens « masculin = homme » est activé de manière passive, non-consciente et incontrôlable. Nous appelons ceci un mécanisme de résonance. La mention dont vous parlez ne changera rien à cette activation5.

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Brochure délivrant des conseils pour de-masculiner son style à l’écrit

Que dites-vous aux personnes qui trouvent que dé-masculiniser la langue française, c’est alourdir un texte, le rendre presque illisible ? Cette question a-t-elle été étudiée de façon expérimentale?

Oui, un article a été publié en 2007 sur le sujet6. Celui-ci montre que nous nous habituons très vite à ces formes non-sexistes. J’ajouterais tout de même qu’une démarche linguistique de neutralisation – en formulant le texte sans forcément se référer à des individus en particulier (par exemple, « la direction estime que… ») allège souvent le texte. C’est ce que nous souhaitons transmettre au travers des ateliers d’écriture non-sexiste que nous organisons.

La grammaire et l’orthographe de la langue française ont-ils toujours été ainsi ?

Je ne suis pas historien du langage, mais une forme neutre existait en latin, et le masculin comme valeur par défaut s’est imposé pour des raison de patriarcat. On retrouve des écrits du XVIIème qui l’attestent7.

Illustration. Claude Favre de Vaugelas, grammairien et académicien, en 1647, dans Remarques sur la langue française. Utiles à ceux qui veulent bien parler et bien écrire  : « La forme masculine a prépondérance sur le féminin parce que plus noble ».
Nicolas Beauzée, grammairien et académicien, en 1767, dans Grammaire générale : « le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle ».

Y a-t-il des langues qui, dans leur construction, ne privilégient jamais un genre au détriment de l’autre ?

Oui, le finnois, par exemple, n’a pas de marque grammaticale de genre. En danois, il existe des formes spécifiques, des formes neutres, et même des formes dites mixtes. La Suède adopte progressivement le nouveau pronom « hen », pour remplacer hon [elle] et han [il]. En allemand, on trouve de plus en plus de formes dites « nominalisées », qui sont neutres. Quelques linguistes proposent des formes semblables en français (par exemple, illes). Nous souhaitons par ailleurs tester ces nouvelles formes, mais manquons pour l’instant de ressources financières.

Lorsque l’on emploie des formules du type « les étudiantes et les étudiants », n’enferme-t-on pas finalement les individus dans deux sexes ou deux genres, alors que certaines personnes ne se retrouvent pas dans ces catégories ? Pourrait-on imaginer des alternatives ?

Oui, vous avez raison. À terme, ceci n’est pas une solution viable. Pour l’instant, cette formulation permet d’améliorer la visibilité des femmes dans la société, mais il active également une catégorie (le genre) qui est complètement aléatoire et non pertinente dans beaucoup de situations. Nous avons d’ailleurs dédié un chapitre sur ce sujet8.

Plutôt que de dé-masculiniser la langue française, pourrait-on envisager de la dégenrer ? Y a-t-il des personnes ou collectifs qui travaillent dans ce sens ?

Nous souhaitons commencer un projet sur ce sujet : apprendre à des participantes et participants de nouvelles formes, et tester leur représentations à la fin de l’apprentissage. Nous sommes relativement convaincu·es que les effets de nouvelles formes, plus inclusives de la diversité de genre (et de sexe), apporteront énormément à notre manière de percevoir le monde.

Si nous sommes sensibles à ces questions, quelles mesures simples pouvons-nous mettre en pratique au quotidien ?

Financer nos recherches… je plaisante (…à moitié). Je pense qu’un changement de représentations doit passer par deux démarches linguistiques possibles : la féminisation ou la neutralisation. La première permet surtout de renforcer la visibilité des femmes dans notre société (surtout si les femmes sont mentionnées en premier, comme dans « les musiciennes et les musiciens »), et la deuxième de diminuer l’activation de la catégorie « genre ». Cette dernière demande souvent un effort de reformulation, car elle nécessite un changement de lexique (en passant par des termes épicènes notamment) ainsi qu’un changement sémantique. Par exemple, lorsque nous souhaitons parler des migrantes et des migrants, nous pouvons utiliser les termes « la population migrante ». Le sens change quelque peu, mais est souvent parfaitement adapté au propos souhaité.

Merci beaucoup Pascal Gygax pour votre disponibilité et pour vos travaux !

Ressources

Vous souhaitez plutôt écouter Pascal Gygax ? Voici le fichier audio de son passage chez Radio télévision suisse en mars 2016.

Télécharger

Nous vous recommandons également le visionnage d’Éliane Viennot à la Wikiconférence francophone d’août 2016. Cette professeure de littérature française de la Renaissance à l’Université de Saint-Étienne rappelle ici que la langue française traitait de manière quasi-égalitaire les sexes masculins et féminins, jusqu’à ce que des personnes clairement opposées à l’égalité entreprennent de la masculiniser.

Vous pouvez également lire Éliane Viennot, que nous n’avons pas encore lu, mais que nous allons dévorer.

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À lire également, l’article d’Aurore Évain, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion – Travaux de sémiologie, n°6, , qui revient sur la disparition de noms féminisés à la charnière des XVIIème et XVIIIème siècle. La forme « autrice », dérivée du latin auctrix, a par exemple été supprimée à la suite d’une longue querelle entre praticiens et grammairiens. Aurore Évain explique comment la réfutation de l’usage de ce mot s’appuie à l’époque non seulement sur des débats sur sa formation grammaticale, mais aussi sur la remise en cause de la légitimité même des femmes à écrire. 

Analyse d’un texte critique sur l’écriture inclusive

Dans la revue Science & pseudo-sciences n°323 de janvier/mars 2018, Brigitte Axelrad aborde ce sujet au travers d’un texte intitulé « Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? ». Nous avons rédigé le texte suivant à l’intention de la rédaction du journal :

Bonjour,

Nous avons lu avec intérêt votre article du SPS n°323 Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? (1). Cependant, cela nous surprend de constater que cet article fait fi d’une grande partie des données empiriques disponibles dans la littérature. Il y a au moins quatre points à soulever.

1) La question de la démasculinisation de la langue française n’est pas seulement une question d’ordre politique, pour moins « invibiliser les femmes » ou « faire progresser les mentalités et avancer l’égalité entre les hommes et les femmes ». Les enjeux sont aussi méthodologiques. Si nos formulations langagières impactent nos représentations, alors il faudra apporter une attention toute particulière par exemple aux formulations des questionnaires utilisés lors d’enquêtes. Il y a d’ailleurs des données empiriques qui soutiennent cette hypothèse. Une équipe de recherche de Clermont-Ferrand, par exemple, a demandé à 101 personnes de répondre à une des deux questions suivantes : « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique masculin) ou « Sans tenir compte de vos opinions politiques, citez tous les candidats/candidates de droite que vous verriez au poste de Premier ministre » (condition générique neutre). Les résultats montrent que, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes citent plus de femmes lors de la deuxième condition (40 % contre 15 %) (2).

2) Comme il est évoqué succinctement dans une partie du texte, démasculiniser la langue française, ce n’est pas seulement adopter l’écriture inclusive par le point médian, mais surtout privilégier des formulations non genrées (dites épicènes : « les personnes » plutôt que « les hommes » ; le « corps enseignant » plutôt que « les enseignants »). Cela ne veut pas dire non plus que les genres ne sont jamais utilisés, dans les récits par exemple. Dans certains cas, il est tout à fait normal de vouloir individualiser son propos, et d’expliciter le genre de la personne (ou des personnes), à laquelle nous nous référons. Ainsi l’introduction de l’article : « Maître·sse Corbe·au·lle sur un arbre perché·e tenait en son bec un fromage. Maître·sse Renard·e par l’odeur alléché·e lui tint à peu près ce langage » ressemble plus à une caricature qu’à un exemple précis et illustratif de la façon de démasculiniser la langue française. Il y a probablement des façons plus rationnelles de démasculiniser la langue et de ne pas alourdir les textes. Des travaux expérimentaux sont d’ailleurs également menés sur le sujet (3).

3) Le paragraphe consacré aux influences des langues sur les modes de pensée s’abstient lui aussi d’en référer à des travaux empiriques et ne présente pas l’étendu du débat sur la question. Plusieurs articles y sont pourtant consacrés, publiés dans des revues à comité de lecture (4). En français et en ouvrage grand public, Claude Hagège, linguiste et titulaire par le passé au Collège de France d’une chaire de théorie linguistique, a également écrit sur le sujet (5), dans un sens différent. En Suisse, à l’université de Fribourg, Pascal Gygax et ses collègues travaillent spécifiquement sur ces questions et ont réalisé par exemple un état des lieux de la recherche francophone en psycholinguistique sur les représentations mentales du genre pendant la lecture (6), mais aussi dans une perspective plus internationale (7).

4) Enfin, le dernier paragraphe portant sur les déterminants de l’évolution des langues aurait lui aussi pu être confronté à la littérature historique sur le sujet. « Il semble bien que l’échec de l’écriture inclusive est assuré car, qu’elle soit écrite ou parlée, la langue n’évolue que selon ses propres lois et non par décret. » Éliane Viennot (8) et Aurore Evain (9), parmi d’autres, se sont précisément penchées sur la question des déterminants de l’évolution des langues relativement aux genres, au travers d’études historiques approfondies et passionnantes, et leurs conclusions ne sont pas aussi définitives. Par exemple, la règle concernant l’accord des adjectifs disant que le « masculin qui l’emporte sur le féminin », a été mise au point au XVIIème siècle. Avant, le plus souvent, l’accord se faisait avec le mot le plus proche (10). Il y a d’autre part des exemples de loi qui elles ont modifié les usages de la langue. L’ordonnance de Villers-Côtterets d’août 1539 entre autres choses statuait sur l’usage unique du français comme langue officielle du droit et de l’administration en France. La loi Haby du 11 juillet 1975 portait elle notamment sur l’usage des langues régionales à l’école. En outre, quand bien même l’affirmation sous-entendue jusqu’à aujourd’hui les langues n’ont jamais évolué sous le coup de l’intervention humaine serait vraie, elle ne pourrait servir que d’argument inductif pour soutenir qu’il ne pourra jamais en être autrement. Or on connaît la faiblesse des arguments inductifs. La dinde inductiviste de Bertrand Russel en a fait les frais (11). Tous les jours bien nourrie, elle acquiert la certitude qu’il en sera toujours ainsi. Jusqu’au jour de son exécution. Par conséquent, gardons-nous d’utiliser ce type d’argument « cela n’a jamais été ainsi donc cela ne pourra jamais être autrement. » pour prévoir l’impossibilité d’une transformation sociétale quelconque. Une brève présentation des travaux empiriques sur le sujet des représentations induites par l’usage d’une langue dé-masculinisée ou non, par le biais d’une entrevue avec Pascal Gygax, chercheur en psycholinguistique, est disponible sur cortecs.org (12).

Nous saluons l’initiative de SPS et de Brigitte Axelrad d’avoir traité de ce sujet passionnant et siège de débats depuis plusieurs siècles (10) et nous apprécierions de lire à nouveau un article consacré au sujet, agrémenté nous l’espérons de données plus factuelles.

Bien à vous, Nelly Darbois, Albin Guillaud, Richard Monvoisin, Collectif de recherche transdisciplinaire esprit critique & sciences.

(1) Brigitte Axelrad. Êtes-vous prêt·e·s pour l’écriture « inclusive » ? SPS n°323, janvier / mars 2018

(2) Markus Brauer. Un ministre peut-il tomber enceinte ? L’impact du générique masculin sur les représentations mentales. In: L’année psychologique. 2008 vol. 108, n°2. pp. 243-272.

(3) Pascal Gygax et Noelia Gesto (2007). Féminisation et lourdeur de texte. L’Année psychologique, 107, pp239-255.

(4) Gabriel U, Gygax P, Kuhn E. Neutralising linguistic sexism: Promising, but cumbersome?. In press in Group Processes & Intergroup Relations.

(5) Claude Hagège. Contre la pensée unique. Paris, Édile Jacob, 2012.

(6) Gygax P, Sarrasin O, Lévy A, Sato S, Gabriel U. La représentation mentale du genre pendant la lecture: état actuel de la recherche francophone en psycholinguistique. Journal of French Language Studies. FirstView Article. September 2013, pp 1 -­ 15.

(7) Sato S, Öttl A, Gabriel U, Gygax P. Assessing the impact of gender grammaticization on thought: A psychological and psycholinguistic perspective. In press in “Gender and Language. Current Perspectives” in Osnabruecker Beitraege zur Sprachtheorie (OBST).

(8) Éliane Viennot. L’Académie contre la langue française : le dossier « féminisation ». Editions iXe, coll. xx-y-z, 2016. 216 pages.

(9) Aurore Évain, « Histoire d’autrice, de l’époque latine à nos jours », Sêméion – Travaux de sémiologie, n°6, février 2008.

(10) Site internet d’Éliane Viennot http://www.elianeviennot.fr/Langue-accords.html

(11) Alan Chalmers, Qu’est-ce que la science ? : Popper, Kuhn, Lakatos, Feyerabend, Le Livre de Poche, Paris, 1987.

(12) Nelly Darbois et Pascal Gygax. Un ministre peut-il tomber enceinte ?* Dé-masculiniser la langue française, entrevue avec Pascal Gygax. cortecs.org. https://cortecs.org/materiel/un-ministre-peut-il-tomber-enceinte-de-masculiniser-la-langue-francaise-entrevue-avec-pascal-gygax/#note-1111409-7

Utiliser la série Black Mirror pour incrémenter la critique (et avoir une excuse pour regarder des séries)

Black Mirror, créée par Charlie Brooker est une série de (pour l’instant) deux saisons de  3 épisodes, diffusées sur Channel 4 de 2011 à 2014 – auxquels s’ajoute un épisode spécial Noël, et d’une troisième saison de 6 épisodes produite par Netflix en 2016. Plusieurs d’entre nous l’ont lorgnée à des fins didactiques. Que peut-on faire avec un tel matériel ?

Black Mirror ?

L’idée d’utiliser une série, en particulier de science-fiction (SF), dans un cadre académique pourrait en surprendre plus d’un.e (bien que nous l’ayons déjà fait ici, dans un atelier doctoral sur les neurosciences et la fiction, en 2013), l’une des principales raisons étant la mauvaise réputation dont jouit la science-fiction en France. Dernier exemple en date : l’émission du 2 décembre 2016 de France Culture consacrée à « L’héritage de Dune de Franck Herbert » lors de laquelle on a pu entendre, concernant le livre Dune de Franck Herbert : « ce n’est pas de la science-fiction, c’est un roman » (affirmation qui n’a été démentie ni par les autres intervenant.es, ni par le journaliste). Cette phrase qui peut paraître anodine est lourde de sens pour l’amateur/trice de science-fiction qui doit régulièrement justifier et défendre son intérêt pour ce (sous-)genre qui n’est pas considéré comme «  noble ». Toujours est-il qu’affirmer que Dune n’est pas de la SF est vraiment osé ! Assumons le fait d’apprécier des œuvres de SF pour ce qu’elles sont : à savoir des œuvres de SF, et laissons la notion de mauvais genre aux tristes figures.

Justifier le matériau : pourquoi la science-fiction ?

Contexte contemporain

Dans Species Technica, Gilbert Hottois écrivait que le « progrès techno-scientifique se fraye dans une atmosphère dense de phantasmes, de légendes, de fictions »1.

La sociologue Marina Maestrutti donne le constat suivant :

« dès que l’on veut rendre compte de la manière dont les faits et les discours s’entremêlent dans l’émergence de nouvelles configurations de la technoscience, on constate le rôle omniprésent de la métaphore : étudier de près les histoires ne signifie pas compromettre la réalité des faits mais plutôt montrer comment la mise en récit reflète le croisement des désir, raisons et mondes matériels qui forment la texture de la réalité même […] elle est constituée en partie de narrations littéraires, en premier lieu de la science-fiction, mais aussi dans des rapports officiels, les essais de divulgation ou les brochures publicitaires, où l’argumentation ne cesse de se faire narration, récit […] le répertoire des figures, images, personnages et symboles [est] continuellement réactualisé pour être adapté à de nouveaux contexte où émergent des concepts, des pratiques, des objets, des stratégies marketing »2.

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Le 12 mai 2014 le journal Le Monde publiait un article concernant les « robots tueurs » accompagné d’une image du célèbre Terminator, archétype du robot tueur dont le dessein est de réduire l’humanité à néant. Les récits de science-fiction constituent une trace écrite de l’imaginaire et des représentations d’une époque. En cette période de développement technoscientifique, ils constituent une ressource précieuse dans le cadre de l’analyse des débats contemporains (qui se situent souvent entre deux positions qui sont certes caricaturales, mais surtout symboliquement chargées : technophobie vs. technophilie).

Autre cas emblématique, celui d’Eric Drexler (l’auteur de Engins de Création) : de par ses travaux de prospectives, il participa à l’avènement et au développement des nanotechnologies. Son œuvre revêt encore aujourd’hui une importance cruciale dans l’imaginaire « technoscientifique »3. Il a créé une impulsion poussant les politiques et les acteurs économiques à se lancer dans une course aux nanotechnologies. Drexler a ensuite perdu le soutien (si ce n’est sa crédibilité) auprès des scientifiques. Il a par exemple été écarté de la National Science Fondation et du rapport NBIC (Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), commandité par cette dernière, qui vise à questionner l’accroissement des performances humaines. Ce rapport, sous-titré « convergence technologique pour l’amélioration des performances humaines »,  vise à dresser un panorama du développement à venir de ses quatre technologies. Sont évoqués notamment les technologies d’amélioration physique et cognitive, les implants bioniques, l’intelligence artificielle ou encore les nano-robots.

Autre exemple concernant l’influence de la SF sur nos représentations (et notre vocabulaire) : Le mot « robot » apparaît pour la première fois en 1921 dans la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum’s Universal Robot) de l’écrivain tchèque Karel Čapek. Le terme « robotique » est quant à lui inventé par Isaac Asimov.

La SF comme laboratoire d’expérience de pensée

Travailler à partir de la SF n’est pas seulement ludique et divertissant, c’est surtout utiliser un laboratoire d’expériences de pensée qui permet notamment de tester des hypothèses qui servent de propédeutique aux questions philosophiques, éthiques, politiques. Les champs de l’éthique et de la philosophie de l’esprit ont une grande tradition d’expériences de pensée4.

En guise d’exemple de création de concept par la SF, on trouve entre autre dans l’ouvrage de Marina Maestrutti, l’expression « paradigme Gattaca » dérivée du film d’Andrew Niccol, Gattaca (Bienvenue à Gattaca), sorti en 1998. Ce paradigme évoque le thème du film qui montre la mise en place progressive d’une humanité à deux niveaux  : d’un côté les personnes dont les caractères génétiques ont été sélectionnés avant leur naissance ; de l’autre les « enfants de la providence » qui naissent sans que les parents n’aient même effectué un diagnostic prénatal. Ces derniers sont exclus de la société, du moins des postes à responsabilité : « la discrimination est devenue une science », et elle est génétique.

Black Mirror

La série Black Mirror dans ce contexte semble tout indiqué. Série d’actualité à succès, elle anticipe une société dystopique liée à un mauvais usage des nouvelles technologies et en particulier les usages des technologies de l’information et de la communication, le « miroir noir », auquel fait référence le titre de la série, étant celui des écrans de télévisions, ordinateurs, tablettes et autres smartphones. La série explore de multiples scénarios qui sont une bonne base pour introduire certaines questions d’esprit critique.

Saison 3

Cette troisième saison de 6 épisodes s’ouvre et se ferme sur deux scénarios parallèles qui extrapolent certaines pratiques actuelles liées aux réseaux sociaux. L’épisode 3 surfe également sur cette thématique.
On peut introduire ces épisodes de diverses façons : en évoquant les différents faits d’actualités sur les suicides liés aux réseaux sociaux, sur les informations « fakes« , sur la pression sociale et l’acceptation des normes.

Épisode 1 Chute libre (Nosedive)

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L’épisode est encombrant, car à notre avis insécable, mais c’est un excellent support de départ pour un débat sur la réputation comme monnaie d’échange, et sur les curseurs utilisés pour donner plus ou moins de droits aux gens – en quoi l’argent serait-il moins stupide que le critère de réputation sur 5 ? Il est tout indiqué pour travailler sur la théorie des jeux (Axelrod, Rapoport, etc.5)et la notoriété ou réputation, valeur d’échange dans les sociétés humaines6.
Reste un cliché camionneuse – réputation basse – alcool qui laisse un peu perplexe.

Épisode 2 Playtest (Playtest)

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Cet épisode est difficile à utiliser. Il extrapole le désir de frisson des afficionados de jeux d’horreur (on trouve de nombreuses vidéos sur Youtube de tests de jeux d’horreur avec casque réalité virtuelle). Il ne s’agit pas dans cet épisode d’une société dystopique, mais d’une phase test d’un jeu vidéo qui tourne mal, avec cette question lancinante : comment trancher entre ce qui est réel et ce qui est le produit d’une substance ou d’un souvenir recréé – thème qui est par exemple traité dans Inception, de Christopher Nollan (2010) ou dans Total Recall, tiré d’une nouvelle de Philipp K. Dick (We Can Remember It for You Wholesale) et adaptée en 1990, et possédant une sorte de suite,  Total Recall : Mémoires programmées de Len Wiseman (2012).

Épisode 3 Tais-toi et danse (Shut Up and Dance)

Cet épisode parle essentiellement de sécurité informatique, de négligence vis-à-vis de la technologie, de sadisme, de jeux vidéo poussé à l’extrême en mode réaliste avec absence d’intérêt des manipulateurs autre que le plaisir sadique. L’axe de traitement de cet épisode sera sûrement l’importance de la sécurité informatique, et son existence via les communautés de logiciel libre.

Dans cet épisode, le protagoniste principal se retrouve à céder au chantage de pirates informatiques qui l’ont filmé via sa webcam alors qu’il se masturbait devant des vidéos pornographiques. Le thème de cet épisode permet assez facilement d’aborder la question du revenge porn7 et dans la foulée celles de l’humiliation publique, du chantage et de l’escalade d’engagement. 

L’épisode permet également d’aborder la problématique d’une certaine justice populaire. Il est tout à fait possible de faire le lien avec, par exemple, le piratage du site de rencontres extraconjugales « Ashley Madison ». Il est également possible d’aborder la question de la pédophilie et de problèmes éthiques tels que : est-il moralement juste de révéler publiquement que x est pédophile/infidèle.

Toutefois, le côté chantage sans aucune raison peut-être très dilatoire. Il prend, en effet, toute la place de l’histoire. Il est toujours possible de couper l’épisode; au moins après l’homme noir à mobylette.

Épisode 4 San Junipero (San Junipero)

Nous sommes partagés : trop mou, trop long, trop poussif, selon les un.es, mais thème classique en SF pourtant, que celui de la réalité virtuelle (décliné avec les Matrix, par exemple).

Avec cet épisode, on peut néanmoins aborder :

  • l’une des ambitions des transhumanistes (à savoir vaincre la mort en uploadant son esprit dans un cyber-paradis) ;
  • à la rigueur la place sociale des personnes âgées (discrimination qu’on appelle l’âgisme) et des homosexuel.les. ;
  • les différentes théories de l’esprit : dualiste, matérialiste, physicaliste, computationaliste ….

Exemple : le computationalisme est une théorie en philosophie de l’esprit qui conçoit l’esprit l’humain de manière analogue à un programme informatique. Comme le hardware (« support dur ») pour l’informatique, le cerveau humain peut être pensé comme un wetware (« support humide »), c’est-à-dire comme un système de traitement de l’information reposant sur des opérations de calcul. Bien que l’analogie entre l’informatique et le cerveau humain soit essentiellement heuristique, cette perspective conduit certains transhumanistes à envisager l’idée de télécharger l’esprit humain sur un support numérique hardware.8

Épisode 5 Tuer sans état d’âme (Men Against Fire)

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Probablement le meilleur à notre avis : l’épisode soulève la dépersonnalisation, l’état agentique en psychologie sociale, la guerre, les mécanismes racialistes. L’analogie Roaches/cafards et  Inyenzi en langue kinyarwanda pour désigner les Tutis sur la Radio des 1000 collines au Rwanda est volontaire pensons-nous. Il reste incompréhensible que roaches ait été traduit par « déchets » (au moins dans les sous-titres) – ce qui permet, à tout le moins, de discuter des biais de traduction.

Ce thème de la déshumanisation de l’ennemi permet d’ouvrir le débat sur l’utilisation de drones de combats téléguidés et la guerre à distance. Plus éloigné, peut-être, on peut également envisager d’étendre l’épisode sur la thématique des jeux vidéo de guerre. Un bon exemple se trouve dans le jeu vidéo servant d’outil de recrutement à l’armée étasunienne America’s Army. L’US Army a investi près de 30 millions de dollars pour développer ce jeu qui a été distribué gratuitement sur PC. 

Épisode 6 Haine virtuelle (Hated in the Nation)

Sommes-nous influencé.es par l’actrice Kelly Macdonald et son épais accent écossais9.

En tout cas il y a du très bon, insécable là encore. La trame de l’épisode ne rend pas aisée l’utilisation. Pis, la fin louche, et le rôle de Shaun Li invraisemblable à son niveau de la NCA affaiblissent le tout. Mais l’idée de harcèlement, de vindicte populaire digne de Koh Lanta, et le jeu des Hashtags est vraiment utilisable. Cela pose l’impunité des appels à la haine/violence sur le web. Il est intéressant que la « geek » casse les codes patriarcaux et soit une femme, comme dans Millenium de Stieg Larsson (2005). La question du remplacement de pollinisateurs par des robots est un sujet à part entière, avec les moyens de contrôle associés. Ici, la solitude de Markus devant des dizaines de milliers de ruches électroniques à 4000 individus fait un peu « peine », et ils passent vite sur leur réplication type imprimante 3D qui est bien tirée par les cheveux et violentera un peu les féru.es d’apiculture.

Une analyse des autres saisons est à venir. Bon visionnage !

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Effet Panurge, argumentum ad populum, ou principe de la preuve sociale

Le principe de la preuve sociale désigne cette tendance à croire que si la plupart des gens croient en quelque chose ou agissent d’une certaine manière, alors mieux vaut se conformer.


Une chose devient acceptable parce qu’elle est supposée vraie/crue par un certain nombre de gens. Plus formellement, le fait qu’une masse de gens nourrissent un sentiment favorable à l’égard d’une proposition ou d’une action se substitue à la preuve étayant cette proposition.

Dans le cadre de la didactique zététique, nous employons le terme d’effet Panurge, en souvenir du personnage de François Rabelais, compagnon de Pantagruel pendant leur voyage au « Pays des Lanternes » (Quart Livre, ch. VIII) :

« Malfaisant, pipeur, buveur, Panurge sait et entend tout faire, notamment des farces ; par exemple il fait plonger les moutons de Dindonneau dans la mer en y jetant le premier, que les autres suivent bêtement. »

CorteX_Monvoisin_effet Panurge
Cialdini (2004, voir Pour démarrer) présente l’ambivalence de cet effet en utilisant une métaphore de chemin vicinal :

« Habituellement, quand un grand nombre de gens fait quelque chose, c’est que c’est la meilleure chose à faire. Cette vérification par les faits est à la fois la force et la faiblesse du principe de la preuve sociale. (…) La preuve sociale représente un raccourci commode, mais elle rend en même temps celui qui l’emprunte vulnérable aux assauts des profiteurs embusqués sur le chemin. » (pp. 127-180)

Ce sophisme est très commun et extrêmement puissant. Puisqu’une majorité de gens sont enclins à se conformer avec les vues de la majorité, convaincre une personne en lui disant que la majorité approuve l’assertion en question est un excellent moyen de le lui faire accepter, soit par mimétisme, soit par peur de l’ostracisme.

Dans la ligne directe des rires pré-enregistrés qui accompagnent les séries télévisées afin de provoquer l’hilarité des téléspectateurs au moment voulu, le comportement individuel a une forte propension à se calquer sur celui de la société. Et de la même façon que l’introduction des rires pré-enregistrés dans un programme qui plus est médiocre n’est pas laissée au hasard et s’appuie sur une connaissance scientifique de leur influence sur la réception du public (Nosanchuk & Lightstone, Canned laughter and public and private conformity, Journal of Personality and Social Psychology, Vol 29(1), Jan 1974, pp. 153-156), les stimulations marketing sont elles aussi étudiées de près et jouent sur l’étude des mouvements de troupeau : arguments de grande vente, 100 000 exemplaires vendus, hits des meilleurs ventes de disques, etc. sont passés au peigne fin par des professionnels de l’un des rares débouchés des études françaises de sociologie. On a pu montrer très récemment, comme Salganik et ses collègues, que les gens achètent la musique qu’ils savent ou croient savoir que les autres apprécient18. « Ainsi, cette tendance à l’uniformisation musicale s’opère principalement grâce aux (ou à cause de) radios/télévision qui, les unes après les autres, reprennent souvent les mêmes morceaux favorisant, par effet de mimétisme, leurs ventes au détriment d’autres morceaux ignorés. », ajoute F. Grandemange, auteur du site Charlatans.

De là à la fabrication du consentement politique, il n’y a qu’un pas, qui a été formalisé depuis sous le nom de Bandwagon effect — en souvenir du clown Dan Rice qui contribua à la propagande politique de Zachary Taylor en faisant processionner sa carriole chargée de monde. La technique fut reprise bien des fois, avec le slogan « jump on the bandwagon« .
Les études les plus récentes montrent ce comportement de troupeau (herd behaviour) lors des choix politiques, notamment Nadeau & al. sur l’avortement et sur la constitution québécoise19, Goidel & al.20, Mehrabian sur l’influence des sondages sur les votants21, amenant même Morwitz & al. à se demander si les sondages reflètent l’opinion ou si l’opinion reflète les sondages22).

Effet Panurge

  • Un grand nombre de gens pensent que X=b
  • Donc X=b

Ce sophisme est très commun et extrêmement puissant. Puisqu’une majorité de gens sont enclins à se conformer avec les vues de la majorité, convCorteX_Panurge_assiette_au_beurreaincre une personne en lui disant que la majorité approuve l’assertion en question est un excellent moyen de le lui faire accepter, soit par mimétisme, soit par peur de l’ostracisme.

Illustrer l’effet Panurge au moyen de supports tirés des médias est chose facile :

  • les classements de meilleures ventes de livres/disques/logiciels, avec parfois la mention « x clients satisfaits » – occasion de montrer un effet cigogne retors que celui consistant à faire croire qu’un produit acheté non rapporté a satisfait son acheteur ;
  • les classements des meilleures fréquentations ;
  • les labels sur certains produits ;
  • les « avis de consommateurs » et les slogans type « élu produit/voiture/saveur de l’année » ;
C’est également l’occasion de glisser quelques exemples tirés du vécu, que les étudiants ont certainement déjà rencontré. En voici trois que nous utilisons en cours.
 
  • L’exemple des boîtes de nuit laissant s’entasser devant la porte les clients même lorsque la boîte est vide juste pour créer l’illusion d’une demande accrue mise sur l’effet Panurge (Cialdini ouv.cité, p. 131).
  • L’exemple du dilemme des restaurants, ou à deux restaurants équivalents dont l’un contient déjà un client, l’autre non, le passant sera attiré par le premier (Cialdini ouv.cité, p. 131).
  • L’exemple plus dramatique : lors d’un événement grave, les individus vont d’abord chercher des signes, des indications dans l’attitude de leurs semblables afin de choisir l’action appropriée – ce qui expliquerait cette fameuse « dilution de responsabilité » appelée « effet spectateur » ou « bystander apathy » lors des agressions devant témoins : l’impassibilité se transmettant et se rationalisant peut amener un individu à ne plus réagir à un danger là où seul il aurait réagi23.

  Cet effet se situe à la convergence de plusieurs autres outils zététiques, notamment :

  • le scénario appel à l’émotion, et la peur de cet ostracisme qu’encourt qui ne se plie pas à la peer pressure, le conformisme de groupe tel qu’on a pu l’appréhender depuis les études célèbres de Solomon Ash.
  • le faisceau de preuve, par le fait qu’il se base sur la réunion de nombreuses « mauvaises preuves » :
 
Labossière le décrit ainsi dans son Fallacy Tutorial :

« The fact that most people have favorable emotions associated with the claim is substituted in place of actual evidence for the claim. A person falls prey to this fallacy if he accepts a claim as being true simply because most other people approve of the claim ».

Des séquences pédagogiques simples peuvent être réalisées sur ce thème, en demandant aux élèves d’aller relever des arguments ad populum dans la vie de tous les jours. 

Exemples du quotidien :

  • Arguments de grande vente, 100 000 exemplaires vendus, hits des meilleures ventes, x clients satisfaits ;
  • Les avis de consommateurs et les slogans type élu produit/voiture/saveur de l’année, vu à la T.V. , etc.alt

On peut également collectionner les exemples un peu plus complexes, comme l’appel au peuple lié au courrier ou aux appels au standard d’une émission. Il y a appel au peuple quand l’intervenant.e change son propos du fait d’une avalanche de plaintes arrivant au standard – avalanche qui est probablement un double biais d’échantillonnage, entre le tri  effectué par la radio ou la chaîne, et le tri « naturel » à voir une surreprésentation des mécontents téléphoner, là où les satisfaits sont plus discrets.

Le meilleur exemple que nous ayons pour l’instant est celui de Didier Sicard, sur France Inter, en 2011, à propos de l’ostéopathie.

 

Pour aller un peu plus loin : Principe de la preuve sociale, effet Panurge ou argumentum ad populum dans la thèse de didactique de Richard Monvoisin Pour une didactique de l’esprit critique – Zététique & utilisation des interstices pseudoscientifiques dans les médias, 4.3.2.14 pp. 233-236).

 

South Park comme matériel pédagogique sur Popper et sur les faux souvenirs induits

Lors de mon cours sur les faux souvenirs induits et le caractère incontradictible de cette « théorie »24, un étudiant du cours Zététique et autodéfense intellectuelle de Grenoble, qui s’appelle Grégoire Couturier, m’a parlé d’un épisode de la série animée South Park de Trey Parker et Matt Stone, abordant ce point. J’ai donc été cherché la chose, dans l’épisode 16 de la saison 4, intitulé « Le mot en M » (The Wacky Molestation dans son titre original).

J’ai pris la version française, et n’ai monté que les trois morceaux en lien avec notre sujet. Il vous faut juste savoir que pour aller à un concert contre l’avis de leurs parents, les enfants ont trouvé la solution de les dénoncer les uns après les autres pour abus sexuel (to molest en anglais, abuser, a malheureusement été traduit par molester en français, qui n’a pas tout à fait le terme adapté). Tous mis en prison, la ville est laissée entièrement aux enfants – ce qui rappellera quelques souvenirs aux lecteurs de Stephen King25.

Voici le résultat !

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cortex_gregoire_couturier
Grégoire Couturier, fournisseur officiel de matériel critique

Merci Grégoire ! Gageons que ce montage sera utile pour les formateurs en psychologie.

NB : j’ai déjà utilisé South Park en cours pour deux thèmes : le créationnisme (avec l’incroyable présence de Richard Dawkins) dans l’épisode 12 de la saison 10 intitulé « Vas-y Dieu ! Vas-y ! » (Go God Go), et la lecture à froid chez les prétendants au channeling, dont John Edward, dans l’épisode 15 de la saison 6 intitulé « Le Plus Gros Connard de l’univers » (The Biggest Douche in the Universe). Je promets de les mettre en ligne sous peu.

RM

Quand la pensée critique rencontre la psychologie sociale – mémoire de Romain Veillé

Romain Veillé, étudiant à l’Université de Caen, s’est intéressé dans son mémoire de Master 1 de psychologie sociale à la façon dont varie la persuasion d’individus en fonction des types d’arguments auxquels ils sont exposés. Il a pour cela évalué l’attitude d’une centaine de lycéen.ne.s vis-à-vis des organismes génétiquement modifiés (OGM) avant et après les avoir soumis à différentes interventions, comprenant la lecture et l’analyse de textes remplis d’arguments fallacieux. En plus de réaliser une intéressante synthèse des études expérimentales antérieures, il présente le matériel pédagogique utilisé auprès des élèves, qui peut être ré-utilisé. Pour en savoir plus, on lira le mémoire de Romain, qu’il met à disposition ici. Bonne lecture !

Scénarios complotistes et autodéfense intellectuelle : comment exercer son esprit critique ?

Dans le cadre de nos enseignements et conférences, nous sommes régulièrement sollicités pour fournir des outils d’analyse des scénarios complotistes, notamment en raison des mécanismes et biais qui contribuent à rendre ces scénarios si séduisants. A l’instar de ce que la métaphore du pêcheur 26 suggère, nous sommes convaincus qu’il est plus utile de fournir au public des outils et des techniques permettant de faire la distinction entre recherche scientifique sur les complots et conspirationnisme peu étayé, plutôt que de se borner à déconstruire les quelques scénarios complotistes en vogue. Dans cet article, nous décrirons les différentes étapes d’une conférence/cours/atelier (ces étapes peuvent être adaptées selon le temps disponible) dont l’objet est justement d’outiller toute personne qui souhaite se positionner face à ces affirmations conspirationnistes.

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Étape zéro : les précautions à prendre

En guise d’étape préalable pour toute intervention sur les complots et les scénarios complotistes, il convient de rappeler que l’histoire regorge d’exemples de complots avérés. Les conspirationnismes se fondent dès lors sur cette réalité du complot. Par exemple, nous avons pour habitude de donner l’exemple du putsch de la Cagoule, tentative de coup d’État avorté dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, soutenu par plusieurs dirigeants de grands industriels français et visant à installer au pouvoir un régime proche de l’Allemagne nazie, de l’Espagne du général Franco et de l’Italie fasciste 27.

Il peut être aussi utile, dans le climat actuel où la pensée critique est posée en remède de la radicalisation d’expliquer qu’aucune donnée ne semble attester que les personnes adhérant aux conspirationnismes sont plus idiotes que la moyenne 28. Il apparaît même que la formation à la pensée analytique joue un rôle de levier dans l’adhésion à de telles thèses. L’objectif de notre atelier n’est donc pas de ramener les personnes adhérant aux scénarios conspirationnistes dans le droit chemin mais de fournir, à tout individu séduit par ces scénarios, les outils pour mettre à l’épreuve ces « théories » et comprendre l’intérêt des démarches d’investigations rigoureuses et scientifiques face à l’élaboration de récits fantaisistes et peu étayés.

Ensuite, il conviendra de se mettre d’accord sur la définition des complots et de la démarche scientifique. Pour le second point, citons notre collègue Richard Monvoisin :

« Le mot Science désignera la démarche intellectuelle créée par les humains pour énoncer les choses les plus vraisemblables possibles sur la réalité. Cette démarche n’est évidemment pas la seule pour contempler le réel : l’introspection, la méditation, l’art sont autant de moyens respectables. La science n’explique pas tout, bien sûr, mais elle a ceci de particulier qu’elle a été forgée pour faire sortir nos affirmations du cadre personnel et pour dire des choses généralisables à tous, qui se transmettent et se vérifient, ceci que l’on soit Ossète, Zambien ou Luxembourgeois. […] La science est un peu le contrôle qualité des prétentions d’efficacité, non parce qu’elle l’a décidé au nom d’un diktat intellectuel quelconque mais parce qu’elle a été créée pour ça. C’est ce contrôle qualité qu’on a fini par appeler science. Elle ne sait pas ce qui est le « mieux » – le mieux dépend du ressenti de chacun – mais elle peut dire si la marchandise est truquée ou de qualité, si la publicité est mensongère ou pas 29. »

Pour la définition des complots, deux options sont possibles, en fonction du temps imparti : élaborer collectivement une définition ou discuter des traits saillants des définitions existantes. Ainsi, lors de plusieurs ateliers pour des élèves de tous niveaux au collège, Clara Egger a amorcé une discussion autour des définitions suivantes 30 :

  • Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
  • Résolution concertée de commettre un attentat et matérialisée par un ou plusieurs actes.
  • Par extension, projet plus ou moins répréhensible d’une action menée en commun et secrètement

Cette première base permet, ensuite, d’introduire la définition d’un scénario complotiste comme récit « alternatif » qui prétend bouleverser de manière significative la connaissance que  nous avons d’un événement et donc concurrencer la « version » qui en est communément acceptée, stigmatisée comme « officielle » 31.

Ces étapes préalables s’avèrent particulièrement importantes pour s’assurer qu’intervenant et public partent sur des bases de réflexion communes. Il ne faut donc pas hésiter à s’y arrêter et à y consacrer du temps.

Première étape : la charge de la preuve

Après avoir présenté oralement un scénario complotiste visiblement absurde, on demande aux élèves de prouver que cette « théorie » est fausse. En fait, la démonstration demandée est impossible. Exemple utilisé récemment : ce sont les chauves qui dirigent le monde politique et médiatique français (voire mondial) depuis des années. Prouvez-moi que c’est faux !

Quelques réactions d’élèves : « Et Sarkozy, Obama, Merkel alors ? » Réponse : ils ont une perruque ! Autre réaction : « Prouvez-nous que c’est vrai !« 

C’est en effet la bonne question à poser. On introduit alors la notion de charge de la preuve.

  • Outillage : c’est à celui qui présente une affirmation qui sort de l’ordinaire de donner les preuves de ce qu’il affirme.

Deuxième étape : réfutabilité et biais de confirmation

Par leur construction, les scénarios complotistes se présentent presque toujours comme insensibles aux réfutations, immunisés face aux arguments opposés. Mais quelle valeur accorder à une affirmation dont on ne pourra évaluer la fausseté ? Dans quelle mesure une telle affirmation pourra concurrencer telle autre, immunisée aussi contre toute contradiction ? Concrètement, on peut demander comment départager deux scénarios complotistes, par exemple sur l’apparition du SIDA (créé « pour tuer les Noirs » versus créé « pour tuer les Gays »), si aucun argument n’est en mesure de démontrer la fausseté ni de l’un ni de l’autre ? Pire, si l’on accepte un de ces scénarios incontradictibles, alors il faut accepter tous les scénarios de ce type : complot chauve, complot Ummite, ou complot du CorteX (si si!) et tant d’autres. Dans un tel cas, nous avons recours à l’épistémologie, en revenant sur la notion de réfutabilité pour mettre à l’épreuve les affirmations ou les scénarios 32 ayant l’ambition de décrire le réel au plus près de ce qu’il est. Y a-t-il un intérêt à discuter avec une personne qui n’aura jamais tort ? Et qui sera toujours capable de trouver une explication pour rendre compte des preuves contraires à ses affirmations ? La réponse est simple : sans possibilité de réfuter une « théorie » ou une affirmation prétendant décrire le monde, celle-ci ne peut prétendre à concurrencer des versions réfutables.

On utilise la diapo suivante :

La première question à poser est donc celle-ci : existe-t-il un argument/une expérience qui pourrait montrer que la « théorie » est fausse ? Si non, votre interlocuteur s’enferme dans l’irréfutabilité au sens défini ci-dessus. Si oui, alors examinons le/la.

L’intérêt d’une telle étape est double : d’abord, elle permet à chacun de jauger le type d’affirmation qu’elle énonce . Est-elle réfutable ? Mon interlocuteur est-il en capacité de trouver des arguments qui, s’ils étaient acceptés, pourraient rendre caduque son affirmation ? Ensuite, elle permet de ne pas se laisser enfermer dans une discussion souvent perdue d’avance, notamment quand un public est présent. En effet, on se retrouve très souvent face à, non pas un, mais une kyrielle d’arguments produits : toute tentative de contradiction, même impeccable, devient alors inefficace car hors de portée dans le temps imparti. On fait alors le pari de cadrer la discussion autour d’un ou deux arguments majeurs, évitant l’écueil d’une régression vers l’infini, débouchant sur l’inévitable : « de toute façon, vous faites parti du complot vous aussi ».

Complot_chauves

Suite à cette partie sur la notion de réfutabilité, une question vient souvent à l’esprit des participants : pourquoi chercher des arguments démontrant la fausseté ? Pourquoi ne pas tout simplement chercher les faits qui étayent notre « théorie » ? Cela devrait suffire ? Pour bien faire comprendre la différence entre « chercher des confirmations » et « chercher des réfutations », on présente alors un exemple (les « preuves » qui attestent de la « théorie » absurde présentée au début : dans ce cas, des photos de chauves…) pour mettre en avant que la recherche de preuves est orientée dans le sens de nos idées : c’est le « biais de confirmation », notre tendance (paradoxalement opposée au doute et l’examen critique) à confirmer nos hypothèses et idées plutôt que tenter de les réfuter 33.

Un autre exercice de mise en scène permet de sensibiliser au biais de confirmation des hypothèses. Nous l’avons testé à plusieurs reprises. Il s’agit, en début de présentation, d’expliquer que notre présence dans la classe n’est pas due au hasard. En effet, nous sommes venus pour les alerter sur l’existence d’une conspiration touchant le collège/ le lycée et se matérialisant par une surreprésentation d’un chiffre (laissé au choix de l’intervenant). On peut ensuite proposer aux élèves de mener l’enquête par groupe, dans l’ensemble de l’établissement. Voici quelques exemples de résultats, ici ou .

Troisième étape : rumeurs et vérification de la source de l’information

Rumeurs_Tigre

La troisième étape consiste à faire prendre conscience des mécanismes qui permettent la mise en place de rumeurs. On commence par présenter l’histoire du « tigre » de Seine et Marne pour pointer la nécessité de vérifier d’abord l’information avant de conclure. L’histoire de la dent d’or de Fontenelle est éclairante à ce propos.

  • Outillage : assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause

Un extrait de la vidéo suivante permet de présenter un travail de vérification de l’information appliquer à des cas concrets :

Quatrième étape : valeur du témoignage et niveau de preuve

Robe_illusion

La quatrième étape consiste à faire prendre conscience qu’un ou plusieurs témoignages ne peuvent constituer une preuve suffisante. On fait le lien avec les rumeurs à l’aide de l’image de la robe bleue et noire (ou blanche et dorée, voir ci-contre, pour une mise en contexte voir ici) qui s’est propagée sur les réseaux sociaux, puis on utilise quelques illusions et autres paréidolies pour montrer que nos sens nous trompent.

Il est donc nécessaire, face à une information surprenante et qui sort du cadre habituel ou des connaissances actuelles sur un sujet donné, de demander plus que des témoignages, des photos ou vidéos. Pour faire comprendre l’importance d’aller plus loin que de simples images, nous utilisons trois exemples en posant à chaque fois deux questions aux élèves : nous croyez-vous ? Si non, quelle « preuve » vous suffirait pour vous convaincre : une photo ? Une vidéo ? Autre ?

1er exemple : ce matin j’ai vu une voiture noire

2ème exemple : ce matin j’ai vu un tigre sur le Vieux-Port (lieu à adapter au public…)

3ème exemple : ce matin j’ai vu un dragon se poser sur le toit de ma maison

En principe, tout le monde accepte la première affirmation sur la base du témoignage. Pour la seconde, une photo suffit généralement. La troisième n’est validée par aucun support proposé, les arguments avancés étant qu’il est bien plus facile de truquer une vidéo que de croire à l’existence des dragons. On énonce alors une règle assez simple à retenir : une affirmation extraordinaire – en l’état de nos connaissances – nécessite une preuve solide (en tout cas plus solide qu’une photo ou une vidéo, celles-ci pouvant être aisément truquées ou soumises à interprétations).

Cela permet de questionner les fameuses « preuves » qui étayent certains scénarios complotistes, comme la couleur des rétroviseurs de la voiture utilisée lors des attentats de janvier 2015. Cette vidéo réalisée par le site Spicee revient sur cet argument :

  • Outillage : une affirmation extraordinaire nécessite une preuve solide.

Cinquième étape : l’étouffement cognitif

On présente une vidéo complotiste (attentat CH) pour illustrer la technique du mille-feuille argumentatif 34 :

Presque tout le monde ressent cette impression de doute créée par l’empilement d’arguments de piètre qualité et qui provoque une sorte d’étouffement cognitif : alors que chaque argument pris indépendamment semble insuffisant, leur empilement successif nous pousse à penser que tout ne peut pas être faux. S’ajoute aussi notre incapacité à être expert de tous les sujets : les faits relatés peuvent alors nous apparaître comme surprenants, étranges voire en contradiction avec nos connaissances (réduites) sur le sujet en question, entretenant ainsi une forme de suspicion quant aux explications officielles. Afin de nous positionner et décider de la vraisemblance d’un énoncé ou d’une hypothèse, il est donc utile de garder à l’esprit qu’une succession de témoignages et d’affirmations dont nous n’avons pas vérifié la réalité n’est pas suffisante pour valider une quelconque théorie (d’autant plus si elle sort de l’ordinaire).

  • Outillage : un mauvais argument + un mauvais argument ne fait pas une bonne argumentation

Lors de cette étape, une discussion s’engage souvent avec les participants sur le nombre de preuves et la qualité des preuves nécessaires pour étayer une théorie. Ici on pourra faire référence à la métaphore de l’enquête policière pour montrer que d’une part, toutes les preuves ne se valent pas et que d’autre part, l’incapacité de fournir une preuve très solide conduit parfois à devoir poursuivre les recherches pour accumuler un faisceau de preuves qui, prises ensemble, permettent d’accroître la force explicative de la théorie développée. Par exemple, si le flagrant délit est une preuve de très grande qualité, il est rare de surprendre un meurtrier sur la scène du crime. Dès lors, un enquêteur devra accumuler un grand nombre de traces empiriques pour prouver la culpabilité d’un suspect.

Sixième étape : le bizarre est possible

Cette étape consiste à faire prendre conscience que nous avons une mauvaise appréhension/compréhension des coïncidences et du hasard. On démarre avec une vidéo de coïncidence extraordinaire pour faire émerger le biais de la négligence de la taille d’échantillon :

Ce biais peut être illustré facilement avec l’exemple de la loterie nationale. Comment réagir face à un événement dont la probabilité de réalisation est visiblement très très faible ? Réponse apportée : ne pas oublier la taille de l’échantillon, c’est-à-dire le nombre d’occurrences, de tentatives. Dans le cas de l’oiseau, le nombre de lancés de balle de base-ball ; pour le loto, le nombre de grilles cochées. Un jeu qui permet de balayer cette négligence de la taille de l’échantillon consiste à demander aux élèves présents de deviner le résultat d’un tirage au sort. On lance par exemple 7 fois une pièce et on fait le pari qu’un élève au moins trouvera la bonne combinaison. La probabilité étant faible (p=1/128), on espère que le nombre d’élèves présents suffise à voir la « prédiction » se réaliser. Si moins d’élèves sont présents, il suffit de ne faire que 6 jets (p=1/64). L’avantage d’une telle expérience réside dans la visibilité immédiate du nombre de participants, et donc du nombre de tentatives : il parait alors beaucoup plus facile de comprendre le succès d’une personne quand on observe tous les « perdants »…

Coïncidences_1
Coïncidences_2

On présente ensuite une série de coïncidences sur certaines théories du complot (carte d’identités retrouvées, secours mobilisés le même jour, voir diapo ci-contre) et on applique les conclusions précédentes à ces coïncidences : avons-nous pensé à la taille de l’échantillon ? Il faudrait connaître pour cela le nombre d’attentats commis dans le monde, quel que soit le pays et l’époque ce qui est presque impossible, mais tout le monde s’accorde pour dire que ce nombre est plutôt grand. Il faudrait aussi s’entendre sur ce que l’on appelle « coïncidence », car il est facile de rapprocher deux faits concomitants puis déclarer ceux-ci comme extraordinaires.  Provoquant les réponses des élèves par rapport au fait que « trop de coïncidences c’est louche » (voir commentaires forum attentats Paris), on diffuse une vidéo humoristique (voir ci-dessous) qui met l’accent sur des coïncidences surprenantes et qui, d’après les auteurs, ne peuvent s’expliquer que par la « théorie » complotiste soutenue. Est-il si extraordinaire de trouver des coïncidences ? Non, il suffit d’en chercher et, selon l’envie, de les mettre en scène avec un tri parfois très sélectif. C’est un travail facilement présentable et qui consiste à mettre en avant le tri sélectif des données : retenir les expériences concluantes et cacher les échecs. Ce travail consiste, selon le temps à disposition, à demander aux élèves de rechercher, deux par deux, toutes les coïncidences communes (dates et lieux de naissance, prénom, adresse, informations sur la famille, les amis, les lieux de vacances, les chiffres, etc.). On peut aussi réaliser une vidéo qui, coupée au montage, ne montrera que les « exploits » réalisés, comme c’est le cas avec ces lancers de canettes (en utilisant le bêtisier pour relativiser l’exploit) ou cette performance de Rémi Gaillard.

Cette étape est décrite plus précisément dans un article publié dans les Cahiers pédagogiques35, que nous avons reproduit ici.

Vidéo du Before de Canal+ :

  • Outillage : le bizarre est possible (voire probable)

Septième étape : le rasoir d’Occam

L’utilisation d’un outil pour trancher parmi les hypothèses, à savoir le rasoir d’Occam, permet d’introduire une règle de décision rationnelle fondée sur le principe de parcimonie : privilégier les hypothèses les moins coûteuses, celles qui ne demandent pas d’ajouter des « entités » supplémentaires et inutiles.

Manier le rasoir d’Occam implique donc, dans un premier temps, de confronter son hypothèse ou sa théorie à un ensemble d’hypothèses ou théories rivales pour sélectionner celles qui sont les plus parcimonieuses. Dans un second temps, il faut  s’engager dans des tests empiriques afin de rejeter les hypothèses qui échouent à expliquer les événements ciblés. Pour les scénarios complotistes, la phase empirique est souvent impossible à conduire soi-même et il nous faut alors évaluer les suppositions nécessaires, en regard avec ce que nous savons déjà, pour que soit acceptée la version alternative. Par exemple, les connaissances que nous avons sur le fonctionnement des avions nous permet de comprendre les traînées qu’ils laissent dans le ciel (traînées dues à la condensation, et que certains nomment pourtant les chemtrails) sans qu’il soit nécessaire d’aller chercher des hypothèses sur un complot mondial visant à contrôler la population ou modifier le climat. De même, ce que nous savons des stratégies des groupes recourant à l’action violente et des déterminants des attentats permet de mieux expliquer les attentats de Paris en novembre 2015 sans ajouter d’hypothèses coûteuses comme la complicité de l’État français. Cela ne revient pas à blanchir l’État français de tout complot mais à bien cibler les types d’agissement les plus probables. En effet, les exemples historiques attestent que, quand la France souhaite intervenir à l’étranger, elle dispose de moyens moins coûteux mais tout aussi peu avouables (fabriques de preuves, instrumentalisation de mouvements rebelles et de groupes d’opposition,…) que la réalisation d’attentats contre sa propre population.

Dernière étape : comment distinguer un complot étayé d’un complot qui ne l’est pas

Il nous paraît important de conclure en revenant sur le fait qu’il existe des complots étayés, pour ne pas laisser entendre que toute théorie conspirationniste est fausse. Il n’existe pas, à notre connaissance, de critères imparables. Nous pouvons quand même énoncer quelques pistes : la première est de se rappeler que les médias n’occultent pas toujours des faits qui nuisent aux gouvernements ou aux institutions (citons par exemple, les affaires Nayirah, Mediator, test de pollution chez Volkswagen, Panama papers etc.) ; toute vérité dérangeante ne reste donc pas systématiquement dans les oubliettes, même s’il faut parfois attendre longtemps avant qu’elle n’arrive dans l’espace public. En particulier, les médias d’investigation lente sont des sources d’information particulièrement précieuses.
Ensuite, avant de valider une information, il est nécessaire de s’assurer qu’elle repose sur des faits précis (date, lieu) et sur un ou des événements qui ont laissé des traces, toute la difficulté résidant dans l’évaluation de la fiabilité de ces traces (document officiel, vidéo, lettre, témoignage, enregistrement audio d’une réunion, etc.). Comme la plupart du temps nous n’avons pas d’accès direct à ces documents, avant d’accorder du crédit aux informations diffusées, il est primordial de se faire un avis sur la  qualité de la démarche d’enquête qui a été réalisée par la personne.

Un pas de côté

Il peut arriver que certaines personnes continuent à exprimer des positions conspirationnistes, en particulier pendant les moments de discussions ou de questions.
Cela peut s’expliquer notamment par la théorie de l’engagement ou la dissonance cognitive (en particulier, si un élève soutient depuis longtemps des thèses conspirationnistes non étayées, il lui sera très coûteux de renoncer publiquement aussi bien à ses convictions qu’à son statut d’initié). Déconstruire les arguments ne suffit pas toujours. Il peut alors être intéressant de lancer la discussion sur ses motivations : pourquoi est-il si important, selon lui, de passer du temps et de l’énergie à tenter de démontrer que les attentats du World Trade Center n’ont pas pu être réalisés sans la complicité de la CIA ? Est-ce pour montrer que le gouvernement états-unien a une politique impérialiste ? Mais il existe déjà de nombreuses recherches venant appuyer cette thèse. Alors pourquoi ne pas s’engager dans la continuité de ces démarches?
Si l’objectif affirmé est de révéler une vérité (ou une information perçue comme telle) pour induire un changement de société, la stratégie ne nous semble pas être la plus efficace. En effet, le temps passé à chercher des preuves est du temps qui n’est pas investi pour comprendre les rouages complexes de l’impérialisme, du néo-libéralisme, de fabrique de l’information, des systèmes de dominations, etc… Pourtant, comme le dit F. Lordon : « imaginons un monde sans Bilderberg ni Trilatérale ; ce monde hypothétique aurait-il évité la mondialisation néolibérale ? La réponse est évidemment non. Il s’en déduit par contraposition que ces conclaves occultes n’étaient pas les agents sine qua non du néolibéralisme, peut-être même pas les plus importants«  36.
Les explications proposées par de nombreux scénarios conspirationnistes non étayés sont problématiques parce que trop simplistes. Pire, elles nous dépossèdent de nos moyens d’agir.

Conclusion

Bien entendu, ce type de présentation prend du temps. Est-il nécessaire et efficace de prendre ce temps et de procéder ainsi ? Nous le pensons, car le sujet est suffisamment délicat pour éviter de se précipiter et provoquer certaines formes de tensions ou réactions hostiles voire véhémentes, pouvant potentiellement perturber nos interventions, et surtout, discréditer notre démarche. De notre expérience commune, ces réactions n’ont jamais été observées ce qui, nous en sommes conscients, n’est peut-être qu’une confirmation tombant sous la coupe du biais portant le même nom. Aussi, toute autre proposition pouvant améliorer notre approche sera prise avec le plus grand intérêt, voire intégrée dans cet article créé pour s’enrichir justement de toute contribution pertinente. A votre plume, à vos ajouts ! Nous contacter : contact @ cortecs.org

R. Monvoisin, G. Bronner, éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires

Voici l’exposé « éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires » effectué par Richard Monvoisin, en octobre 2015, lors des 40 ans de l’ADFI (Association de défense de la famille et de l’individu) Île de France, qui fait de la prévention vis-à-vis des dérives sectaires. S’ensuit également la présentation du collègue sociologue Gérald Bronner. 

Précision : le Tshirt de Richard est une création de francois-B.

Le Phallus et le Pas Tout, la théorie sexuelle – coup de main pour film grand public décryptant la psychanalyse

Repousser les murs et les cloisons intellectuelles peut se faire de maintes manières, au burin, au pic à glace, à la lime, ou au documentaire. Par les siennes, Sophie Robert a contribué plusieurs fois aux événements pédagogiques du CORTECS. Elle remet le couvert ce mois-ci, et demande un coup de main pour sa nouvelle contribution audiovisuelle : Le Phallus et le Pas Tout.

Rappelez-vous : Sophie Robert en novembre 2011 dans l’UE zététique & autodéfense intellectuelle de Grenoble juste avant l’interdiction de son film « Le mur »,
sur des propos de psychanalystes ; puis la joie de voir le film à
nouveau autorisé, et un nouveau passage de Sophie par la capitale des
Alpes dans le cadre du cycle « Connaissances censurées« , au printemps 2015.

CorteX_Sophie_Robert

Là, c’est dans nos écrans qu’elle revient, avec trois cadeaux.

  • Les déconvertis de la psychanalyse (voir ici), dans le quel vous reconnaîtrez un de nos amis, Jacques Van Rillaer (auteur d’Argumentaires lacaniens sur le Mur), et un plateau de quatre personnes, rares, qui ont réussi à se déconvertir, rebrousser chemin, reconnaître s’être fourvoyés et capables d’en parler.
https://www.dailymotion.com/video/x37mxys
  • Les fondamentaux de la psychiatrie (voir ici), au cours duquel trois psychiatres et un neuroscientifique posent les repères fondamentaux de la psychiatrie scientifique, tout en questionnant le sens des notions de psychisme et d’inconscient.
https://www.dailymotion.com/video/x37mxys

Et enfin, Le Phallus et le Pas Tout, film long métrage grand public en salle ! – pour lequel vous pouvez, à l’instar du CORTECS, devenir contributeur/trice !

Son nouveau film dédié au décryptage de la théorie sexuelle des psychanalystes, est presque terminé. Elle lance une souscription pour en finaliser la production car son ambition, non des moindres, est de créer les conditions d’un débat national sur la théorie et la pratique des psychanalystes, sur les sexualités, les rapports hommes-femmes, les enfants.

A propos du film, cliquer là. Extrait ci-dessous (attention, personnes sensibles à l’imposture intellectuelle s’abstenir – il y est entre autre question de « femme phalliquement lourde »).

https://youtu.be/j0Ye5mX4vUs

La somme nécessaire pour faire de ce long métrage un film de cinéma est supérieure à celle qu’il est possible de collecter sur un site de financement participatif. Aussi cherche-t-elle des contributions, des apports en numéraire supérieur ou égal à 250 euros, en échange de quoi les contributeurs percevraient un pourcentage sur les recettes du film en salles ainsi que sur tous les bénéfices d’exploitation du film (en plus d’avoir son nom au générique du film).

La marche à suivre et toutes les informations sont réunies en première page de Dragon Bleu TV.

Le CORTECS se joint à Sophie Robert. Repoussons les murs.

RM

Ressources pour une laïcité active

La posture d’un-e enseignant-e critique est la même que celle d’un-e scientifique : elle procède d’un contrat laïc, c’est-à-dire qu’elle passe par une lecture non-surnaturaliste du monde, une lecture matérialiste au plan méthodologique (voir ici). Au fond, peu importe les croyances qui l’habitent : elles peuvent lui servir de moteur, d’inspiration, mais doivent rester cantonnées dans sa sphère privée. C’est lorsque les croyances, religieuses ou non, débordent dans la sphère publique qu’il y a danger de passer d’une rationalité partagée à un affect centré sur soi. Si notre critique des croyances pseudoscientifiques est déjà bien étoffée, celle des croyances religieuses est bien plus discrète, probablement à cause du tour de passe-passe syllogistique suivant : celui qui défend la laïcité est contre les religions, or être contre les religions est insensé/immoral/irrespectueux (cochez la bonne réponse) donc… Nous pensons que les intrusions religieuses ou spiritualistes dans la sphère publique sont à chaque fois un recul. Voici un petit recueil d’événements et de ressources laïques, pour étoffer des ateliers à venir. D’aucuns y verront-ils du matériel athée ? Alors il faudra prendre « athée » au sens que lui donnait Bertrand Russell vis-à-vis sa théière cosmique : qui souscrit, à une lecture bright, héritière des Lumières.

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Brèves

Les brèves présentées ici sont mises dans un ordre chronologique.

  • Septembre 2015

Notre-Dame du Laus, Laudun, Sommières, ont comme Peyres-Tortes procédé à une bénédiction des cartables le dimanche 6 septembre. Voici le texte exact de la prière :

Prière dite par le prêtre.

« Dieu qui sanctifies tout par Ta parole, répands ta bénédiction sur ces cartables et fais que tous ceux qui s’en serviront avec amour et courage, selon Ta volonté, reçoivent de Toi l’intelligence et la force de travailler pour Ta gloire. Par le Christ Notre Seigneur. »

  • août 2015

La petite comune de Peyres-Tortes, près de Perpignan, a organisé une « bénédiction des cartables » dans la chapelle, le 30 août, pour les enfants de tous âges, mais aussi pour les parents et les enseignants (source : L’indépendant de Perpignan)

  • 12 mai 2015

CorteX_Ananta_Bijoy_DashUn troisième blogueur « libre-penseur » assassiné au Bangladesh

Un commando armé de machettes a tué un blogueur, mardi 12 mai 2015, à Sylhet, dans le nord-est du Bangladesh. Ananta Bijoy Das écrivait pour Mukto-Mona (« libre pensée »), un site Internet connu pour son engagement contre l’extrémisme religieux, autrefois animé par le blogueur américain d’origine bangladaise Avijit Roy lui-même assassiné au début de l’année à Dacca. Selon des djihadistes du groupe Ansar Al-Islam Bangladesh, repris par le centre américain de surveillance des sites islamistes SITE, le meurtre aurait été revendiqué par l’organisation Al-Qaida dans le sous-continent indien (AQSI) basée au Pakistan, dirigée par Assim Oumar et s’étendant à l’Inde, au Bangladesh et jusqu’à la Birmanie.

C’est le troisième meurtre de « libre-penseur » depuis le début de l’année, a annoncé la police. Un autre blogueur, Washiqur Rahman, a également été tué à coups de couteau en mars à Dacca. Ananta Bijoy Das « avait reçu des menaces d’extrémistes pour ses écrits au cours des derniers mois. Il était sur leur liste de cibles », a confié Debasish Debu, un de ses ami à l’AFP, faisant référence à une liste supposée de blogueurs athées, menacés par des activistes islamistes. En février, l’assassinat d’Avijit Roy, fervent promoteur de la sécularisation de l’islam dans ce pays où 90 % des 160 millions d’habitants sont musulmans, avait suscité l’indignation à la fois dans son pays et à l’étranger. Son meurtre a été revendiqué il y a une semaine par Al-Qaida sur le sous-continent indien, entité d’Al-Qaida dont la création avait été annoncée en septembre. Farabi Shafiur Rahman, un islamiste, considéré comme le principal suspect, a été arrêté au début du mois de mars. (d’après Le Monde, 12 mai 2015).

  • 29 avril 2015

« Les autorités de l’état de l’Indiana, après avoir voté une loi restaurant une liberté religieuse jamais remise en question, se voient dans l’obligation de l’amender peu de temps après, tant les fondamentalistes en ont fait un instrument de discrimination envers autrui, plus que de liberté personnelle. Les républicains, qui ont adopté ce texte, ont inspiré leurs homologues de l’Arkansas, qui se sont dotés du même arsenal juridique, permettant aux individus et aux entreprises de se défendre contre les entraves « substantielles » à leurs convictions religieuses. Du coup, deux états ont vu fleurir les pizzerias et autres lieux de restauration qui ne veulent pas servir les couples homosexuels ou les personnes appartenant à d’autres communautés religieuses. Face  au tollé soulevé dans l’ensemble du pays à cause de la multiplication des cas d’homophobie, une clause interdisant toute discrimination a été ajoutée au texte de loi ». Extrait du Canard enchaîné.

  • 30 mars 2015

CorteX_Washiqur_RahmanWashiqur Rahman, 27 ans, blogueur athée, vient d’être CorteX_Washiqur_Rahman_tuémassacré dans la rue, dans la longue lignée d’assassinats d’athées ou de progressistes dont le dernier point d’orgue était Avijit Roy, fin février, achevé à la machette. D’autres menaces du même type sont proférées à l’enconte d’autres militants, notamment Imran H. Sarker. Ces menaces viennent semble-t-il de l’équipe d’Ansarullah Bangla, groupe intégriste ultraviolent inspiré de Anwar Al-Awlaki, un activiste d’Al Qaida basé au Yémen. Pétition ici.

  • 29 mars 2015

CorteX_Demon_Test_Bob_LarsonNous apprenons (dans le magazine Skeptic vol. 20. N°1) que le Révérend Bob Larson a mis en vente un test d’évaluation d’envoûtement par des démons, appelé Demon Test (9,95$). Il avait déjà fondé l’École Internationale d’Exorcisme, qui vous forme à l’exorcisme pour 2000$.

  • 14 mars 2015

Zakieya Latrice Avery, de Gremantown près de Washington (EU), et Monifa Sanford son amie, viennent d’être condamnées pour le meurtre des deux enfants de Zakieya : celle-ci, qui se disait « commandeur » d’un culte appelé « Demon assassin » a poignardé ses enfants de 1 et 2 ans, les pensant envoûtés par des démons. Si personne n’avait appelé le 911, a déclaré le juge, ses deux autres enfants de 5 et 8 ans, poignardés eux aussi, y seraient également passés.

  • 13 mars 2015

CORTECS_women_footbalDans l’Est du Bangladesh, une fatwa a été lancée contre un match de football féminin. Le match est désormais annulé par les autorités : « L’Islam ne permet pas de regarder des femmes jouer sur un terrain avec des tenues courtes« , déclarèrent les fondamentalistes. Merci à Taslima Nasreen pour cette information.

  • 9 mars 2015

Le Vatican justifie l’excommunication d’une mère brésilienne et de médecins, pour l’avortement d’une fillette de 9 ans. L’enfant avait été violée par son beau-père qui, lui, n’est pas excommunié.

Le cardinal Giovanni Battista Re, préfet de la congrégation pour les évêques au Vatican, a justifié l’excommunication de la mère d’une Brésilienne de 9 ans ayant avorté après avoir été violée par son beau-père, car les jumeaux qu’elle portait « avaient le droit de vivre », apprend-on ce lundi 9 mars.
L’archevêque de Recife dans le nord-est du Brésil a excommunié jeudi la mère de l’enfant, qui a avorté de jumeaux alors qu’elle était enceinte de quinze semaines.
L’excommunication a été étendue à toute l’équipe médicale qui a pratiqué l’opération, mais pas au beau-père de l’enfant car « le viol est moins grave que l’avortement » a expliqué Giovanni Battista Re (Extrait du Nouvel Observateur).

  • 26 février 2015

CORTECS_Avijit_RoyLa longue série de militants athées, rationalistes ou libres penseurs se faisant dessouderCORTECS_Avijit_Roy se prolonge. C’est cette fois Avijit Roy, bengali naturalisé étasunien, bloggeur et grand militant rationaliste qui a été assassiné. Défenseur des droits humains, anti-censure, sceptique, féministe et humaniste séculier, il animait le site libre-penseur Mukto-Mona. Il a été abattu à coups de machette à Dhaka, et sa femme sévèrement blessée. 

https://youtu.be/es6Sob_DmWQ 

  • 20 février 2015

CORTECS_Govind_PansareGovind Pansare, militant progressiste athée, et sa femme Uma, ont été abattus par des motards près de chez eux le 16 février. Govind est décédé à Mumbaï 4 jours plus tard. Il faisait l’objet des mêmes menaces que Narendra Dabolkar, tué en août 2013 (cf. plus bas).CORTECS_Govind_Pansare_Hopital

  • 18 février 2015

Le cheikh Bandar Al-Khaibari, prédicateur saoudien, a fait une « démonstration » d’astronomie à l’université et diffusée à la télévision Al-Arabiya, « prouvant » que le Soleil tourne autour de la Terre. « C’est pour cela que les avions arrivent à destination (…) Si vous dites que ça tourne, si nous quittons l’aéroport Sharjah pour un vol international vers la Chine, la Terre tourne, n’est-ce pas ? Donc si l’avion s’arrête toujours en vol, la Chine ne devrait-elle pas venir vers lui ? » Un grand moment de sciences physiques.

https://youtu.be/-9Jp_XCvVto

  • 17 février 2015

CORTECS_Kirschenaustritt« Français d’Allemagne, il est urgent de vous faire rayer des listes de baptême« , article de Thomas Bores sur rue89 qui montre comment être simplement baptisé vous vaut de payer le denier du culte, même lorsque vous êtes athée. Le comble de l’histoire est qu’un système digne d‘Interpol a mené l’Église allemande à demander à l’Église française le certificat de baptême du plaignant. Une solution à cela est la désinscription du registre des baptêmes. Pour les ressortissants allemands, autrichiens ou suisses, on consultera le site Kirschenastritt. Pour les Français, la marche à suivre d’apostasie (très efficace) est donnée par la Libre Pensée ici.

  • 26 janvier 2015

Lors du changement de gouvernement grec, quelques journaux se demandent si l’équipe d’Aléxis Tsípras abrogera le délit de blasphème en Grèce. L’article 198 du code pénal grec punit en effet (de deux ans de prison) celui qui, en public et avec malveillance, offense Dieu de quelque manière que ce soit, et celui qui manifeste en public, en blasphémant, un manque de respect envers le sentiment religieux. L’article 199 prévoit la même peine en cas de blasphème contre la religion orthodoxe et les autres religions reconnues (reste à savoir ce qui est reconnu et selon quels critères). Cette loi a été utilisée pour faire condamner à 6 mois de prison in abtentia en janvier 2005 l’illustrateur autrichien Gerhard Haderer pour une BD jugée blasphématoire (La vie de Jésus) après en avoir interdit la parution en 2003 (condamnation heureusement levée en cour d’appel ensuite).

  • 15 janvier 2015

CORTECS_bonhommes-de-neige-sacrilege-en-arabie-saouditeLors des chutes de neige de l’hiver, Muhammad Saalih Al-Munajjid (محمد صالح المنجد), cheikh du nord de l’Arabie saoudite a émis une fatwa pour interdire les bonhommes de neige car ces passe-temps reviendraient à édifier des « idoles impies ».

Ce monsieur a par ailleurs d’autres sources de courroux :

– Les femmes qui conduisent (cf. plus bas).CORTECS_muhammad-salih-al-munajjid

– Selon lui, les souris sont des créatures du diable (par conséquent le dessin Tom & Jerry est corrupteur, tout comme Mickey).

– Hacker un site n’est pas bien, sauf si c’est un site juif (Saudi Cleric Muhammad Al-Munajjid Issues Fatwa Permitting Hacking into « Jewish Websites », MEMRITV, Clip No. 3687 January 21, 2011).

– Le tsunami de 2004 aurait pour cause Allah, qui se venge des vacanciers chrétiens pétris d' »immoralité, abomination, adultère, alcool, danse en état d’ébriété, festivités« .

At the height of immorality, Allah took vengeance on these criminals. « Those celebrating spent what they call ‘New Year’s Eve’ in vacation resorts, pubs, and hotels. Allah struck them with an earthquake. He finished off the Richter scale. All nine levels gone. Tens of thousands dead. « It was said that they were tourists on New Year’s vacation who went to the crowded coral islands for the holiday period, and then they were struck by this earthquake, caused by the Almighty Lord of the worlds. He showed them His wrath and His strength. He showed them His vengeance. Is there anyone learning the lesson? Is it impossible that we will be struck like them? Why do we go their way? Why do we want to be like them, with their holidays, their forbidden things, and their heresy?

  • 11 janvier 2015

Le ministre des affaires étrangères algérien Ramtane Lamamara a défilé à Paris dans la manifestation Je suis Charlie, tandis qu’à Alger toute manifestation de soutien à « Charlie » était strictement interdite.

  •  9 janvier 2015

CORTECS_raif-badawiLe blogueur Raif Badawi a reçu ses 50 premiers coups de fouet en place publique. Condamné à 10 ans de prison et 1000 coups de fouet pour avoir osé critiquer la police religieuse. Chaque vendredi, coups de fouet par série de 50. Pourtant, le 11 janvier, l’Arabie Saoudite dépêchait à Paris le N°2 de sa diplomatie, Nizar al-Madani, pour représenter le pays lors du défilé de soutien à « Charlie ».

  • 30 décembre 2014

CORTECS_BuddhaHeadphonesPhilip Blackwood, néo-zélandais, Htut Ko ko Lwin et Tun Thurein, deux Myanmarais, croupissent en prison en attendant d’être jugés par le tribunal de Yagoon pour « insulte à la religion ». Ils ont été poursuivis par le département des affaires religieuses du Myanmar pour avoir posCORTECS_Htut_ko_ko_Lwinté sur Facebook une publicité de leur bar, où l’on voit un Bouddha portant des écouteurs. Ce sont les radicaux du Mabhata, comité pour la protection de la race et de la religion, qui poussent à la condamnation de ces trois hommes – de même qu’ils poussent au départ les 10 % de la minorité musulmane pour « épurer la race ». En mars 2015, ils écopent d’un an de travaux forcés.

  • 7 décembre 2014

« Epargnez-nous la guerre des crèches ! » écrit le Parisien. « Cette année, la Sainte Vierge et Jésus ne seront pas jetés dehors comme il y a 2000 ans. Ils resteront bien au chaud dans notre mairie« , déclare Robert Ménard, maire de Béziers… en pleine opposition avec la loi de 1905 qui interdit les emblèmes religieux « sur les monuments publics (…) à l’exception des édifices servant au culte« . Une autre crèche, installée dans la Préfecture de la Roche-sur-Yon, a été retirée, sur décision du tribunal administratif.

  • 1er décembre 2014

CORTECS_Loujain_HathloulLoujain Hathloul (لجين هذلول الهذلول) saoudienne de 25 ans, a été arrêtée par la police saoudienne au volant d’une voiture, ce qui est interdit car selon les autorités de Riyad, « cela enfreint la cohésion sociale« . La contrevenante risque dix coups de fouets. Une campagne est lancée, libérez Loujain, sur Facebook. Mais il s’agirait plutôt de « libérez-nous des systèmes politiques non laïcs ».

  • 31 octobre 2014

Le premier ministre roumain, Liviu Dragnea a déclaré en pleine campagne électorale :CORTECS_dragnea_liviu « Nous devons aider l’Église. Elle est le seul repère qui procure un soutien moral et assure notre tranquillité. » (Note : l’Église orthodoxe roumaine ne paie pratiquement pas d’impôts).

  • 25 octobre 2014

Brishna, une fillette âgée de 10 ans de la province afghane de Kunduz, a été violée par un mollah local en mai 2014. Même si le mollah en question a été condamné (25 ans de prison), elle risque d’être victime d’un meurtre pour des questions d’« honneur » aux mains de sa famille et des membres de sa communauté. La militante des droits des femmes qui la soutient est en butte à des menaces de mort. Une pétition d’Amnesty International est disponible ici.

  • 17 octobre 2014

CORTECS_Asia-BibiAsia Bibi, une chrétienne pakistanaise condamnée à mort pour blasphème en 2010, a été déboutée en appel par la haute cour de Lahore. Le 16 octobre, la haute cour de Lahore a débouté de son appel. Âgée de 45 ans et mère de cinq enfants, cette femme a été déclarée coupable de blasphème le 8 novembre 2010 et condamnée à la peine capitale en vertu de la section 295C du Code pénal pakistanais car elle aurait outragé le prophète Mahomet lors d’une altercation avec une musulmane. L’équité de son procès est fortement mise en doute. Asia Bibi affirme que les éléments attestant prétendument le blasphème, qui ont été jugés recevables par différents tribunaux, ont été forgés de toutes pièces et qu’elle n’a pas pu consulter d’avocat pendant sa détention ni le dernier jour de son procès, en 2010. L’avocat d’Asia Bibi estime que l’affaire est fondée sur des ouï-dire. Des défenseurs des droits humains ont dénoncé, quant à eux, le fait que les juges de la haute cour de Lahore avaient peut-être débouté Asia Bibi de son appel par crainte pour leur sécurité. Des groupes religieux réclamant l’exécution de cette femme étaient présents au tribunal. Rappelons que le 4 janvier 2011, le gouverneur du Pendjab Salman Taseer, qui avait publiquement défendu Asia Bibi, est assassiné. Le 2 mars, le ministre fédéral des Minorités religieuses, Shahbaz Bhatti, de confession catholique, qui l’avait lui aussi publiquement soutenue, et avait appelé à un amendement de la loi sur le blasphème, est à son tour assassiné.

  • 5 octobre 2014

A Nice, le père Gil Florini (encore) a béni dans son église Saint Pierre d’Arène les animaux (compagnie et ferme).

  • 26 septembre 2014

A Nice,  le père Gil Florini a béni dans son église Saint Pierre d’Arène les téléphones et les tablettes, au nom de l’Archange Gabriel, saint-Patron des transmissions (sic!)

CorteX_Affiche_benediction_telephones CorteX_Gil_Florini_telephones

  • 20 juin 2014

Ghoncheh GhavamiGoncheh Ghavami, Irano-britannique de 25 ans, a été arrêtée à Téhéran pour avoir voulu assister à un match de volley-ball masculin. Elle a été condamnée à un an de prison et à deux ans d’interdiction de retour dans son pays, le Royaume-Uni. Pétition ici.

  • 18 juin 2014

La saoudienne Souad al-Chammari, co-fondatrice du site « Réseau libéral saoudien » quiCORTECS_souad_al_chammari critique l’establishment religieux, a été mise en prison à Djeddah pour « insulte à l’Islam » : dans un tweet, elle avait posté la photo d’un homme faisant le baise-main à un religieux barbu, avec le commentaire : « Remarquez la vanité et l’orgueil sur son visage quand il trouve un esclave pour lui baiser la main. » . Et dans un autre tweet, elle avait interpellé les autorités à propos de l’arrestation de deux femmes par la police  religieuse au motif qu’elles avaient pris un taxi conduit par un homme.

  • 15 juin 2014

CORTECS_Manal_al-ShraifLa saoudienne Manal al-Chérif (منال الشريف‎) a été arrêtée en mai 2011 et maintenue 10 jours enCorteX-New_Saudi_Arabia's_traffic_sign_ détention après avoir diffusé sur YouTube une vidéo dans laquelle on la voyait conduire. Elle a ensuite lancé le mouvement pour le droit des femmes à conduire.

  • Juin 2014

Sheima Jastaniah, une Saoudienne, a été condamnée à dix coups de fouet pour avoir bravé l’interdiction de conduire (elle fut graciée en novembre 2011 par le roi).

  •  8 octobre 2013

Saudi preacher gets fine and short jail term for raping and killing daughterFayhan al-Ghamdi, prédicateur télévisé saoudien, a été condamné à 8 ans de prison, et à la rançon du sang (blood money) de 31 000 livres pour avoir massacré sa fille de 5 ans, en la violant plusieurs fois (concerné qu’il était par sa virginité, dit-il) en lui enfonçant la boite crânienne et en lui brisant le dos. La petite Lama al-Ghamdi succombera à ses blessures au bout de 7 mois.

  •  20 août 2013

Un des plus grands militants pour l’abolition des superstitions à caractères racistes et discriminatoires, le rationaliste Narendra Dabolkhar, a été tué à coups de poignards dans la rue. Il avait fondé et présidé la Maharashtra Andhashraddha Nirmoolan Samiti (MANS), association anti-superstition en 1989. Il se savait menacé depuis longtemps, et avait toujours refusé une garde rapprochée. Du fait de sa mort, l’ordonnance appelée Anti-Superstition and Black Magic Ordinance fut promulguée quatre jours plus tard dans l’État du Maharashtra. Le CORTECS lui a dédié plusieurs cours. Rares furent les médias à traiter cette histoire, si ce n’est la Fédération Nationale Pour la Libre pensée.

Ressources audio

L’affaire Calas, par Robert Badinter

CorteX_affaire_CalasÉmission du 5 mars 2015 des nouveaux chemins de la connaissance, sur France Culture.

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Voltaire et la religion

Au long de sa vie passablement agitée, Monsieur le Multiforme n’a évidemment pas toujours tenu le même discours en matière de religion mais il s’est toujours inscrit entre deux bornes : ni fanatisme ni athéisme. « L’athéisme et le fanatisme sont deux monstres qui peuvent dévorer et déchirer la société », dit-il et il ajoute : « L »athée dans son erreur conserve sa raison, qui lui coupe les griffes alors que le fanatisme est atteint d’une folie continuelle. » Ceci est écrit en 1771.

C’est dans ses dernières années qu’on peut en effet le mieux saisir le langage de Voltaire en la matière. Auparavant, il a pu varier selon le moment, l’opportunité, le genre littéraire qu’il pratiquait. Mais, après 1762 et l’affaire Calas, il habite pleinement sa vérité.

Sa célébrité et sa fortune le protègent, l’âge le libère. Depuis son château de Ferney, à la frontière helvétique, il expérimente la fonction du guetteur d’idées : chaque fois qu’il le peut, il sonne l’alarme contre les dévots de tous poils. Depuis, le rôle a été repris des milliers de fois. Mais le dernier Voltaire, le Voltaire septuagénaire l’emporte souvent sur ses successeurs par la grâce de son style : le goût du trait et de la pointe, la légèreté de l’écriture… C’est, peut-être, le premier intellectuel au sens que donnera au mot l’affaire Dreyfus mais aussi, loin de tout dieu qui l’aurait culpabilisé, le dernier intellectuel qui donne l’impression d’être heureux…

Avec André Versaille. Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 31 octobre 2013.

Écouter :

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Loi de séparation de l’Église et de l’État en France

CorteX_la-separation_eglise_EtatLe texte est d’importance, il rompt avec le Concordat de 1802 : le catholicisme, « religion de la grande majorité des citoyens », y était conçu en rempart de l’ordre, ses évêques et ses prêtres salariés, logés, tels des fonctionnaires.

La séparation telle que la choisissent ses inspirateurs, partisans de l’apaisement, ne met pas pour autant fin aux relations des Églises et de l’État. La République ne reconnaît plus  les cultes. Cependant, elle a encore à les connaître puisqu’elle se préoccupe de la liberté de leur exercice. A cet effet, sont considérées toutes les questions de biens et d’argent qui pourraient se poser pour les édifices.

La loi  imagine des interlocuteurs pour chacun d’entre eux, qui seraient des associations cultuelles. Mais la catholicité refuse de se laisser atomiser. Au début de 1906, l’inventaire des églises, qui aurait dû n’être qu’un épisode technique, vire au tragique dans certaines régions. Clémenceau, ministre de l’Intérieur et farouche anticlérical pourtant, en conclura qu’on ne doit pas mettre en jeu des vies humaines pour compter des chandeliers… Ce sont les diocèses qui, de fait, deviennent affectataires des églises. Et, quinze ans plus tard, la République trouvera plus commode de rétablir les relations diplomatiques avec le Vatican !

La loi  du 9 décembre 1905 avait tout prévu par le menu. Sauf, tout de même, l’avantage qu’en tira l’Église, assurée désormais d’une assise matérielle stable.

La loi avait tout prévu mais l’islam, pourtant si présent dans les colonies, n’était pas sur la photo. Et, si plastique soit-elle, la loi de 1905 ne peut guère lui faire de place sauf à être modifiée.

Cette émission de La marche de l’Histoire a été diffusée sur France Inter le 5 février 2015.

Écouter : 

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Compilation de ressources critiques sur la graphologie

Voici une petite compilation de ressources critiques concernant la graphologie à l’usage des curieux qui souhaitent creuser les fondements de cette discipline pseudo-scientifique. Cette page ouverte est évidement non-exhaustive et mérite d’être alimentée : si vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet, n’hésitez-pas à nous contacter à l’adresse contact(at)cortecs.org.

 

  • La graphologie : un mythe ? – Conférence, Laurent Bègue

 

La graphologie est aujourd’hui amplement utilisée dans le recrutement professionnel en France. Peut-on véritablement connaître la personnalité d’un individu à partir de son écriture ? Cette conférence dresse un bilan critique des recherches scientifiques sur les relations entre l’écriture et la psychologie humaine.

Laurent Bègue est Professeur en psychologie sociale et Directeur du Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie (LIP).
Cette conférence était programmée dans le cadre du cycle Une heure de psy par mois, filmé à la bibliothèque Kateb Yacine et organisé par le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie de l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble (responsables : Rebecca Shankland et Laurent Bègue).
Informations sur le conférencier Laurent Bègue.

 

  • Pratiques pseudoscientifiques et recrutement : l’exemple de la graphologie – Mémoire de Master de psychologie, Baptiste Berry

Ce mémoire de Baptiste Berry, étudiant en Master 1 de psychologie à l’Université de Poitiers, a été réalisé en 2014 dans le cadre de l’Unité d’Enseignement (UE) Évaluations en contextes professionnels. Il est téléchargeable ici

 « En France, la pratique de la graphologie persiste dans le processus de sélection du personnel et cela malgré les nombreux paradoxes qu’elle soulève (scientifique, éthique et déontologique, légal). » Ce travail, soigné, propose de sonder les fondements de la graphologie dans le champ du recrutement professionnel, mais également d’envisager la question suivante : comment permettre aux professionnels de s’émanciper des croyances erronées afin que leur pratique soit basée sur les preuves ? En lien direct avec la démarche de transmission de l’esprit critique, et notamment en milieu professionnel, ce mémoire propose des recommandations aux futurs psychologues soucieux d’appliquer une analyse critique dans le champ de la psychologie.

Notons au passage la participation du Cortecs comme témoin dans ce travail, et la remarque pertinente de Baptiste BERRY sur l’intérêt (et la complexité) d’évaluer notre démarche. C’est une question sur laquelle nous nous penchons effectivement depuis quelque temps.

Plan
I/ La pratique graphologique et ses paradoxes
II/ La croyance graphologique
III/ Réfuter le mythe de la graphologie : de la théorie à la pratique
IV/ Un constat, quelles solutions ?

 

  • La graphologie est-elle une science ? – Dossier de Science et pseudo-sciences, Michel Huteau

SPS n 295 L’imposture de la graphologie, Science et pseudo-sciences (SPS) n° 295, avril 2011.

Le dossier est disponible en ligne et le n°295 de SPS est disponible à l’achat.

 

  • Écriture et personnalité – Approche critique de la graphologie – Michel Huteau

Couverture Écriture et personnalité – M. Huteau

– Présentation de l’ouvrage par Nicolas Gauvrit

« Le livre de Michel Huteau, Écriture et personnalité. Approche critique de la graphologie, étudie la graphologie sans concession, mais sans agressivité. L’histoire de la graphologie est passée en revue, montrant que si l’objet de la graphologie est a priori scientifique, les graphologues refusent majoritairement la méthode scientifique par principe.
 
Les fondements de la graphologie sont douteux, et les tests empiriques, présentés en détails par Huteau, qui ont permis de tester la graphologie, conduisent à remettre en cause presque toutes les hypothèses des graphologues. Seuls quelques cas particuliers sont vérifiés par les scientifiques, tel le fait que les paranoïaques, conformément à l’hypothèse graphologique, écrivent plus gros que la moyenne des gens.
 
L’écriture est individuelle, mais cela ne signifie pas qu’elle révèle tout de la personnalité, ni même quelque chose de la personnalité. Nous savons reconnaître une écriture de fille ou de garçon dans environ 70% des cas ; les graphologues font à peine mieux… et c’est pareil pour les rares caractéristiques que nous savons détecter par l’écriture. Tout cela montre l’inanité de la graphologie non en tant que projet, mais en tant que technique. Huteau termine son ouvrage en se demandant si la graphologie utilisée comme méthode de recrutement est bien légale, la loi réclamant des méthodes ayant prouvé leur efficacité. Un excellent livre à mettre entre toutes les mains. »

 

– On trouvera de nombreux éléments dans cet fiche de lecture de Serge Blanchard, « M. Huteau. Écriture et personnalité. Approche critique de la graphologie », L’orientation scolaire et professionnelle, 34/4 | 2005, 524-526.

 

 

 

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