Former l’esprit critique : ressources pour enseignant·e·s

Depuis juillet 2020, je participe à une rubrique consacrée à l’esprit critique dans la revue Sciences & Pseudosciences éditée par l’Association Française pour l’Information Scientifique (AFIS). J’y explore notamment les différentes facettes de la formation à l’esprit critique des enseignant·e·s ainsi que les questions en lien avec l’éducation à l’esprit critique. Vous trouverez ici l’ensemble des articles déjà publiés et mis en ligne par l’AFIS, ainsi qu’une présentation de ceux-ci, facilitant leur lecture et la compréhension générale de ce travail.

Pourquoi enseigner l’esprit critique ?

Dans ce premier article, je présente le cadre général de l’éducation à l’esprit critique, ses objectifs et enjeux, la définition de l’esprit critique et ses différentes dimensions. J’aborde également la question des formations à l’esprit critique pour les enseignant·e·s. En effet, si depuis 2015 celles-ci se développent fortement, certaines sont ancrées dans le travail du Cortecs et abordent spécifiquement la question de l’épistémologie, des démarches scientifiques, de la zététique et de l’autodéfense intellectuelle.

Former les enseignant·e·s à enseigner l’esprit critique

Dans ce deuxième article, je présente plus spécifiquement le contenu des formations à l’esprit critique pour les enseignant·e·s. En insistant d’abord sur le sens et les objectifs que l’on donne à ces formations, je reviens sur le juste équilibre à trouver entre un contenu ciblant des ressources pédagogiques à destination des enseignant·e·s et des activités permettant avant tout de former des individus. En effet, si l’on souhaite que soit transposée en classe cette éducation à l’esprit critique, il faut d’abord et avant tout que nos collègues s’approprient et trouvent un intérêt à aborder ces thématiques. Je présente également les différents « modules » que contient cette formation et décris rapidement un premier temps de « remue-méninges » pour travailler sur la délicate distinction entre science, croyances, connaissances et pseudosciences.

Croire et savoir

Cet article développe ce qui a été décrit à la fin du précédent : comment aborder la question de la distinction entre croyances et connaissances ? Comment, en tant qu’enseignant·e, s’y retrouver et être capable de poser clairement les choses face aux élèves ? J’y évoque quelques « astuces » et mises en œuvre pour travailler sur ce sujet : d’abord, en distinguant la capacité à remettre en question (ou pas) nos croyances et connaissances, puis en relevant les différences entre nos croyances (et connaissances individuelles) et les connaissances scientifiques. L’idée est de sortir d’une vision simpliste de la distinction entre croyances et connaissances, tout en donnant des moyens aux enseignants de répondre concrètement aux élèves sur ces questions.

La hiérarchie des niveaux de preuve

Pour continuer sur le lien entre épistémologie et esprit critique, cet article aborde la difficile tâche d’évaluer la fiabilité des preuves étayant une affirmation. En effet, parvenir à ajuster notre niveau de confiance face à une information passe par différents aspects, dont notamment notre capacité à savoir si les éléments fournis pour l’étayer sont suffisants. J’y présente d’abord ce qu’est une preuve puis j’y discute l’intérêt et les limites d’utiliser une échelle des niveaux de preuve, ainsi que les différentes manières d’aborder ces aspects au niveau pédagogique.

Bases théoriques et indications pratiques pour l’enseignement de l’esprit critique

Dans cet article, j’ai le plaisir d’interviewer Elena Pasquinelli, chercheuse, formatrice et membre du Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale, ayant en charge les travaux du groupe n°8 consacré à l’esprit critique. Elle revient notamment sur la publication et contenu du rapport produit par ce groupe en 2021 et fournissant pour la première fois un corpus théorique et pratique pour l’enseignement de l’esprit critique. Cet article permet ainsi d’avoir un bon résumé du contenu du rapport qui, si l’on devait le résumer en une phrase, précise l’importance d’identifier certains critères opérationnels et concrets, permettant aux enseignants de savoir comment orienter efficacement leur cours dans l’objectif d’y incorporer des éléments propres à l’éducation à l’esprit critique.

Le niveau d’étude peut-il aggraver les préjugés ?

Une question souvent posée en lien avec l’esprit critique et son enseignement concerne le rôle des connaissances. Celui-ci est indéniable : l’esprit critique ne s’exerce pas à vide. Mais ces connaissances ne suffisent pas pour évaluer l’information et reconnaître si l’on est en face d’un contenu biaisé ou frauduleux. Parfois, elles peuvent même entretenir nos préjugés erronés. Dans cet article, je reviens sur les travaux conduits par différents chercheurs étudiant le lien entre le niveau de connaissances générales (ou même le niveau d’études) et les capacités cognitives ainsi que le niveau de croyances non fondées. Par exemple, certaines recherches suggèrent que, sur des sujets médiatiquement controversés ou très contestés (réchauffement climatique, théories de l’évolution, recherche sur les cellules souches), le niveau d’études, même s’il s’agit d’études scientifiques, est corrélé à un renforcement des préjugés idéologiques. Il ne fait qu’aider à confirmer les opinions préexistantes des individus, même lorsqu’elles sont fausses…

Découvrir la psychologie pour mieux enseigner

Le MOOC « La Psychologie pour les enseignants » a suscité avant même sa diffusion un très fort engouement de la part de la communauté des enseignants, pédagogues, et formateurs en France. Les contenus riches proposés par ce cours en ligne (MOOC) sont suivis par des centaines de personnes chaque semaine. Sous l’égide de l’ENS et du Réseau Canopé, le MOOC aborde en trois grands chapitres, trois clefs de voute des apprentissages : les notions de mémoire, de punition/récompense et de motivation en milieu scolaire. Avec autant d’informations désormais en accès libre sur les bonnes pratiques d’enseignement, plus question d’ignorer l’architecture cognitive des élèves ou de se laisser submerger par un comportement perturbateur en classe.

Pourquoi utiliser la psychologie en classe ?

La psychologie, c’est l’étude du comportement humain. Et plus spécifiquement, lorsque l’on parle de psychologie en classe, il s’agit d’étudier les facteurs qui sont à l’origine des comportements individuels (ou collectifs), de mettre à l’épreuve les conditions d’apprentissage et de formation, et de mieux comprendre les interactions entre la tâche, l’apprenant, et le contexte d’apprentissage.

Apprendre … à apprendre

Alors que les travaux en psychologie cognitive, sociale et du développement s’enrichissent et ne cessent de spécifier les contextes et conditions les plus adaptés à l’enseignement, les milieux éducatifs ne s’emparent pas véritablement de la somme des connaissances acquises dans ces disciplines expérimentales. Et pour cause – peut-être -la place occupée par la psychologie en France, rarement considérée comme une science, et encore trop souvent (et tristement) associée aux tenants psychanalytiques et pseudo-scientifiques convoyés par la presse et quelques pédagogues faisant figure d’autorité dans le champ éducatif. Il faut dire aussi, que les axes de formation proposés par les INSPE en 2021 n’intègrent guère dans leurs programmes de modules consacrés à la psychologie.

Récemment (2016), Le socle commun de connaissances, de compétences et de culture a orienté l’attention sur la nécessité de donner aux élèves des outils pour apprendre. Avec le concours du CSEN (Conseil Scientifique de l’Education Nationale), les programmes scolaires peuvent désormais s’appuyer et intégrer les connaissances acquises dans le champ de la psychologie expérimentale pour établir une éducation basée sur les preuves (evidence-based en anglais).

Un cours de 8 heures consacré à débroussailler le paysage cognitif et motivationnel de l’élève

Alors que propose le MOOC « La psychologie pour les enseignants » et à qui s’adresse t-il ? S’appuyant sur des travaux empiriques, réalisés en laboratoire ou sur le terrain, les trois intervenants (Franck Ramus, Jean-François Parmentier et Joëlle Proust) offrent une introduction de haut vol à des concepts phares de la psychologie, comme la mémoire de travail, le conditionnement opérant, ou la métacognition.

Les cours sont présentés sous forme de vidéos et d’exercices individuels, et ont la volonté de répondre à un objectif pratique. Des réponses sont (enfin!) données à des questions qui reviennent fréquemment chez celles et ceux qui enseignent : dois-je punir cet élève pour son comportement perturbateur ? comment créer une évaluation efficace à l’aide de QCM ? comment (re)motiver mes élèves ? Même si les réponses à ces questions sont complexes et multifactorielles, les intervenants fournissent aux enseignants des pistes de réponses fondées sur les meilleures connaissances scientifiques en la matière.

Notre avis est que ce cours est destiné à toute personne désireuse de faire avancer ses élèves dans leurs apprentissages : instituteur, professeur.es du secondaire, ingénieur.es pédagogiques, formateurs.trices, sans oublier les doctorant.es qui s’apprêtent à réaliser une charge d’enseignement à l’Université…

Et pour achever de vous convaincre, voici 5 bonnes raisons de suivre ce cours en ligne

Infos pratiques

Le MOOC « La psychologie pour les enseignants » est accessible gratuitement sur la plateforme FUN (pour France Université Numérique). Pour s’inscrire, il suffit d’une adresse mail valide.

Les inscriptions sont ouvertes jusqu’au 30 décembre, et la clôture du MOOC est prévue pour le 10 janvier 2022. Alors plus question de niaiser… à vos claviers !

Les TPEc : travaux personnels encadrés critiques et démarche d'investigation en classe de première

Nous sommes nombreux·ses, pour les plus jeunes d’entre nous, à avoir enduré l’épreuve des TPE (Travaux Personnels Encadrés) en classe de première générale. Beaucoup y traînent des pieds, certain·e·s s’investissent énormément mais dans tous les cas on ne retrouve souvent que des lieux communs, des sujets un peu « classiques » qui amènent souvent les élèves à recopier ou reformuler des TPE des années précédentes trouvés sur le Web. Sachant que cet enseignement est le lieu d’une grande liberté pour les élèves, cela faisait un certain temps que je pensais y insuffler de la pensée critique dans le but de développer la démarche scientifique de manière concrète et atteignable. Voici quelques propositions pour quiconque aura envie de s’amuser un peu en TPE.

Le contexte

Les TPE constituent une épreuve du baccalauréat lors de laquelle les élèves doivent réaliser une démarche de groupe afin de répondre ou tenter de répondre à une problématique de leur cru. L’évaluation se fait suivant trois composantes : le suivi par les enseignant·e·s qui encadrent le TPE pendant la moitié de l’année, la production du groupe et l’oral (sorte de soutenance de la production). Les TPE sont présents pour les séries L, ES et S en première et constituent une épreuve anticipée du bac.

Les élèves doivent trouver un thème d’étude et poser une problématique à laquelle ils devront tenter de répondre par une recherche documentaire, par des expérimentations, par des rencontres de professionnel·les, visites et autres questionnaires.

La production peut prendre la forme d’un dossier, d’un site Web, d’une vidéo, d’un magazine, d’une exposition… bref, tout est permis ! Leur sujet doit normalement tomber dans un des six thèmes nationaux proposés par le Ministère (au passage, on pourra se délecter critiquement de ce nouveau thème sorti cette année, commun aux trois séries et totalement dans l’ère Macron1). Ces thèmes étant très larges, on peut donc avoir une certaine liberté d’action. Enfin, les TPE sont encadrés par plusieurs enseignant·e·s de matières différentes et les élèves doivent traiter un sujet faisant intervenir au moins deux matières.

Pourquoi les TPE ?

Pour ma part, étant enseignant de SVT (Sciences de la vie et de la Terre), j’ai suivi des élèves de 1ère S. Je pense que l’on peut proposer des thèmes de pensée critique dans les autres filières (ES et L) même si la démarche et la problématisation sont légèrement différentes. Tout cela part d’un constat souvent partagé entre filières : les élèves trouvent des thèmes d’étude un peu « bateau » et aboutissent à des problématiques n’amenant qu’à un « simple » exposé et non à une démarche de recherche originale. L’intérêt pour les élèves est donc de pouvoir trouver une problématique n’amenant pas une réponse « directe » mais ouvrant vers une réelle recherche personnelle. C’est là où j’y vois un intérêt pour la pensée critique et particulièrement pour la démarche zététique qui est un bon marche-pied pour développer l’enseignement de la démarche expérimentale et la recherche de preuves. En effet, trouver des sujets d’études peu étudiés, stimulants, pris dans  les controverses scientifiques ou les sujets-frontières entre science et croyance… permet aux élèves de mettre en place une réelle démarche d’investigation où ils·elles pourront tester et vérifier des affirmations de type scientifique.

Un cheval de Troie

En théorie, les enseignant·e·s ne sont pas sensés orienter les élèves sur tel ou tel sujet. Mais c’est là que le bât blesse (cf. plus haut) et je me suis mis en tête de leur proposer de travailler sur des thèmes liés au paranormal, aux phénomènes étranges, aux thérapies dites alternatives et croyances sociales. Pour des 1ère S, cela est orienté vers la démarche scientifique mais j’imagine déjà pas mal de thèmes pour les ES et les L (la condition animale, le genre, les conflits d’intérêts, la main invisible du marché, la répartition des pouvoirs dans un établissement scolaire, etc…). J’ai donc décidé de les orienter plus ou moins implicitement sur des sujets de cet ordre.

La démarche

Au final, je n’ai pas produit énormément de matériel pédagogique étant donné que les TPE sont essentiellement du travail personnel des élèves. Les premières séances sont généralement dédiées à l’explication des TPE, la notion de problématique et les bases de la recherche documentaire. J’en ai donc profité pour faire une séance autour de la démarche scientifique et de la problématique pour influer des notions de zététique.

Nous étions en charge, avec mes trois collègues, de deux classes de 1ère S. L’équipe était constituée d’un enseignant de physique-chimie, d’un enseignant de mathématiques, et de deux enseignant·e·s de SVT. Nous avons procédé à une première séance lors de laquelle nous avons présenté les TPE et avons laissé les élèves parcourir les thèmes nationaux et commencer à trouver un thème d’étude. Dès la deuxième séance, nous avons scindé le groupe (environ 60 élèves) en trois sous-groupes qui allaient tourner sur trois ateliers pendant trois heures. Pendant qu’un groupe était en recherche libre, l’autre était avec la documentaliste pour une formation à la recherche documentaire et le dernier groupe était avec moi pour une présentation zététique / démarche scientifique / problématique.

La présentation

La présentation se développe selon trois grands axes :

  • Une partie plutôt basée sur de l’épistémologie, et j’y développe la notion d’affirmation de type scientifique pour enchaîner sur le distinguo acte de foi vs. remport d’adhésion permettant d’amener au statut du témoignage et enfin à l’explication alternative (et donc le rasoir d’occam)
  • Une partie permettant de présenter les thèmes liés à la zététique en parcourant des choses comme l’archéo-fiction, la cryptozoologie, les pouvoirs du corps et les médecines dites alternatives. Je finis par la perception des probabilités pour arriver à l’idée que le « bizarre est probable »
  • Une dernière partie qui devrait prendre 30 minutes et qui s’intéresse à la démarche scientifique avec la notion de reproductibilité, le témoin, la taille et la représentativité de l’échantillon, l’aveugle et le double aveugle en finissant sur l’effet paillasson pour bien leur faire comprendre qu’ils·elles doivent travailler sur un sujet précis possédant une seule assertion dans le langage commun.

L’objectif de tout cela est de leur faire insuffler l’idée de trouver un sujet intriguant sur lequel ils·elles exercent leur curiosité et se fassent plaisir notamment à trouver des protocoles originaux.

J’insiste sur le fait qu’un « bon » TPE doit comporter des expérimentations mais pour ne pas leur faire trop peur, je leur dis aussi qu’un TPE avec une recherche documentaire solide qui croise des informations ou basé sur des analyses de données (épidémiologie par exemple) est tout aussi satisfaisant.

Je leur ai ensuite mis sur le réseau du lycée un document avec une multitude de thèmes issus des sujets traités par les étudiant·e·s de l’enseignement zététique de Richard Monvoisin sur plusieurs années ainsi que certains sujets proposés par Guillemette Reviron ou même cette magnifique page wikipédia sur les médecines non conventionnelles que m’a proposé Nelly Darbois.

Le matériel utilisé

Pour un peu plus de détail, voici le déroulé de la présentation avec les quelques vidéos que j’ai pu utiliser. La présentation est téléchargeable sous licence CC-by-SA :

Au format diaporama LibreOffice

Au format PDF

Je l’ai laissée telle quelle, mais il faut enlever des parties (voir plus bas, les erreurs commises).

Je questionne les élèves sur ce que leur renvoie le terme « science » pour proposer les quatre définitions du mot « science » et insister sur le fait que je ne parlerai que de la démarche scientifique.

Je présente quelques types d’informations/affirmations en donnant des exemples pour chaque pour ensuite arriver sur la particularité des affirmations de type scientifique. Je demande ensuite ce qui distingue une affirmation scientifique des autres types d’affirmation. J’ai pu remarquer que les élèves avaient de grandes facilités pour dire que l’affirmation scientifique est « testable ». Je donne ensuite quelques exemples d’affirmations de type scientifique (une pub de médium, des recettes de cuisine, du soin par magnétisme).

Cela nous amène à la notion du statut du témoignage et à la maxime de Hume. Cela permet de leur faire comprendre qu’un témoignage récolté n’est pas une preuve dans leur TPE mais aussi qu’ils·elles peuvent se baser sur un témoignage extraordinaire pour commencer à rechercher des preuves solides à ce témoignage.

Crédits : Cyrille Barrette
Crédits : Cyrille Barrette

On arrive tout doucement au rasoir d’Occam : face à un témoignage et une explication coûteuse à un phénomène, il est de logique d’épuiser d’abord les hypothèses alternatives moins coûteuses. Je présente une situation bizarre (un caribou pendu sur les fils d’un poteau électrique2) pour leur faire sortir des hypothèses puis leur donne la réponse3.

Je leur montre cette vidéo qui est sensée démontrer par l’humour cette notion du rasoir d’Occam mais au vu du peu de réactions de la part des élèves, je pense qu’il faut peut-être en trouver une autre. Richard Monvoisin me suggère d’utiliser la vidéo de Jeanne d’Arc présente sur cet article relatif au rasoir d’Occam. Un très bon épisode de Kaamellot existe également mais nous avons du le supprimer, voir l’article en question.

Je leur présente ensuite le cas des combustions humaines dites « spontanées »4 pour leur donner une idée de recherche d’explications scientifiques et cognitivement peu coûteuses.

Vient ensuite la présentation de divers thèmes de zététique (cryptozoologie, thérapies alternatives, archéo-fiction, pouvoirs du corps…).

Je fais un petit laïus sur le perceptions des probabilités à partir de la séquence suivante que j’ai montée à partir de différentes vidéos sur le Web. Cela me permet d’insister sur le tri des données (cette vidéo est un peu longue et on peut passer un peu plus rapidement à certains moments).

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Cela permet de faire le lien avec les faits « extraordinaires ». Je commence avec cette vidéo mythique de la tourterelle explosant en plein vol suite à un lancer de Randy Johnson, le 24 mars 2001.

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Les « miracles » de Lourdes permettent d’aborder la question de l’extraordinarité : des guérisons extraordinaires se produisent-elles à Lourdes, et si oui, se réalisent-elles à un taux supérieur à tout autre endroit, aux hôpitaux publics par exemple ? 5 Cela permet de montrer que le « bizarre est probable » et de leur faire prendre du recul sur les chiffres qu’ils·elles peuvent trouver, de les mettre en perspective d’une situation.

À partir de là, je développe les outils de la démarche expérimentale en commençant par la simple reproductibilité en me basant sur cette vidéo de catalepsie de spectacle par Franck Syx (je n’ai pas le temps de la reproduire mais je leur dis qu’on pourra essayer après la séance si ça leur dit) :

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Je ne développe pas les autres (témoin, aveugle et double aveugle, taille et représentativité de l’échantillon) car l’idée reste la même : leur présenter des protocoles inventées et méthodologiquement problématiques pour qu’ils·elles puissent lever le problème et comprendre comment on peut « objectiver » des données récoltées.

Je finis enfin par présenter l’effet paillasson car c’est un vrai problème dans la rédaction des problématiques en TPE : les élèves doivent restreindre leur recherche et ont tendance à placer des mots trop vagues ou ayant des définitions diverses et variées (les termes « énergie », « mémoire », « cerveau » ou « préserver l’environnement » en sont des exemples classiques). J’ai utilisé les cartes de thérapeutes d’un festival récent sur Grenoble, FestiZen, qui regorge d’effets paillasson et d’effets puits.

Les erreurs commises

J’ai vu un peu gros pour le format 1h et sur les deux premiers groupes je n’ai pas eu le temps de traiter correctement la dernière partie, pourtant essentielle. J’ai donc réduit pour le dernier groupe et c’était vraiment mieux. Je n’ai donc pas traité la définition de « science », l’épistémologie « critique » (matérialisme méthodologique, scepticisme, rationalité) ni acte de foi vs. remport d’adhésion. L’ensemble reste un peu chargé mais cela rentre en une heure

La suite…

Pour la suite des TPE, c’est surtout de l’improvisation. Nous, les enseignant·e·s, devons être présent·e·s pour répondre aux questions des élèves et leur éviter de partir sur des fausses pistes ou sur des sujets trop complexes en terme de notions pour leur niveau. Il faut faire en sorte que le sujet soit assez fécond (possibilité de tester, de reproduire, de vérifier, de trouver de l’information…) mais assez restreint pour pouvoir travailler sur un paramètre bien identifié.

En cette fin de TPE, il est temps de dresser un bilan. C’est un peu triste au final car sur les 20 groupes constitués, seulement 5 ont travaillé sur un sujet critique :

  • Le triangle des Bermudes (sujet « classique »)
  • Les personnes se disant électrosensibles sont-elles capables de détecter la présence de Wifi en expérimentation contrôlée ? Malheureusement, le groupe s’est retrouvé face à la difficulté sociale : il n’a pas pu trouver une seule personne se disant électrosensible voulant bien se prêter au jeu de l’expérimentation.
  • Le scénario catastrophe du film « Le Jour d’après  » dans lequel le Gulf Stream subit un dérèglement est-il scientifiquement plausible ?
  • La spiruline : petite déception, les élèves n’ont pas vraiment pris l’angle critique, étant déjà convaincues par les bienfaits de cette algue à la mode. C’est dommage, c’était un sujet fécond avec multiples problématiques possibles
  • Les magnétiseurs : groupe très stimulant ! Réalisation d’un protocole expérimental réalisé en collaboration avec un magnétiseur venu au lycée pour réaliser l’expérience. Juste pour ce groupe, je suis content d’avoir mis de l’énergie (c’est le cas de le dire) dans ce travail de TPE.

Cours de zététique & autodéfense intellectuelle en vidéo

Cela faisait des années que le projet était dans les tuyaux : garder trace des enseignements CorteX_DGDSIun peu rodés du CORTECS. C’est chose faite pour le plus vieux d’entre eux, l’enseignement transversal commun « Zététique & autodéfense intellectuelle » de Richard Monvoisin, donné depuis 2005 à Grenoble. C’est sur le Youtube de l’Université  Grenoble-Alpes, qui n’a que ce service vidéo. Le résultat nous fait bien plaisir, et pose un jalon pour quiconque voudrait s’essayer à cet art faussement simple de la transmission de la pensée critique.

Par tranche d’une vingtaine de minutes, on peut visualiser petit à petit la mouture standard des cours de Richard, abordant dans un ordre réflechi des domaines aussi ramifiés que l’épistémologie, l’homéopathie, le sexe, les sciences politiques, les pseudosciences. Un cours 0, sorte de making off, revient sur le pourquoi du comment, les difficultés, les erreurs, les bonnes idées. Le tout filmé avec brio par le service audiovisuel de l’Université Grenoble-Alpes de fin janvier à mai 2017.

Notre reconnaissance éternelle va à Djamel Hadji, Gilles Gardès, David Clamadieu, Francesco de Angelis, l’équipe de choc, ainsi qu’à toutes les personnes discrètes qui allument, éteignent, chauffent, ouvrent, ferment, nettoient, réservent cet amphithéâtre : Serge Bret-Morel, Jérémy Laporte, Fabien La Rocca, Saïda Tedjar, et le personnel de ménage dont nous n’avons pas les noms.

Puissiez-vous aussi vous délecter et décrypter tous les clins d’œil du dantesque générique de l’artiste Francois-B.

La question morale de mettre en ligne ces vidéos sur Youtube s’est bien évidemment CorteX_Monvoisin_fronce-barbeposée au sein du CORTECS, car les outils numériques que nous utilisons ne sont habituellement pas propriétaires, et l’emprise Google sur le marché cognitif de l’information fait partie de nos critiques classiques. Nous avons opté favorablement pour nous soumettre à Youtube, d’abord parce que c’est la seule chaîne vidéo de l’Université, ensuite parce que c’est pratiquement le seul support actuel, tant son emprise est grande : s’y insoumettre nous enverrait aux gémonies du Web. Enfin il n’est pas possible techniquement aujourd’hui d’héberger sur des serveurs personnels des vidéos générant un fort trafic, alors que nous souhaitions que le contenu de ces vidéos soit archivé et visible part tout le monde, y compris les personnes ne pouvant pas se rendre physiquement sur place.

Nous ne résistons pas à réveiller cette ressource qui revient sur les problèmes liés à l’existence et l’usage des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon & Microsoft), en attendant des ressources plus complètes – et peut-être des vidéos ? – qui verront le jour avec l’ouverture d’un nouveau cours Autodéfense numérique : logiciels libres et libertés individuelles à Grenoble en 2017 (emmené par Sébastien Soulan et notre collègue Ismaël Benslimane).

En attendant, le premier épisode du premier est ici. Richard donne des compléments et répond à des commentaires là.

 

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Grande braderie de l'autodéfense intellectuelle

Les attentats qui ont agité la France et la médiatisation qui s’en est suivie ont crée un processus assez étonnant dont nous sommes un peu les victimes collatérales. La sphère intellectuelle médiatique et enseignante semble avoir trouvé son gadget : l’esprit critique. L’esprit critique redresse les délinquant.es, l’esprit critique ramène dans le droit chemin les complotistes, l’esprit critique calme les djihadistes, bientôt l’esprit critique redressera les sexes tordus et récurera même le linge. Il faut en mettre partout, même dans BFMTV ou dans Le Point, organes pourtant connus pour leur entreprise de décervelage des masses. Et nous dans tout ça ? [Mise à jour du 22 février : réaction de quelques penseurs/se critiques francophones et notre réponse.]

Notre point de vue

Notre point de vue est résumable en un point : l’esprit critique est en train d’être bradé. De trois façons différentes : médiatisation, appauvrissement et dépolitisation.

La médiatisation d’abord : si on enseigne l’autodéfense intellectuelle, on enseigne la critique des médias. Or les travaux bourdieusiens, parmi d’autres, illustrent le fait que le cadre télévisuel en particulier ne permet généralement pas de développer une argumentation complète et rigoureuse, et fait le jeu des slogans et des thèses simples. Donc un.e spécialiste devrait toujours se demander : est-il justifié que je parle dans telle ou telle émission ? Au prix de quelle déformation de mon propos, de quelle mise en scène scénaristique ? Car si nous acceptons de parler dans un média qui bourre le mou de son lecteur ou de son spectateur depuis des années, nous lui donnons une caution évidente, dont il saura se targuer quand des critiques fuseront. Si nous acceptons de ne parler qu’en borborygmes, en quolibet, de ne débattre qu’en se soumettant aux codes violents de la coupure de parole et du horion, que restera-t-il de constructif dans l’explosion de divertissement ? Si nous acceptions de parler dans Le Point, alors que nous faisons des cours critiques basés sur le décorticage des scénaristiques conservatrices, des mensonges chiffrés, des généralisations abusives, voire des fraudes (voir affaire Bintou) sur le même journal, quelle serait la cohérence ? Un.e penseur/se critique qui fait des piges dans des médias corrodés leur sert de danseuse, pour reprendre cette expression un tantinet sexiste. Mais il semble que cela ne leur pose pas trop de problème moral, ou que s’ils/elles en vivent un, les bouffées médiatiques régulières dont leur visage est baigné le leur font vite oublier. En effet, en vertu de l’effet Matthieu, « on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a » c’est-à-dire que plus ils/elles sont invité.es dans les médias, plus ils/elles sont invité.es dans les médias. Mais rappelons ces deux règles classiques : d’abord, si les médias les invitent, c’est qu’ils/elles ne sont pas trop critique pour eux. Ensuite, les médias se serviront d’eux/elles, les feront parler de tout et son contraire, feront d’eux/elles des fast thinker, et les jetteront lorsque la mode sera passée.

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Logo du site gouvernemental visant à lutter contre les « théories du complot » depuis 2016, en enseignant l’esprit critique

L’appauvrissement : les médias ne sciant pas leur branche, il ne faut pas s’attendre à de la pensée critique très élaborée de la part de ces sortes de « chiens de garde » de l’esprit critique. Foin de la critique des institutions, du système (éducatif, carcéral, etc.). Un exemple ? Nous avons entendu plein de gens « spécialistes » de l’esprit critique se congratuler à l’idée de faire des interventions en prison pour « guérir » les jeunes détenus du complotisme – l’un de nous a même rencontré une fonctionnaire pénitentiaire qui lui a dit récemment « moi je m’en fous, je me tire bientôt, il y a un créneau dans la déradicalisation, j’y connais rien mais on verra bien ». Mais nous n’avons entendu aucun de ces penseur/ses médiatiques « spontané.es » capables d’évoquer les critiques mettant en cause la capacité du système carcéral à endiguer le problème qu’il est censé traiter. Surtout, ne pas toucher aux médias dominants et ne pas toucher à la prison. En gros, ne toucher à rien.

Ce qui amène à la dépolitisation. La pensée critique est censée permettre de plein de façons différentes une seule chose : élargir le champ des possibles pour un individu. En lui expliquant les biais de son cerveau, les représentations sociales non conscientes, etc., on lui donne des leviers sur sa vie, intime et publique. Mais les « chiens de garde » de la pensée critique font le focus sur les biais cognitifs et rient de complotismes naïfs, sans jamais aborder les problèmes de fond comme « À quelle politique post-coloniale doit-on ces poches de descendants d’immigrés qui font le choix de la violence politique ? » ; ou encore « quand dans un programme scolaire est-il abordé le fait que des grandes puissances s’arrogent le droit de bombarder, de nos jours, des peuples civils ? » ou bien « quand, en éducation morale, aborde-t-on la question du nombre de conflits dans lesquelles la France est impliquée, et son statut officiel de 2e vendeur d’armes au monde en 2016 ? » Et quand discutera-t-on avec les élèves du statut du savoir, qu’il est des choses qu’il faut connaître avant d’arriver dans la vie adulte et que l’école est là pour ça, alors que pour eux, le plus souvent, l’école est une corvée, non négociée, non négociable, coercitive, infantilisante et élitiste ?

Nous ne nous reconnaissons pas dans cette autodéfense aseptisée, dans cet esprit critique circonscrit. Un peu comme certain.es rationalistes, prompts à s’acharner sur la mémoire de l’eau, les granules et les croyances du quidam qui passe, mais qui ne présentent pas la même heuristique de doute lorsqu’il s’agit de critiquer leurs propres système de croyances, ainsi que de questionner rationnellement la moralité des comportements qui en résultent. Nous n’avons pas envie de laisser l’autodéfense intellectuelle chomskienne bradée à des petites carrières de pédagogues à la mode, sans aucun mordant, sans aucune velléité de réformer ou modifier un tant soit peu les barreaux de la cage, qui conspuent l’anti-darwinisme chez les élèves musulmans, mais ne raillent pas l’iniquité du contrat didactique tissé à l’école, ni la reproduction des classes sociales que celle-ci proroge, et encore moins l’imposture de certains médias qui font appel à elles/eux, ni le détournement du problème politique soulevé par les « djihadistes » en pur problème cognitivo-mental.

Le CorteX

Des camarades sceptiques nous répondent

Quelques camarades sceptiques nous ont fait le plaisir de réagir à ce texte, et nous les en remercions. Ils nous ont autorisé à reproduire le courrier du 29 janvier 2017 contenant leurs remarques, et à rendre publics nos échanges ultérieurs éventuels. Puisse tout ceci te permettre, ami.e lecteur.rice, de te faire une opinion éclairée de divers points de vue. :

lire leur réaction

Cher CORTECS,

Votre article sur la grande braderie de « l’autodéfense intellectuelle » a heurté plusieurs acteurs des réseaux de l’esprit critique. Nous vous savons ouverts aux critiques, c’est pourquoi nous vous écrivons. Le but n’est pas de se lancer dans un débat, mais de vous fournir nos impressions pour que vous jugiez des suites à donner à votre publication.

Tout d’abord, le ciblage de cet article nous semble problématique, puisque nous avons été plusieurs à ne pas savoir qui était concerné par les accusations qu’il contient : la “cible” réelle n’est apparue aux lecteurs “éclairés” que nous croyons être qu’aux termes de longs échanges, et surtout d’un “décodage” sollicité auprès de Richard Monvoisin par Jérémy Royaux.

Le ton général du texte s’éloigne de la qualité habituelle des contributions du Cortecs par son ton moqueur, ton qui peut parfois même être perçu comme agressif par certains.

Le ressenti spontané de nombreux lecteurs a été celui d’un mépris de votre part envers les initiatives tournées vers les médias populaires. Nous respectons bien évidemment les choix du CORTECS d’agir en dehors de ces médias et de trouver des manières alternatives de transmettre l’esprit critique. Nous sommes néanmoins préoccupés par l’image que votre billet donne, volontairement ou involontairement, de ne pas respecter les autres choix. En effet, l’alternative est féconde, et nous pensons de notre côté qu’il faut encourager la diffusion des outils de la pensée critique, y compris auprès des médias qui font partie du problème. Sans complaisance, mais sans sembler condamner d’emblée les efforts de ceux qui s’impliquent sur ce terrain. Nous sommes beaucoup à avoir conclu, après de longs échanges, que telle n’était pas votre intention… mais ceci n’a semblé évident à personne. Nous comprenons que votre approche du scepticisme soit politisée, et nous respectons votre choix en la matière, mais nous pensons que vous devriez aussi respecter les autres démarches. Depuis l’origine du mouvement sceptique, certains ont principalement étudié le paranormal (Houdini par ex.), d’autres critiqués la religion (comme Richard Dawkins), d’autres encore se sont investis dans les débats politiques (à la Chomsky). Il n’y a pas là un bon choix versus des mauvais choix, uniquement des manières différentes de pratiquer la zététique.

Parallèlement à ces considérations de forme, qui ont nuit à l’intelligibilité des intentions, des débats sur le fond ont émergé. Cette seconde partie de notre lettre portera sur ces questionnements.

Tel que beaucoup ont pu comprendre (et ont compris) votre article, vous semblez rejeter toute participation sceptique aux médias que nous critiquons, en raison d’une supposée validation de ces médias que provoquerait la présence des sceptiques sur leurs ondes. (La présence de Mendax sur Meta TV vaut-elle validation de ce média par la Tronche en Biais ?) Si la question peut être posée, on ne peut y répondre aussi rapidement et encore moins avec une posture aussi marquée.

Cet argument nous paraît peu étayé. Les médias ne sont pas univoques, et des auteurs d’un même journal peuvent donner différents sons de cloche. On peut certes craindre un effet de halo, mais la remise en cause de la fiabilité des médias n’en est pas moins rendue visible par les productions critiques alors publiées. Savoir quel effet prédomine n’est pas clair.

Soulignons de plus que l’intrusion de l’esprit critique dans ces médias grand public (qui nous posent problème par ailleurs) permet de toucher une cible importante, souvent inaccessible autrement : le “grand public”, première victime des dérives de ces médias. Cette cible n’a pas forcément accès aux supports qui remettent en question la légitimité des discours diffusés, et peut ignorer jusqu’à l’existence même d’entités proposant une critique constructive des médias. N’oublions pas qu’il y a peu de temps encore les divers réseaux de l’esprit critique demeuraient relativement confidentiels. L’engouement actuel (par milliers) sur les réseaux du scepticisme est le résultat d’une forme de présence médiatique que nous jugeons bénéfique. Et cet engouement en lui-même nous semble tout à fait souhaitable.

Tel que d’autres lecteurs sont parvenus à le comprendre, votre texte est une récrimination à l’égard de figures médiatisées de façon récurrentes, et qui présenteraient une vision abâtardie, simplifiée, étriquée, de l’esprit critique. Cet esprit critique édulcoré, qui ne peut critiquer les médias car étant DANS les médias, pose très probablement problème. Mais votre texte ne semble offrir qu’une réaction possible : la déception, teintée d’une certaine hargne (ressentie sinon exprimée). Le texte ne semblant pas proposer d’alternative, nous nous demandons encore une fois : quel est son but ?

Enfin l’aspect politique est central dans ce texte et dans la démarche du CORTECS, mais il reste à prouver que cela doive être le cas du scepticisme en général. On pourrait arguer que la zététique en tant que didactique des sciences a pour noyau l’analyse du paranormal ou des pseudosciences. Cette discipline permet une évolution des représentations du champ social vers plus de rationalisme sans que tous les sceptiques se préoccupent forcément de cet objectif. Dans cette optique l’incursion d’un discours politique peut être jugée problématique car potentiellement contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations rétives à une approche politisée. Pourtant aucun d’entre nous n’imagine une seconde contester à quiconque la légitimité de porter ce combat. Nous sommes plus circonspects, encore une fois, quand votre collectif, figure importante et respectée, semble décréter que sa ligne est en quelque sorte « l’authentique scepticisme» et que les autres sont « aseptisés ».

Oui, en somme, et comme l’a confirmé la nécessité des éclaircissements transmis par Richard Monvoisin à Jérémy Royaux, aucun de nous n’a compris le but (ou les buts ?) de cet article. Nous craignons de ne pas être les seuls.

Et c’est bien cette crainte qui nous pousse à vous écrire aujourd’hui. Il est nécessaire que les sceptiques se critiquent. Ils doivent néanmoins s’assurer que leur critique est claire, et ne prête pas à des interprétations abusives. Les “sceptiques du scepticisme”, que beaucoup d’entre nous devons subir dans nos réseaux, vont très certainement instrumentaliser ce texte sans nuance pour nous jeter du “chien de garde du système” avec une délectation accrue par la possibilité de citer le CORTECS à l’appui de telles accusations. Il serait regrettable de ne pas tenir compte des écosystèmes dans lesquels d’autres que vous travaillent, et qui représentent leurs propres défis.

Votre intention n’était peut-être pas, nous en convenons, de critiquer les sceptiques qui ont une approche moins politisée que la vôtre, mais plutôt de cibler quelques figures médiatiques. Néanmoins vous savez aussi bien que nous qu’un article n’est pas qu’une affaire d’intention, mais également d’intelligibilité et de perception. Or cet article nous semble loin d’être transparent aux yeux des éventuels lecteurs potentiels.

Signatures : Jean-Michel Abrassart, Ariane Beldi, Sylvain Bissel des Chroniques Zététiques, Bunker D, Marc Doridant, Thomas Durand, Nichoax Pocus, Jérémy Royaux, Vled Tapas

Le pacte cérébelleux, réponse aux camarades

Nous avons pris bonne note, réfléchi, discuté, et co-écrit une réponse collégiale, postée le 19 février 2017 avec l’espoir qu’elle augure maintes réflexions critiques dans les chaumières – et nous gratifie d’autres courriers, d’accord avec nous ou non. Puisse tout ceci te permettre, ami.e lecteur.rice, d’usiner ta réflexion déjà bien aiguisée (méfie-toi, cette dernière phrase est une technique de flatterie). :

lire notre réponse

Bonjour à vous, consortium d’acteurs et d’actrices de l’esprit critique.

Merci de vos retours et de vos questionnements. Nous avons pris le temps pour répondre car notre collectif a pour fâcheuse habitude de travailler par consensus. Par conséquent, nous avons bossé à plus de 20 mains. C’est plus que Blanche-Neige, qui elle bossait seulement avec 7.

Nous ne voyons pas où serait le problème, comme vous dites, de se « lancer dans un débat », bien au contraire, surtout s’il est rationnel. Nous ne sommes par contre pas sûr.es de voir en quoi le fait de ne pas mentionner une cible réelle serait problématique en soi : ce que nous critiquons, c’est une certaine posture, une disposition vis-à-vis de la diffusion de l’esprit critique. Viser telle ou telle personne raterait doublement l’objectif : d’une part, cela confinerait à de l’ad hominem 1, or ce ne sont pas les personnes qui nous préoccupent, mais les comportements ; et d’autre part ces comportements ayant de réelles conséquences dans la vie publique et politique, il nous semble judicieux que toute la « communauté » sceptique, zététique, rationaliste, matérialiste, bright, peu importe l’épithète, s’empare de ces préoccupations. Nos critiques sont vectorielles, si vous nous passez l’expression, car étant toutes et tous à des implications diverses et au moyen de supports différents, elles visent un effet de direction. Pointer des gens en particulier, c’est possible – certains d’entre vous l’ont fait copieusement à propos d’Idriss Aberkane (épisode 362 du podcast Scepticisme scientifique, ou menace-théoriste en octobre 2016), ou dans un temps plus ancien sur Pierre Lagrange par exemple – mais malgré la justesse de ces critiques, cela nous a souvent laissé une impression de s’en prendre à la culotte du zouave, et non au colonialisme.

Vous avez été « heurté.es », et déplorez un « ton moqueur », « pouvant être perçu comme agressif ».

Nous ne savons pas trop quoi faire avec ça. C’est plutôt paradoxal parce que les affects n’auraient dû justement s’ébouriffer que si nous avions ciblé des individus, ce que volontairement nous n’avons pas fait. Loin de nous toutefois l’intention de développer des ressentis de ce genre, mais, que le lecteur en palpe le caractère corrosif, et le prenne de plein fouet, oui, c’était notre but.

Il faut dire que l’enjeu est de taille. L’un.e d’entre vous a par exemple cité le passage suivant :

« […] des petites carrières de pédagogues à la mode, sans aucun mordant, sans aucune velléité de réformer ou modifier un tant soit peu les barreaux de la cage, qui conspuent l’anti-darwinisme chez les élèves musulmans, mais ne raillent pas l’iniquité du contrat didactique tissé à l’école, ni la reproduction des classes sociales que celle-ci proroge, et encore moins l’imposture de certains médias qui font appel à elles/eux, ni le détournement du problème politique soulevé par les « djihadistes » en pur problème cognitivo-mental. »

N’oubliez pas que ce passage est précédé de « Nous n’avons pas envie de laisser l’autodéfense intellectuelle [ADI] à » ces types de carrières. Il s’agit donc d’un souhait qui ne nous semble pas déraisonnable, et que vous partagez probablement : nous avons du mal à imaginer quelqu’un.e qui souhaiterait que l’ADI soit bradée à des petites carrières de pédagogue à la mode, etc.

Au sujet du ton peu orthodoxe de cet article, il est spécifié dans sa catégorisation qu’il s’agit pas d’un matériel didactique, mais d’un article d’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas le premier. Il ne faut donc pas s’attendre à un « standard scientifique » – à moins que l’on y décèle la présence d’assertions fausses (le cas échéant, merci de nous le signaler).

Puisqu’il faut rentrer dans le détail de votre courrier, faisons-le précisément si le mode par incises ne vous gêne pas. Nous en profiterons pour aborder les trois ou quatre points-clés de la discussion.

Vous écrivez :

« Le ressenti spontané de nombreux lecteurs a été celui d’un mépris de votre part envers les initiatives tournées vers les médias populaires. »

Un sentiment étant subjectif, il nous sera difficile d’argumenter dessus. Vous serez d’accord qu’invoquer « de nombreux lecteurs », sans chiffres, fasse un peu flop. Et quand bien même ces lecteurs seraient légion, l’ad populum ne serait pas loin.

Quant aux deux seuls médias explicitement cités, il s’agit de BFMTV et Le Point. Pourvu que ça ne résume pas ce que vous appelez des médias « populaires », terme pour le moins impropre. BFMTV est une filiale du groupe NextRadioTV, elle-même possédée par le groupe News participation dont l’actionnaire principal est André Weill, une des plus grandes fortunes de France. Le Point est une filiale du groupe Sebdo Le Point, elle-même possédée par le groupe Artemis dont l’actionnaire principal est François Pinault, une autre des plus grandes fortunes de France (voir cette infographie). On fait plus « populaire » ! Ce sont des médias qui sont des rouages de propagande bien connus, décrits comme tels depuis longtemps, et coutumiers de toute la panoplie des biais que vous et nous critiquons et d’un certain nombre d’arrangements avec la réalité, confinant parfois à la fraude (voir l’affaire Décugis en 2010, par exemple).

Donc nous ne citons pas de médias « populaires », par conséquent il ne risque pas d’y avoir de « mépris » envers eux dans notre texte.

Peut-être entendez-vous « populaire » au sens de « beaucoup lus ou vus » ? Pas de « mépris » a priori non plus envers ce type de média, ou envers leur lectorat ! Bon, il y a bien deux bémols : pour les presses quotidiennes régionales, qui nous fournissent tant de matériel critique sans le vouloir qu’on a du mal à les prendre au sérieux ; et pour les presses gratuites qui ne sont plus vraiment des presses, mais des publicités.

Répétons-nous si besoin : nous remettons en question le fait de se tourner spontanément et sans hésitation vers ce type de média pour diffuser l’esprit critique. Pas de mépris, donc, mais des doutes rationnels, qui ne semblent pas être vôtres.

Vous dîtes :

« Nous respectons bien évidemment les choix du CORTECS d’agir en dehors de ces médias et de trouver des manières alternatives de transmettre l’esprit critique. Nous sommes néanmoins préoccupés par l’image que votre billet donne, volontairement ou involontairement, de ne pas respecter les autres choix.

En effet, l’alternative est féconde, et nous pensons de notre côté qu’il faut encourager la diffusion des outils de la pensée critique, y compris auprès des médias qui font partie du problème. »

L’alternative est féconde quand il s’agit d’imaginer plusieurs hypothèses pour expliquer un phénomène. En revanche, c’est franchement inadapté dans le cas présent, puisque l’enjeu n’est pas de proposer une théorie alternative, mais d’atteindre un objectif de transformation sociale ou politique – car que peut avoir, in fine, comme autre objectif valable la diffusion de la pensée critique, sinon une transformation sociale vers la fameuse et hypothétique connaissance de cause ?

Attardons-nous une seconde sur ce point : qu’est-ce qu’apprendre à détecter des sophismes, des corrélations hasardeuses, des concepts creux, des mensonges pseudoscientifiques, si ce n’est pour une vertu sociale, ou citoyenne ? Enseigner la zététique sans velléité de transformation sociale, c’est comme chanter en silence, comme danser sans bouger, comme croire sans Dieu ou l’un de ses avatars. Beaucoup d’associations sceptiques revendiquent ce principe plutôt déontologiste, « de ne pas faire de politique », mais elles optent toutes pour des conférences publiques et des apparitions médiatiques : pourquoi sinon pour changer des opinions et faire de l’éducation populaire ? Au sens grec ancien, ça s’appelle de la politique.

Afin d’éviter tout écueil type effet paillasson sur le mot « politique », disons en première approche que par « politisé » nous entendons au minimum :

− qui se questionne ou est disposé à se questionner sur la dimension morale de ses actions (de toutes ses actions) ;

− qui possède une volonté d’agir pour transformer nos systèmes sociaux et politiques ;

− qui croit que l’état actuel de ces systèmes ne résultent pas d’un processus inexorable, d’un deus ex machina, mais résultent en partie de choix, qu’il aurait pu en être autrement et qu’il peut en être autrement (évidemment ce point est lié au précédent). Le scepticisme raisonnable moderne s’inscrit exactement dans cette visée.

Aussi, faire une transmission apolitique de la zététique, c’est un oxymore, pour ne pas dire un non-sens. Que ferait une association zététique vraiment apolitique ? Elle ferait de la pantoufle dans un entre-soi de salon, et se garderait par-dessus tout d’aller dans les médias.

Un peu plus en aval dans votre lettre vous mentionnez que

« […] l’incursion d’un discours politique peut être jugée problématique car potentiellement contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations rétives à une approche politisée. »

On pourrait retourner cet argument comme une chaussette : une zététique qui se dit apolitique pourrait être contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations avides d’approches politisées – qui sont aussi très présentes dans les classes populaires.

Mais de manière plus vaste, nous ne sommes pas les seul.es à politiser la question. D’autres le font, avec des moyens autrement plus importants que les nôtres, en affichant en outre une prétendue « neutralité ». Or, vous connaissez l’aphorisme de Howard Zinn : « on ne peut pas être neutre dans un train en marche ». Centrer l’apprentissage de l’esprit critique sur certains sujets, en en évitant d’autres est un choix non neutre. Y a-t-il besoin d’exemples ?

Nous sommes sollicité.es pour promouvoir l’esprit critique dans des formations pour les enseignants sur la laïcité : au programme, questionner le port du voile ou faire accepter les fameuses « valeurs de la République »… sans aucune injonction à toucher aux grosses entorses à la laïcité faites par nos institutions, à commencer par la Loi o 59-1557 dite Loi Debré, instaurant un financement étatique des établissements d’enseignement privés et confessionnels. Ou encore, enseigner ce qu’est une propagande au sens donné par Edward Bernaÿs, et l’appliquer sur Daesch et la Corée du Nord plutôt que dans la communication militaire de l’état français. Ce sont des choix politiques implicites. Nous, à l’opposé, nous assumons notre politisation, la rendons explicite, l’exposons, et la soumettons à critique rationnelle.

Nous pensons qu’une approche apolitisée de la zététique est un non-sens. Donc diffuser un esprit critique apolitique, ça ressemble un peu à certaines positions d’associations anti-sectes qui ne souhaitent pas toucher à Freud de peur de perdre leur public. Transmettre la zététique sans un programme progressiste de transformation sociale, ce serait transformer la zététique en hobby de bourgeois, en scepticisme mondain.

Tant mieux, que l’esprit critique soit diffusé dans des populations apolitiques, mais si tant est que le but soit de les rendre plus politisées, en clair plus actrices de leur propre monde.

Revenons maintenant sur cette vertu d’utilité publique, ou de bien social, ou de transformation politique, comme vous voudrez. Dans cette direction, tout ne se vaut malheureusement pas. Le raisonnement n’est pas différent de celui applicable en santé : toutes les thérapies auto-proclamées ne se valent pas pour améliorer la souffrance d’un patient.
En matière d’intervention dans les médias, un certain nombre d’auteurs ont démontré, dans une filiation allant de Nizan à Bourdieu, de Hermann à Finkelstein, qu’ici non plus tout ne se vaut pas.

Fort heureusement, dans les médias tout n’est pas à jeter ! C’est pourquoi il nous arrive, au bout d’un processus algorithmique des plus tortueux et nécessitant moult palabres internes, qu’on cède de ci ou de là : France Inter, France Culture, RFI, ou le Monde comme c’était le cas il y a quelques jours… 2

Néanmoins, présenter qu’il est pertinent de diffuser les outils de la pensée critique tous azimuts sans regard sur le média, montre une ignorance assez forte, qui ne peut pas être vôtre, de la sphère médiatique, et surtout nécessite des preuves. Le problème, c’est qu’afin de constituer ces preuves, il va falloir s’entendre sur ce qu’il est entendu par « pertinent ». Or c’est là que le bât blesse : nous ne sommes, par exemple, pas du tout convaincu.es que le plus pertinent soit de « saupoudrer sur une masse de gens importante », qui plus est par le truchement d’un média corrodé, scénarisant les discours, faisant des coupes. À la rigueur pourriez-vous rétorquer que faire la prétention inverse (il n’est pas pertinent de…) requiert, elle aussi, des preuves, mais ce serait faire fi de la charge de la preuve, qui immanquablement revient à celui qui produit l’énoncé sur le monde, non pas à nous qui en doutons. Autrement dit, c’est aux sceptiques qui pensent qu’utiliser les médias sans distinction de Féminin Psycho au Dauphiné Libéré, d’On est pas couché au Figaro Magazine, est pertinente pour la diffusion de l’esprit critique (et donc la transformation sociale émancipatrice), d’en apporter la preuve. Et ils/elles partent avec un handicap : car écrire dans Le Point par exemple, sert d’abord Le Point avant de servir le propos. Un média a pour objectif de se vendre. Si on lui propose des informations qui scient la branche sur laquelle lui ou ses annonceurs reposent, il n’y a aucune chance qu’il les accepte (pensez à Lazarus sur France 2, ou les films de Pierre Carles, entre autres). Si Gérald Bronner mettait en danger Le Point avec ses chroniques, Le Point aurait tôt fait de mettre un terme à sa pige. Or Le Point vit très bien les chroniques de Gérald. Et toute la soupe économiquement orthodoxe au bouillon réactionnaire gorgé de valeurs conservatrices que déverse ce « journal de milliardaire » peut s’enorgueillir d’un petit croûton à l’ail d’esprit critique, aussi goûtu soit ce croûton. Il est même probable que les chroniques bien tournées de Gérald amènent du lectorat au Point, ce qui serait quand même un comble.

Vous écrivez que nous souhaitons « condamner d’emblée les efforts de ceux qui s’impliquent sur ce terrain » ? Que nenni ! Ça sent un peu l’épouvantail. Ce n’est ni une condamnation, ni « d’emblée », ni des gens.

Mais les implications en question témoignent soit d’une forte ignorance des processus médiatiques ; soit d’un idéalisme angélique que même les théologiens envieraient ; soit de la simple et compréhensible envie d’être reconnu par son boulanger et d’enorgueillir sa maman. Il ne s’agit pas d’un faux trilemme ! À moins que… à moins que la démonstration soit faite qu’une présence bien souvent cantonnée au « gadget » dans un média « populaire », comme vous dites, ait un effet pérenne en matière de pensée critique chez les récipiendaires. Là, c’est comme en santé :on ne peut pas se cantonner à mesurer l’effet satisfaisant d’une intervention. Il s’agit plutôt de mesurer le rapport bénéfice – risque. Et nous rencontrons des publics qui en ont ras la casquette de se faire expliquer qu’ils ne pensent pas comme il faut (conspirations, laïcité, « radicalisation », médecines dites alternatives) mais à qui on rétorque que leurs critiques – souvent rationnelles – envers un système qui les opprime, hé bien, c’est autre chose, voyons, allez circulez y a rien à voir. Ces gens risquent de jeter le bébé (la démarche sceptique en général) avec l’eau du bain (une démarche sceptique ciblée uniquement sur leurs croyances et leurs pratiques).

Merci en tout cas de nous préciser, malgré l’ad populum discret, que vous êtes

« beaucoup à avoir conclu, après de longs échanges, que telle n’était pas [n]otre intention »

C’est gentil, mais dites-nous : de quelle intention s’agissait-il ? S’il s’agit de jalouser des passages médiatiques, ça ne risque pas – on a déjà donné !

S’il s’agit de nuire à quelqu’un.e non plus. S’il s’agit de mettre la pression sur la communauté sceptique pour qu’elle hisse ses critères d’analyse médiatique, alors oui.

S’il s’agit de stresser un peu les candidat.es au rôle de fast thinker médiatique, alors deux fois youpi !

S’il s’agit de dire que le costume de sceptique revêtu en public implique un devoir de constance critique (constance au sens psychologique), alors trois fois hourra !

En attendant, vous « compren[ez] que [n]otre approche du scepticisme soit politisée, et nous respectons votre choix en la matière » : mais il ne s’agit pas d’un choix. La démarche de diffusion du scepticisme est politisée.

Le registre change un peu ici :

« […] nous pensons que vous devriez aussi respecter les autres démarches »

Il serait étonnant que notre billet nuise bien fort à d’autres démarches. Nous ne sabotons pas les passages médiatiques, ne polluons pas les Youtube, ne commentons rien sur Facebook et pour cause (voir à ce sujet Pour les facebookiens, youtubers, twittors et gmaileux – Entrevue avec Thomas vO) et n’empruntons pas à l’Internationale pâtissière ses tartes à la crème pour faire des entartages. Faut-il pour autant « respecter » une démarche qui semble aller à l’encontre du but escompté ? Cet argument du respect, bizarrement, est exactement homologue des arguments des médecines dites alternatives, des nouveaux mouvements religieux, etc. Nous respectons les acteurs et actrices qui se mouillent, mais déplorons le peu de regard sur une machinerie qui se joue souvent d’elles.eux. Comme aurait dit Bernard de Clairvaux un soir de déprime, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Vous écrivez que

« depuis l’origine du mouvement sceptique, certains ont principalement étudié le paranormal (Houdini par ex.), d’autres critiqués la religion (comme Richard Dawkins), d’autres encore se sont investis dans les débats politiques (à la Chomsky). Il n’y a pas là un bon choix versus des mauvais choix, uniquement des manières différentes de pratiquer la zététique. »

Qu’il y ait différents objets sur lesquels appliquer l’esprit critique (paranormal, religion, pratiques sociales ou politiques, etc.) et qu’il y ait différentes manières de l’appliquer – on peut par exemple critiquer la religion sur ses assertions factuelles ou sur ses assertions morales – est quelque chose que personne chez nous ne songe à remettre en cause. C’est presque un truisme.

En revanche, nous pensons qu’une fois le pavois moral choisi (par exemple, diminuer la souffrance et maximiser le bien-être du plus grand nombre, option type conséquentialiste, dans le sillage ramifié d’un Bentham par exemple, comme certains d’entre vous l’ont traité dans de récents podcasts), tous les moyens utilisés pour diffuser l’esprit critique ne se valent pas – mais nous avons déjà traité ce point plus haut. De surcroît, on remarque que bien souvent les critiques épargnent des sujets avec lesquels les zététicien.nes ont des liens d’intérêt : pensez au peu de crédit qui est donné aux critiques des croyances sur les médias type Google, Facebook, Youtube et sur les questions de propriété intellectuelle ; pensez au peu de présence zététicienne sur les questions de genre, sur les questions de naturalisme/essentialisme, sur les questions d’éthique animale, sur les questions de propagande de guerre, sur le système carcéral, sur le concept de déradicalisation, sur les politiques de santé publique, sur l’indépendance des professionnels de santé vis-à-vis de l’industrie, sur l’économie orthodoxe, et tant d’autres.

Bien entendu, c’est là l’objet d’une discussion à part entière. Nous nous ferons un plaisir d’y revenir si besoin est.

Surtout, ceci : il n’y a pas différentes méthodes d’application de la zététique ! Il n’y a que des sujets différents. L’heuristique elle est la même, et la rigueur doit être maximale. Le tout est de reconnaître qu’on reste dans un champ et dire pourquoi on en sort, de peur d’être incompétent, et non de peur de mouiller la chemise ou de déplaire au public qui nous écoute. Mais, et c’est ce que font certain.es qui méritent bien nos critiques, si quelqu’un.e se présente nationalement comme zététicien.ne professionnel.le, ou comme champion.ne de la pensée critique, et sans le dire cantonne sa critique à des sujets particuliers en occultant sciemment des pans entiers de réflexion, il y a usurpation ! Nous préférons mille fois des membres d’associations qui disent « nous nous cantonnons au paranormal » en regrettant de ne pas se pencher plus avant sur d’autres sujets plus prégnants par manque de temps, d’énergie, etc. – et Broch en fait partie ! Bien qu’il n’ait par contre jamais nié son engagement de transformation sociale d’extrême-gauche – que des personnages qui font leur capital médiatique sur cette pensée critique, mais ne l’appliquent plus sur des énoncés plus graves, possiblement par incompétence (dans ce cas ils usurpent vraiment leur statut d’incarnation de l’esprit critique), plus probablement de peur de heurter de plein fouet les structures de domination dont ils profitent, ou afin de ne pas mordre la main qui les nourrit (ou les flatte) : dans ce cas, ils.elles sont consciemment ou non rouages du système, nervis.es du pouvoir.

Un exemple : nous savons au CorteX que la critique de l’économie orthodoxe est primordiale. Seulement, nous ne sommes pas expert.es. Aussi reconnaissons-nous que nous péchons par incompétence, et qu’il faudrait dans l’absolu y remédier vue la souffrance générale créée par le modèle économique actuel, qui dépasse largement la souffrance générée par l’ésotérisme ou les médecines dites alternatives.

« Tel que beaucoup ont pu comprendre (et ont compris) votre article, vous semblez rejeter toute participation sceptique aux médias que nous critiquons, en raison d’une supposée validation de ces médias que provoquerait la présence des sceptiques sur leurs ondes. (La présence de Mendax sur Meta TV vaut-elle validation de ce média par la Tronche en Biais ?) Si la question peut être posée, on ne peut y répondre aussi rapidement et encore moins avec une posture aussi marquée. »

Encore une fois, il serait profitable à tous de nous citer précisément. Ici, vous nous servez une généralisation abusive (« toute participation ») et un effet cigogne (« en raison d’une supposée ») alors que justement, nous ne rejetons aucune participation dans les médias a priori et nous soupesons chacun de nos choix, selon des critères que nous avons longuement discutés ensemble (et qu’on appelle entre nous notre « algorithme média »). Nous disons en substance : « Car si nous acceptons de parler dans un média qui bourre le mou de son lecteur ou de son spectateur depuis des années, nous lui donnons une caution évidente, dont il saura se targuer quand des critiques fuseront. » La participation d’un.e sceptique à un média constitue une caution, minime, mais réelle, à ce média. D’ailleurs, aucun média ne finance des piges ou des propos qui vont à l’encontre de leur ligne. Autrement dit, en tant que penseur.se critique, si nous acceptons de parler dans ce média-ci, c’est qu’il nous apparaît comme fréquentable, qu’il a suffisamment de bons côtés. Au moins pour des penseurs.ses critiques, la question qui gouverne ces choix doit être la suivante : « La caution que je vais apporter à ce média moisi va-t-elle être contrebalancée par l’effet de mon intervention ? ». Or comme nous l’avons exposé précédemment, la question de l’efficacité de l’intervention n’est pas du tout évidente… les aspects problématiques de bon nombre de médias, eux, par contre, sont évidents. Donc si vous êtes à tendance conséquentialiste, ce qui est assez probable, le choix est souvent assez vite fait.

Pour vous montrer à quel point il n’y a pas grand chose de postural dans notre position : même le média « enseignemental », central dans notre travail, est discuté chez nous. En prison par exemple, le leitmotiv est le suivant : dans quelle mesure faire des cours d’esprit critique en prison légitime une structure de purgation de peine qui est mortifère ? Durant six ans, nous avons pensé que cela valait la peine. En 2017, avec le nouveau plan de lutte anti-terrorisme, il nous est quasiment demandé de fliquer les détenu.es radicalisé.es. Le ratio n’est plus bon. Nous allons nous retirer, en expliquant publiquement pourquoi (voir note supra).

Alors, vous autres camarades et collègues : y a-t-il un comportement de Youtube qui vous ferait un jour quitter la plate-forme ?

Y a-t-il un point qui ferait que vous déclineriez un plateau télé ?

Sans critère de démarcation, une unilatéralisation médiatique est un scénario incontradictible. Comme dans une théorie auto-immune. Comme dans la tombe de Popper. Comme si « évangéliser le grand public » quelle que soit la forme était « bien » en soi. Auquel cas, cela ressemblerait aux postures humanitaristes classiques, fortement déontologistes.

En attendant, pour répondre prosaïquement, oui Mendax sur MétaTV est une caution (non pas dans le sens où Mendax doive cautionner tous ce qui est dit sur MétaTV en général, mais au sens où MétaTV peut se prévaloir de l’avoir invité), Jean-Michel Abrassart dans un magazine « féminin » aussi, Richard Monvoisin sur RFI aussi, Albin Guillaud sur Scepticisme scientifique également, mais bien moins à déplorer que, par exemple, un.e rationaliste qui irait écrire dans Valeurs actuelles ou Le Point : si vraiment la critique filtrait chez les lecteurs du Point, alors il y a fort à parier que les lecteurs… arrêteraient de lire le Point ! Donc si Le Point y trouve son compte, la démonstration est faite. Idem pour un.e sceptique qui irait sur BFMTV. D’ailleurs, regardons ensemble l’argument suivant : c’est probablement plus grave d’aller dans un média décérébrant que dans un média d’opinion assumée comme la presse d’extrême-droite National hebdo. Bizarrement, aucun.e des sceptiques au nom desquels vous parlez n’y va, à notre connaissance. Nous non plus d’ailleurs, à là différence près que nous avons questionné ce choix, de la même manière que celui d’aller dans les autres médias. Et maintenant vous connaissez notre algorithme 3. Mais le vôtre ne nous est pas connu.

Si « tout est bon », pourquoi n’allez-vous pas dans les médias nationalistes ? Et pourquoi, si « zététique apolitique » était vraie, certain.es d’entre vous en veulent à Bricmont de ne pas regarder dans quel média il s’exprime ? N’y-a-t-il pas là contradiction ?

« Les médias ne sont pas univoques, et des auteurs d’un même journal peuvent donner différents sons de cloche. On peut certes craindre un effet de halo, mais la remise en cause de la fiabilité des médias n’en est pas moins rendue visible par les productions critiques alors publiées. Savoir quel effet prédomine n’est pas clair. »

Nous sommes a priori d’accord avec le début (même si nous n’avons pas bien compris la fin de la deuxième phrase).

« Soulignons de plus que l’intrusion de l’esprit critique dans ces médias grand public (qui nous posent problème par ailleurs) permet de toucher une cible importante, souvent inaccessible autrement : le “grand public”, première victime des dérives de ces médias. »

C’est toujours la même antienne.

Notre problème réside dans « toucher une cible importante ». Une personne ayant à cœur la diffusion de l’esprit critique dans une perspective de transformation sociale doit-elle souhaiter qu’un maximum de monde soit « touché » par une intervention critique éructée par un.e sceptique qui doit crier plus fort que les autres ? « touché » par un « savant » qui se voit contraint de se mettre une plume dans un orifice en gloussant entre Miss France et un chroniqueur célèbre ? Ou « touché » par un discours tronqué, coupé quand trop technique, transformant l’outil très abrasif qu’est le rasoir d’Occam en un gadget incompréhensible du type « l’explication simple est toujours la bonne » ? Ou « touché » par une critique d’une thérapie alternative, mais en épargnant l’héritage freudien qui permettra telle une hydre de refaire renaître autant de nouvelles thérapies du même genre ?

Il y a une part d’angélisme dans cette posture qu’au fond, on envierait presque. À ce que nous voyons, les interventions média grand public des zététicien.nes dont vous portez la parole ne sont pas choisies sur un ratio morceaux-d’outils-critiques-transposables-à-telle-heure-devant-tel-public-mangeant-des-cacahuètes-après-le-boulot versus déformation-du-propos-occasionnée-par-le-montage, le cadre et la scénarisation entourant l’intervention, etc.

Baaah, nous ne faisons que radoter. Ces points ont déjà été abordés entre autres dans « Le débat immobile, ou L’argumentation dans le débat médiatique sur les « parasciences » » de Marianne Doury aux éditions Kimé. C’était il y a maintenant 20 ans. Sans doute est-ce trop peu lu.

« N’oublions pas qu’il y a peu de temps encore les divers réseaux de l’esprit critique demeuraient relativement confidentiels. L’engouement actuel (par milliers) sur les réseaux du scepticisme est le résultat d’une forme de présence médiatique que nous jugeons bénéfique. Et cet engouement en lui-même nous semble tout à fait souhaitable. »

Voilà factuellement l’angélisme, humanitariste. D’abord, votre effet cigogne : comment savoir si l’engouement est dû à un effet de seuil dans la population, aux interventions médiatiques, aux enseignements, etc. ? Car, pardon de le rappeler, il y a un faux dilemme à éventer : soit on va dans les médias, soit on prive le grand public de l’esprit critique. C’est le dilemme devant lequel nous avons été mis par la journaliste du Point, d’ailleurs. Il y a pourtant d’autres moyens de diffuser nos outils, dans des cadres qui permettent un meilleur rapport bénéfice risque, par exemple créer des enseignements au long cours.

D’ailleurs, n’êtes-vous pas étonnés de cet engouement ? N’êtes-vous pas étonnés de la prolifération de youtubers, à la qualité parfois vraiment discutable ? Quels sont les critères que vous transmettriez pour discriminer un.e bon.e youtubeu.r.euse zététicien.ne d’un.e mauvais.e ? S’il n’y en a pas, alors on rejoint les chasseurs du Bouchonnois.

Et cet engouement vous paraît souhaitable ? Quel type d’engouement ? Si c’est une pensée critique qui amène les citoyen.nes à trouver des sophismes chez leurs dirigeants, ou leur donne des degrés de libertés en plus, pas de problème. Si c’est une version critique édulcorée, sans dent, sans main, sans rien d’autre que le statut social que l’on peut prendre en discutant très tard de la mémoire de l’eau, mais en quittant la discussion par exemple quand il s’agit de discuter des plafonds de verre des femmes, et des rouages qui font que la majorité des gens se tournant vers la zététique semblent être des hommes, blancs, hétéro, CSP moyenne aisée… alors oui, cela revient à brader la démarche.

On espère que vous ne revendiquez pas l’évangélisation d’une armée de zététicien.nes de surface, cantonné.es à des sujets précis et souvent inoffensifs, avec quelques héraults médiatiques épatant la galerie. Nous, nous voulons former des penseurs.ses critiques sans fard, sans œillères, sans limite sinon des limites assumées, en déclarant par ex. « oui, en tant que penseur critique, je devrais être pointu sur la science officielle qu’est devenue l’économie libérale / la psychanalyse / la pseudo-histoire, mais je n’ai pas eu le temps de m’y pencher. Cependant, c’est un défaut de mon organisation ou de mes goûts, et non une frontière légitime dans l’utilisation de mon cerveau critique qui se doit d’être constante ». Ce genre de réponse serait vraiment géniale. Nous en connaissons quelqu’un.es qui la font et l’assument. C’est une sorte de pacte cérébelleux.

« Tel que d’autres lecteurs sont parvenus à le comprendre, votre texte est une récrimination à l’égard de figures médiatisées de façon récurrentes, et qui présenteraient une vision abâtardie, simplifiée, étriquée, de l’esprit critique. Cet esprit critique édulcoré, qui ne peut critiquer les médias car étant DANS les médias, pose très probablement problème. Mais votre texte ne semble offrir qu’une réaction possible : la déception, teintée d’une certaine hargne (ressentie sinon exprimée). Le texte ne semblant pas proposer d’alternative, nous nous demandons encore une fois : quel est son but ? »

Si ce texte nous a permis de pointer cet embourgeoisement « topique », le premier but est atteint. Nous avons un certain nombre de courriers qui nous en remercient – mais le nombre n’est pas un argument.

S’il nous a permis également d’exprimer que le scepticisme scientifique est une posture qu’on ne peut revêtir facilement, le deuxième but est également atteint. Que le scepticisme et le matérialisme méthodologique soit une posture permanente et non un hobby « pépère » ; et que ceux qui s’octroient du pouvoir aient cette cohérence intellectuelle et la rigueur maximale. CorteX ou pas CorteX, peu importe, il s’agit de hisser le niveau général. De fournir un standard de rigueur et de cohérence intellectuelle. Nous faisons avec notre milieu sceptique la même chose que dans le monde des thérapies manuelles, par exemple : mettre un standard élevé, sous peine de voir la discipline galvaudée. Un certain nombre d’entre vous remplissent d’ailleurs en grande partie ces exigences. Et nous ne proposons pas d’alternatives ? Bien sûr que si : les cours, en amphi, en classe. Les conférences. Les formations pédagogiques de profs. L’auto-hébergement de ressources. La mise en ligne de séquences pédagogiques. La participation aux podcasts qui tiennent sévèrement la route comme Scepticisme scientifique ainsi que nos contributions financières pour soutenir nombre de projets sceptiques de tout type. La publication dans des revues scientifiques libres et dans des maisons d’édition qui ne soient pas des majors. Le financement participatif de films et de documentaires, de webradio, etc.

Il y en a un paquet.

Dans notre démarche, nous sommes loin d’être des modèles : Bertrand Russell est bien plus solide que nous, de même qu’en vrac à différents niveaux des Baillargeon, Lecointre, Bricmont, Chomsky, Zinn, Sand, Dawkins, Nasreen, Bourdieu, Accardo, Gardner, et plus anciens comme Fanon, Rostand, Diderot… et tellement d’autres ! Le bouquin de Charbonnat « Histoire des matérialismes » chez Matériologiques regorge de personnages de ce genre, bien plus proches de ce que nous appelons de nos vœux que nous-mêmes.

« Les “sceptiques du scepticisme”, que beaucoup d’entre nous devons subir dans nos réseaux, vont très certainement instrumentaliser ce texte sans nuance pour nous jeter du “chien de garde du système” avec une délectation accrue par la possibilité de citer le CORTECS à l’appui de telles accusations. Il serait regrettable de ne pas tenir compte des écosystèmes dans lesquels d’autres que vous travaillent, et qui représentent leurs propres défis. »

Les nuances, c’est comme le Dieu de Laplace : cela n’est pas nécessaire ici. L’argument des nuances est un grand classique, par exemple, des curés envers les athées, des Intelligent designers envers les évolutionnistes ! C’est une sorte de sous-ensemble de l’argument du pluralisme démocratique discuté plus haut.

Toute cette inquiétude est réflexive : sommes-nous des chiens de garde du système ? Sommes-nous des « danseuses », des « bouffons » à l’université ou dans l’éducation nationale ? Pour le savoir, il faut essayer de se doter de critères rationnels, et solliciter des regards extérieurs. Nous avons pensé réunir un panel de personnes peu complaisantes qui pourraient nous dire « stop, là, les couleuvres que vous avalez sont trop grosses pour laisser votre scepticisme indemne ». De votre côté, sans critère de ce genre, vous prenez le risque d’être confit.es dans une position relativiste, sans critère de réfutabilité à vos stratégies médiatiques. Et c’est là qu’on devient un.e chien.ne de garde. Alors partageons nos réflexions et nos critères, hissons-nous mutuellement vers le haut.

Quant au risque d’instrumentalisation de notre texte par les sceptiques du scepticisme dans les « écosystèmes » sceptiques francophones, il ne nous inquiète pas vraiment. Les sceptiques du scepticisme sont souvent soit des relativistes cognitifs, soit des croyant.es (avec acte de foi), donc leurs attaques sont fragiles et supportent mal la panoplie atropopaïque des rasoirs d’Occam, critère de Popper, etc. Et il est des « écosystèmes » bien plus difficiles. Car méditons quand même ceci : vous qui semblez défendre une zététique apolitique, comment expliquer qu’en se déplaçant dans des « écosystèmes » un peu plus lointains, chez Basava Premanand ou chez Narendra Dabolkar, ou quelques kilomètres plus loin, chez Avijit Roy, Washiqur Raman ou Ananta Bijoy Das, ou quelques kilomètres plus près comme Raïf Badawi, comment expliquer que le contenu « apolitique » que vous produisez ici vous vaudrait au mieux les fers, au pire l’éventration ailleurs ? Revendiquer une zététique non politisée, comment cela serait-il possible quand déjouer des illusions ou appliquer le pacte cérebelleux vous fait tuer à la machette à quelques milliers de kilomètres ? Si vous y croyez vraiment, alors par pitié ne faites plus de vidéos ou de podcasts ! Car il est des contrées où le simple fait de les utiliser fait prendre le risque d’une rafale de plomb.

Avec toute notre sympathie pour la plupart de vos initiatives, avec doute rationnel pour certaines, et avec l’espoir que toute la communauté sceptique reconnaisse et se saisisse des aspects politiques de la diffusion de la pensée critique.

L’équipe du CorteX


Pour compléter cette réponse, voici le lien vers l’interview de Richard Monvoisin réalisée en octobre 2015 par Jérémy Royaux et Jean-Michel Abrassart pour le balado Scepticisme Scientifique, interview dans laquelle sont abordés plusieurs sujets en rapport direct avec la discussion entamée ci-dessus :

(notamment à partir de 25′)

Le CorteX dans Le Monde – Repeindre les barreaux, plus pour nous

(Cet article a été diffusé sur lemonde.fr le 14 février 2017 – ici)

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Avec « le plan d’action Sécurité pénitentiaire et action contre la radicalisation violente, paru en octobre 2016, tout intervenant se voit devenir un détecteur, voire un délateur de radicaux » (Photo: le centre pénitentiaire D’Alençon-Condé accueille 68 détenus condamnés à des peines longues et réputés, pour certains, difficiles). PHILIPPE BRAULT / AGENCE VU POUR « LE MONDE »

Nous, collectif CORTECS, avons à contrecoeur décidé de suspendre nos enseignements d’autodéfense intellectuelle et d’éducation à l’esprit critique (par exemple la critique des médias) dans les trois institutions pénitentiaires dans lesquelles nous intervenions.

Cette décision est douloureuse, mais rationnelle. Le plan d’action Sécurité pénitentiaire et action contre la radicalisation violente, paru en octobre 2016, prend de trop nombreuses mesures rédhibitoires, en vue de la détection des détenus radicalisés ou en voie de radicalisation. Il prévoit de mettre en place un réseau de renseignement sur les détenus, d’armer certains surveillants et de développer des quartiers d’évaluation de la radicalisation où les conditions seront encore plus sévères. Dans ce contexte sécuritaire, tout intervenant se voit devenir un détecteur, voire un délateur de « radicaux ». Or, non seulement nous n’en avons pas envie, et nous n’avons aucune compétence pour mesurer un quelconque degré de radicalisation, mais le simple fait de nous associer à une telle démarche rend tout simplement impossible la poursuite de nos enseignements : comment passer au crible de l’analyse critique une idée « radicale » qui, exprimée par un détenu, conduirait à son signalement ?

Pourtant, nos enseignements de l’analyse critique en détention fonctionnaient à merveille, depuis 2011, bien avant que le concept de radicalisation ne rentre dans toutes les têtes. Cela avait toujours été un questionnement éthique de taille entre nous : est-il moralement juste d’aller développer l’esprit critique dans un contexte carcéral mortifère et déshumanisant ? Autrement dit, allions-nous en acceptant, contribuer à mettre des cotillons sur les barbelés ? À l’époque, nous pensions que le jeu de l’instruction en valait la chandelle, malgré les mille embûches systémiques et insolubles du cadre : il était impossible d’avoir des groupes stables ; les rendez-vous médicaux ou les parloirs tombaient sur les créneaux de l’atelier ; certains détenus étaient transférés ou se voyaient refuser l’accès aux activités par mesure de répression, d’autres étaient recrutés pour travailler ou préféraient se tourner vers des formations diplômantes, par intérêt ou pour maximiser les chances d’obtenir des remises de peine supplémentaires ; les convocations n’étaient pas reçues, pas comprises, ou encore perdues… Mais nous avons tenu la barre, et enseigné les bases de l’autodéfense intellectuelle à un public volontaire et pertinent. Nous avons construit ensemble un cadre de parole sécurisé et bienveillant, réchauffé petit à petit les murs blafards, fourbi nos outils sur des sujets « légers » avant d’aborder les plus  « brûlants », sans complaisance. Car nos cours et ateliers ont pour finalité d’objectiver des concepts, d’en évaluer la consistance, la vraisemblance… ou la fausseté. La radicalisation fait justement partie de ces pseudo-concepts flous. Décrivant tantôt l’adhésion à une idée dite « radicale », tantôt la marginalisation sociale, l’endoctrinement ou encore le choix de perpétrer des actes violents, elle sait aussi faire office d’étendard pour légitimer la répression de toute forme de contestation.

Or, le problème est « scientifique » : si nous voulons éviter des drames « terroristes » violents, il faut en comprendre la genèse (sans l’excuser pour autant). Ni la folie, comme on voudrait nous le faire croire, ni l’action sectaire, ni la bêtise, ni la monstruosité ne sont des explications satisfaisantes. C’est essentiellement, comme dans tous les « terrorismes », du FLN algérien des années 60 à Anders Breivik en 2011, la conjonction de la souffrance et de la colère, une colère politique, souvent mal dégrossie, parfois sans verbe. L’État a beau jeu de cibler le symptôme, afin d’éviter de rechercher les causes. Rien n’est envisagé pour revenir à la racine du problème : se « radicalise »-t-on en détention et si oui, pourquoi ? Et si la prison est un facteur aggravant, alors peut-être faudrait-il tout simplement commencer par enfermer moins de gens, et développer des alternatives comme il en existe ailleurs. On demande aux détenus, par notre intermédiaire, une remise en question que l’institution qui nous mandate ne pratique pas elle-même.

Nous n’avons aucune certitude sur l'(in)efficacité des mesures préconisées dans ce plan d’action – mais qui en a ? Où sont les études ? –, cependant nous avons de sérieuses raisons de penser que ces mesures vont amplifier le problème qu’elles prétendent contrer et qu’en tout état de cause, elles vont durcir les conditions de vie en détention.

Nous sentions venir le problème depuis deux ans. Nous n’avons pas voulu renoncer, par engagement sûrement, par gloire personnelle peut-être – il fait bon dire qu’on enseigne en prison -, par peur aussi de laisser en plan les personnes qui participaient régulièrement à nos ateliers, qui ne disposent de quasiment aucune alternative pour prolonger la réflexion entamée ensemble et qui, statistiquement, ont bien peu de chances de se retrouver sur les bancs de nos amphis. Mais arrive un moment où il n’est plus possible de consentir. Nous ne voulons plus prendre part à un processus qui d’un côté fait appel à nous pour diffuser de la pensée critique, à grand renfort de récupération démagogique des pouvoirs publics et avec finalement peu de moyens, et qui de l’autre met en œuvre une politique qui détruit en un tournemain le peu que nous arrivons à construire en plusieurs mois. Nous ne repeindrons plus les barreaux. Notre démission ne pèsera pas très lourd, c’est vrai. Qui écoute encore les doléances des détenus ?

Caroline Roullier, Clara Egger, Richard Monvoisin, Guillemette Reviron, Groupe Prison,

Collectif de Recherche Transdisciplinaire Esprit critique & Sciences

Petit historique

L’an passé, devant la dégradation lente de la situation, nous avions contacté Le Monde pour faire paraître une tribune sur le sujet. Il s’agissait pour nous de nous servir du Monde et de son lectorat pour que notre dénonciation ne tombe pas seulement dans l’oreille pleine de cérumen de l’administration pénitentiaire. Or finalement, ce texte n’a pas été publié au motif qu’il n’était pas assez dans l’actualité. Aujourd’hui, dans la même démarche, nous souhaitions rendre public notre refus, d’une part pour que d’autres éventuellement s’en emparent, d’autre part pour qu’on ne puisse pas transformer les raisons de notre départ, à contrecoeur.

Région PACA : cycle de conférences Science Culture en lycées

Depuis 2012, le Cortecs, en collaboration avec l’association ASTS-PACA, gère et organise des conférences à destination des lycées de la région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le cadre du dispositif Science Culture, ces conférences sont proposées aux établissements qui en font la demande. Deux interventions, au choix parmi les sujets ci-dessous, entièrement financées, sont préparées en concertation avec les enseignants et personnels de direction des lycées retenus. Cette page est notamment à destination des collègues souhaitant trouver des informations concernant chaque thématique : description, public visé, ressources. Denis Caroti et Cyrille Baudouin répondent à vos questions si besoin (contacts : carotiatcortecs.org et baudouinatcortecs.org)

Manipulation et influence : du quotidien aux dérives sectaires

Présentation

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L’objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la publicité, les relations au travail ou dans nos interactions quotidiennes personnelles. Pourquoi et comment sommes-nous amenés à faire des choses contre notre gré ? Comment éviter de tomber dans les pièges abscons, effet de gel ou autres tentatives de manipulation ? Comment pouvons-nous comprendre les comportements d’engagement de type sectaire ? Nous aborderons quelques outils d’autodéfense intellectuelle utiles pour maintenir notre vigilance critique dans ce domaine.

Public concerné

De la seconde à la terminale, toutes sections, que ce soit en voie professionnelle ou générale et technologique. La pertinence étant maximale avec les élèves sensibilisés à la philosophie.

Préparation

– On peut commencer par questionner les élèves sur le sens des mots mais également : comment peut-on accepter de faire certaines choses qui semblent, de l’extérieur, totalement irrationnelles et incompréhensibles ? Est-on réellement libre de faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas des contraintes sociales, culturelles ou génétiques qui pèsent sur nos choix et influences nos décisions ? Proposer aux élèves de définir les termes manipulation, influence, dérive sectaire.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Un article sur l’utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

– Une vidéo de Lazarus sur la manipulation des images

Sciences, esprit critique et autodéfense intellectuelle

Présentation

boite outils

Les connaissances scientifiques garantissent-elles un esprit critique affûté ? En l’absence d’enseignements spécifiques, pas si sûr… L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples. Cet apprentissage prend son sens non seulement en classe, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause…

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes. 

Préparation

– On peut proposer aux élèves de définir, en quelques minutes, et par groupe, les mots suivants : « paranormal », « surnaturel », croyance, « esprit critique » et « science ». Inviter également les élèves à débattre de l’intérêt de développer ou pas l’esprit critique, comment y parvenir ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur le rasoir d’Occam

Sur les illusions et paréidolies

Sur l’effet puits

Sur la notion de croyance

Science et astrologie : l’astrologie raconte-t-elle des histoires ?

Présentation

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L’astrologie est omniprésente dans notre quotidien : radio, télé, magazines, internet, difficile de passer une journée sans entendre parler de son horoscope. Faut-il s’en soucier ? La question devient intéressante et commence à nous interpeler lorsque l’on sait que des entreprises louent les services d’astrologues pour leurs recrutements, qu’une astrologue prétend soigner grâce à un thème astral, ou bien encore qu’un député affirme publiquement consulter le signe de ses collaborateurs. Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur la validité et l’efficacité de cette pratique. Quelles différences entre astronomie et astrologie ? Entre science et astrologie ? Dans cette conférence, nous présenterons quelques bases pour mieux comprendre la démarche scientifique et en tirer les outils nécessaires à une critique argumentée et sans détour des revendications scientifiques de l’astrologie.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut proposer aux élèves, par groupe de 4 ou 5, de proposer une définition des termes « astronomie », « astrologie », « science », « pseudosciences ». On peut aussi lancer le débat sur la présence importante des horoscopes dans les médias. Comment expliquer un tel succès ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur l’effet Barnum/Forer

Sur la critique et l’histoire de l’astrologie

Physique et pseudosciences : quelques outils pour s’y retrouver

Présentation

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Si en sciences, et notamment en physique, il est possible de donner sous certaines conditions un sens précis aux mots énergie, ondes, dualité, attraction, etc., l’utilisation et même la « réalité » de ces concepts n’ont de sens que sous les conditions et les limites strictes dans lesquelles elles ont été définies. Pourtant, ces termes sont réutilisés et réinterprétés (ce qui n’est pas un mal en soi) dans de nombreuses pratiques ou thérapies : non pour enrichir les savoirs, la connaissance et l’interdisciplinarité (processus normal de l’activité intellectuelle) mais bien plus pour donner un vernis scientifique et tromper l’esprit au son du mésusage de la langue, du dévoiement des concepts et faire obtenir l’adhésion à une kyrielle de pratiques dont les fondements et les preuves sont loin d’être assurés. Comment trier alors dans ce flot d’informations et d’affirmations sans être spécialiste ? On donnera quelques outils et pistes de réflexion pour faire ses choix en connaissance de cause.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Des « pouvoirs » du corps expliqués par des effets physiques

Sur l’utilisation du mot « énergie »

Sur l’effet impact

Sur l’effet paillasson

Utilisation et distorsion des chiffres : méfiance !

Présentation

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Chiffres de la délinquance, du chômage, de la fraude aux allocations, de l’immigration, des dépenses publiques, de la croissance, du moral des ménages, du CAC 40, de la consommation : pas un seul journal télévisé, pas un seul quotidien qui n’étale multitude de chiffres et de graphiques. Pas un seul politicien, quelles que soient ses idées, qui n’ait pas recours à une avalanche de pourcentages. Comment se prémunir de ce matraquage de données chiffrées ? Comment lutter contre la « mathophobie » qui nous rend si vulnérables ? Nous essaierons de répondre à toutes ces questions et celles que vous ne manquerez pas de poser !

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut commencer par lancer un débat sur l’utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Revenir aussi sur l’utilisation des chiffres et statistiques dans les médias en questionnement les élèves sur des exemples qui leur sont familiers (JT, documentaires, publicité)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Vidéos : comment tromper avec des graphiques et effet cigogne

Le football et les mathématiques

Loi binomiale et échantillonnage

Sur la « prédiction » des crimes et l’outil statistique

La « Nature » : un pilier des argumentaires pseudoscientifiques

Présentation

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Bien que le sens du mot naturel puisse paraître évident, quand on prend un stylo et qu’on essaie d’en donner une définition, on en arrive assez rapidement à se tordre les neurones. Sur quelles idées reposent les différentes définitions de la Nature que l’on rencontre régulièrement dans les médias grand public ou les publicités ? Quelles sont les représentations qu’elles créent dans nos esprits ? Nous verrons que, loin d’être anodines, ces idées peuvent induire non seulement certaines adhésions pseudo-scientifiques, mais surtout des catégorisations sociales dites essentialistes, où l’on postule la nature d’un individu pour le classer selon des critères racialistes ou sexistes.
Des thérapies naturelles au retour vers la nature, de la nature de l’espèce humaine à l’essence de la féminité, nous verrons ainsi en quoi les concepts naturels sont des vecteurs de certaines idéologies et systèmes de domination qu’on penserait disparus.

Public concerné

Elèves de première ou terminale uniquement

Préparation

– On peut demander aux élèves, en petits groupes de 3-4, de s’entendre sur une définition commune du mot « nature ». Ensuite, proposer aux élèves de trouver des exemples où l’on utilise ce mot dans la publicité (« c’est naturel ») ou dans des expressions communes en insistant sur l’aspect moral du jugement qui en découle (c’est bien ou mal d’être naturel ou pas)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article développant le contenu de la conférence

Science et médecines alternatives : faire ses choix en connaissance de cause

Présentation

CorteX_homeopathie

Les médecines non conventionnelles rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès du public. Rejet de la médecine « officielle » et « scientifique » ? Peur d’anciens et nouveaux scandales sanitaires ? Attirance pour des thérapies « naturelles », « alternatives » ou « douces » ? Les raisons sont multiples. Mais ce succès est-il pour autant le signe d’une efficacité spécifique réelle ? Les enjeux sont grands et nous concernent tous et toutes car à la santé se greffent bien souvent des questions financières et de choix technopolitiques (pharmaceutiques et/ou thérapeutiques). Les dérives régulièrement recensées, comme les diverses aliénations mentales, nous poussent à nous interroger sur ces pratiques de plus en plus à la mode. La démarche scientifique peut-elle nous aider à répondre à ces questions ? Quels outils critiques peut-on utiliser pour faire des choix en connaissance de cause ?

Public concerné

Élèves de terminale de préférence

Préparation

– On peut demander aux élèves de se réunir par groupes de 3-4 pour définir ensemble les mots « médecine », « science », et, selon le niveau, « placebo ». Puis lancer le débat sur la différence entre science et médecine, sur la notion de placebo et sur les critères qui nous font adhérer à une thérapie donnée. L’idée étant de différencier les types de registres : scientifique, moral, politique, économique.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur les médecines « alternatives »

Science et créationnismes : un état des lieux

Présentation

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De nombreux enjeux politiques, économiques, technologiques et sociétaux, auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines ne peuvent être appréhendés sans connaissance scientifique : changement climatique, OGM, genres, transhumanisme, nouvelles énergies, etc. Dans la mesure où chaque citoyen ne peut être expert dans tous les domaines, sa capacité à distinguer un discours scientifique d’autres types de discours (idéologiques, religieux) est indispensable pour une démocratie. Or, depuis environ 20 ans, des courants d’inspiration religieuse tentent d’infiltrer les systèmes éducatifs de nombreux pays européens pour promouvoir une vision religieuse du monde en instrumentalisant la science : il s’agit de mouvements créationnistes. Cette intrusion spiritualiste pose le problème de la démarcation entre science et croyances. Comment faire la distinction entre ces différents discours ? En quoi l’instrumentalisation du discours scientifique est-elle un enjeu politique ? Les questions soulevées par ces thématiques sont au cœur des pratiques scientifique, citoyenne et politique actuelles.

Public concerné

Terminales de préférence, premières selon le contexte.

Préparation

– Demander aux élèves de définir, par petits groupes de 3-4, les mots « religion », « science », « croyance » et « créationnisme ». Lancer le débat en questionnant les élèves sur les liens entre science et religion, entre scientifiques et croyances.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une conférence filmée de Julien Peccoud

Une autre conférence filmée de Julien Peccoud

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Présentation

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Théorie fascinante, toujours en élaboration, la physique quantique est devenue un véritable marronnier de la vulgarisation des sciences, à grands coups de mises en scène nimbées de mystère. Cela serait sans réelle conséquence s’il n’était tout un marché naissant, poussant telle une mousse sur le travail d’Einstein, Heisenberg et leurs continuateurs : techniques de bien-être quantique, thérapies et médecines quantiques soignant les cancers, quand il ne s’agit pas de justifier n’importe quel scénario surnaturel au moyen d’une mécanique quantique revisitée qui n’a plus grand chose à voir avec l’originale. Le quantique a bon dos. Or, comprendre cette physique nécessite un temps d’apprentissage que le public n’a probablement pas. On présentera donc un guide de première nécessité, un modeste guide de survie épistémologique pour tenter d’éventer les baudruches que certains affairistes «quantiques» n’hésitent pas à agiter comme des lanternes. Une mélopée rationnelle parmi les cantiques quantiques. Une mince chandelle dans la physique de l’infiniment petit.

Public concerné

Uniquement terminales ou premières scientifiques

Préparation

– On peut demander aux élèves de définir, en petits groupes de 4-5, le terme « quantique » et de différencier sa définition et sa connotation. Lancer le débat sur la présence de ce terme dans les médias avec des exemples de couverture de Science et Vie par exemple.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur une couverture de Science et Vie

Un article reprenant la conférence

Sur les implications philosophiques

Zététique : esprit critique es-tu là ?

Présentation

Pyrrhondelis

Le terme zététique (du grec zétèin signifiant chercher) remonte à quelque deux mille trois cents ans. Désignant une attitude de refus envers toute affirmation de type dogmatique, Pyrrhon d’Élis fut le premier des zététiciens : remise en question permanente et doute radical étaient ses marques de fabrique. La zététique aujourd’hui, c’est la méthode scientifique d’investigation des phénomènes « surnaturels », étranges, des théories bizarres : balayant un spectre allant des monstres mystérieux en passant par les poltergeists, les ovnis, ou même la radiesthésie, la télékinésie, la télépathie, jusqu’aux thérapies non conventionnelles, le cœur de la zététique réside dans une méthode d’analyse commune à tous ces phénomènes et appropriable par tout un chacun : la démarche scientifique. Pour mettre en pratique cette démarche, des protocoles expérimentaux sont élaborés pour tester concrètement les affirmations contenues dans ces phénomènes.
La base de la zététique est donc le doute, mais un doute fertile, permettant d’examiner et d’aller vérifier les affirmations produites, les faits soi-disant avérés, de trier parmi les hypothèses pour, in fine, faire ses choix en connaissance de cause. Plus qu’une simple démarche, c’est une pédagogie à l’esprit critique : savoir discerner le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux, savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question par la prise de conscience de la part d’affectivité et de l’influence de préjugés ou de stéréotypes sur nos croyances et nos adhésions.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une page entièrement dédiée à la zététique

La chaîne youtube « La tronche en biais »

Zététique et esprit critique en France à la rentrée 2015

Le CORTECS essaie de recenser tous les enseignements spécifiques centrés sur la didactique de l’esprit critique, qu’ils s’appellent « pensée critique », « esprit critique », « autodéfense intellectuelle » ou autre. A la rentrée 2015, voici les enseignements estampillés comme tels dont nous avons connaissance. Du Sud au Nord…

Marseille

Les enseignements, conférences et formations sur Marseille et sa région sont nombreux cette année :

A l’université

Denis Caroti, l'Aristote de la méthode scientifique

Université du Temps Libre (UTL) : deux séminaires « Esprit critique et autodéfense intellectuelle » sont ouverts pour les étudiant-e-s, le cours de niveau 1 ainsi que sa suite, niveau 2, pour celles et ceux ayant suivi le cours n°1. Un lundi sur deux à partir du 28 septembre (Denis Caroti).

– Ecole Centrale de Marseille : dans le cadre du tutorat assurés par les étudiants de l’ECM à destination des élèves de collèges et lycées marseillais, une formation centrée autour de l’approche pédagogique critique et zététique sera donnée tout au long de l’année (Denis Caroti).

Stages doctoraux

Deux nouveaux stages sont ouverts cette année :

– Zététique & Autodéfense intellectuelle

– Médias et pseudosciences

Les dates sont déjà fixées : 19-20 octobre et 22-23 octobre pour les deux premières journées. Une troisième journée de restitution est prévue pour le mercredi 4 novembre et vendredi 6 novembre (Denis Caroti)

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Nicolas Montes fait un cours de zététique en L1 Science de la Terre et Environnement et en M2 Sciences de l’Environnement Terrestre

Dans le secondaire

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– Conférences Sciences et esprit critique : à destination des lycées de la région PACA (académies de Nice et d’Aix-Marseille), 30 conférences sont à nouveaux proposées (3ème année consécutive) aux lycées qui en ont fait la demande, ceci dans le cadre du dispositif régional Science Culture . Différents sujets sont traités en fonction des attentes des professeurs impliqués dans le dispositif (Cyrille Baudouin & Denis Caroti, Guillemette Reviron).

– Cours « Sciences et esprit critique » au collège Stéphane Mallarmé : tous les jeudis avec les élèves de 3ème qui se portent volontaire pour un cours optionnel traitant de zététique appliquée (Denis Caroti).

– Stages pour enseignants :depuis 2008, la formation « Sciences et pseudosciences » figure au plan de formation pour les enseignants du secondaire. Elle est à nouveau reconduite cette année. Inscriptions à partir du 15 septembre (Denis Caroti, Julien Pellegrino, Yannick Laurent).

Carcassonne

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Marion Margerit et Marie-Hélène Hilaire relancent les Enquêtes Z au collège Le Bastion, ateliers ouverts aux élèves de 6ème et 5ème.

Montpellier

A destination des enseignants

Caroline Roullier
Caroline Roullier

Cette année, cinq formations sont proposées par le Cortecs dans le PAF :

  • Agir pour l’égalité fille-garçon (n° de la formation dans le PAF : 15A0110405) animée par Caroline Roullier
  • Agir pour l’égalité fille-garçon (sous forme de Formation Territoriale – n° de la formation dans le PAF : 15A0110414) animée par Caroline Roullier
  • Médias, pseudosciences et esprit critique (n° de la formation dans le PAF : 15A0110667) animée par Guillemette Reviron
  • Mathématiques et auto-protection intellectuelle (n° de la formation dans le PAF : 15A0110484) animée par Guillemette Reviron
  • Vivre et apprendre dans l’établissement (sous forme de Formation Territoriale – n° de la formation dans le PAF : 15A0110461) animée par C. Roullier et G. Reviron

En détention

Les ateliers Médias et esprit critique se dédoublent à la maison d’arrêt de Villeneuves-lès-Maguelone et s’exportent au centre pénitentiaire de Béziers. Ils seront animés par Caroline Roullier et Guillemette Reviron

A l’université

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Deux sessions du cours Sciences et auto-défense intellectuelle seront proposées aux étudiants de L2 de l’Université de Montpellier, une par semestre. Ces cours sont ouverts moyennant discrétion.

Stages doctoraux

Outre le stage Médias et pseudosciences qui existe depuis 2010, Guillemette Reviron animera le stage Auto-défense mathématiques pour non mathématiciens

Nice

L’équipe composée d’Aziz Ziad, Martine Adrian-Scotto, David Mary et Thierry Corbard ont repris les enseignements légendaires de Henri Broch pour les licences 1 de sciences fondamentales.

Grenoble

Stages pour enseignants : depuis 2013, la formation « Sciences et esprit critique, zététique » figure au plan de formation pour les enseignants du secondaire. Elle est à nouveau reconduite cette année, à destination des collègues de physique-chimie, SVT, mathématiques et technologie, travaillant dans les départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Inscription ici.

L’unité d’enseignement transversal « Zététique et autodéfense intellectuelle« , par Richard Monvoisin existe depuis 2005. Ce cours est ouvert au public.

Le cours spécialisé « Sciences et pseudosciences politiques » est porté pour la 2ème année par Clara Egger à l’Institut d’études politiques (second semestre). Il est ouvert au public.

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La première édition du séminaire « Complots et conspirationnismes« , co-animé par Clara Egger et Raùl Magni-Berton est ouvert à l’Institut d’études politiques. Il s’agit d’un séminaire de formation à la recherche, destiné aux étudiants de troisième année. Les cours débuteront le 17 septembre et se dérouleront principalement au premier semestre. Le second semestre est dédié au suivi des travaux des étudiants.

D’autres cours de pensée critique appliquée à des thèmes spécifiques existent à l’IEP, au niveau Master. Le cours « Les ONG et le système international » est ouvert, depuis 2013, aux étudiants en première année du master « Politiques et Pratiques des Organisations Internationales ». Deux autres cours débutent cette année : le cours « Élaboration de la décision scientifique »  (premier semestre, Master 1 & 2 « Sciences, Techniques et Démocratie ») et le cours « Les ONG islamiques » (premier semestre, Master 1 « Intégration et Mutations en Méditerranée et au Moyen-Orient »).

Stage doctoral « zététique & didactique de l’esprit critique« , depuis 2006, par Richard Monvoisin.

Le stage doctoral « Médias & pseudosciences » créé en 2008 et le stage doctoral Auto-défense mathématiques pour non mathématiciens seront portés par Guillemette Reviron.

Stage doctoral « Science sans conscience… », depuis 2014, porté par Guillaume Guidon et Clara Egger.

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Albin_Guillaud

Stage « La santé  du thésard« , créé en 2015, est animé par Nelly Darbois et Albin Guillaud.

Stage doctoral « Enseignements et dominations« , depuis 2015, porté par Clara Egger.

Ismaël Benslimane

Le « Cours pratique d’autodéfense intellectuelle » à l’Université inter-âge du Dauphiné a été créé en 2012. Il est repris en 2015 par Ismaël Benslimane et Clara Egger.

 

Chambéry

Tudy Guyonvarch propose un atelier Autodéfense intellectuelle à la Maison d’enfance du Biollay, un centre de loisirs associatif géré et financé par la mairie. 7 séances sont proposées pour des enfants de 7 à 10 ans les mardis soirs de février-mars sur le Temps d’Accueil Périscolaire.

La Rochelle – Poitiers – Tours

Stage doctoral « zététique & didactique de l’esprit critique« , depuis 2011, par Richard Monvoisin, pour doctorant-es de Tours, Poitiers, Angers, La Rochelle relevant des écoles doctorales CIMES et CPMEC.

Lyon

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Le cours de Denis Machon s’adresse aux étudiants de L2 et L3 de toutes les spécialités de l’université Lyon I. Il s’intègre dans les enseignements intitulés « Transversales : Sciences Humaines et Sociales ». Denis est secondé de Mailÿs Faraut.

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Mailys Faraut

Brest

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Delphine Toquet développe depuis plusieurs années un enseignement critique pour les étudiant-es de l’école d’ingénieurs de Brest. Le CORTECS est invité chaque année en janvier pour y réaliser des ateliers zététiques.

Saint-Ouen

Sophie Mazet faisait un atelier d’autodéfense intellectuelle dans son lycée Auguste Blanqui de Saint-Ouen. Hélas nous ne pouvons en dire plus, car cette dame n’a jamais souhaité fonctionner en réseau.

Paris

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Florian Gouthière

Le Master Journalisme, culture et communication scientifiques de l’Université Denis Diderot (Paris VII) intègre désormais, au premier semestre de son Master 2, un module « esprit critique », inclus dans ses TD de médiation scientifique. Ce module a été conçu par Florian Gouthière il y a trois ans, initialement pour la Licence (L3) préalable à ce master. Les cours font découvrir aux étudiants les principes de base de la zététique, plusieurs mise en situation les amenant à mettre en pratique la théorie.

Lille

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Mikaël Salson

L’informaticien Mikaël Salson a ouvert deux enseignements de zététique. Le premier existe depuis 2013, pour les master de la filière journalisme scientifique de l’école supérieure de journalisme ; le second est une option pour les licence 3ème année d’informatique.

Le psychologue Mikaël Mollet a développé une unité d’enseignement sur la méthodologie en psychologie, niveau licence 2 à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3.

Le cours de l’Université de Marne-la-Vallée n’existe plus, tout comme le cours de zététique de l’INSA de Lyon. Quant aux cours de l’école d’ingénieurs de Sceaux et de l’Université d’Artois, nous n’avons pas de nouvelles fraîches, idem pour l’école Polytechnique Supérieure de Dakar et l’Université de Belgrade.

Vous connaissez d’autres cours de ce genre ? Écrivez-nous.