L'illusion de l'unique invulnérabilité

Il existe un biais cognitif qui nous conduit à croire que nous sommes justement moins victimes de biais que les autres personnes. Ce biais se nomme en anglais bias blind spot, appelé régulièrement en français « illusion de l’unique invulnérabilité ». Il est une des variantes du biais du supériorité, qui conduit les individus à croire qu’ils ou elles ont de meilleures capacités que les autres.

 On peut par exemple très facilement croire ne pas être influençable par des liens d’intérêt financiers avec le monde industriel lorsqu’on est chercheuse ou chercheur, alors que le biais de financement montre que ces relations ont des conséquences sur les résultats des études. Illustration avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, lui demandant de réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et de participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande : « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ?« , la réponse du chercheur est sans hésitation : « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits.

Ce biais cognitif a été mis en évidence notamment chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.1 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

Le biais de supériorité se décline sous de nombreux autres variantes. Par exemple, il nous conduit à nous croire meilleure conductrice ou conducteur que les autres2, ou plus populaire que nos ami·es3.

Le biais de financement

On appelle biais de financement le fait qu’une étude financée par une industrie, ou dont les investigatrices ou investigateurs sont financé·es par une industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie concernée toutes choses égales par ailleurs.

On peut introduire ce biais avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel celui-ci a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis)4. Ce rapport critique les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ?« , le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue« .

L’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 5 recense toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

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Figure A

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

CorteX_Bes-rastrollo2
Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 6, pharmaceutiques 7, du tabac 8, des organismes génétiquement modifié 9, des télécommunications 10, des nanotechnologies 11 ou encore du nucléaire 12 sont impliquées.

Une des hypothèses explicatives possible du biais de financement est le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs ont bien plus tendance à soumettre,  et les revues scientifiques à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif. Cela soulève le problème de l’inféodation des recherches aux intérêts commerciaux des grands groupes d’éditeurs privés (voir à ce sujet ici et ).

Ressources sur les conflits d'intérêt à l'Université

Alors que certaines universités au Canada et aux États-Unis se sont dotées de politiques vis-à-vis de la prévention et de la gestion des conflits d’intérêt (CI) depuis les années 1990, rares sont les universités françaises à adopter de tels dispositifs 13. De plus, ce sont uniquement les chercheuses et chercheurs membres de quelques institutions sanitaires en France qui sont obligés de déclarer leurs liens d’intérêt lorsqu’ils s’expriment en public ou participent à des commissions. Pourtant, les mécanismes psychologiques en jeu dans les situations de CI existent en dehors du secteur sanitaire et les conséquences de ces situations peuvent être tout aussi graves en termes de confiance et d’intérêt collectif. C’est pour cela qu’il nous a semblé pertinent d’aborder ce sujet auprès des doctorant·e·s de l’Université Grenoble-Alpes lors du stage DFI De l’éthique à l’Université que nous animons depuis plusieurs années. Voici ci-dessous une partie de notre matériel.

Définition

De nombreux collectifs et institutions se sont penché.es sur la définition du conflit d’intérêt dans différents milieux : médical, paramédical, gouvernement, tribunaux, etc. Nous trouvons celle donnée par l’Université de Montréal pertinente pour le milieu universitaire 1 .

Un CI peut survenir quand des activités ou des situations placent un individu ou une organisation en présence d’intérêts (personnels, institutionnels ou autres) qui entrent en conflit avec les intérêts inhérents aux devoirs et responsabilités liés à son statut ou à sa fonction.

Ces conflits risquent d’altérer l’intégrité des décisions prises et ainsi de causer des torts et de compromettre la confiance du public à l’endroit de l’organisation et de ses membres.

Notons qu’il est plus facile de trouver des situations de CI là où la plupart des personnes d’un groupe sont d’accord pour dire qu’il s’agit bien d’une situation de CI, que de trouver une définition exhaustive et satisfaisante en toute situation.

Terminologie

Nous utilisons à la fois les termes de :

  • lien d’intérêt, lorsqu’une personne (physique ou morale) tire un avantage ou désavantage (principalement financier, mais aussi matériel, direct ou indirect) dans sa relation avec un objet ou une personne (physique ou morale) ;
  • conflit d’intérêt, lorsqu’une personne entretient au moins deux liens d’intérêts (dont au moins un financier ou matériel) qui entrent en contradiction.

Exemples

On peut piocher :

  • dans son expérience personnelle d’enseignement ou de recherche ;
  • dans des situations théoriques classiques de CI proposées par exemple par l’Université de Montréal ici ou l’Université de Sherbrooke ici ;
  • dans des expériences vécues par les personnes constituant le public ;
  • dans les cas médiatisés plus ou moins récents, comme l’affaire des logos nutritionnels en 2016-2017 2.

Déconstruire quelques idées reçues

« Les CI, c’est en médecine et en politique. »

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Cinq premiers résultats dans Google Image lors d’une recherche « conflits d’intérêt »

Nous faisons l’hypothèse que viennent plus facilement à l’esprit les situations de CI dans les champs politique et médical, car des cas de ce type ont souvent fait la une des médias : affaires du sang contaminé, du Médiator®, Woerth-Bettencourt, François Fillon, etc. À titre d’illustration, nous montrons les cinq premiers résultats d’une recherche menée en décembre 2016 sur Google Image à parti des mots-clés « conflits d’intérêt » (voir ci-contre), où quatre des cinq illustrations mettent en scène des actrices et acteurs du champs sanitaire (professionnel·le·s de santé, laboratoires pharmaceutiques, ou membres de commissions décisionnelles en santé).

Or, de nombreuses situations de CI impliquent des individus d’autres professions , provenant d’autres champs disciplinaires, comme nous le développerons dans la suite de l’article. Rares sont les secteurs de recherche à ne pas recevoir de financements d’entreprises à but lucratif, ou d’instituts publics ayant intérêt à ce que les résultats des études aillent dans un sens plutôt que dans un autre.

« Moi, j’ai trop d’éthique pour avoir des conflits d’intérêt. »

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits. C’est l’illusion de l’unique invulnérabilité, un biais cognitif que l’on peut illustrer avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ? », la réponse du chercheur est sans hésitation « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

Ce biais cognitif a été mis en évidence tout d’abord chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.3 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

« Ce n’est pas parce que je suis payée par l’industrie que les résultats de mes recherches sont influencés. »

Cette idée reçue permet d’introduire le biais de financement : une étude financée par l’industrie, ou dont les investigatrices et investigateurs sont financés par l’industrie, a plus de chance d’avoir des résultats favorables à l’industrie toutes choses égales par ailleurs. On peut introduire cette problématique avec cet extrait de Cash investigation « Industrie agroalimentaire : business contre santé » de septembre 2016.

La journaliste interroge un chercheur ayant écrit un rapport pour lequel il a été rémunéré par l’American Meat Institute (association qui représentait les industries de la viande et des volailles aux États-Unis) critiquant les travaux sur les effets délétères pour la santé de la consommation de viande d’une scientifique, S. Preston-Martin. À la question « Vous ne pensez pas que votre point de vue serait plus fort si je n’avais pas découvert que aviez été payé ? », le chercheur répond « Non, je ne pense pas que ça changerait mon point de vue ».

CorteX_Bes-rastrollo1
Figure B

On pourra alors citer par exemple l’étude de 2013 Bes-Rastrollo et al. 4, dans laquelle les chercheurs et chercheuses ont référencé toutes les études portant sur le lien entre consommation de boissons sucrées et prise de poids et obésité. Les chercheuses et chercheurs les ont classées en deux catégories : celles dont les résultats montraient un lien entre ces deux variables, et celles dont les résultats ne montraient pas de lien. On peut schématiser ainsi ces résultats (figure A).

Un autre chercheur de manière indépendante a ensuite classé les études en fonction des déclarations de liens d’intérêt des chercheuses et chercheurs avec les industries fabricants des boissons sucrées. Si on prend en compte cette variable là, les résultats sont les suivants (figure B).

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Figure B

On s’aperçoit alors que la plupart des études montrant un lien entre consommation de produits sucrés et prise de poids n’ont pas déclaré de liens d’intérêt alors que la plupart des études ne montrant pas de lien entre ces deux variables déclarent des liens d’intérêts avec des industries.

Ces résultats convergent avec d’autres au sujet desquels les industries agro-alimentaires 5, pharmaceutiques 6, du tabac 7, des organismes génétiquement modifié 8, des télécommunications 9, des nanotechnologies 10 ou encore du nucléaire 11 sont impliquées.

Arrivé à ce stade, il est possible d’introduire comme hypothèse explicative potentielle du biais de financement, le biais de publication, le fait que les chercheuses et chercheurs et les revues scientifiques ont bien plus tendance à publier des expériences ayant obtenu un résultat positif que des expériences ayant obtenu un résultat négatif.

« Moi qui ne reçois que des petits avantages, je ne suis pas ou peu sous influence. »

Le principe de réciprocité ou de contre-don a été mis en évidence expérimentalement dans les années 1970 : il s’agit d’une tendance de l’être humain à s’efforcer de rendre les avantages perçus d’autrui, même si ces avantages sont de tous petits gestes. Le simple fait, par exemple, qu’une serveuse ou un serveur donne un bonbon au moment de l’addition conduira les individus à donner en moyenne un pourboire plus élevé ; et s’il en donne un de plus à une personne qu’à ses collègues, et en douce, le pourboire sera encore plus important 12. Au quotidien, ce principe se traduit souvent par un sentiment d’obligation à rendre un service, une invitation ou un cadeau en retour.

Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales
Le principe de réciprocité est utilisé à des fins commerciales

L’acceptation par des médecins d’échantillons gratuits provenant de laboratoires pharmaceutiques peut les conduire à prescrire plus souvent ces médicaments même s’ils sont non recommandés dans la situation de soin en question ; ce qui n’est pas le cas si on interdit la distribution d’échantillons 13.

De petits cadeaux ou des petites sommes d’argent peuvent engendrer le principe de réciprocité ; une chercheuse ou un chercheur comme tout être humain en fait les frais.

Les conflits d’intérêt, est-ce moralement condamnable ?

En adoptant une démarche conséquentialiste 14 nous interrogeons les conséquences potentielles et avérées engendrées par des situations de CI. Nous évoquons :

  • les conséquences sanitaires : décès ou altération de la qualité de vie à cause de retard d’interdiction de mise sur le marché pour certains médicaments et certaines indications (affaires du Médiator®, de la Dépakine® etc.), de retard de mise en place de politiques de santé publique efficaces (cas notamment du tabac) etc. ;
  • les conséquences sur l’objectivité des recherches et la qualité des connaissances produites (voir le biais de financement) ;
  • la perte de confiance du « grand public » vis-à-vis des institutions, de la communauté scientifique, des professionnel·le·s de santé (cas entre autres des organismes génétiquement modifiés, des vaccins (affaire Wakefield) ;
  • les choix en non connaissance de cause qui sont réalisés par les patientes et patients, les consommatrices et consommateurs, les électrices et les électeurs ;
  • les accusations et attaques infondées de conflits d’intérêt pouvant décrédibiliser à tort des travaux (nous en avons d’ailleurs fait les frais, lire ici).

Imaginer des solutions

Quelles solutions mettre en place pour prévenir ou gérer les liens d’intérêt financiers à l’échelle individuelle, d’un laboratoire de recherche, d’une université, d’une revue scientifique, ou encore d’un état ? Cette question peut faire l’objet d’une réflexion collective.

Nous citons à titre d’exemple :

  • la politique de l’Université de Montréal qui oblige chaque étudiant·e à partir du deuxième cycle et chaque travailleuse ou travailleur à déclarer chaque année ses liens d’intérêts financiers et familiaux (le document à remplir est téléchargeable ici). Ces déclarations ne sont pas rendues publiques mais sont destinées à des cadres de l’Université chargés d’évaluer les risques de CI et de prendre des mesures en conséquence (interdire un partenariat, une présidence de jury, suspendre une fonction, etc.). On pourrait imaginer que ces déclarations soient rendues publiques, à l’image de ce qui est fait pour les professionnel·le·s de santé ;
  • le Ministère français des affaires sociales et de la santé rend accessible l’ensemble des informations déclarées par les entreprises sur les liens d’intérêts qu’elles entretiennent avec les acteurs du secteur de la santé. En pratique, chaque personne peut se rendre sur la Base transparence santé, inscrire le nom d’un ou une professionnel·l·e de santé, et connaître les liens financiers qu’il ou elle entretient avec différentes entreprises. On pourrait imaginer une base similaire pour les chercheuses et chercheurs de la fonction publique, ce qui permettrait plus de transparence pour le grand public. Cependant, ce n’est évidemment pas une solution suffisante pour combattre les conséquences négatives des situations de conflits d’intérêt. Il y a certes plus de transparence, mais l’État tolère ainsi en connaissance de cause des situations où des professionnel·le·s de santé touchent des sommes d’argent très importantes des industries pharmaco-industrielles, et l’efficacité de ces mesures en terme de santé publique est encore peu étudié ;
  • l’existence des sites tels que Prospero et ClinicalTrials.gov qui permettent d’enregistrer des revues de littérature et essais cliniques avant que leurs résultats soient connus. Une généralisation de ces initiatives permettrait de limiter le biais de publication ;
  • les travaux des associations Formindep et Mieux prescrire qui militent toutes deux pour limiter les situations de CI en santé.

Se documenter

Bibliographie

CorteX_interets_lessigLawrence Lessig est, entre autres fonctions, professeur de droit aux États-Unis. Il aborde dans Republic, lost le sujet des conflits d’intérêt principalement dans le système politique états-unien, mais les cent premières pages environ abordent également des situations de CI en recherche.

Le livre est gratuitement téléchargeable en .pdf ou .epub sur le site de l’auteur (ce qui est tout à son honneur), hélas uniquement en langue anglo-américaine : http://republic.lessig.org/.

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Martin Hirsch est un haut fonctionnaire français qui évoque dans Pour en finir avec les conflits d’intérêts certaines situations en France ayant fait la une des médias et impliquant différents fonctionnaires entretenant des liens d’intérêts d’intérêts avec des entreprises privées. Il explicite en quoi le système législatif français permet de faire perdurer ce type de situation et propose des solutions pour les prévenir.

Ce livre est disponible dans la bibliothèque grenobloise du CorteX à la Bibliothèque universitaire de sciences.

CorteX_bad_pharma_goldacreBen Goldacre est un psychiatre britannique. Il développe dans Bad Pharma la problématique des CI dans le milieu de la recherche et de la pratique biomédicale et propose des solutions à différents niveaux pour prévenir et limiter les conséquences négatives de ces situations. Ben Goldacre a participé au projet COMPare, qui démontre que dans les cinq plus grandes revues médicales, des résultats d’études prévus pour être reportés a priori ne le sont pas, alors que d’autres non prévus sont finalement reportés, dans des proportions très importantes.

Filmographie

L’Université de Montréal propose cette conférence d’une heure quinze expliquant pourquoi une politique de prévention et gestion des CI est mise en place et comment elle s’organise.

Webographie

CorteX_logo_formindepCorteX_interets_montrealTexte

Comment je suis devenu militant, texte de 1971 d’Alexandre Grothendieck, chercheur français en mathématique (merci à Richard Monvoisin pour la trouvaille.)

Région PACA : cycle de conférences Science Culture en lycées

Depuis 2012, le Cortecs, en collaboration avec l’association ASTS-PACA, gère et organise des conférences à destination des lycées de la région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le cadre du dispositif Science Culture, ces conférences sont proposées aux établissements qui en font la demande. Deux interventions, au choix parmi les sujets ci-dessous, entièrement financées, sont préparées en concertation avec les enseignants et personnels de direction des lycées retenus. Cette page est notamment à destination des collègues souhaitant trouver des informations concernant chaque thématique : description, public visé, ressources. Denis Caroti et Cyrille Baudouin répondent à vos questions si besoin (contacts : carotiatcortecs.org et baudouinatcortecs.org)

Manipulation et influence : du quotidien aux dérives sectaires

Présentation

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L’objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la publicité, les relations au travail ou dans nos interactions quotidiennes personnelles. Pourquoi et comment sommes-nous amenés à faire des choses contre notre gré ? Comment éviter de tomber dans les pièges abscons, effet de gel ou autres tentatives de manipulation ? Comment pouvons-nous comprendre les comportements d’engagement de type sectaire ? Nous aborderons quelques outils d’autodéfense intellectuelle utiles pour maintenir notre vigilance critique dans ce domaine.

Public concerné

De la seconde à la terminale, toutes sections, que ce soit en voie professionnelle ou générale et technologique. La pertinence étant maximale avec les élèves sensibilisés à la philosophie.

Préparation

– On peut commencer par questionner les élèves sur le sens des mots mais également : comment peut-on accepter de faire certaines choses qui semblent, de l’extérieur, totalement irrationnelles et incompréhensibles ? Est-on réellement libre de faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas des contraintes sociales, culturelles ou génétiques qui pèsent sur nos choix et influences nos décisions ? Proposer aux élèves de définir les termes manipulation, influence, dérive sectaire.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Un article sur l’utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

– Une vidéo de Lazarus sur la manipulation des images

Sciences, esprit critique et autodéfense intellectuelle

Présentation

boite outils

Les connaissances scientifiques garantissent-elles un esprit critique affûté ? En l’absence d’enseignements spécifiques, pas si sûr… L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples. Cet apprentissage prend son sens non seulement en classe, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause…

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes. 

Préparation

– On peut proposer aux élèves de définir, en quelques minutes, et par groupe, les mots suivants : « paranormal », « surnaturel », croyance, « esprit critique » et « science ». Inviter également les élèves à débattre de l’intérêt de développer ou pas l’esprit critique, comment y parvenir ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur le rasoir d’Occam

Sur les illusions et paréidolies

Sur l’effet puits

Sur la notion de croyance

Science et astrologie : l’astrologie raconte-t-elle des histoires ?

Présentation

Latitude_ecliptique_pluton

L’astrologie est omniprésente dans notre quotidien : radio, télé, magazines, internet, difficile de passer une journée sans entendre parler de son horoscope. Faut-il s’en soucier ? La question devient intéressante et commence à nous interpeler lorsque l’on sait que des entreprises louent les services d’astrologues pour leurs recrutements, qu’une astrologue prétend soigner grâce à un thème astral, ou bien encore qu’un député affirme publiquement consulter le signe de ses collaborateurs. Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur la validité et l’efficacité de cette pratique. Quelles différences entre astronomie et astrologie ? Entre science et astrologie ? Dans cette conférence, nous présenterons quelques bases pour mieux comprendre la démarche scientifique et en tirer les outils nécessaires à une critique argumentée et sans détour des revendications scientifiques de l’astrologie.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut proposer aux élèves, par groupe de 4 ou 5, de proposer une définition des termes « astronomie », « astrologie », « science », « pseudosciences ». On peut aussi lancer le débat sur la présence importante des horoscopes dans les médias. Comment expliquer un tel succès ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur l’effet Barnum/Forer

Sur la critique et l’histoire de l’astrologie

Physique et pseudosciences : quelques outils pour s’y retrouver

Présentation

CorteX_uri_geller

Si en sciences, et notamment en physique, il est possible de donner sous certaines conditions un sens précis aux mots énergie, ondes, dualité, attraction, etc., l’utilisation et même la « réalité » de ces concepts n’ont de sens que sous les conditions et les limites strictes dans lesquelles elles ont été définies. Pourtant, ces termes sont réutilisés et réinterprétés (ce qui n’est pas un mal en soi) dans de nombreuses pratiques ou thérapies : non pour enrichir les savoirs, la connaissance et l’interdisciplinarité (processus normal de l’activité intellectuelle) mais bien plus pour donner un vernis scientifique et tromper l’esprit au son du mésusage de la langue, du dévoiement des concepts et faire obtenir l’adhésion à une kyrielle de pratiques dont les fondements et les preuves sont loin d’être assurés. Comment trier alors dans ce flot d’informations et d’affirmations sans être spécialiste ? On donnera quelques outils et pistes de réflexion pour faire ses choix en connaissance de cause.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Des « pouvoirs » du corps expliqués par des effets physiques

Sur l’utilisation du mot « énergie »

Sur l’effet impact

Sur l’effet paillasson

Utilisation et distorsion des chiffres : méfiance !

Présentation

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Chiffres de la délinquance, du chômage, de la fraude aux allocations, de l’immigration, des dépenses publiques, de la croissance, du moral des ménages, du CAC 40, de la consommation : pas un seul journal télévisé, pas un seul quotidien qui n’étale multitude de chiffres et de graphiques. Pas un seul politicien, quelles que soient ses idées, qui n’ait pas recours à une avalanche de pourcentages. Comment se prémunir de ce matraquage de données chiffrées ? Comment lutter contre la « mathophobie » qui nous rend si vulnérables ? Nous essaierons de répondre à toutes ces questions et celles que vous ne manquerez pas de poser !

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut commencer par lancer un débat sur l’utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Revenir aussi sur l’utilisation des chiffres et statistiques dans les médias en questionnement les élèves sur des exemples qui leur sont familiers (JT, documentaires, publicité)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Vidéos : comment tromper avec des graphiques et effet cigogne

Le football et les mathématiques

Loi binomiale et échantillonnage

Sur la « prédiction » des crimes et l’outil statistique

La « Nature » : un pilier des argumentaires pseudoscientifiques

Présentation

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Bien que le sens du mot naturel puisse paraître évident, quand on prend un stylo et qu’on essaie d’en donner une définition, on en arrive assez rapidement à se tordre les neurones. Sur quelles idées reposent les différentes définitions de la Nature que l’on rencontre régulièrement dans les médias grand public ou les publicités ? Quelles sont les représentations qu’elles créent dans nos esprits ? Nous verrons que, loin d’être anodines, ces idées peuvent induire non seulement certaines adhésions pseudo-scientifiques, mais surtout des catégorisations sociales dites essentialistes, où l’on postule la nature d’un individu pour le classer selon des critères racialistes ou sexistes.
Des thérapies naturelles au retour vers la nature, de la nature de l’espèce humaine à l’essence de la féminité, nous verrons ainsi en quoi les concepts naturels sont des vecteurs de certaines idéologies et systèmes de domination qu’on penserait disparus.

Public concerné

Elèves de première ou terminale uniquement

Préparation

– On peut demander aux élèves, en petits groupes de 3-4, de s’entendre sur une définition commune du mot « nature ». Ensuite, proposer aux élèves de trouver des exemples où l’on utilise ce mot dans la publicité (« c’est naturel ») ou dans des expressions communes en insistant sur l’aspect moral du jugement qui en découle (c’est bien ou mal d’être naturel ou pas)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article développant le contenu de la conférence

Science et médecines alternatives : faire ses choix en connaissance de cause

Présentation

CorteX_homeopathie

Les médecines non conventionnelles rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès du public. Rejet de la médecine « officielle » et « scientifique » ? Peur d’anciens et nouveaux scandales sanitaires ? Attirance pour des thérapies « naturelles », « alternatives » ou « douces » ? Les raisons sont multiples. Mais ce succès est-il pour autant le signe d’une efficacité spécifique réelle ? Les enjeux sont grands et nous concernent tous et toutes car à la santé se greffent bien souvent des questions financières et de choix technopolitiques (pharmaceutiques et/ou thérapeutiques). Les dérives régulièrement recensées, comme les diverses aliénations mentales, nous poussent à nous interroger sur ces pratiques de plus en plus à la mode. La démarche scientifique peut-elle nous aider à répondre à ces questions ? Quels outils critiques peut-on utiliser pour faire des choix en connaissance de cause ?

Public concerné

Élèves de terminale de préférence

Préparation

– On peut demander aux élèves de se réunir par groupes de 3-4 pour définir ensemble les mots « médecine », « science », et, selon le niveau, « placebo ». Puis lancer le débat sur la différence entre science et médecine, sur la notion de placebo et sur les critères qui nous font adhérer à une thérapie donnée. L’idée étant de différencier les types de registres : scientifique, moral, politique, économique.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur les médecines « alternatives »

Science et créationnismes : un état des lieux

Présentation

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De nombreux enjeux politiques, économiques, technologiques et sociétaux, auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines ne peuvent être appréhendés sans connaissance scientifique : changement climatique, OGM, genres, transhumanisme, nouvelles énergies, etc. Dans la mesure où chaque citoyen ne peut être expert dans tous les domaines, sa capacité à distinguer un discours scientifique d’autres types de discours (idéologiques, religieux) est indispensable pour une démocratie. Or, depuis environ 20 ans, des courants d’inspiration religieuse tentent d’infiltrer les systèmes éducatifs de nombreux pays européens pour promouvoir une vision religieuse du monde en instrumentalisant la science : il s’agit de mouvements créationnistes. Cette intrusion spiritualiste pose le problème de la démarcation entre science et croyances. Comment faire la distinction entre ces différents discours ? En quoi l’instrumentalisation du discours scientifique est-elle un enjeu politique ? Les questions soulevées par ces thématiques sont au cœur des pratiques scientifique, citoyenne et politique actuelles.

Public concerné

Terminales de préférence, premières selon le contexte.

Préparation

– Demander aux élèves de définir, par petits groupes de 3-4, les mots « religion », « science », « croyance » et « créationnisme ». Lancer le débat en questionnant les élèves sur les liens entre science et religion, entre scientifiques et croyances.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une conférence filmée de Julien Peccoud

Une autre conférence filmée de Julien Peccoud

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Présentation

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Théorie fascinante, toujours en élaboration, la physique quantique est devenue un véritable marronnier de la vulgarisation des sciences, à grands coups de mises en scène nimbées de mystère. Cela serait sans réelle conséquence s’il n’était tout un marché naissant, poussant telle une mousse sur le travail d’Einstein, Heisenberg et leurs continuateurs : techniques de bien-être quantique, thérapies et médecines quantiques soignant les cancers, quand il ne s’agit pas de justifier n’importe quel scénario surnaturel au moyen d’une mécanique quantique revisitée qui n’a plus grand chose à voir avec l’originale. Le quantique a bon dos. Or, comprendre cette physique nécessite un temps d’apprentissage que le public n’a probablement pas. On présentera donc un guide de première nécessité, un modeste guide de survie épistémologique pour tenter d’éventer les baudruches que certains affairistes «quantiques» n’hésitent pas à agiter comme des lanternes. Une mélopée rationnelle parmi les cantiques quantiques. Une mince chandelle dans la physique de l’infiniment petit.

Public concerné

Uniquement terminales ou premières scientifiques

Préparation

– On peut demander aux élèves de définir, en petits groupes de 4-5, le terme « quantique » et de différencier sa définition et sa connotation. Lancer le débat sur la présence de ce terme dans les médias avec des exemples de couverture de Science et Vie par exemple.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur une couverture de Science et Vie

Un article reprenant la conférence

Sur les implications philosophiques

Zététique : esprit critique es-tu là ?

Présentation

Pyrrhondelis

Le terme zététique (du grec zétèin signifiant chercher) remonte à quelque deux mille trois cents ans. Désignant une attitude de refus envers toute affirmation de type dogmatique, Pyrrhon d’Élis fut le premier des zététiciens : remise en question permanente et doute radical étaient ses marques de fabrique. La zététique aujourd’hui, c’est la méthode scientifique d’investigation des phénomènes « surnaturels », étranges, des théories bizarres : balayant un spectre allant des monstres mystérieux en passant par les poltergeists, les ovnis, ou même la radiesthésie, la télékinésie, la télépathie, jusqu’aux thérapies non conventionnelles, le cœur de la zététique réside dans une méthode d’analyse commune à tous ces phénomènes et appropriable par tout un chacun : la démarche scientifique. Pour mettre en pratique cette démarche, des protocoles expérimentaux sont élaborés pour tester concrètement les affirmations contenues dans ces phénomènes.
La base de la zététique est donc le doute, mais un doute fertile, permettant d’examiner et d’aller vérifier les affirmations produites, les faits soi-disant avérés, de trier parmi les hypothèses pour, in fine, faire ses choix en connaissance de cause. Plus qu’une simple démarche, c’est une pédagogie à l’esprit critique : savoir discerner le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux, savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question par la prise de conscience de la part d’affectivité et de l’influence de préjugés ou de stéréotypes sur nos croyances et nos adhésions.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une page entièrement dédiée à la zététique

La chaîne youtube « La tronche en biais »

Enquêtes Z au collège Le Bastion

Depuis la rentrée 2014, Marion Margerit, professeure de mathématiques, et Marie-Hélène Hilaire, professeure documentaliste, ont lancé le club Enquêtes Z au sein du collège Le Bastion, à Carcassonne. Une quinzaine d’élèves, essentiellement de 6ème et 5ème, apprennent à douter, expérimentent, formulent des hypothèses et s’approprient les outils zététiques. Et leur mission ne s’arrête pas là : les enseignantes tenaient également à faire réaliser à ces zététiciens et zététiciennes en herbe le montage des vidéos qui résument le travail de chaque séance. Voici en détail la description de leurs séances avec, en prime pour les enseignants qui voudraient se lancer, un retour en images des séquences pédagogiques. Un immense merci à elles pour le temps passé à nous faire partager ce retour d’expérience.

L’idée de créer cet atelier est venue suite à la formation que nous avons suivie Médias, pseudosciences et esprit critique proposée dans le Plan Académique de Formation par Guillemette Reviron et Denis Caroti. Il a pour objectif principal de faire découvrir aux élèves la zététique dont la définition est prise au sens large comme « l’art du doute », l’élaboration d’un esprit critique. Nous, les enseignantes, avons apporté les sujets d’étude et encadré les débats et les expériences, mais toute la démarche d’investigation, de l’analyse aux conclusions en passant par l’expérimentation ainsi que la réalisation d’un montage vidéo de l’étude ont été réalisés par les élèves. Nous souhaitons qu’ils s’emparent des outils mis à leur disposition afin d’élaborer des protocoles d’analyse efficaces et rigoureux. Nous pensons que cette façon de faire leur permettra d’acquérir de l’autonomie et des mécanismes qu’ils pourront mettre beaucoup plus facilement en application par la suite dans leur vie de tous les jours.

La fabrication d’un diaporama nous a paru être un bon moyen pour remettre en ordre les idées qui sont lancées rapidement lors de l’analyse, et de les résumer pour ne garder que l’essentiel et permettre la généralisation.

Cet atelier fait intervenir un grand nombre de disciplines : la documentation avec les médias, le français avec l’analyse des mots et leur sens, l’histoire, la géographie et bien sûr l’ensemble des sciences – les mathématiques, la physique, la chimie, la SVT et l’informatique.

Les séances ont lieu de novembre à juin à raison d’une heure par semaine pendant la pause déjeuner, afin qu’un maximum d’élèves puissent y assister. Il a été financé l’année 2014-2015 par des heures prises sur l’accompagnement éducatif, supprimées pour la rentrée 2015 – 2016. Les élèves présents à l’atelier sont des élèves volontaires : ils se sont inscrits au club en début d’année après être venus à une séance « découverte ». La première saison, ils étaient 12 au départ et 4 se sont inscrits en cours de route grâce au bouche à oreille.

Nous n’avons pas mesuré l’effet de nos enseignements, mais nous pouvons dire tout-à-fait subjectivement que les élèves se sont (pour la plupart) investis avec enthousiasme dans les enquêtes proposées. Nous avons senti au fur et à mesure de l’année qu’ils prenaient de plus en plus de recul face aux médias et aux informations notamment vues à la télévision ou sur internet et nous en ont parlé de manière spontanée au cours de nos séances. Voici le détail de nos séquences.

Saison 1

Séance de découverte

Cette séance consistait à présenter le club Enquêtes Z aux élèves.

Temps : Environ 45 min
Télécharger le diaporama ici.

Séances 1 et 2 – Nos yeux nous trompent ! Nos oreilles nous trompent !

Séances d’initiation à la zététique et à la démarche scientifique qui a pour but de « casser » les idées reçues sur la fiabilité de nos sens.

Temps : 2h pour les illusions d’optiques, 2h pour les illusions auditives

Description

  • Etape 1 – Introduction et présentation d’illusions d’optiques et auditives

Comme certains élèves n’avaient pas assisté à la séance découverte, nous avons débuté cette séance par une présentation « rapide » des objectifs du club et de la zététique.

  • Etape 2 – Présentations d’illusions d’optiques et auditives

Pour remettre en question la valeur d’un ressenti, de l’expérience personnelle et du témoignage, nous nous sommes appuyées sur les ressources pédagogiques présentées ici (voir notre diaporama)

  • Etape 3 – Réalisation par les élèves d’illusions d’optique et auditives

Nous avons ensuite proposé aux élèves de construire des illusions d’optique mais par manque de temps, ils n’ont pas pu réalisé d’illusion auditive.

Matériel utilisé

– Appareils photos / vidéos
– Ordinateurs + logiciels : bureautique (libre office), retouche photos (paint.net) et vidéo (movie maker)
– Papier et crayons pour deux élèves

Bilan

Il est difficile de canaliser certains élèves qui fourmillent d’idées immédiatement et démarrent trois projets en même temps tandis que d’autres ne savent pas comment commencer. Nous avons choisi de proposer à ces derniers des projets moins ambitieux, comme refaire une illusion géométrique vue sur un site internet à l’aide d’un ordinateur.

Nous avons aussi été confrontées à un autre problème non prévu : les élèves n’étaient absolument pas formés en bureautique. Nous avons perdu beaucoup de temps à leur montrer comment créer, modifier et enregistrer leur travail.

Voici quelques-une de leurs réalisations.

Paréidolies

Illusions géométriques

La longueur des flèches est-elle la même ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_2
Les deux formes blanches sont-elles identiques ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_3
Y a t-il des formes blanches identiques ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_4
Les deux petits rectangles ont-ils les mêmes dimensions ?

Montage vidéo – Je vole ou pas ?

Séance 3 – Hypnose et catalepsie

Première mise en place d’une véritable démarche scientifique d’investigation : observation, hypothèses, expériences, conclusions. Support : la vidéo d’un spectacle d’un prestidigitateur se présentant comme hypnotiseur.

Temps : 4h

Description

Nous avons suivi le plan de séance présenté par Denis Caroti lors du deuxième atelier en 5ème et 3ème : l’alternative est féconde.

Illustration 1: tableau sur lequel nous notions les hypothèses proposées

Etape 1 : Présentation de la vidéo aux élèves

Etape 2 : Discussion autour de cette vidéo en vue d’élaborer des hypothèses pouvant expliquer le phénomène

Etape 3 : Expérimentation et conclusion

Étape 4 : Réalisation d’un diaporama

Voici le résumé en vidéo

test avec légende

Bilan

L’expérimentation est très délicate et nécessite du matériel adapté : deux chaises stables ou tréteaux. La position de la personne faisant le test est primordiale : ce sont les épaules et mollets qui doivent reposer sur les tréteaux. Cette partie a été problématique et nous avons dû nous y reprendre plusieurs fois avant de réussir.

Comme c’était la première séance où nous réalisions un diaporama nous avons guidé les élèves pas à pas. Pour commencer, nous leur avons fait réaliser une trame du diaporama : introduction – explication de la vidéo spectacle (hypnose, catalepsie – définition et situation) – liste des hypothèses – explication des tests et de ce qu’ils permettent de montrer – relecture des hypothèses et conclusion (vraisemblable, non vraisemblable, non « testable »). Puis, nous les avons formés à l’usage du logiciel. Chacun (seul ou en groupe) devait s’occuper de l’une des trois tâches suivantes : montage vidéo, réalisation du texte « commentaires » et enregistrement de ce texte via un magnétophone.

Cette étape ne s’est pas déroulée comme nous l’avions envisagée : certains élèves ont réalisé parallèlement les mêmes actions, nous avons donc perdu du temps et, plus problématique, il nous a fallu choisir entre les différentes versions.

Par la suite, nous avons adapté légèrement cette étape. Le diaporama final a été finalisé par nos soins par manque de temps.

Séance 4 – La rumeur

La séance 4 a pour objectif de montrer aux élèves qu’une information qui circule s’appauvrit, se transforme et se trouve facilement faussée ou vidée de son message initial principal. Il est donc nécessaire d’aller à la source de l’information.

Durée : 3h, deux séances d’expérimentation, une d’analyse

Effectifs – Pour l’occasion, nous avions demandé au club de sciences de participer à l’expérience (une dizaine d’élèves). Nos élèves étaient, eux, spectateurs. Nous avons ensuite réalisé une deuxième expérience avec nos élèves acteurs.

Description de la séance

enquetes-z_4_rumeur_homme-invisible

Matériel à prévoir : une photo, une vidéo ou tout autre support qui pourrait être « raconté ». Il faut que le support ait suffisamment de détails. Nous avons choisi pour la première expérience une photo de Liu Bolin, l’homme Invisible « Hiding in the City »

  • Étape 1 – Préparation avant l’expérience

Avant que le club de sciences n’arrive, nous avons présenté l’expérience à nos élèves et analysé la photo.

  • Étape 2 – L’expérience

Nous accueillons le club de sciences dans une salle attenante à la salle d’expérimentation et nous leur demandons de décider d’un ordre de passage.
Le premier élève est invité à entrer dans la salle de l’expérience. Nos élèves lui montrent la photo et lui expliquent qu’il sera le seul à la voir, qu’il doit retenir le maximum d’informations sur cette photo pour pouvoir l’expliquer aux autres qui suivront. Une fois que c’est fait, nous faisons rentrer le deuxième élève du club sciences. Le premier essaie de lui donner un maximum d’informations sur le support que nous lui avons présenté puis va s’asseoir dans le public. Nous demandons au deuxième élève de sortir 5 minutes et surtout de bien retenir toutes les informations données.
Nous faisons une petite analyse de ce qui a été transmis en remplissant à chaque étape un document afin de garder une trace pour l’analyse future.
Nous reproduisons ce processus jusqu’à ce que le dernier élève du club de sciences soit passé.

  • Étape 3 – L’analyse

La deuxième séance est consacrée à l’analyse – nous aurions préféré pouvoir la faire dans la foulée, mais nous n’en avons pas eu le temps. Nous reprenons le tableau complété durant l’expérimentation et demandons aux élèves ce qu’ils ont remarqué. Tout est noté au tableau « en vrac ». Petit à petit, des idées se dégagent :
– de l’information a été perdue durant les communications ; c’est ce à quoi l’on pouvait s’attendre le plus ;
– de l’information a été transformée : un mot est changé par un autre, ce qui a été parfois très comique ;
– de l’information a été rajoutée. C’est peut-être ce qui est le plus impressionnant. Les élèves n’arrivant plus à se rappeler des informations données par la personne précédente, brodent et inventent des détails (peut-être non consciemment).

  • Étape 4 – Conclusion

Nous terminons cette séance par une discussion sur les conséquences de ces mécanismes dans la vie quotidienne : l’information est très facilement biaisée, modifiée, transformée. Tout le monde, même involontairement, est susceptible de corrompre une information. C’est pourquoi il est important de se méfier des « renseignements » que l’on nous donne, y compris si ce sont des gens à qui l’on fait totalement confiance. Il faut toujours chercher à se rapprocher au maximum de la source de l’information.

Bilan

Une dizaine d’élèves suffit pour réaliser l’expérience. En effet, au bout d’un moment, il y a tellement d’informations perdues qu’il ne reste que trois ou quatre mots à transmettre – ce ne sont même plus des phrases. Ces mots sont alors transmis en boucle sans modification jusqu’au dernier élève.

Nous avons réalisé une deuxième expérience à la demande de nos élèves. Ils étaient persuadés que, eux, ayant vu l’expérience précédente, ne se feraient pas « avoir », qu’ils réussiraient bien mieux. Voici le résumé en images :

Ce qui est remarquable c’est que les mêmes mécanismes observés lors de la première expérience se sont reproduits à la deuxième malgré l’analyse qui en avait été faite. Cela a conforté la conclusion que les élèves avaient émis en première analyse.

Pour voir une autre illustration de ces mécanismes, voir l’atelier de Tudy Guyonvarch avec des écoliers ici.

Séance 5 – L’horoscope

Séance faisant intervenir une personne extérieure pour faire découvrir aux élèves l’effet Barnum1.

Durée : 2h. Une séance d’expérimentation et d’analyse + Une séance pour réaliser le diaporama + 1/4h de pré-expérimentation à effectuer la séance précédente

Effectifs : Les élèves du club Enquêtes Z + une intervenante extérieure

Description de la séance

Tout d’abord, nous avons utilisé un document du laboratoire de zététique (2006) détaillant la mise en place de cette séance qu’on nous avait présenté lors de la formation Médias, pseudosciences et esprit critique .

  • Étape 1 : Préparation de l’expérience avec les élèves

A la fin de la séance précédente, nous donnons aux élèves une feuille et leur demandons d’y noter leurs nom, prénom, date de naissance, adresse, signe astrologique ainsi que les mêmes informations sur leurs parents. Nous leur demandons aussi de rajouter ce qu’ils souhaitent (dessin, mot, autre information) et qui leur paraît important. Certains ont rajouté leur couleur préférée, d’autres ont fait un dessin…

Nous leur expliquons qu’une astrologue sera présente la séance suivante et qu’elle leur aura préparé un horoscope personnalisé à partir de ces informations. Bien que nous soyons dans un club d’esprit critique, ils ont tous eu l’air de prendre l’expérience au sérieux et ont rempli la feuille avec application. Certains ont tout de même demandé si c’était une vraie astrologue. Nous leur avons donc demandé ce qu’était pour eux une « vraie » astrologue, question à laquelle ils ont eu du mal à apporter une réponse claire. Nous avons laissé la question en suspend.

  • Étape 2 : Préparation de l’expérience

Nous avons demandé à la documentaliste d’un autre collège de Carcassonne de venir jouer le rôle de notre astrologue. Elle a joué le jeu en se « déguisant » (foulard dans les cheveux, lunettes, collier de planètes) pour paraître un peu « loufoque ». Nous avions aussi préparé un horoscope à partir du document obtenu en formation en y apportant quelques modifications. Tout d’abord,  nous avons reformulé certaines phrases pour que des élèves de collège comprennent tous les mots. Par ailleurs, pour renforcer le sentiment de personnalisation du document, nous avons réalisé une version au féminin et nous avons glissé les « horoscopes » dans des enveloppes portant le nom de chaque élève.

  • Étape 3 : L’expérience

Nous avons présenté l’astrologue, puis elle a distribué à chacun son enveloppe. Nous avons bien insisté sur le fait que ces horoscopes étaient personnels et avons donc proposé aux élèves de s’isoler pour lire le leur. Ils l’ont fait sans se poser de question.

Une fois lu, nous avons distribué à chaque élève un document d’évaluation de la description de personnalité, puis nous avons fait un bilan : 9 élèves sur 10 étaient d’accord pour dire qu’elle leur correspondait parfaitement ou très bien. Un seul a indiqué que cela ne correspondait que moyennement à sa description.

Enfin, nous avons demandé si l’un d’entre eux accepterait de lire son horoscope bien que cela soit très personnel. Un seul a accepté – peut-être les élèves ont-ils estimé que ceci était trop personnel pour le lire à haute voix ?

A la lecture de l’horoscope, les réactions ont été variées : une élève a compris le manège dès la première phrase et s’est pris la tête dans les mains, une autre a ré-ouvert son enveloppe pour relire son horoscope et vérifier que c’était le même, les autres élèves se sont regardés et semblaient s’interroger.

Un point a été fait et la supercherie fut révélée. Un dialogue s’est ensuivi avec nous et l’astrologue pour savoir comment nous avions fait.

  • Étape 4 : L’analyse

Nous avons poursuivi à chaud sur l’analyse. Qu’est-ce qui avait fait que chacun-e s’était reconnu-e dans cet horoscope ? L’explication fut immédiatement amenée par les élèves : les phrases présentes dans cet horoscope étaient faites pour correspondre à tout le monde. C’est ce qu’on appelle l’effet barnum.

Des exemples :
– une phrase qui dit tout et son contraire : « Tu peux te montrer très sociable mais aussi prudent et réservé. »
– une phrase qui parle de quelque chose auquel tout le monde ne peut qu’adhérer : « Tu préfères un peu de changement et de variété et tu es insatisfait lorsque tu te sens bloqué par des règles trop strictes ou des limitations. »
– une phrase qui valorise le lecteur : « Tu possèdes de considérables capacités non employées que tu n’as pas encore utilisées à ton avantage. »

Nous avons ensuite donné aux élèves les journaux de la semaine et leur avons demandé de rechercher ce genre de phrases dans les horoscopes présents. Ils se sont rendus compte avec étonnement que les horoscopes fourmillaient d’effets Barnum.

Nous avons terminé la séance en leur demandant de créer eux-mêmes des horoscopes pour les donner à l’un de leur proche ou professeur (sans dire qu’il vient d’eux) et recueillerir leur avis.

  • Étape 5 : Retour sur l’expérience et fabrication du diaporama

La semaine suivante les élèves nous ont raconté leurs expériences avec les horoscopes créés. Mais peu d’entre eux étaient allé-es jusqu’au bout de l’expérience, nous ne nous sommes donc pas attardées.

Pour la fabrication du diaporama, nous avons fait les choses différemment. Au lieu de constituer des groupes, nous avons fait les choses ensemble. Nous avons commencé par reconstituer la trame :

En amont de la séance :

  • Recueil d’infos les concernant
  • Annonce de la visite prochaine d’une astrologue

Pendant la séance :

  • Présentation de l’astrologue
  • Distribution des enveloppes personnalisées
  • Lecture individuelle de l’horoscope
  • Évaluation de la pertinence de son propre horoscope
  • Un volontaire est invité à lire son horoscope
  • Découverte de l’entourloupe
  • Conclusion

Nous avons ensuite visualisé toutes les vidéos prises lors de l’expérience et les avons réparties sur les différents points que nous souhaitions aborder. Nous avons réalisé le diaporama en coupant et en juxtaposant les vidéos dans l’ordre pré-établi. Finalement, nous avons enregistré les commentaires des élèves dont nous avions besoin à chaud et les avons intégrés directement au diaporama. Voici le résultat :

Cette façon de faire nous a permis de réaliser le diaporama en 1h et tous les élèves ont pu voir les méthodes de création d’une vidéo et y participer.

Bilan

Cette séquence a particulièrement bien fonctionné et les élèves se sont montrés très intéressés par le sujet et particulièrement investis. Nous ne sommes cependant pas passé loin d’un gros écueil : l’un des élèves connaissait la fausse astrologue. Heureusement, le déguisement l’a fait douté et il n’a rien dit avant que la supercherie ne soit exposée.
Pour un effet encore plus important, nous avions imaginé que notre complice puisse associer les noms et les visages pour distribuer les enveloppes directement à la bonne personne. Nous n’avons pas assez anticipé cette étape.

Certains élèves s’en voulaient beaucoup de s’être fait dupés. Pour éviter qu’ils ne se sentent « nuls », nous leur avons bien expliqué que nous avions vécu la même expérience lors de notre formation et que cet effet est puissant.

Note de Guillemette Reviron – Monter ce type de séance nécessite effectivement de prendre des précautions. Tout d’abord, il n’est nullement question de ridiculiser une pratique, mais bien de « faire sentir » à chacun que nous sommes sensibles à certains biais. On ne pourra donc pas conclure à l’issue de cet atelier que l’astrologie n’est pas efficace, mais si l’on prétend qu’elle a une efficacité spécifique, il faudra notamment démontrer qu’elle fait mieux que l’effet barnum.

Séance 6 – L’extraordinaire est possible

Cette séance a pour objectif d’introduire la facette zététique « le bizarre est possible » et le rasoir d’Occam. Thèmes abordés : paniers de basket « impossibles » et pourtant réalisés sans trucages, Loto, tirs de pile ou face, « prédictions » d’animaux sur les résultats d’un match.

Temps : 2 h

Nous avons suivi la séance décrite par Denis Caroti sur le site du Cortecs. Voici le résumé en images :

Bilan

Nous nous sommes fait surprendre : alors que nous n’anticipions aucune difficulté particulière, cette séance a peut-être été la plus difficile à mener. Le manque de motivation des élèves s’est fait ressentir (sauf au moment de l’expérience du pile ou face). Ceux qui s’exprimaient partaient dans toutes les directions et étaient plus excités à l’idée de voir d’autres vidéos de tirs de canettes que de réfléchir sur la possibilité ou non de tels tirs. Nous n’avons pas réussi à réinvestir ce que nous avions mis en place les séances précédentes (échelle de vraisemblance ou rasoir d’Occam)
Nous avons eu tout de même quelques échanges intéressants notamment au moment de l’analyse d’une partie de la vidéo montrant un oiseau frappé par une balle de base-ball en plein vol (la question était de déterminer s’il y avait trucage ou non).

Il nous faudra repenser cette séance afin quelle soit plus efficace sans pour autant céder à l’amusement général.

Séance 7 – La curiosité de Lauriole

Cette séance se proposait d’appliquer la démarche scientifique à l’étude d’un phénomène « étrange » local : une pente qui semble monter alors qu’elle descend.

Durée :  une séance de découverte et de formulation d’hypothèses + une sortie pour expérimenter + une séance d’analyse / diaporama

Effectifs : les élèves du club Enquêtes Z auxquels nous avons associé une classe de 4ème et le club archéologie

Description de la séance

  • Étape 1 – Découverte du phénomène et formulation d’hypothèses

Pour leur faire découvrir la curiosité de Lauriole nous leur avons passé un montage d’une vidéo de Stop Science et d’une vidéo trouvée sur Youtube.
A la suite de la vidéo, nous leur avons demandé d’émettre des hypothèses pour expliquer le phénomène, exactement comme ils sont habitués à le faire dans d’autres matières (par exemple en SVT ou en Physique-Chimie) :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique
– 2ème hypothèse : effet d’un champ magnétique
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale

Puis nous leur avons demandé de proposer des expériences à faire sur place pour tester les hypothèses citées :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique – test à l’aide d’une bouteille d’eau, d’une balle, d’un niveau
– 2ème hypothèse : champ magnétique – test à l’aide d’aimants
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route – test à l’aide d’un niveau sur plusieurs endroits de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale – non testable, prise en considération si les autres hypothèses ne se vérifient pas (rasoir d’Occam)

  • Étape 2 : L’expérience sur place

Les tests sur place se sont déroulés la semaine suivante. Même le chauffeur de bus a participé. Les élèves ont abouti à la conclusion que c’était une illusion d’optique due notamment au talus et au lacet de la route et ont écarté les autres hypothèses grâce au rasoir d’Occam

  • Étape 3 : Analyse et diaporama

La séance suivante fut consacré à l’analyse des résultats et à la réalisation du diaporama. Nous l’avons fait tous ensemble comme pour la séance précédente à l’aide d’un vidéo projecteur. L’analyse fut l’occasion de revenir sur l’une des premières « leçons » de l’année : nos sens nous trompent. Ce que nous percevons n’est pas toujours la réalité.

Voici la résumé en vidéo de cette enquête.

Bilan

Tout d’abord, nous pensons qu’emmener autant d’élèves (environ 55) pour réaliser des expériences était un choix peu judicieux. Même si tout s’est très bien passé, il a été difficile d’effectuer les expériences étape par étape et de réussir à mener une réelle démarche d’investigation. En effet, chaque élève voulait manipuler. Ils testaient toutes les hypothèses en même temps et cela a été délicat de leur faire faire les tests l’un après l’autre. Ceci dit, nous pensons que le fait d’avoir manipulé et vu les expériences sur place marque beaucoup plus les élèves qu’une vidéo projetée avec des expériences effectuées par d’autres. Il nous paraît important pour la suite d’essayer de faire un maximum d’expériences directes et sur place quand c’est possible.

Séance 8 – La maison hantée

Séance d’initiation à l’analyse des médias (marchandisation de l’information) ; biais de confirmation

Les enseignantes n’ont pas eu le temps de décrire cette séance dans le détail, mais elles mettent tout de même à disposition la vidéo réalisée avec les élèves

Saison 2

Au programme de la saison 2 :

  • Séance 1 – Enquête sur la dame blanche de Mauroux (initiation à l’enquête de terrain)
  • Séance 2 – Cartes et magie
  • Séance 3 – Un dragon au CDI ? (matérialisme méthodologique)
  • Séance 5 – Enquête sur un OVNI à Oakland (enquête et croisement d’informations sur internet)

Les résumés vidéo de ces séances sont disponibles sur le site du collège Le Bastion (Carcassonne).

Scénarios complotistes et autodéfense intellectuelle : comment exercer son esprit critique ? (suite)

Dans le cadre de nos enseignements et conférences, nous sommes régulièrement sollicités pour fournir des outils d’analyse des scénarios complotistes, notamment en raison des mécanismes et biais qui contribuent à rendre ces scénarios si séduisants. A l’instar de ce que la métaphore du pêcheur 17 suggère, nous sommes convaincus qu’il est plus utile de fournir au public des outils et des techniques permettant de faire la distinction entre recherche scientifique sur les complots et conspirationnisme peu étayé, plutôt que de se borner à déconstruire les quelques scénarios complotistes en vogue.

Nous avons expliqué en détail la progression que nous suivions pour aborder ces questions ici. Cet article, publié dans les Cahiers Pédagogiques1,  développe plus précisément nos outils pédagogiques pour analyser les arguments probabilistes souvent utilisés dans les thèses conspirationnistes.

Coïncidences et scénarios conspirationnistes

De nombreux enseignants sont confrontés à des élèves qui adhèrent à des scénarios conspirationnistes peu étayés reposant essentiellement sur un ensemble de coïncidences qui leur semblent trop étranges pour n’être dues qu’au hasard. C’est un problème plus profond qu’il n’y paraît. En effet, bien que la proportionnalité, les probabilités et les statistiques soient abordées tout au long de la scolarité, la psychologie cognitive nous apprend que nous n’en restons pas moins sujets à toutes sortes de biais qui rendent très peu fiables nos intuitions concernant les pourcentages et les statistiques. Et ce sont les mêmes erreurs de raisonnement qui nous conduisent à nous amuser d’une coïncidence – j’ai rêvé d’un cousin lointain que je n’ai pas vu depuis 5 ans et il m’a appelé le jour même – aussi bien qu’à nous laisser convaincre par certains argumentaires conspirationnistes reposant uniquement sur la réalisation de faits que l’on pensait pourtant très peu probables.
De ce constat est née l’idée de travailler spécifiquement sur la déconstruction de ces biais, en prenant garde à ne pas laisser entendre qu’un complot est nécessairement une vue de l’esprit. Il existe des complots étayés, et l’objectif est bien d’apprendre à jauger la force ou la faiblesse des arguments avancés pour défendre chaque thèse.

Certaines séquences présentées ci-dessous ont été élaborées pour des étudiants scientifiques (L2) par des membres du Cortecs, mais ont été reprises et adaptées pour des élèves de 6ème et 5ème par des enseignants du secondaire2Merci à M. Margerit, M.-H. Hilaire et V. August pour leurs retours[\ref].

La première étape vise à repérer, analyser et déconstruire quelques arguments aussi courants que fallacieux en partant d’un scénario satirique type « vérité cachée » issue de l’émission Le Before (Canal+) : « Jésus est né en Provence ». Après la projection, les élèves sont invités à recenser les différents arguments avancés pour étayer cette fausse thèse et à discuter de leurs limites. C’est l’occasion d’expliquer

  • que l’on trouve plus facilement ce qu’on cherche,
  • que nous sommes tous sujets à de la validation subjective,
  • qu’il est nécessaire de poser des critères précis pour (in)valider un test (par exemple, si la région PACA est un triangle inversé, à partir de quand valide-t-on qu’une forme géométrique est presque un triangle ? ),
  • éventuellement, suivant les niveaux, d’expliquer les écueils du raisonnement à rebours,
  • qu’il est problématique de ne pas s’être assurés que ces coïncidences ne touchaient que la Provence.

Pour favoriser la sérénité des discussions qui peuvent avoir lieu par la suite, il nous semble important de terminer cette étape en prenant quelques précautions : le fait que les arguments soient faibles ne permet pas de conclure que la thèse est fausse. En revanche, rationnellement, il est légitime de demander à un tenant de cette thèse des arguments plus solides, et de revenir sur deux maximes fondamentales : une affirmation extraordinaire nécessite une preuve solide et la charge de la preuve incombe à celui qui prétend.

Coïncidences et vérités cachées

Dans un deuxième temps, pour consolider ce qui vient d’être détaillé et montrer que si on cherche des coïncidences, on en trouve, les élèves se mettent par deux pour un petit concours  : chaque paire d’élèves doit recenser le maximum de leurs points communs (nombre de lettres dans leur prénom ou dans le prénom des parents, nombre de frères et sœurs, dates ou mois de naissance, somme des chiffres de la date de naissance, lieu de naissance etc.). En dix minutes, chaque groupe trouve entre dix et vingt points communs…

Pour la séance suivante, les élèves auront pour mission d’écrire leur propre fausse « vérité cachée » qu’ils exposeront aux autres avec, pour consigne, de commencer leur exposé par une phrase résumant la fausse thèse qu’ils prétendent défendre. L’objectif est d’ancrer le fait que, si l’on accepte ce type d’argumentaire, il devient possible de démontrer à peu près tout et n’importe quoi.

Pour approfondir cette séquence, on pourra également travailler plus précisément deux biais cognitifs importants.

Michael Jackson et le nombre 7

Le premier concerne notre sous-estimation de certaines probabilités : ce n’est pas parce qu’un événement nous semble très peu probable qu’il l’est réellement. Partons de l’affirmation « le chiffre de Mickael Jackson est le 7 » et de la tentative de preuve suivante :

  • Mickael Jackson a signé son testament le 07 07 2002
  • la cérémonie lui rendant hommage s’est tenue le 07 07 2009 (remarquons à ce propos que 2009 – 2002 = 7)
  • il était le 7ème enfant d’une famille de 9.
  • il y a 7 lettres dans son prénom et dans son nom
  • il est né en 1958 : 19+58=77

Outre tous les biais évoqués dans la première étape, il s’agit ici de se demander s’il est si étonnant que le chiffre 7 apparaisse dans la vie de M. Jackson. Une réplique courante est de comparer cette fréquence d’apparition à celles d’autres chiffres (par exemple 5 ou 3). Nous n’avons en revanche encore jamais rencontré quelqu’un rétorquant spontanément qu’il est tout simplement banal qu’un nombre soit relié à 7. Pourtant, si l’on regarde la liste des nombres de 1 à 400, plus de 42 % d’entre eux ont un lien avec 7 (multiple de 7, commence ou finit par 7, la somme des chiffres est un multiple de 7, la somme théosophique est 7). Ce travail d’identification des nombres reliés à 7 peut être fait par les élèves – en coloriant les cases dans une grille -, quitte à répartir le travail par tranche de 100 nombres. On pourra aussi leur proposer de trouver tous les nombres entre 1 et 100 en lien avec leur chiffre préféré et comparer.

Enfin, ce n’est pas parce qu’un événement a une faible probabilité d’apparition qu’il est impossible qu’il se réalise. Tout dépend en effet du nombre d’essais, de tentatives, de répétitions pour le faire apparaître. Pour comprendre cela, dans une classe d’au moins 32 élèves, nous notons au tableau une chaîne de 5 « pile ou face », puis nous demandons aux élèves de lancer chacun 6 fois d’affilée une pièce en se concentrant sur la combinaison au tableau. Statistiquement, un élève tire la bonne combinaison, mais, pour ne pas être pris au dépourvu, il faut prévoir les rares cas où cet événement ne sera pas réalisé – on pourra émettre l’hypothèse qu’ils n’étaient pas assez concentrés et les faire recommencer. Attention toutefois à prendre le temps de déconstruire ce raisonnement à la fin le cas échéant. L’enseignant anime la discussion qui suit pour expliquer ce « phénomène ».

Afin de complexifier les échanges, on pourra répéter l’expérience et discuter du résultat (est-il probable que ce soit le même élève ? Est-ce impossible ? ) ou faire le même exercice avec une séquence de 10 « pile ou face » au tableau (est-il probable qu’un élève tire la bonne séquence ? Est-ce impossible ? )

Pour conclure, on illustre tout cela sur un cas concret : un extrait vidéo défendant la thèse « Hollywood savait pour les attentats du World Trade Center ».

Ajoutons que ce type de séquence s’adapte facilement pour d’autres niveaux, notamment sur la question des probabilités et des statistiques qui peuvent faire l’objet d’une analyse théorique et pratique plus poussée selon les classes concernées: d’autres séquences sont disponibles sur le site du Cortecs

Scénarios complotistes et autodéfense intellectuelle : comment exercer son esprit critique ?

Dans le cadre de nos enseignements et conférences, nous sommes régulièrement sollicités pour fournir des outils d’analyse des scénarios complotistes, notamment en raison des mécanismes et biais qui contribuent à rendre ces scénarios si séduisants. A l’instar de ce que la métaphore du pêcheur 1 suggère, nous sommes convaincus qu’il est plus utile de fournir au public des outils et des techniques permettant de faire la distinction entre recherche scientifique sur les complots et conspirationnisme peu étayé, plutôt que de se borner à déconstruire les quelques scénarios complotistes en vogue. Dans cet article, nous décrirons les différentes étapes d’une conférence/cours/atelier (ces étapes peuvent être adaptées selon le temps disponible) dont l’objet est justement d’outiller toute personne qui souhaite se positionner face à ces affirmations conspirationnistes.

[TOC]

Étape zéro : les précautions à prendre

En guise d’étape préalable pour toute intervention sur les complots et les scénarios complotistes, il convient de rappeler que l’histoire regorge d’exemples de complots avérés. Les conspirationnismes se fondent dès lors sur cette réalité du complot. Par exemple, nous avons pour habitude de donner l’exemple du putsch de la Cagoule, tentative de coup d’État avorté dans la nuit du 15 au 16 novembre 1937, soutenu par plusieurs dirigeants de grands industriels français et visant à installer au pouvoir un régime proche de l’Allemagne nazie, de l’Espagne du général Franco et de l’Italie fasciste 18.

Il peut être aussi utile, dans le climat actuel où la pensée critique est posée en remède de la radicalisation d’expliquer qu’aucune donnée ne semble attester que les personnes adhérant aux conspirationnismes sont plus idiotes que la moyenne 21. Il apparaît même que la formation à la pensée analytique joue un rôle de levier dans l’adhésion à de telles thèses. L’objectif de notre atelier n’est donc pas de ramener les personnes adhérant aux scénarios conspirationnistes dans le droit chemin mais de fournir, à tout individu séduit par ces scénarios, les outils pour mettre à l’épreuve ces « théories » et comprendre l’intérêt des démarches d’investigations rigoureuses et scientifiques face à l’élaboration de récits fantaisistes et peu étayés.

Ensuite, il conviendra de se mettre d’accord sur la définition des complots et de la démarche scientifique. Pour le second point, citons notre collègue Richard Monvoisin :

« Le mot Science désignera la démarche intellectuelle créée par les humains pour énoncer les choses les plus vraisemblables possibles sur la réalité. Cette démarche n’est évidemment pas la seule pour contempler le réel : l’introspection, la méditation, l’art sont autant de moyens respectables. La science n’explique pas tout, bien sûr, mais elle a ceci de particulier qu’elle a été forgée pour faire sortir nos affirmations du cadre personnel et pour dire des choses généralisables à tous, qui se transmettent et se vérifient, ceci que l’on soit Ossète, Zambien ou Luxembourgeois. […] La science est un peu le contrôle qualité des prétentions d’efficacité, non parce qu’elle l’a décidé au nom d’un diktat intellectuel quelconque mais parce qu’elle a été créée pour ça. C’est ce contrôle qualité qu’on a fini par appeler science. Elle ne sait pas ce qui est le « mieux » – le mieux dépend du ressenti de chacun – mais elle peut dire si la marchandise est truquée ou de qualité, si la publicité est mensongère ou pas 22. »

Pour la définition des complots, deux options sont possibles, en fonction du temps imparti : élaborer collectivement une définition ou discuter des traits saillants des définitions existantes. Ainsi, lors de plusieurs ateliers pour des élèves de tous niveaux au collège, Clara Egger a amorcé une discussion autour des définitions suivantes 23 :

  • Atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.
  • Résolution concertée de commettre un attentat et matérialisée par un ou plusieurs actes.
  • Par extension, projet plus ou moins répréhensible d’une action menée en commun et secrètement

Cette première base permet, ensuite, d’introduire la définition d’un scénario complotiste comme récit « alternatif » qui prétend bouleverser de manière significative la connaissance que  nous avons d’un événement et donc concurrencer la « version » qui en est communément acceptée, stigmatisée comme « officielle » 24.

Ces étapes préalables s’avèrent particulièrement importantes pour s’assurer qu’intervenant et public partent sur des bases de réflexion communes. Il ne faut donc pas hésiter à s’y arrêter et à y consacrer du temps.

Première étape : la charge de la preuve

Après avoir présenté oralement un scénario complotiste visiblement absurde, on demande aux élèves de prouver que cette « théorie » est fausse. En fait, la démonstration demandée est impossible. Exemple utilisé récemment : ce sont les chauves qui dirigent le monde politique et médiatique français (voire mondial) depuis des années. Prouvez-moi que c’est faux !

Quelques réactions d’élèves : « Et Sarkozy, Obama, Merkel alors ? » Réponse : ils ont une perruque ! Autre réaction : « Prouvez-nous que c’est vrai !« 

C’est en effet la bonne question à poser. On introduit alors la notion de charge de la preuve.

  • Outillage : c’est à celui qui présente une affirmation qui sort de l’ordinaire de donner les preuves de ce qu’il affirme.

Deuxième étape : réfutabilité et biais de confirmation

Par leur construction, les scénarios complotistes se présentent presque toujours comme insensibles aux réfutations, immunisés face aux arguments opposés. Mais quelle valeur accorder à une affirmation dont on ne pourra évaluer la fausseté ? Dans quelle mesure une telle affirmation pourra concurrencer telle autre, immunisée aussi contre toute contradiction ? Concrètement, on peut demander comment départager deux scénarios complotistes, par exemple sur l’apparition du SIDA (créé « pour tuer les Noirs » versus créé « pour tuer les Gays »), si aucun argument n’est en mesure de démontrer la fausseté ni de l’un ni de l’autre ? Pire, si l’on accepte un de ces scénarios incontradictibles, alors il faut accepter tous les scénarios de ce type : complot chauve, complot Ummite, ou complot du CorteX (si si!) et tant d’autres. Dans un tel cas, nous avons recours à l’épistémologie, en revenant sur la notion de réfutabilité pour mettre à l’épreuve les affirmations ou les scénarios 25 ayant l’ambition de décrire le réel au plus près de ce qu’il est. Y a-t-il un intérêt à discuter avec une personne qui n’aura jamais tort ? Et qui sera toujours capable de trouver une explication pour rendre compte des preuves contraires à ses affirmations ? La réponse est simple : sans possibilité de réfuter une « théorie » ou une affirmation prétendant décrire le monde, celle-ci ne peut prétendre à concurrencer des versions réfutables.

On utilise la diapo suivante :

La première question à poser est donc celle-ci : existe-t-il un argument/une expérience qui pourrait montrer que la « théorie » est fausse ? Si non, votre interlocuteur s’enferme dans l’irréfutabilité au sens défini ci-dessus. Si oui, alors examinons le/la.

L’intérêt d’une telle étape est double : d’abord, elle permet à chacun de jauger le type d’affirmation qu’elle énonce . Est-elle réfutable ? Mon interlocuteur est-il en capacité de trouver des arguments qui, s’ils étaient acceptés, pourraient rendre caduque son affirmation ? Ensuite, elle permet de ne pas se laisser enfermer dans une discussion souvent perdue d’avance, notamment quand un public est présent. En effet, on se retrouve très souvent face à, non pas un, mais une kyrielle d’arguments produits : toute tentative de contradiction, même impeccable, devient alors inefficace car hors de portée dans le temps imparti. On fait alors le pari de cadrer la discussion autour d’un ou deux arguments majeurs, évitant l’écueil d’une régression vers l’infini, débouchant sur l’inévitable : « de toute façon, vous faites parti du complot vous aussi ».

Complot_chauves

Suite à cette partie sur la notion de réfutabilité, une question vient souvent à l’esprit des participants : pourquoi chercher des arguments démontrant la fausseté ? Pourquoi ne pas tout simplement chercher les faits qui étayent notre « théorie » ? Cela devrait suffire ? Pour bien faire comprendre la différence entre « chercher des confirmations » et « chercher des réfutations », on présente alors un exemple (les « preuves » qui attestent de la « théorie » absurde présentée au début : dans ce cas, des photos de chauves…) pour mettre en avant que la recherche de preuves est orientée dans le sens de nos idées : c’est le « biais de confirmation », notre tendance (paradoxalement opposée au doute et l’examen critique) à confirmer nos hypothèses et idées plutôt que tenter de les réfuter 29.

Un autre exercice de mise en scène permet de sensibiliser au biais de confirmation des hypothèses. Nous l’avons testé à plusieurs reprises. Il s’agit, en début de présentation, d’expliquer que notre présence dans la classe n’est pas due au hasard. En effet, nous sommes venus pour les alerter sur l’existence d’une conspiration touchant le collège/ le lycée et se matérialisant par une surreprésentation d’un chiffre (laissé au choix de l’intervenant). On peut ensuite proposer aux élèves de mener l’enquête par groupe, dans l’ensemble de l’établissement. Voici quelques exemples de résultats, ici ou .

Troisième étape : rumeurs et vérification de la source de l’information

Rumeurs_Tigre

La troisième étape consiste à faire prendre conscience des mécanismes qui permettent la mise en place de rumeurs. On commence par présenter l’histoire du « tigre » de Seine et Marne pour pointer la nécessité de vérifier d’abord l’information avant de conclure. L’histoire de la dent d’or de Fontenelle est éclairante à ce propos.

  • Outillage : assurons-nous bien du fait avant de nous inquiéter de la cause

Un extrait de la vidéo suivante permet de présenter un travail de vérification de l’information appliquer à des cas concrets :

Quatrième étape : valeur du témoignage et niveau de preuve

Robe_illusion

La quatrième étape consiste à faire prendre conscience qu’un ou plusieurs témoignages ne peuvent constituer une preuve suffisante. On fait le lien avec les rumeurs à l’aide de l’image de la robe bleue et noire (ou blanche et dorée, voir ci-contre, pour une mise en contexte voir ici) qui s’est propagée sur les réseaux sociaux, puis on utilise quelques illusions et autres paréidolies pour montrer que nos sens nous trompent.

Il est donc nécessaire, face à une information surprenante et qui sort du cadre habituel ou des connaissances actuelles sur un sujet donné, de demander plus que des témoignages, des photos ou vidéos. Pour faire comprendre l’importance d’aller plus loin que de simples images, nous utilisons trois exemples en posant à chaque fois deux questions aux élèves : nous croyez-vous ? Si non, quelle « preuve » vous suffirait pour vous convaincre : une photo ? Une vidéo ? Autre ?

1er exemple : ce matin j’ai vu une voiture noire

2ème exemple : ce matin j’ai vu un tigre sur le Vieux-Port (lieu à adapter au public…)

3ème exemple : ce matin j’ai vu un dragon se poser sur le toit de ma maison

En principe, tout le monde accepte la première affirmation sur la base du témoignage. Pour la seconde, une photo suffit généralement. La troisième n’est validée par aucun support proposé, les arguments avancés étant qu’il est bien plus facile de truquer une vidéo que de croire à l’existence des dragons. On énonce alors une règle assez simple à retenir : une affirmation extraordinaire – en l’état de nos connaissances – nécessite une preuve solide (en tout cas plus solide qu’une photo ou une vidéo, celles-ci pouvant être aisément truquées ou soumises à interprétations).

Cela permet de questionner les fameuses « preuves » qui étayent certains scénarios complotistes, comme la couleur des rétroviseurs de la voiture utilisée lors des attentats de janvier 2015. Cette vidéo réalisée par le site Spicee revient sur cet argument :

  • Outillage : une affirmation extraordinaire nécessite une preuve solide.

Cinquième étape : l’étouffement cognitif

On présente une vidéo complotiste (attentat CH) pour illustrer la technique du mille-feuille argumentatif 30 :

Presque tout le monde ressent cette impression de doute créée par l’empilement d’arguments de piètre qualité et qui provoque une sorte d’étouffement cognitif : alors que chaque argument pris indépendamment semble insuffisant, leur empilement successif nous pousse à penser que tout ne peut pas être faux. S’ajoute aussi notre incapacité à être expert de tous les sujets : les faits relatés peuvent alors nous apparaître comme surprenants, étranges voire en contradiction avec nos connaissances (réduites) sur le sujet en question, entretenant ainsi une forme de suspicion quant aux explications officielles. Afin de nous positionner et décider de la vraisemblance d’un énoncé ou d’une hypothèse, il est donc utile de garder à l’esprit qu’une succession de témoignages et d’affirmations dont nous n’avons pas vérifié la réalité n’est pas suffisante pour valider une quelconque théorie (d’autant plus si elle sort de l’ordinaire).

  • Outillage : un mauvais argument + un mauvais argument ne fait pas une bonne argumentation

Lors de cette étape, une discussion s’engage souvent avec les participants sur le nombre de preuves et la qualité des preuves nécessaires pour étayer une théorie. Ici on pourra faire référence à la métaphore de l’enquête policière pour montrer que d’une part, toutes les preuves ne se valent pas et que d’autre part, l’incapacité de fournir une preuve très solide conduit parfois à devoir poursuivre les recherches pour accumuler un faisceau de preuves qui, prises ensemble, permettent d’accroître la force explicative de la théorie développée. Par exemple, si le flagrant délit est une preuve de très grande qualité, il est rare de surprendre un meurtrier sur la scène du crime. Dès lors, un enquêteur devra accumuler un grand nombre de traces empiriques pour prouver la culpabilité d’un suspect.

Sixième étape : le bizarre est possible

Cette étape consiste à faire prendre conscience que nous avons une mauvaise appréhension/compréhension des coïncidences et du hasard. On démarre avec une vidéo de coïncidence extraordinaire pour faire émerger le biais de la négligence de la taille d’échantillon :

Ce biais peut être illustré facilement avec l’exemple de la loterie nationale. Comment réagir face à un événement dont la probabilité de réalisation est visiblement très très faible ? Réponse apportée : ne pas oublier la taille de l’échantillon, c’est-à-dire le nombre d’occurrences, de tentatives. Dans le cas de l’oiseau, le nombre de lancés de balle de base-ball ; pour le loto, le nombre de grilles cochées. Un jeu qui permet de balayer cette négligence de la taille de l’échantillon consiste à demander aux élèves présents de deviner le résultat d’un tirage au sort. On lance par exemple 7 fois une pièce et on fait le pari qu’un élève au moins trouvera la bonne combinaison. La probabilité étant faible (p=1/128), on espère que le nombre d’élèves présents suffise à voir la « prédiction » se réaliser. Si moins d’élèves sont présents, il suffit de ne faire que 6 jets (p=1/64). L’avantage d’une telle expérience réside dans la visibilité immédiate du nombre de participants, et donc du nombre de tentatives : il parait alors beaucoup plus facile de comprendre le succès d’une personne quand on observe tous les « perdants »…

Coïncidences_1

Coïncidences_2

On présente ensuite une série de coïncidences sur certaines théories du complot (carte d’identités retrouvées, secours mobilisés le même jour, voir diapo ci-contre) et on applique les conclusions précédentes à ces coïncidences : avons-nous pensé à la taille de l’échantillon ? Il faudrait connaître pour cela le nombre d’attentats commis dans le monde, quel que soit le pays et l’époque ce qui est presque impossible, mais tout le monde s’accorde pour dire que ce nombre est plutôt grand. Il faudrait aussi s’entendre sur ce que l’on appelle « coïncidence », car il est facile de rapprocher deux faits concomitants puis déclarer ceux-ci comme extraordinaires.  Provoquant les réponses des élèves par rapport au fait que « trop de coïncidences c’est louche » (voir commentaires forum attentats Paris), on diffuse une vidéo humoristique (voir ci-dessous) qui met l’accent sur des coïncidences surprenantes et qui, d’après les auteurs, ne peuvent s’expliquer que par la « théorie » complotiste soutenue. Est-il si extraordinaire de trouver des coïncidences ? Non, il suffit d’en chercher et, selon l’envie, de les mettre en scène avec un tri parfois très sélectif. C’est un travail facilement présentable et qui consiste à mettre en avant le tri sélectif des données : retenir les expériences concluantes et cacher les échecs. Ce travail consiste, selon le temps à disposition, à demander aux élèves de rechercher, deux par deux, toutes les coïncidences communes (dates et lieux de naissance, prénom, adresse, informations sur la famille, les amis, les lieux de vacances, les chiffres, etc.). On peut aussi réaliser une vidéo qui, coupée au montage, ne montrera que les « exploits » réalisés, comme c’est le cas avec ces lancers de canettes (en utilisant le bêtisier pour relativiser l’exploit) ou cette performance de Rémi Gaillard.

Cette étape est décrite plus précisément dans un article publié dans les Cahiers pédagogiques31, que nous avons reproduit ici.

Vidéo du Before de Canal+ :

  • Outillage : le bizarre est possible (voire probable)

Septième étape : le rasoir d’Occam

L’utilisation d’un outil pour trancher parmi les hypothèses, à savoir le rasoir d’Occam, permet d’introduire une règle de décision rationnelle fondée sur le principe de parcimonie : privilégier les hypothèses les moins coûteuses, celles qui ne demandent pas d’ajouter des « entités » supplémentaires et inutiles.

Manier le rasoir d’Occam implique donc, dans un premier temps, de confronter son hypothèse ou sa théorie à un ensemble d’hypothèses ou théories rivales pour sélectionner celles qui sont les plus parcimonieuses. Dans un second temps, il faut  s’engager dans des tests empiriques afin de rejeter les hypothèses qui échouent à expliquer les événements ciblés. Pour les scénarios complotistes, la phase empirique est souvent impossible à conduire soi-même et il nous faut alors évaluer les suppositions nécessaires, en regard avec ce que nous savons déjà, pour que soit acceptée la version alternative. Par exemple, les connaissances que nous avons sur le fonctionnement des avions nous permet de comprendre les traînées qu’ils laissent dans le ciel (traînées dues à la condensation, et que certains nomment pourtant les chemtrails) sans qu’il soit nécessaire d’aller chercher des hypothèses sur un complot mondial visant à contrôler la population ou modifier le climat. De même, ce que nous savons des stratégies des groupes recourant à l’action violente et des déterminants des attentats permet de mieux expliquer les attentats de Paris en novembre 2015 sans ajouter d’hypothèses coûteuses comme la complicité de l’État français. Cela ne revient pas à blanchir l’État français de tout complot mais à bien cibler les types d’agissement les plus probables. En effet, les exemples historiques attestent que, quand la France souhaite intervenir à l’étranger, elle dispose de moyens moins coûteux mais tout aussi peu avouables (fabriques de preuves, instrumentalisation de mouvements rebelles et de groupes d’opposition,…) que la réalisation d’attentats contre sa propre population.

Dernière étape : comment distinguer un complot étayé d’un complot qui ne l’est pas

Il nous paraît important de conclure en revenant sur le fait qu’il existe des complots étayés, pour ne pas laisser entendre que toute théorie conspirationniste est fausse. Il n’existe pas, à notre connaissance, de critères imparables. Nous pouvons quand même énoncer quelques pistes : la première est de se rappeler que les médias n’occultent pas toujours des faits qui nuisent aux gouvernements ou aux institutions (citons par exemple, les affaires Nayirah, Mediator, test de pollution chez Volkswagen, Panama papers etc.) ; toute vérité dérangeante ne reste donc pas systématiquement dans les oubliettes, même s’il faut parfois attendre longtemps avant qu’elle n’arrive dans l’espace public. En particulier, les médias d’investigation lente sont des sources d’information particulièrement précieuses.
Ensuite, avant de valider une information, il est nécessaire de s’assurer qu’elle repose sur des faits précis (date, lieu) et sur un ou des événements qui ont laissé des traces, toute la difficulté résidant dans l’évaluation de la fiabilité de ces traces (document officiel, vidéo, lettre, témoignage, enregistrement audio d’une réunion, etc.). Comme la plupart du temps nous n’avons pas d’accès direct à ces documents, avant d’accorder du crédit aux informations diffusées, il est primordial de se faire un avis sur la  qualité de la démarche d’enquête qui a été réalisée par la personne.

Un pas de côté

Il peut arriver que certaines personnes continuent à exprimer des positions conspirationnistes, en particulier pendant les moments de discussions ou de questions.
Cela peut s’expliquer notamment par la théorie de l’engagement ou la dissonance cognitive (en particulier, si un élève soutient depuis longtemps des thèses conspirationnistes non étayées, il lui sera très coûteux de renoncer publiquement aussi bien à ses convictions qu’à son statut d’initié). Déconstruire les arguments ne suffit pas toujours. Il peut alors être intéressant de lancer la discussion sur ses motivations : pourquoi est-il si important, selon lui, de passer du temps et de l’énergie à tenter de démontrer que les attentats du World Trade Center n’ont pas pu être réalisés sans la complicité de la CIA ? Est-ce pour montrer que le gouvernement états-unien a une politique impérialiste ? Mais il existe déjà de nombreuses recherches venant appuyer cette thèse. Alors pourquoi ne pas s’engager dans la continuité de ces démarches?
Si l’objectif affirmé est de révéler une vérité (ou une information perçue comme telle) pour induire un changement de société, la stratégie ne nous semble pas être la plus efficace. En effet, le temps passé à chercher des preuves est du temps qui n’est pas investi pour comprendre les rouages complexes de l’impérialisme, du néo-libéralisme, de fabrique de l’information, des systèmes de dominations, etc… Pourtant, comme le dit F. Lordon : « imaginons un monde sans Bilderberg ni Trilatérale ; ce monde hypothétique aurait-il évité la mondialisation néolibérale ? La réponse est évidemment non. Il s’en déduit par contraposition que ces conclaves occultes n’étaient pas les agents sine qua non du néolibéralisme, peut-être même pas les plus importants«  32.
Les explications proposées par de nombreux scénarios conspirationnistes non étayés sont problématiques parce que trop simplistes. Pire, elles nous dépossèdent de nos moyens d’agir.

Conclusion

Bien entendu, ce type de présentation prend du temps. Est-il nécessaire et efficace de prendre ce temps et de procéder ainsi ? Nous le pensons, car le sujet est suffisamment délicat pour éviter de se précipiter et provoquer certaines formes de tensions ou réactions hostiles voire véhémentes, pouvant potentiellement perturber nos interventions, et surtout, discréditer notre démarche. De notre expérience commune, ces réactions n’ont jamais été observées ce qui, nous en sommes conscients, n’est peut-être qu’une confirmation tombant sous la coupe du biais portant le même nom. Aussi, toute autre proposition pouvant améliorer notre approche sera prise avec le plus grand intérêt, voire intégrée dans cet article créé pour s’enrichir justement de toute contribution pertinente. A votre plume, à vos ajouts ! Nous contacter : contact @ cortecs.org

R. Monvoisin, G. Bronner, éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires

Voici l’exposé « éléments de pensée critique utiles à la prévention des dérives sectaires » effectué par Richard Monvoisin, en octobre 2015, lors des 40 ans de l’ADFI (Association de défense de la famille et de l’individu) Île de France, qui fait de la prévention vis-à-vis des dérives sectaires. S’ensuit également la présentation du collègue sociologue Gérald Bronner. 

Précision : le Tshirt de Richard est une création de francois-B.

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Entraînez-vous ! Campagne publicitaire à analyser : l’éducation nationale recrute

La dernière campagne publicitaire de l’éducation nationale est l’occasion d’aiguiser son esprit critique et de mettre en application les principes d’autodéfense intellectuelle. Qu’en pensez-vous ?


En juin 2011, le ministère de l’éducation nationale a lancé une campagne « destinée à tous les étudiants qui réfléchissent à leur avenir professionnel et, prioritairement, aux étudiants de M1. L’objectif est clair, il s’agit d’attirer les meilleurs talents au service de la plus noble des missions : assurer la réussite de chaque élève. »[1]

altLaura a trouvé le poste de ses rêves. C’est l’avenir qu’elle a toujours envisagé. Et l’avenir, pour elle, c’est de faire vivre et partager sa passion, transmettre des savoirs et des valeurs, se consacrer à la réussite de chacun de ses élèves. C’est pour cela qu’elle a décidé de devenir enseignante.L’éducation nationale recrute 17 000 personnes.

Pourquoi pas vous ? 17 000 postes d’enseignants, d’infirmier(e)s et de médecins scolaires sont à pourvoir en 2011.
 
 

 

altJulien a trouvé un poste à la hauteur de ses ambitions.

C’est la concrétisation de son projet professionnel. Et ce projet, pour lui, c’est de faire vivre et partager sa passion, transmettre des savoirs et des valeurs, se consacrer à la réussite de chacun de ses élèves. C’est pour cela qu’il a décidé de devenir enseignant.
L’éducation nationale recrute 17 000 personnes.
Pourquoi pas vous ? 17 000 postes d’enseignants, d’infirmier(e)s et de médecins scolaires sont à pourvoir en 2011.


Cette campagne de trois semaines a été déployée avec une stratégie de diffusion très large.
  • Presse écrite (Le Monde, Le Figaro, Le Journal  du Dimanche, Libération, Le Parisien/Aujourd’hui en France, Direct Matin,  Métro, 20minutes, Le Point, L’Express, Télérama, Le Nouvel Observateur,  Challenges, Courrier international, Marianne, L’Equipe magazine, VSD,  Paris Match).
  • Spots radio (Skyrock, NRJ, Virgin radio, Fun radio,  France Info, France Inter, RTL, RMC, Europe 1…).
  • Bannières  publicitaires sur des sites Internet à forte audiences (Deezer, YouTube,  SkyBoard, L’Etudiant.fr, Studyrama, Monster).
  • L’ouverture d’un site dédié : leducationrecrute.fr.
« La création met en scène des personnes à un moment fort de leur vie, celui de leur engagement dans un projet de carrière autour des valeurs de réussite et d’épanouissement personnel et professionnel. Des valeurs qui peuvent paraître dans un premier temps individualistes, mais qui prennent un tout autre sens lors de la révélation de l’annonceur : l’éducation nationale. » [2] 

Pour débuter l’analyse, j’ai choisi de décortiquer l’article selon trois axes.

1/ Les effets rhétoriques

Notamment l’affirmation « L’éducation nationale recrute 17 000 personnes en 2011 ».

Cet annonce de recrutement est surprenante car en contradiction avec ce qui semble circuler dans les médias sur la situation de l’éducation nationale où l’on parle plutôt d’un plan d’austérité (fermeture de classe, suppression d’emploi, etc.) Cette information mérite donc d’être analysée

Pourquoi ce décalage a priori avec l’actualité ?

Que représente ces 17 000 postes ?

Cette information n’est-elle pas orientée ?

 2/ La fabrication de l’image
Comment les illustrations sont-elles fabriquées ?
Que veulent susciter ces deux  images ?
A quels archétypes font-elles appel ?
3/ Le vocabulaire utilisé dans les images
Que connote-t-il et quels problèmes cela peut-il  poser ?
 
Tentez une analyse de votre cru, et comparez-là avec la mienne.
N’hésitez pas à nous écrire pour compléter / corriger notre décorticage.

Nicolas Gaillard  

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Psychologie sociale, dérives sectaires – utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

Pour l’UE Zététique & autodéfense intellectuelle de l’Université Joseph Fourier, ainsi que pour mes ateliers Esprit Critique pour collège-lycée, j’ai monté un cours consacré aux dérives sectaires et aux techniques d’engagement. Mon objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours. Aussi j’utilise des exemples tirés du quotidien, du marketing en particulier, pour les illustrer (j’en donnerai dans un prochaine article). 
Je me concentrerai ici sur les trois expériences majeures de psychologie sociale auxquelles je fais référence presqu’à chaque fois.

1/ L’expérience de Solomon Asch (1951) sur le conformisme et la soumission au groupe.

2/ L‘expérience dite de Milgram (1967), menée par Stanley Milgram et son équipe sur la soumission à l’autorité.

Je ne vais donner que quelques lignes de description pour ces deux expériences.

L’expérience de l’influence majoritaire d’Asch 

Cette expérience simple est tout à fait adéquate pour questionner les étudiants sur les cas où ils ressentent une soumission au groupe, notamment dans les cas d’injustice : de l’injustice d’évaluation dans les notes au harcèlement sexuel, les exemples fleurissent dans les discussions où les étudiants s’accordent à dire que seuls, ils dénonceraient probablement plus volontiers l’injustice auprès de leurs représentants étudiants, élus syndicaux, ou auprès des enseignants, que lorsqu’ils sont noyés dans la masse.

CorteX_Solomon_AschSolomon E. Asch (1907 – 1996) amena un groupe d’étudiants de 17 à 25 ans à participer à un prétendu test de vision. Tous les participants étaient complices avec l’expérimentateur, sauf un, dont on observait l’indépendance vis-à-vis du comportement des autres. On demandait aux participants de juger la longueur de plusieurs lignes tracées sur une série d’affiches.  

À gauche, une ligne modèle, et à droite, 3 autres lignes.

CorteX_Segments_Asch

Alors que la réponse est évidente, les complices donnent à l’unanimité la même fausse réponse : le sujet testé allait-il être capable de dire sa vraie observation malgré la pression des réponses différentes du groupe ?

Beaucoup vécurent assez mal la chose et furent perturbés, et plus d’un tiers (37%) préférèrent se conformer aux mauvaises réponses soutenues à l’unanimité par les complices, alors que dans les groupes contrôles (lorsque le sujet n’avait pas la pression d’un groupe) les réponses étaient toujours bonnes.

Chose cocasse pour nous, moins pour les sujets : après l’annonce des résultats, les sujets tendaient à attribuer leur mauvaise performance à leur « mauvaise vue » (ce qu’on appelle résoudre sa dissonance cognitive à peu de frais !).

On peut :

– lire avec plaisir Asch S., « Studies on independance and conformity : a minority of one against an unanimous majority », Psychological Monographs, 1956, 70, p. 416 (en anglais).

– voir un film de cette expérience (en anglais, sous-titrée) :

Anecdote : Asch fut le directeur de thèse de Milgram, dont je parle ensuite.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=7AyM2PH3_Qk]

L’expérience de soumission à l’autorité de Milgram

CorteX_expe_milgramTrès connue mais souvent mal racontée, elle crée un double choc : d’abord sur le fait de se rendre compte qu’une bonne proportion de gens « normaux » placés dans une situation agentique peuvent se soumettre à une autorité qui les intime à faire des choses révoltantes, comme faire souffrir un parfait inconnu. Ensuite sur la question éthique que soulève ce genre d’expérience, heureusement non reproductible aujourd’hui au vu des souffrances morales qu’elle engendre. Je donne quelques détails sur les différentes variantes de l’expérience (vue ou non du sujet soumis aux chocs électriques, toucher pour raccrocher l’électrode, présence ou non des représentants de l’autorité dans la salle, etc.) et je m’outille pour cela du livre de Milgram lui-même, Soumission à l’autorité. Il est également intéressant de rappeler le contexte de cette expérience, post-2ème guerre mondiale où la soumission à l’autorité aux fascistes italiens, et surtout au IIIe Reich donna les résultats que l’on sait. La question du procès d’Adolf Eichmann se posait alors crument, et les débats allaient bon train chez les psychologues US : des états-uniens auraient-ils pu eux aussi faire des choses aussi atroces ? Fallait-il faire de ce type d’individu des monstres de cruauté, ou au contraire, des humains somme toute assez ordinaires placés dans un contexte qui ne l’était pas ?CorteX_Stanley_Milgram

Je ne rentre pas dans le détail des variantes de cette expérience menée par Milgram (1933-1984) – mais il est bon de les connaître, ou de venir avec le livre. Il suffit de savoir qu’en 1961, date de l’expérience standard, 62,5% des sujets testés furent capables de mettre des décharges mortelles à une personne qui ne leur avait rien fait.

Je profite par contre d’avoir eu une réalisation filmique par Henri Verneuil mettant en scène l’essentiel des aspects de cette expérience dans I comme Icare, dont un extrait reproduit ici (et validé par Milgram lui-même) évite de nombreuses explications.

En 2010 eu lieu une reproduction télévisuelle très controversée appelée Zône extrême, réalisée par Christophe Nick. Elle ne remplit pas les standards méthodologiques mais met en scène une « expérience » du même genre. La participation de notre collègue Jean-Léon Beauvois (qui est déjà intervenu dans mon cours le 28 mars 2007 – conférence filmée ici) à ce coup médiatique nous a quelque peu laissés perplexe. Une critique (à télécharger ici) a été faite par notre autre collègue Laurent Bègue, du Laboratoire Interdisciplinaire de Psychologie de Grenoble.

Pour débattre avec des élèves, j’essaye de mener le débat en le rapportant à une perspective de non-reproduction des horreurs nazi, et en comparant démarche essentialisante et démarche psychologique. Diaboliser une catégorie d’individus, en l’essentialisant ne résout rien en soi, et permet de traiter les choses à court terme (comme condamner les auteurs des crimes) ; en revanche regarder les mécaniques de soumission de face, « l’ordinarité du mal », oblige à regarder la part de soumission à l’autorité qu’il y a en nous, et à réfléchir à la meilleure prévention pour les générations à avenir. (l’esprit critique faisant pour moi partie de cette prévention)

Pour aller plus loin, on pourra :

  • lire cet article gracieusement transmis par L. Bègue : Beauvois, Bègue, Courbet & Oberlé, Psychologie de la soumission à l’autorité
  • Voir les vraies images de cette expérience (en anglais, sur BBC4 – avec l’un des rares survivants de l’expérience)
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=XpIzju84v24]
  • Regarder un Zapping de Zone Extrême.
[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=CobaPLs9H10]

Merci à mon collègue Nicolas Gaillard, qui vient parfois faire ce cours avec moi, ainsi qu’à Franck Villlard de l’Observatoire zététique, ancien président de l’Association de Défense de la Famille et de l’Individu 2 Savoie Isère, qui est souvent venu compléter mes propos d’exemples sur les dérives sectaires qu’il connait bien.

Merci également à Laurent Bègue, ainsi qu’à notre amie psychologue Virginie Bagneux.

Vous aussi, vous utilisez ces ressources ? Racontez-nous, partagez votre expérience et prodiguez vos conseils.

Richard Monvoisin