Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 23, décembre 2016

Chaque semestre depuis 2005, les étudiants de l’UE transversale « Zététique & autodéfense intellectuelle » produisent des dossiers d’enquête sur des sujets « critiques ». Si certains dossiers sont peu exploitables, d’autres sont vraiment de très beaux travaux, qui contiennent certes parfois des erreurs ou des fautes, mais témoignent d’une démarche intellectuelle exigeante, d’une vérification des sources et des informations présentées, et allant pour quelques-uns jusqu’à l’élaboration de protocoles expérimentaux. Cette fois, un excellent test sur la sensation d’être observé, autisme et régime GAPS, un peu de Napoléon, du Bushido, MK-Ultra, la théorie réactionnaire de Renaud Camus et plein d’autres choses.

L’objectif à terme serait de mettre tous les dossiers de qualité depuis dix ans. J’ai réussi à le faire le semestres 20 (ici), 21 (), et 22 (par là). En attendant, en décembre 2016 m’ont été rendu 62 travaux (hors rattrapages), dont voici à mon avis (subjectif) les plus stimulants. Bien sûr il y a des coquilles, des fautes d’orthographes, des maladresses, mais pour des étudiant-es commençant leur parcours universitaire, on aura vu bien pire, et difficilement mieux. Bravo à elles/eux.

RM

  • Régime GAPS et autisme, par Hugo GALLIEN, Anaïs GRILLET, Camille MARTINIE et Nolwenn MARQUIS. Télécharger
  • Test de la sensation d’être observé, ou Dans quelle mesure l’apprentissage sceptique peut-il influer sur l’apparition du phénomène de la sensation d’être observé ? par Thomas BADIN, Mina BERNARD-SALMIRS, Mana BOURDET, Clémence CHARLES, Alexanne CHESNEAUX, Laura CITTADINI, Simon DADER, Laurine DELORME, Doriane DEPUYDT, Julia DWORAK, Coralie EYNAUD, Johan FERRAZZI, Charlotte GENIN, Sylvain GUICHARD, Paul MARSEILLE LABRANCHE, Océane MASOERO, Césame MELCHER, Lucile RUEL et Anaïs SETTURA. Télécharger  et Analyse statistique (en cours de reprise sur quelques points)
  •  La théorie du grand remplacement de Renaud Camus, ou notre civilisation est-elle en train de disparaître ? par Marylou BLONDIN, Salomé MAMY, Clementine MARTIN, Scott McGUIGAN, Idris SHAH et Jahm-Aldinne SPELO. Télécharger
  • Bushido, historicité et mythes, par Lucie FLATTET, Alain LEONARD, Louane MATUSZCZAK et Marine PASCALIS. Télécharger
  • La scientificité des motifs d’accusation de sorcellerie de la fin du XVème siècle jusqu’au début du XVIème siècle en France, par Chloé LE BRET, Quentin MARX, David MONTALVO, Morgane ROISSE-MERLIN et Thibault VERNET. Télécharger
  • L’affaire du pain de Pont-St-Esprit, par Emilie BERNAZ, Cécile HERAUD, Baptiste REYNAUD, Clémentine STEPHANT et Laura VUAGNOUX. Télécharger
  • Le discours climato-sceptique, ou Claude Allègre, l’imposture climatique ou la fausse écologie, par Iliana BITZBERGER, François EYRAUD, Corentin FOL, Makan GANDIT et Félicie THORAVAL. Télécharger
  • Test de l’effet Knobe, Thomas FAUCHE, Antonin.MACLES, Emilien MANTEL et Bérenger SCHWAB, supervisés par Timothée GUILHERMET. Télécharger
  • Le fluor, par Mathilde DIEUMEGARD, Océane MANGEL et Audrey MARNAS. Télécharger
  • La rationalité dans l’analyse néo-classique est-elle fondée ? par Thomas BOYER, Ronan JEZEQUEL, Laurent JUVENET, Alexis LAURENT et Nawel REY. Télécharger
  • Le fauteuil de la mort, par Marine AGNEL, Fabrice BOUTET, Lorraine DUMONT GIRARD, Marine DUNIER, Emilie GAUTHIER et David MARTIN CHEVALIER. Télécharger
  • Les lampes en cristal de sel, par Kim BARRET, Alice BATTAREL, Clara MOSCA, Benjamin TAM et Fanny VIDAL. Télécharger
  • Le suaire de Turin, par Sarah CORTAY. Télécharger
  • La partialité dans le traitement historique de Napoléon Bonaparte, par Théo BOURGEOIS, Jordan DEMMER, Avo GHARIBIAN, Mathieu TANTOLIN et Rémi RICHOUX. Télécharger
  • Le projet MK-Ultra et la mort toujours étrange du scientifique de l’US Army Frank Olson, par Bertrand GAUSSENS, Valentin MOULIN, Diego PENA AGUILAR LlOTARD et Francois VIEUX. Télécharger
  • La proposition de résolution Fasquelle, étude de son rejet et de son traitement médiatique, par Grégoire COUTURIER, Nolwen KERLOCH, Aurélien RIGOTTI et Tania SOLIER-BRIN. Télécharger et Annexe Texte de la proposition de loi

Critique de la psychanalyse sur les ondes publiques

cortex_freud-fraude_francoisbFait suffisamment rare pour être souligné, une émission de science du service public, que nous avons souvent critiquée et qui fait souvent la part belle aux approches psychodynamiques, relaye un discours critique radical sur la psychanalyse et l’héritage freudien. Nous souscrivons à beaucoup de choses défendues par Didier Pleux, et si le débit rapide un peu cassant de Sophie Robert ne sert pas son propos, rappelons le combat qu’elle mène depuis des années – et que nous soutenons, ici, – en dénonçant la mainmise de l’approche psychanalytique sur les enfants développant un spectre autistique.

C’était dans La tête au carré, sur France Inter, le 14 octobre 2015. Vous goûterez peut être les grands classiques rhétoriques sur la question, servis par les courriels des auditeurs pendant l’émission mais aussi par Matthieu Vidard lui-même.

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Sophie Robert

Télécharger l’émission

Et pour aller plus loin, on pourra regarder, en famille ou non, le documentaire de Sophie Robert sur les déconvertis de la psychanalyse, où l’on reconnaîtra avec plaisir notre ami et soutien Jacques Van Rillaer, qui est venu bien souvent faire des cours critiques avec nous sur le campus de Grenoble et a produit des ressources(voir entre autres ici, , et ).

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Didier Pleux

Autres films de Sophie Robert sur le site Dragon Bleu TV.

Le Phallus et le Pas Tout, la théorie sexuelle – coup de main pour film grand public décryptant la psychanalyse

Repousser les murs et les cloisons intellectuelles peut se faire de maintes manières, au burin, au pic à glace, à la lime, ou au documentaire. Par les siennes, Sophie Robert a contribué plusieurs fois aux événements pédagogiques du CORTECS. Elle remet le couvert ce mois-ci, et demande un coup de main pour sa nouvelle contribution audiovisuelle : Le Phallus et le Pas Tout.

Rappelez-vous : Sophie Robert en novembre 2011 dans l’UE zététique & autodéfense intellectuelle de Grenoble juste avant l’interdiction de son film « Le mur », sur des propos de psychanalystes ; puis la joie de voir le film à nouveau autorisé, et un nouveau passage de Sophie par la capitale des Alpes dans le cadre du cycle « Connaissances censurées« , au printemps 2015.

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Là, c’est dans nos écrans qu’elle revient, avec trois cadeaux.

  • Les déconvertis de la psychanalyse (voir ici), dans le quel vous reconnaîtrez un de nos amis, Jacques Van Rillaer (auteur d’Argumentaires lacaniens sur le Mur), et un plateau de quatre personnes, rares, qui ont réussi à se déconvertir, rebrousser chemin, reconnaître s’être fourvoyés et capables d’en parler.
  • Les fondamentaux de la psychiatrie (voir ici), au cours duquel trois psychiatres et un neuroscientifique posent les repères fondamentaux de la psychiatrie scientifique, tout en questionnant le sens des notions de psychisme et d’inconscient.

Et enfin, Le Phallus et le Pas Tout, film long métrage grand public en salle ! – pour lequel vous pouvez, à l’instar du CORTECS, devenir contributeur/trice !

Son nouveau film dédié au décryptage de la théorie sexuelle des psychanalystes, est presque terminé. Elle lance une souscription pour en finaliser la production car son ambition, non des moindres, est de créer les conditions d’un débat national sur la théorie et la pratique des psychanalystes, sur les sexualités, les rapports hommes-femmes, les enfants.

A propos du film, cliquer là. Extrait ci-dessous (attention, personnes sensibles à l’imposture intellectuelle s’abstenir – il y est entre autre question de « femme phalliquement lourde »).

La somme nécessaire pour faire de ce long métrage un film de cinéma est supérieure à celle qu’il est possible de collecter sur un site de financement participatif. Aussi cherche-t-elle des contributions, des apports en numéraire supérieur ou égal à 250 euros, en échange de quoi les contributeurs percevraient un pourcentage sur les recettes du film en salles ainsi que sur tous les bénéfices d’exploitation du film (en plus d’avoir son nom au générique du film).

La marche à suivre et toutes les informations sont réunies en première page de Dragon Bleu TV.

Le CORTECS se joint à Sophie Robert. Repoussons les murs.

RM

Compilation de ressources critiques sur la psychogénéalogie

La psychogénéalogie et les secrets de familleVoici une petite compilation de ressources critiques concernant la psychogénéalogie à l’usage des curieux qui souhaitent creuser les fondements de cette discipline pseudo-scientifique. Cette page ouverte est évidement non-exhaustive et mérite d’être alimentée : vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet ? N’hésitez pas à la partager à l’adresse contact[at]cortecs[.]org.


La psychogénéalogie est une pratique développée dans les années 1970, qui affirme que les événements, traumatismes et conflits vécus par les ascendants d’un sujet conditionnent ses comportements, ses troubles psychologiques et ses maladies. Dévoiler cette « histoire cachée » d’un sujet en séance de thérapie permettrait de s’en libérer.

  • Conférence « La psychogénéalogie, un mythe » de Nicolas Gaillard

2012 (54min)

Dans le cadre du cycle de conférences de psychologie « 1 heure de psy par mois » proposé par Le Laboratoire Inter-universitaire de Psychologie, Personnalité, Cognition, Changement Social (PC2S) et programmé par la bibliothèque Kateb Yacine de Grenoble. Cette conférence rend compte de l’application de l’outillage d’esprit critique du CorteX à la psychogénéalogie, préparée conjointement avec Géraldine Fabre.

  • Entrevue Géraldine Fabre et Nicolas Gaillard « La psychogénéalogie : promesse tenue ? »

Émission Remue-méninges d’Élise Chardonnet sur RCF Isère, novembre 2011, Géraldine Fabre (membre fondatrice du CorteX) et Nicolas Gaillard à l’occasion de la présentation d’une conférence intitulée La psychogénéalogie : promesse tenue ?.

2012 (40 min)

  • Articles de Géraldine Fabre « Psychogénéalogie : les dossiers de l’OZ »

Deux articles fondateurs de notre démarche critique vis-à-vis de la psychogénéalogie qui proposent une étude rigoureuse des concepts-phares pour en éprouver les limites.

  1. Aïe, mes aïeux !
  2. Le syndrome du Gisant
  • Reportage « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secrètes », « Infrarouge », France 2, avril 2008.

Attention ! C’est un reportage nullement critique (bien au contraire) mais utile pour comprendre le concept de la psychogénéalogie tel qu’il est présenté par Anne Ancelin Schützenberger et d’autres après elle. C’est aussi l’occasion de découvrir de réelles séances de thérapie et d’en mesurer la teneur. « Psychogénéalogie : Nos Mémoires Secretes« 

  • Matériel CorteX – analyse d’un reportage sur la psychogénéalogie.

Voici un travail pratique qui propose une analyse critique d’un reportage sur la psychogénéalogie d’une émission de France Culture, Sur les docks : Psychologie – TP « Psychogénéalogie sur France Culture« , par Richard Monvoisin. Les psychologues, travailleurs sociaux ou simples curieux trouveront ici quelques éléments de discours-type, dont nous retranscrivons quelques extraits archétypaux, tous tirés de l’émission: Secrets de famille : une conversation qui n’a pas eu lieu.

  • Les Ateliers de l’information, conférence « La psychogénéalogie et ses dérives », par Nicolas Gaillard

Les Ateliers de l’information de la bibliothèque des sciences de l’université de Grenoble (appelée aussi SICD1, pour Service Inter-établissement de Coopération Documentaire) proposent d’agiter son auditorium avec plusieurs conférences thématiques critiques, d’un format très court (30 minutes + questions), disponibles sur la page Une bonne poignée de mini-conférences CORTECS et sur le site des Ateliers de l’information.

Avril 2013, 52 min Atelier n°30 – Zététique : la psychogénéalogie et ses dérives (vidéo)

  • Article « La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… » par Richard Monvoisin

La médecine et ses « alternatives », Quelques outils d’autodéfense pour militant-es… S’y trouve une réponse à la question suivante : quelles sont les raisons qui font que nous-mêmes, et nos proches, dont la santé est essentielle, nous détournons du système de soin classique pour recourir à des thérapies dites alternatives, quitte parfois à ce que l’efficacité du soin ne soit pas au rendez-vous ? On y trouve des références à la psychogénéalogie mais surtout une compréhension plus large des caractéristiques des thérapies pseudo-scientifique.

Par extension, et parce que la psychogénéalogie trouve son terreaux dans les concepts psychanalytique, on peut consulter l’article Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad ainsi que l’ensemble des articles du CorteX portant sur la critique de la psychanalyse pour aller encore plus loin.

N’oubliez pas : si vous avez lu/vu/entendu une référence critique, solide et pertinente sur ce sujet, n’hésitez pas à la partager sur contact[at]cortecs[.]org.

couverture du livre

Recension – Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique

couverture du livreLivre sympathique à lire, sur les grands combats entre individus lorgnant le pouvoir en France. Mitterrand – Chirac, Chirac – Balladur, Rocard – Mitterrand, Jospin – Fabius, Hollande – Royal, Sarkozy – De Villepin, etc. Hélas, un recours à la psychanalyse tout à fait désuet plombe un peu le propos.

Le constat est tout de même accablant : de ces grandes luttes, il n’y a rien, strictement rien qui relève du débat d’opinion, de l’expertise politique ou de joutes économétriques. Non, il s’agit de pure realpolitik, de jeux d’extermination où tous les coups sont permis. L’essentiel des personnages ont pour seul engagement un parti, choisi non pour ses valeurs, mais pour ses capacités à les mener au pouvoir. On ne lit aucune préoccupation du bien public ou du traitement des plus vulnérables de la société.  C’est la même froideur que l’on retrouve dans la mini-série « L’école du pouvoir », de Raoul Peck (2009), retraçant la promotion Voltaire de l’Ecole Nationale d’Administration ; la même incurie intellectuelle de l’ENA telle que montrée dans l’excellent livre Ubu Roi, d’Olivier Saby, déjà chroniqué ici.

 Seul bémol : plutôt que de contacter de vrais compétences pour l’analyse des caractères de ces tristes sires, les auteurs (Henri Vernet, du Parisien, et Renaud Dély, du Nouvel Observateur) passent par l’ « expertise » du psychanalyste Serge Hefez, à la grille d’analyse freudienne, ce qui fait passablement rigoler quand on connaît l’immense marais qu’est le freudisme.

Dans Le livre noir de la psychanalyse (Arènes, 2004), Borch-Jacobsen parle de la psychanalyse comme d’une théorie zéro, qui dit tout et rien. C’est criant ici.

Exemples.

  • p 16 : « Dans le jeu politique, le crime est permis ; on peut tuer, sauf qu’on ne tue pas vraiment, le crime est d’ordre du symbolique », comme le souligne Serge Hefez.

Contenu de la phrase = 0

  • p 48 « La rivalité entre frères pour accéder à la fonction paternelle, pour s’imposer en successeur du père, c’est classique, cela relève de l’émulation », décrypte le psychanalyste Serge Hefez.

(à propos de gens qui ne sont pas frères, et qui veulent arriver au poste de président, qui n’est pas une fonction paternelle)

Contenu de la phrase = 0

  • p 131-2 à propos de Rocard maltraité par Mitterrand. « L’intéressé se retrouva immédiatement dans une situation de sujétion d’autant plus terrible qu’elle n’était pas seulement institutionnelle, mais aussi psychologique, presque psychanalytique ». Ah bon ?

je ne sais pas la qualité des soins proposés par Serge Hefez. Mais la teneur de ses livres a le charme des théories mortes Dans La  Sarkose obsessionnelle, Hachette Littératures (2008), il affirme analyser le narcissisme de la société française à travers celui de Nicolas Sarkozy…

De quoi alimenter un bêtisier psychanalytique. Dommage.

Renaud Dély, Henri Vernet, Tous les coups sont permis – de Mitterrand à Sarkozy, la violence en politique, Calmann-Lévy (2011)

RM

Couverture du livre Le crépuscule d'une idole de M. Onfray

Psychologie, philosophie – L'illusion freudienne, par Michel Onfray

Cycle d’émissions « L’illusion freudienne », par Michel Onfray.
Derrière le mot psy se cache un certain nombre de réalités très différentes, et on comprend d’autant mieux l’historicité et la récence des disciplines scientifiques quand on prend conscience qu’un édifice comme la psychanalyse truste encore une place que sa scientificité n’explique pas (en philo de terminale, dans les premières années de licence psychologie ou dans les études d’éducation spécialisée ou d’infirmerie).

Que la psychanalyse et son attirail d’outils soient attrayants, certes. Qu’ils permettent une introspection personnelle, pourquoi pas. Que la cure psychanalytique par contre prétende à une efficacité thérapeutique largement surestimée est déjà un problème. Que les preuves de ce manque d’inefficacité soient enterrées sous le tapis par un ministre (Douste-Blazy et le rapport Inserm) pose des questions.
Mais surtout, surtout : que le corpus de preuves sur lequel se bâtit la psychanalyse freudienne soit si pauvre, les faits si bidonnés, les guérisons sinon inventées du moins « gonflées », que la théorie soit irréfutable au sens de Popper, que sa grille d’analyse soit fortement sexiste, homophobe, et dépolitisante – c’est-à-dire cette tendance à imputer le mal-être de quelqu’un à l’étiologie sexuelle des névroses et à des perturbations refoulées dans la petite enfance, alors qu’il s’agit souvent d’un contexte social violent -, autant de points qui font de la psychanalyse freudienne un excellent sujet d’étude de pseudoscience.
On connaît les attaques classiques envers les critiques de la psychanalyse (déni, antisémitisme, etc.) (1). Qu’une chose soit bien claire : si Freud était Breton, ou Moldave, la critique serait la même, et si la psychanalyse était réellement efficace à la hauteur de la place qu’elle usurpe, on le dirait. Les critiques sont nombreuses, la bibliographie critique commence à être dense, et la netographie outillée (voir par exemple leCorteX_Michel_Onfray site « Mythes Freudiens » de notre ami Jean-Louis Racca). Mais il est un exercice réalisé par Michel Onfray en 2009-2010, dans la ligne de son ouvrage « Le crépuscule d’une idôle » qui offre une bel outil pédagogique : le cycle de conférences « Illusion freudienne » dans le cadre de l’Université populaire de Caen, et diffusé sur France Culture, en 25 épisodes. C’est d’autant plus intéressant à écouter qu’un certain nombre de demandes d’annulation de ce cycle arrivèrent sur France Culture, ce qui valut à la radio de se fendre d’un courrier. Téléchargeables pour les écouter en ballade, en voiture, ou en faisant du sport (certaines anecdotes sont tellement énervantes que c’est propice à la performance). Merci à M. Onfray pour ce travail d’orfèvrerie intellectuelle.

Il est possible d’acheter ces émissions dans les volumes 15 et 16 de la Contre-Histoire de la philosophie, consacré à Freud.

1. Une exégèse du corps freudien (26 juillet 2010)

 
2. Déni soit qui mal y pense (27 juillet 2010)

3. Le conquistador et les philosophes (28 juillet 2010)

4. Autobiographie philosophique (29 juillet 2010)

5. Questions-réponses (1) (30 juillet 2010)

7. Une vie sous le signe d’Oedipe (3 août 2010)

8. Un mythe scientifique (4 août 2010)

9. Un labyrinthe thérapeutique (5 août 2010)

10. Questions-réponses (2) (6 août 2010)

12. Inconscient et déni du corps (10 août 2010)

13. Un monde de causalités magiques (11 août 2010)

14. Les ressorts du divan (12 août 2010)

15. Questions-réponses (3) (13 août 2010)

16. L’affabulation freudienne (1) (16 août 2010)

17. L’affabulation freudienne (2) (17 août 2010)

18. Un verrouillage sophistique (18 août 2010)

19. Un pessimisme ontologique radical (19 août 2010)

20. Questions-réponses (4) (20 août 2010)

21. Masturbation, femmes, petites filles (23 août 2010)

22. Dolfuss, Mussolini, politique (24 août 2010)

23. Les raisons d’un succès (1) (25 août 2010)

24. Les raisons d’un succès (2) (26 août 2010)

25. Pour une psychanalyse non freudienne (27 août 2010)

Richard Monvoisin

[1] Pour approfondir les trames argumentatives développées envers les critiques de la psychanalyse, l’article de Jacques Van Rillaer : Analyse d’affirmations d’Élisabeth Roudinesco dans Mais pourquoi tant de haine ?.

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Psychologie – L’argument « des résistances » contre la psychanalyse par Jacques Van Rillaer

Vous critiquez la psychanalyse ? C’est inconscient, un mécanisme de défense de votre part : vous devriez suivre une psychanalyse !La critique de la psychanalyse étant contenue et prévue dans la théorie, celle-ci devient irréfutable. Que faire face à un tel argument ?


Notre collègue Jacques Van Rillaer met aimablement à disposition le chapitre L’argument des résistances à propos de la critique de la psychanalyse, publié dans son ouvrage Les illusions de la psychanalyse (éd. Mardaga, 4e éd., 1996).

CorteX_VanRillaer_Illusions_psychanalyseC’est un très bon matériel pour creuser le problème de l’irréfutabilité des théories psychanalytiques [1].

 « Freud et ses disciples qualifient de « résistance » toute remise en question de la psychanalyse et voient là une confirmation supplémentaire de leur credo. Un examen de ce mode de réfutation apparaît dès lors comme une question préalable à toute analyse critique de la doctrine freudienne. Nous verrons d’abord comment le concept de résistance s’est développé et a servi à désamorcer toute polémique. Ensuite nous examinerons la valeur épistémologique de cette défense, qui rend le système analytique invulnérable, du moins en apparence. »

Lire la suite

[1] déjà abordée par l’épistémologue Karl Popper, dans La Logique de la Découverte Scientifique et Conjectures et Réfutations.

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Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme

La question de l’autisme et des surinterprétations de cette gamme de syndromes est l’objet de nos préoccupations et de nos enseignements (1). Contre toute attente, notre matériel pédagogique sur le sujet vient de s’étoffer d’un seul coup, avec un travail tout à fait majeur : « Le Mur, ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme« , de Sophie Robert.


Et tout aussi vite, il a été retiré par décision de justice !
Ne vous étonnez pas de ne pas voir les vidéos en ligne, c’est indépendant de notre volonté.
Quelle que soit la décision de justice finale,
1) la controverse sur l’hégémonie de techniques psychanalytiques pseudoscientifiques dans le soin de l’autisme (et ailleurs) n’est pas éteinte, et
2) nous souhaitons continuer à utiliser ce documentaire car il est une véritable sonde dans le vécu des autistes et proches d’autistes.

Pour toute question sur ce sujet, écrivez-nous : contact@cortecs.org


Sophie Robert a travaillé pour le collectif Autisme sans Frontières en réalisant le documentaire « Le Mur ou la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme » avec Océan Invisible Production. Une trentaine de pédopsychiatres et psychanalystes français ont été rencontré, pour qui « il y a beaucoup à voir entre autisme et psychose ». Pour les psychanalystes interrogés, l’autisme pourrait être la conséquence d’une dépression maternelle, d’une mauvaise relation avec l’enfant, voire d’un refus de l’apport masculin pour la conception (2). Certains parlent de mère « psychogène »,CorteX_Autisme_LeMur_Danon_Boileau de « stade de folie transitoire » de la mère, voire de « désir incestueux »…Que font les psychanalystes devant un enfant autiste ? « J’en fais très peu, j’attends qu’il se passe quelque-chose », dit l’un. « J’essaie d’apprivoiser l’enfant, je me tiens en retrait », dit un autre.
Ce documentaire laisse la parole à des psychanalystes très connus, notamment les Pr. Delion ou Golse, responsables et chefs de service dans de grands hôpitaux de France et met en lumière l’extraordinaire imposture de l’approche psychanalytique de l’autisme, pourtant archi-présente dans les milieux de la psychiatrie, du soin et du travail social.

Le voici. Même les habitué-es risquent de tomber de leur chaise.

Partie 1 : [vimeo 28297548]

Partie 2 : [vimeo 28304221]

Partie 3 : [vimeo 28312069]

Bonus : interview de Monica Zilbovicius, psychiatre, directeur de recherche à l’INSERM.

Bonus 1 : [vimeo 28396329]

Bonus 2 : [vimeo 28403514]

Nous l’avons vu fin septembre 2011, et nous avons déjà exploité un extrait (3) avec D. Laumet et N. Gaillard lors de la formation Travail Social & Esprit Critique.

Nous ne pouvons qu’encourager toute personne touchée de près ou de loin par le problème de l’autisme à regarder ce documentaire. Bien sûr, il y a des critiques de montage à faire, des coupes, des plans musicaux sur les enfants, l’utilisation d’un seul sujet pour soutenir la thérapie comportementale et ses différentes méthodes, mais cette plongée dans l’idéologie gomme ces quelques défauts, et fait de ce reportage un véritable outil critique pour l’enseignement.
Nous avons proposé à Sophie Robert (dont on écoutera une excellente interview ici) de venir présenter son film à l’université de Grenoble, puisqu’aucune chaîne ne souhaite diffuser son documentaire. Elle viendra le 30 novembre 2011. Préparez vos calepins.
Accessoirement, se prépare semble-t-il une demande d’interdiction :
Selon Rue89 (4 novembre 2011)

« (…) Face caméra, les psys assument le côté « politiquement incorrect » de leur discours. Mais une fois qu’ils voient le film, trois d’entre eux s’étranglent. Ils saisissent le tribunal de grande instance de Lille, qui nomme un huissier aux fins de faire saisir les rushes.

Leur but n’est toujours pas clair, Me Christian Charrière-Bournazel, leur avocat, n’ayant pas répondu à nos sollicitations. Mais, selon l’ordonnance sur requête que Rue89 a pu consulter, ils semblent préparer une demande d’interdiction :

  • « les rushes confirmeront que leurs propos ont été dénaturés », est-il écrit. Les saisir empêchera la réalisatrice de les « détruire afin d’échapper à toute interdiction judiciaire dont pourrait être frappée son film et plus généralement à toute action en responsabilité » ;
  • ils reprochent à Sophie Robert de s’être « présentée comme journaliste alors qu’elle est gérante de société de production » : ils oublient qu’il n’est pas besoin d’avoir la carte de presse pour réaliser un documentaire en qualité d’auteur ;
  • ils « ont découvert avec stupéfaction que leurs interviews avaient été coupées et défigurées aux fins d’un film partisan » : les coupes font partie du travail normal de documentariste, et leur choix relève de la liberté d’expression ; il n’est pas rare qu’un film d’auteur assume un parti pris ;
  • ils estiment que « la pensée et les propos des intervenants sont réduits et déformés par le sens des commentaires » : rien n’interdit le commentaire de porter sur des interviews, voire de prendre leur contrepied ;
  • ils se disent « piégés » dans un film qui ne serait pas, à leurs yeux, un documentaire mais « une entreprise polémique destinée à ridiculiser la psychanalyse au profit des traitements cognitivo-comportementalistes (TCC) ».

« A​tteinte au secret des sources des journalistes »

La réalisatrice, qui ne veut pas que les plaignants croient qu’elle a « quelque chose à cacher », a retranscrit les trois heures d’interviews avec les trois psychanalystes qui la poursuivent (Esthela Solano Suarez, Eric Laurent et Alexandre Stevens, membres de l’Ecole de la cause freudienne).

Elle vient de transmettre à l’huissier un DVD avec des images originales, brutes, des interviews avec les timecodes (marquage temporel) « afin qu’ils voient bien que, techniquement, il n’y a pas de coupe inopinée dans les séquences ».

Selon son avocat Me Benoît Tritan, demander les rushes est une « atteinte au secret des sources des journalistes » protégé par la loi du 4 janvier 2010.

L’avocat a saisi le juge en référé afin de faire annuler l’ordonnance initiale ; une audience est prévue le 15 novembre au TGI de Lille. Pour Me Titran :

« Le travail a été réalisé de façon loyale, comme en attestent les autorisations de tournage, leurs propos ont été parfaitement respectés et il n’y a aucune atteinte à la probité, sinon ils auraient poursuivi en diffamation. »

Sophie Robert met à disposition le document de son assignation en justice demandée par l’Ecole de la cause freudienne ainsi que l’appel à souscription pour la création d’une série documentaire en 3 volets sur la psychanalyse.
Brigitte Axelrad a également écrit sur ce film un article, qui sera publié dans le prochain numéro (299) de la revue SPS (Science et pseudo-sciences) avec une mise à jour rapportant l’issue du procès.altSur les antennes de la RTBF Jaques Van Rillaer évoque l’assignation en justice ainsi que les procédés douteux de l’école de la cause freudienne.

Voici l’interview de Sophie Robert dans le magazine de la santé sur France 5, le 20/11/2011.
[dailymotion id=xmmck9]
Merci à Carole Contaut, du collectif Autisme Infantile de nous avoir informés.

Vous souhaitez nous faire part de vos impressions ? Ecrivez-nous.
Richard Monvoisin


(1) N. Gaillard a fait plusieurs conférences portant sur l’imposture Bettelheim (voir note 2). J’ai pour ma part introduit dans mes cours d’autodéfense intellectuelle la notion de « mère-frigidaire » comme cause de l’autisme comme exemple d’élaboration de pseudo-science idéologique à consonance sexiste. N. Gaillard, G. Reviron et moi avons eu maintes fois l’occasion de pointer les dérives psychologiques et sexistes autour du freudisme, entre autres avec nos collaborateurs J-L. Racca, B. Axelrad, J. Van Rillaer. En 2007, j’avais également planché avec un groupe d’étudiants (Cécile Pinsart, Cédric Rios et Mathilde Daumas) sur la « théorie » des enfants Indigo et leur utilisation de l’autisme (voir les notes de Prevensectes sur le mouvement Kryeon).

(2) Bruno Bettelheim était convaincu, alors même que les preuves s’accumulaient contre sa théorie, que l’autisme n’avait pas de bases organiques mais était dû à un environnement affectif et familial pathologique. (…) Voir Bettelheim B., La forteresse vide, l’autisme des enfants et la naissance du moi, Gallimard, 1969. Pour un début de critique, voir Ian Hacking, Philosophie et histoire des concepts scientifiques, sur le site du Collège de France, p. 391 et pour aller plus loin, on lira Richard Pollack, Bruno Bettelheim ou la fabrication d’un mythe, les Empêcheurs de penser en rond (2003). Un autre trop rare livre critique de Bettelheim est également paru sous la plume de Peeters, La forteresse éclatée (1998) ».

CorteX_Autisme_LeMur_Loison_crocodile(3) Il s’agit de l’incroyable série d’extraits de la pédopsychiatre Geneviève Loison, tellement frappante que des parents d’enfants autistes ont lancé une campagne « Un crocodile pour Geneviève ».

(4) Petite mise au point de Mikael Molet de l’Université de Lille :

La thérapie comportementale repose sur les principes du conditionnement classique et du conditionnement opérant. On parle alors d’analyse appliquée du comportement. Celle-ci repose sur l’analyse fonctionnelle qui peut se résumer par la formule « quelle est la fonction du comportement ? » Les méthodes TEACCH et PECS, par exemple, sont des techniques d’apprentissage qui peuvent être utilisées dans l’analyse appliquée du comportement, selon les besoins de l’enfant et les objectifs fixés.

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Impacts de la psycho-pop, par Brigitte Axelrad

Les médias utilisent l’intérêt du public pour les questions psy, ce qui leur permet de faire de l’audience et des ventes importantes. Le représentant de Psychologies Magazine ne se cache pas pour dire que le mal être des gens, et plus particulièrement des femmes, constitue son fond de « commerce » !
Ces émissions et ces revues abordent les sujets psy de façon superficielle et souvent réductrice. Elles font entrer dans le langage populaire des concepts empruntés à la psychanalyse et dont tout le monde croit connaître le sens.

La vigilance critique devrait, à mon sens, guider l’écoute et la lecture de cette presse psycho-pop. Notamment apprenons à détecter le « rapt des concepts », en particulier ceux qui sont issus de la psychanalyse : complexe d’Œdipe, refoulement, lapsus révélateurs, actes manqués, etc. et surtout l’inconscient, comme la clé d’interprétation de toutes les manifestations d’ordre « psychique ».
Ces médias propagent par ailleurs des approches pseudo-scientifiques telles que celles de Jacques Salomé, la psychogénéalogie, les thérapies de la « mémoire retrouvée » et toute la vague des thérapies « New Age », et des méthodes contestables et contestées, telles que la PNL (Programmation Neuro-Linguistique), l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing), l’hypnose, l’imagerie guidée, la communication facilitée (CF), la canalisation, etc. Quand on entend ou lit des termes issus du vocabulaire scientifique et utilisés hors de leur contexte, tels que « quantique », « énergie », « hologramme », une méfiance redoublée serait de mise.

La place privilégiée de la psychanalyse dans la société française.

L’une des raisons qui donne à la psychanalyse cette première place dans l’interprétation des comportements et des troubles psychologiques est peut-être le fait qu’elle a été enseignée dans les classes terminales des lycées et a constitué le socle des cursus universitaires de philosophie et de psychologie.

Une autre raison est, de mon point de vue, l’icône de Sigmund Freud, considéré dans son domaine à l’égal de Copernic en astronomie, d’Einstein en physique ou de Darwin en biologie, comme Freud lui-même se plaisait à le dire, en qualifiant la psychanalyse de « troisième révolution » dans le monde des idées.

Contester l’image ou les théories de Freud est en France un sujet relativement tabou. Les tentatives récentes des auteurs du Livre Noir de la psychanalyse, de Jacques Bénesteau ou de Michel Onfray, ont du mal à s’imposer dans l’opinion. Contester Freud est encore chez nous un sacrilège et souvent taxé d’antisémitisme.

Ceci n’est plus le cas dans le reste du monde, à l’exception notable de l’Argentine.

Vous pouvez remarquer qu’à chaque accident grave : attentat, catastrophe naturelle ou phénomène social, les médias font appel au psychanalyste de service et non à un psychologue, pour commenter et préconiser des solutions d’aide psychologique aux victimes.

La prétention de la psychanalyse à tout expliquer a conduit depuis qu’elle existe à n’attribuer qu’une seule cause à toutes sortes de pathologies, dont on n’a pas encore l’explication scientifique. C’est le cas en particulier de l’autisme, dont la responsabilité a été attribuée, depuis les pseudo-travaux de Bruno Bettelheim, à la « mère-réfrigérateur », concept dû à Léo Kanner et aussi sexiste que… faux. Fort heureusement aujourd’hui, les progrès de la génétique, des moyens d’investigation comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique), ont envoyé ce concept à la poubelle. Mais ces théories fumeuses guident encore les psychiatres adeptes du packing, cette sorte de camisole glacée utilisée pour des enfants, et empêchent le développement des thérapies comportementales comme le traitement ABA (Applied Behavioral Analysis).

La psychanalyse s’est attribué une place de choix en psychothérapie, malgré les preuves apportées aujourd’hui que Freud a falsifié ses résultats et dissimulé ses échecs thérapeutiques, comme celui de l’homme aux loups, par exemple. La psychanalyse prétend donner aux troubles psychologiques une seule explication : les traumatismes sexuels, qui auraient été subis dans l’enfance. Elle incite les patients à creuser dans le passé pour retrouver la cause de leurs difficultés actuelles. Une cure psychanalytique peut durer des années. À l’inverse, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), dites brèves, sont fondées sur les connaissances issues de la psychologie scientifique. Le thérapeute intervient sur les processus mentaux ou cognitifs, conscients ou non, considérés comme à l’origine des émotions et de leurs désordres, pour changer le comportement du patient. Comme l’a dit Jacques Van Rillaer, lorsque le patient est au fond du trou, mieux vaut lui donner une échelle pour en sortir qu’une pelle pour le creuser !

Les thérapies cognitivo-comportementales ont du mal à être reconnues malgré leur efficacité supérieure à celle de la psychanalyse. Le rapport de l’INSERM, publié en 2004, en a apporté la preuve, mais il a été retiré du site du Ministère de la Santé sous la pression des écoles psychanalytiques (1). Depuis 2004, l’encadrement de la profession de psychothérapeute a fait l’objet d’un projet de loi, finalement publié en 2010 avec des amendements, pour protéger surtout la pratique des psychanalystes, qui sont dispensés du cursus universitaire. Richard Monvoisin a fait remarquer que, pour devenir psychanalyste, il suffit en gros d’avoir fait soi-même une psychanalyse. Comme si de s’être fait soigner les dents chez un dentiste procurait la connaissance et le droit d’exercer le métier de dentiste !

Les thérapies de la « mémoire retrouvée »

Elles sont fondées sur la théorie de la séduction de Freud, qui a précédé celle du complexe d’Œdipe. Les thérapeutes adeptes de la « mémoire retrouvée » n’ont qu’une seule théorie : les difficultés existentielles du patient n’ont qu’une seule cause, un abus sexuel subi dans l’enfance, que l’inconscient aurait « refoulé » pour protéger la « victime ». Retrouver le souvenir de l’abus permettrait seul la « guérison ». Dans ce contexte, le thérapeute exerce sur le patient une pression psychologique pour lui faire accepter cette cause. Une partie de ces patients finit par accepter cette explication à son mal être et retrouver des « souvenirs enfouis » d’abus sexuel.

Comment être sûr que ces souvenirs sont vrais ou faux ? Quels indices permettent de faire la différence entre vrais souvenirs et faux souvenirs ? Sans corroboration extérieure, vous ne pouvez pas faire la différence. Les vrais souvenirs comme les faux peuvent comporter les mêmes détails et être exprimés avec confiance et émotion. Elizabeth Loftus a montré que la mémoire est malléable et ne fonctionne pas comme une bande magnétique ou le disque dur d’un ordinateur, elle reconstruit en permanence les souvenirs. Plusieurs expériences, menées par elle et son équipe de chercheurs, en apportent la preuve : « Bugs Bunny à Disneyland », « Perdu dans un centre commercial », etc. La mémoire est donc sujette à manipulation par des thérapeutes convaincus du bien-fondé de leur théorie. Richard McNally, professeur à Harvard, a montré que la théorie du refoulement n’a jamais pu être prouvée, Daniel Schacter, professeur à Harvard lui aussi, fait remarquer et que les traumatismes violents subis dans les camps de concentration ou dans les conflits ne sont pas oubliés.

Quand un patient consulte un psychothérapeute, il est fragilisé, a besoin d’aide, et espère guérir de son mal être. Il lui sera difficile de se rendre compte qu’il est manipulé, si c’est le cas. La théorie de l’engagement l’incite toujours à continuer sa thérapie avec le même thérapeute, dans l’espoir que l’effort commencé portera ses fruits.

Il est quasiment impossible de différencier d’entrée de jeu un psychothérapeute des « faux souvenirs » d’un autre. Il peut être psychiatre, médecin, psychanalyste, psychothérapeute reconnu ou auto-proclamé. Les psys qui dénoncent chez les autres la méthode des faux souvenirs, alors qu’ils la pratiquent eux-mêmes, prétendent que les souvenirs qu’ils amènent leurs patients à retrouver sont vrais.

En conclusion, s’informer et garder son esprit critique sont les principales armes pour déjouer les pièges des psycho-pop.

Brigitte Axelrad

CorteX_SPS_HS_Psycha(1) Complément : lien vers l’article d’Esteve Freixa, qui se trouve également dans le hors-série Psychanalyse de Science & Pseudosciences N°293, décembre 2010. Et pour se rappeler de la génèse de la vindicte contre le rapport Inserm, on pourra lire cet article d’E. Faverau dans Libération de  22 février 2005.

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Note : Brigitte Axelrad, parmi moult productions disponibles sur Sciences & pseudosciences ou sur le site de l’Observatoire Zététique, a écrit chez book-e-book.com l’ouvrage « Les ravages des faux souvenirs, ou la mémoire manipulée » (2010).

 

Sciences politiques – TP Deus ex machina & concepts psychanalytiques

Travail pratique : essayer de déceler les concepts psychanalytiques et les Deus ex machina.

La philosophie et la science politique sont malheureusement propices aux discours pseudoscientifiques.

Par ce petit TP, il est possible d’introduire la question du Deus ex machina et sur la validité des concepts psychanalytiques, particulièrement dans le champ social.

Lorsqu’on écoute l’émission du 23 avril 2010 de Macadam Philo sur France Culture, on ne prête pas forcément attention aux concepts utilisés dans le discours, ni à l’enchaînement des raisonnements.

1ère phase

Faisons écouter le montage de trois extraits tirés de la première partie d’émission, qui voyait François Noudelmann inviter la philosophe Barbara Cassin.

Télécharger le montage ici (2’32)

puis demandons aux étudiants de relever les concepts centraux. S’ils n’y parviennent pas, il est toujours possible de leur présenter la retranscription suivante :

  • (3 et 4ème minutes) Le problème du juge Baltazar Garzon… ce juge célèbre par ses procédures contre les dictateurs d’Amérique latine a touché un tabou. Il veut rouvrir le dossier de la dictature franquiste et faire la lumière sur les cent milles victimes du régime de Franco depuis la guerre civile jusqu’en 1975 (…) C’est tout le refoulé du franquisme qui resurgit (…) Le pays doit-il se réconcilier avec son passé ? Cette volonté de justice va-t-elle ramener les haines de la guerre ?
  • (6ème minute) (…) je rappelle que la transition démocratique s’est faite sur un certain déni, c’est-à-dire voilà Juan Carlos donc a permis une transition démocratique après la dictature de Franco et a instauré la démocratie sur la possibilité justement que tous ceux qui avaient été aussi les bourreaux puissent avoir leur place, enfin c’est le cas aussi dans beaucoup de dictatures ou on a exercé ce déni au nom de la paix civile (…)
  • (10ème minute) ce refoulé qui resurgit qui a permis la transition démocratique, malgré tout ça veut dire qu’il n’a pas autorisé pour longtemps une paix civile (…)

2ème phase

Discuter de la terminologie psychanalytique : tabou, refoulé, déni. Rechercher la définition de ces termes, et évaluer si l’emploi qui en est fait ici est adéquat.

3ème phase

Qu’est-ce qui justifie l’emploi de concepts psychanalytiques ici ?

  • Soit nous sommes dans le transfert d’un champ à un autre de concepts sans justification, ce qui est la base de l’imposture intellectuelle (cf ressources).
  • Soit la métaphore centrale est la psyché humaine selon Freud et adaptée à un pays, c’est-à-dire avec un moi qui dénie, un inconscient dans lequel on refoule, et des tabous bien gardés.

Il y a au moins trois pistes de discussion possibles :

– sommes-nous devant une imposture intellectuelle ?

– sommes-nous devant l’utilisation d’une psychologie humaine périmée ?

– sommes-nous dans un sophisme de population ? (cf Outillage)

Une quatrième piste serait de faire le parallèle avec le deus ex machina.

En effet, poser la question Le pays doit-il se réconcilier avec son passé ? est une question-piège. Tout d’abord elle anthropomorphise le pays, comme une seule et même « volonté ». Puis elle contient une prémisse à laquelle nous n’avons pas forcément adhéré (avant de se réconcilier, le pays était fâché avec son passé) : c’est ce qu’on appelle un Plurium Interrogationum (cf Outillage). Enfin, c’est une lecture simpliste cachant tout le problème posé en science historique de l’accès au passé et à ses sources : l’Allemagne de l’Est était-elle fâchée avec son passé, alors qu’elle n’avait pas accès aux dossiers de la STASI ?

Note : le passage entier (3′-> 15’19) est à disposition (télécharger) pour vérifier que la coupe n’est pas subjective.

Il n’est d’ailleurs pas dénué d’intérêt : on y entend une série de raisonnements aux prémisses peu claires, basés sur des analogies hasardeuses, des phrases-puits, des citations d’anciens philosophes et de notions sans définition, hormis celle plutôt étrange de «vérité qui soigne» posée par la philosophe Barbara Cassin et tout droit tirée de mécanismes de deuil tels que dictées par l’héritage de Freud mais appliqués cette fois à une population et non à un individu (toujours ce sophisme de population).

RM