Métacritique de la naturopathie

Cet article (10/12) s’inscrit dans une série de douze articles sur la naturopathie rédigée avec la volonté de porter un regard détaillé et critique sur la discipline, et dont vous pourrez trouver le sommaire ici. Il ne s’agit pas de partir en quête d’une vérité absolue, mais d’alimenter des réflexions destinées à éviter de causer ou laisser perdurer des souffrances inutiles, de permettre à chacun.e de faire les meilleurs choix en termes de santé. Dans ce dixième article, il s’agira de présenter une critique de la critique de la naturopathie.

Cela fait quelques mois que la critique de la naturopathie a le vent en poupe. Tous les médias veulent avoir leur article, leur dossier ou leur reportage sur le sujet, parce que ça fait vendre. Normal, c’est à la mode en ce moment.

Sauf que dans cette course effrénée à l’audience, beaucoup de journalistes en oublient de faire correctement leur travail… Et c’est aussi le cas de pas mal de personnes qui se revendiquent du scepticisme (ou de la zététique, ou de l’esprit critique) et qui s’essaient à la critique de la naturopathie.

Beaucoup de contenus font en effet la critique d’une caricature de naturopathie, et non pas de la naturopathie telle qu’elle est réellement pratiquée par l’immense majorité des naturopathes en exercice… Ce qui est assez énervant, car des arguments solides pour critiquer la naturopathie, il y a des tonnes, et que fabriquer des hommes de paille ne nous aide pas à lutter efficacement contre les dangers des médecines alternatives et complémentaires.

Un des travers que j’observe le plus souvent, c’est la tendance à généraliser à partir d’un cas particulier qui n’est absolument pas représentatif de l’ensemble. En l’occurrence, beaucoup de personnes pensent faire une critique pertinente de la naturopathie en dénonçant les discours des désormais très médiatiques Thierry Casanovas, Irène Grosjean ou Miguel Bathéléry. Sauf que dans la réalité, ces personnes qui appartiennent au mouvement hygiéniste (la branche la plus « extrême » de la naturopathie) ne représentent absolument pas les milliers de naturopathes qui exercent en France. De nombreux.ses naturopathes seront d’ailleurs d’accord pour critiquer aussi les postures extrêmes des naturopathes hygiénistes.

Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas critiquer les pratiques et discours de ces personnes et des autres hygiénistes ! D’ailleurs le collectif L’extracteur fait un travail remarquable à ce sujet. Je dis simplement qu’il ne faut pas prétendre que ces personnes sont représentatives de la naturopathie. Parce que ça, ça serait de la caricature.

Car non, les naturopathes ne sont pas toustes en train de recommander à tout de bras le crudivorisme et le végétalisme au quotidien, le jeûne à chaque saison, les purges à répétition, ou bien encore les désormais connus bains dérivatifs. Ce n’est absolument pas la norme1. Et même s’il faut bien évidemment en parler pour alerter sur les dangers de ces discours, il convient de prendre des précautions pour ne pas généraliser.

Et si vous êtes en manque d’inspiration pour argumenter au sujet de la naturopathie, n’hésitez pas à vous plonger dans les articles de cette série et piochez-y ce dont vous avez besoin. Ceci étant dit, vous vous demandez peut-être pour quelle raison vous devriez avoir plus confiance en mon analyse qu’en celle de n’importe quel.le autre vulgarisateurice sur le sujet. Je vais donc prendre le temps de me présenter brièvement et de défendre ma légitimité à prendre position à ce sujet…

Avant d’exercer la diététique, j’ai été moi-même naturopathe. Je me suis formé.e dans une école certifiée par la fédération française de naturopathie (une année à temps plein, c’est la formation la plus longue actuellement proposée en France – et la plus coûteuse aussi…). Puis, j’ai exercé la naturopathie à mon compte pendant plusieurs années : je menais des consultations individuelles bien sûr, mais aussi des séances de réflexologie plantaire et de massage, des sessions de formation à la réflexologie plantaire, ainsi que des conférences thématiques régulières en magasin bio.

J’ai progressivement remis en question les outils et les fondements de la naturopathie, jusqu’à ne plus souhaiter exercer. Attiré.e depuis de nombreuses années par la diététique, je me suis donc formé.e pour devenir professionnel.le de santé et exercer légalement la diététique sur la base de données fiables et éprouvées. En parallèle de cela, depuis trois ans, je produis des contenus de vulgarisation pour inviter le grand public à porter un regard critique sur la naturopathie et les médecines alternatives et complémentaires.

Certaines personnes pensent que je suis désormais à la solde des laboratoires pharmaceutiques. Je n’ai pourtant aucun conflit ou lien d’intérêt à déclarer : je tire mes seuls revenus de mon activité libérale de diététicien.ne, et je n’ai jamais perçu le moindre centime provenant d’une entreprise du secteur médical ou pharmaceutique, ni même de l’industrie agro-alimentaire. Enfin, sauf si un bon de réduction de 50 centimes distribué sur un stand de promotion de merguez végétales ça compte… Auquel cas j’ai un lien d’intérêt avec l’entreprise Happyvore à déclarer !

D’autres personnes encore estiment que, si je suis critique de la naturopathie aujourd’hui, c’est parce que je n’aurais pas bien compris le sujet : je n’aurais pas saisi l’essence et la subtilité des concepts naturopathiques. Étrange pourtant… car à la journée de certification de la Féna j’ai été classé.e 10ème sur environ 450 étudiant.es, et ma moyenne générale pendant mon année de formation était de 16/20. Donc bon, soit j’ai effectivement bien saisi les concepts de la naturopathie… soit j’ai réussi à berner pendant une année entière mes 11 enseignant.es, mais aussi les évaluateurs de la Féna. A vous de juger ce qui vous semble le plus probable !

Alors bien évidemment, cela ne signifie pas que je détienne la vérité absolue à ce sujet (ni sur aucun autre d’ailleurs), et je vous invite à faire preuve d’esprit critique en me lisant. Il me semble cependant que mon parcours me permet d’avoir quelques connaissances pertinentes à partager.

Pour lire les articles précédents et suivants de cette série sur la naturopathie : cliquer ici.

  1. Naturopathie et crudivorisme, petite enquête : https://sohan-tricoire.fr/naturopathie-et-crudivorisme-jai-mene-lenquete/