Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 24, mai 2017

Depuis douze ans, les étudiant-es qui suivent le cours Zététique & autodéfense intellectuelle à l’Université Grenoble-Alpes rendent des dossiers. Certains sont vraiment très bons, et méritent d’être diffusés. D’autres sont certes moins bons, mais valent le détour par une certaine forme d’audace. Ce semestre, il y a de la psychologie (modèle Walt Disney de Dilts, test de Wason, affaire d’Outreau), de la parapsychologie (avec deux dossiers sur le Ganzfeld), de l’histoire (Jésus de Nazareth, Vercingétorix), de la lune, des médiums, et du bizarre comme à Kilteasheen ou dans le Minnesota avec l’homo pongoïdes. Il y aussi des sujets plus complexes, sur les argumentaires pédophiles et sur le pseudo-syndrome post-abortif cher aux anti-avortement. Merci à vous, collègues étudiant-es ! Je me régale à vous lire.

Je précise que pour des étudiant-es de 1ère et 2ème année, ce type de travail d’enquête est souvent une première pour elles-eux, aussi la forme est-elle parfois décousue, et les fautes sont parfois la forme de vraies constellations. Peu importe : ce qui compte est la qualité de la recherche, et la curiosité.

La Programmation Neurolinguistique : étude du modèle Walt Disney de R. Dilts – Laurene DEPIERREUX, Quentin PICCOLI, Lisa PAILLUSSIERE, Elsa BROCHIER, Elisa DECOURCELLE, Rayan HACINI

Y a-t-il une influence de la lune sur les naissances / sur les crimes et délits (effet transylvanien) ?  – Shaan PREVOST, Noémie JULITA, Iris PAPAIANNOU, Alysée DIJOUX, Marion BLAIN

L’efficacité des médiums lors d’enquêtes policières est-elle prouvée ?  – Francis DEVAUX, Rémi CHAMPON, Tristan CHAPUS, Céline CHARLES

Homo Pongoïdes, l’homme congelé du Minnesota – Hugo VALDENAIRE, Félicien MARGUERETTAZ-MAIRESSE, Alexia BENDRIS, Mathilde CHAMEL

Mémoire des enfants. Étude de cas : l’affaire d’Outreau – Morganne ARNAUD, Léa LISI, Anastasia LESNE, Romain BALDUCCI

Les sépultures déviantes de Kilteasheen – Arthur SERBAT, Roman CHARVIER, Carla CorteX_KilteasheenDAMIRON, Mélodie DUPRE, Yoshua PINERA, Pierre Vincent BARBON

L’existence de Jésus Christ est-elle plausible ? – Gabriel ROGER-MARGUERITAT, Amelle ZITOUNI, Angélina COQUELIN, Yannis VECCHIALI, Marie DANTONNEL

Les raisons de censure peuvent-elles être similaires dans les pays du Maghreb et en France ? – Wissem MHANI, Hanan MOUNTAZIH, Majdouline MERRI, Nora JAAFAR, Simon MARSEILLE

Test de Wason, biais de confirmation, d’appariement, influence sociologique – Martial DAMAISIN, Anthony PRUDENT, Mohamed LAALIAOUI, Arnaud TUPIN

Le protocole Ganzfeld permet-il de mettre en évidence l’existence de la télépathie ?

Head of "Mind Control" Jack Gariss
Head of « Mind Control » Jack Gariss

Émilie COUTIER, Mathilde CHAPELAY, Camille TRIBOUT, Anaïs DANIEL, Antoine ROTIVAL, Antoine DROBECQ, Thomas GUEVARA, Marion CARRE, Jules GUTTIERREZ, Rayan HACINI, Dylan GILLIOZ, Maxime VALENTIN, Thomas GARDON, Mathieu SAVIN, Benjamin METHE, Sylvain BUSCOZ, Marion CARRÉ, Antoine ROUX

L’expérience de Ganzfeld prouve-t-elle l’existence d’un paramètre de nature télépathique entre deux individus ? – Bastien SAVIN, Noélie GANIVET, Timothée MUNSCH, Esteban GARCIA

CorteX_Nambla

Les arguments de la NAMBLA et de la René Guyon Society sont-ils valables au regard de la science et de l’analyse rhétorique ? – Charlotte MARTIN, Noémie MALOSSANE, Childeric DEZIER, David MIMRAN

La statue de Vercingétorix d’Alise-Sainte-Reine est-elle réaliste ? – Solène DELEGLISE, Caroline FACCHINI, Arsène MARQUIAND, Théo MAZOYER, Antoine PICAROUGNE, Adrien RASATA

Les arguments anti-avortements sur le syndrome post-abortif sont-ils valables ?  – Salomé BURGET, Deborah TORRES PEREIRA, Isadora MATHEVET, Mélanie MILLIOZ, Priscilla FREYDIER, Dorine LAMPASONA, Aurore CHATELLET, Sarah BALDIN-BRESSOT COIMBRA, Valentine LAIZEAU

CorteX_couteau_suisse_critique

Cours Physique et société à Paris-Diderot (Guillaume Blanc)

Guillaume Blanc est maître de conférences en physique à l’université Paris-Diderot et chercheur au laboratoire Astroparticules et cosmologie. Il a monté un cours optionnel pour des étudiants de physique en L3 appelé « Physique et société » dans lequel il traite de quelques « débats de société » qui font appel à la physique, la démarche scientifique et l’esprit critique : radioactivité/nucléaire, réchauffement climatique, ondes électromagnétiques. Il présente ainsi les bases de la méthodologie scientifique, ce qu’est la science, comment elle se construit, mais il parle aussi de zététique, de tri de l’information, visite le principe de précaution et quelques croyances… Bref, un cours qui pourra donner des idées à toujours plus de collègues enseignant à l’université. Merci donc à Guillaume qui partage son expérience avec nous, et n’hésitez pas à lui écrire (blanc(at)lal.in2p3.fr) pour en savoir davantage.

Données techniques

Le cours est optionnel et proposé aux étudiants de licence de physique en 3ème année à l’université Paris-Diderot depuis 2013. Ce cours concerne environ 20-25 étudiant-es (maximum accepté) chaque année.

Il consiste en 13 séances de 1h30.

Pourquoi ce cours ?

L’idée de ce cours provient d’un constat : les médias (internet, radio, télé, presse papier/internet) nous abreuvent d’informations souvent erronées sur certaines sciences physiques ou technologies associées (nucléaire, réchauffement climatiques, ondes électromagnétiques, nanotechnologies, etc.), tout en propageant certaines croyances (astrologie, liens allégués avec la Lune, etc.) probablement à cause d’un manque de connaissances. Il s’est agi de donner aux étudiants quelques concepts-clés sur ces sujets pour mieux comprendre les débats sociétaux. Très vite je me suis cependant rendu compte qu’il manquait quelque chose dans les études universitaires, en particulier en physique : une grille critique pour mettre à profit la somme de connaissances emmagasinées par les étudiant-es pour mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons. J’ai donc beaucoup étoffé la partie que j’appelle « méthode scientifique » (voir ci-dessous).

Objectifs du cours

  • Acquérir les connaissances scientifiques de base en lien avec le sujet (radioactivité, réchauffement climatique, ondes électromagnétiques et santé) pour décrypter ces quelques débats de société
  • Aiguiser son esprit critique (outils de la zététique)
  • Apprendre à se servir d’Internet comme source documentaire
  • Comprendre la méthode scientifique et comment est produite la connaissance scientifique

Plan du cours

La méthode scientifique (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. Comment se fait la science ?
  2. Science et Technologie
  3. Les domaines scientifiques
  4. La méthode scientifique
  5. Qui sont les scientifiques ?
  6. Le processus de publication d’un résultat scientifique
  7. Consensus et controverses
  8. L’erreur fait partie de la méthode
  9. Notions de zététique
  10. La zététique
  11. Comprendre le monde qui nous entoure
  12. Sciences et pseudo-sciences
  13. Croyances
  14. Règles d’or de la zététique
  15. Effets de la zététique
  16. Internet
  17. Diffusion du savoir
  18. Le biais de confirmation
  19. Le marché de l’information
  20. Concurrence sur le marché de l’information
  21. Recherche d’information sur Internet
  22. Motivation des croyants
  23. Paradoxe ? Un marché cognitif mêlant, notamment sur Internet, science de qualité et pseudo-allégations sans fondements.
  24. Comment s’en sortir ?
  25. Quelques croyances
  26. Les effets de la Lune
  27. Les moteurs surnuméraires
  28. L’astrologie
  29. La sourcellerie
  30. Étude en « double aveugle »
  31. Expérimenter la validité d’une pseudo-science/croyance
  32. Le principe de précaution
  33. Danger et risque
  34. Mathématisation du principe de précaution
  35. Biais cognitifs
  36. La responsabilité des médias professionnels

Radioactivité – nucléaire (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. Un peu de physique nucléaire
  2. Le noyau atomique
  3. Quelques ordres de grandeur
  4. Énergie de liaison
  5. Les interactions en jeu
  6. Loi de décroissance radioactive
  7. Période radioactive
  8. Les différentes radioactivités
  9. Rapport d’embranchement
  10. Filiations radioactives
  11. Exemple de filiation
  12. Radioactivité naturelle
  13. Interaction des rayonnements avec la matière
  14. Introduction
  15. Le rayonnement électromagnétique
  16. Atténuation des photons
  17. Rayonnement particulaire
  18. Parcours moyens dans la matière
  19. Ralentissement des électrons
  20. Effet Cerenkov
  21. Ralentissement des neutrons
  22. Effet des rayonnements sur la matière
  23. Effet des rayonnements sur la matière vivante
  24. Notion de dose
  25. Facteur de dose : du becquerel au sievert
  26. Effet de la dose
  27. Quelques ordres de grandeur
  28. Application des rayonnements
  29. Analyse par activation
  30. Analyse par traceurs
  31. Médecine nucléaire – Thérapie
  32. Médecine nucléaire – Diagnostic in vivo
  33. Datation
  34. Traceurs en sciences de l’environnement
  35. Applications industrielles
  36. Production d’énergie nucléaire
  37. Énergie chimique versus énergie nucléaire
  38. Réaction de fission
  39. Fissile ou fertile ?
  40. Réaction en chaîne
  41. Principaux types de réacteurs
  42. Réacteurs à eau pressurisée (REP)
  43. REP : structure
  44. REP : caractéristiques
  45. REP : pilotage
  46. Combustible usagé
  47. Masse critique

Le réchauffement climatique (3 séances de 1h30)

Voir la liste
  1. La physique du climat
  2. Météo ou climat ?
  3. Modélisation de l’atmosphère terrestre
  4. Modèle climatique : comment et pourquoi ?
  5. Les lois du rayonnement
  6. Un modèle radiatif sans atmosphère
  7. Un modèle avec une couche d’atmosphère
  8. Stabilité de l’équilibre
  9. Réchauffement climatique
  10. Forçages radiatifs
  11. Rétroactions
  12. Les gaz à effet de serre
  13. Spectre atmosphère
  14. Les gaz à effet de serre
  15. Absorption du rayonnement par les molécules
  16. Les observations
  17. L’anomalie de température
  18. Réchauffement « naturel » ?
  19. Le niveau des océans
  20. Cycle du carbone et gaz à effet de serre
  21. Évolution de la proportion de gaz à effet de serre : Holocène
  22. Les émissions anthropiques de CO2
  23. Et en France métropolitaine ?
  24. En France : plus chaud
  25. En France : la mer monte aussi…
  26. En France : moins de neige à basse altitude
  27. En France : dommages collatéraux
  28. Scénarios pour le futur
  29. Prédictions
  30. Scénarios, forçage radiatif et température
  31. Projection de la température annuelle
  32. Scénarios d’émissions de CO2
  33. Niveau des océans
  34. Acidification des océans
  35. Réductions des banquises
  36. Réchauffement climatique et société
  37. Impacts sur la société
  38. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
  39. Les Conférences des Parties (COP)
  40. Des solutions ?

Les ondes électromagnétiques et la santé (1 séance de 1h30)

Voir la liste
  1. Physique des ondes électromagnétiques
  2. Équations de Maxwell
  3. Équation d’onde
  4. Rayonnement d’un dipôle
  5. Champ proche et champs lointain
  6. Interaction des ondes avec la matière
  7. Interaction avec les matériaux
  8. Blindage électromagnétique
  9. Interaction avec la matière vivante
  10. Impact sur la santé humaine
  11. Électrosensibilité
  12. Le four à micro-onde

Feuilles d’exercices

Chaque partie du cours, hormis la dernière sur les ondes électromagnétiques traitée rapidement, fait l’objet d’une feuille d’exercices. Pour la première partie, ce sont des exercices de lecture, de discussion (après réflexion), ou de recherche sur Internet. Les parties nucléaires et climat font l’objet d’exercices techniques d’application.

Projet de recherche bibliographique

En début de semestre, les étudiants choisissent par binôme un sujet de recherche bibliographique parmi une liste définie. Au bout de deux mois, en fin de semestre, ils me rendent un court rapport et font une présentation orale de leur sujet devant leurs camarades. Les trois dernières séances du cours sont consacrées à cet exercice. Ces soutenances conditionnent le nombre maximal d’étudiants pouvant s’inscrire à ce cours.

Voir la liste des sujets proposés en 2016-2017
  • Le nucléaire dans les médias
  • Les déchets nucléaires
  • Les accidents nucléaires
  • Les faibles doses radioactives
  • Le climatoscepticisme
  • Réchauffement climatiques : quelles solutions ?
  • La couche d’ozone
  • Les impacts du réchauffement climatique sur la société
  • Les ondes électromagnétiques (wifi, téléphonie, Très haute tension…) dans les médias
  • Le biais d’internet (infos « vraies » vs. infos « fausses »)
  • Principe de précaution et innovation en France
  • Sciences et citoyens
  • La sourcellerie
  • Les croyances liées à la Lune
  • L’astrologie
  • Les moteurs surnuméraires
  • Les OGM
  • La vaccination et ses peurs

Développements ultérieurs souhaités (souhaitables ?)

Idéalement, ce genre de cours devrait être obligatoire pour tous les étudiants en sciences. Il pourrait d’ailleurs être un peu rallongé (avec les spécialistes adéquats) pour toucher les sujets liés à la biologie (OGM, créationnismes…), à la santé (médecines alternatives, liens d’intérêt…), à la géologie (gaz de schistes, pressions industrielles…), etc.

Il n’est par ailleurs pas parfait. La partie sur la méthode scientifique mériterait d’être agrémentée d’un chapitre sur les probabilités et les statistiques, et d’une partie sur les biais cognitifs. La partie sur le climat est encore un peu confuse, évoluant au gré de mes lectures sur le sujet.

Mise à disposition

Je n’ai pas (encore ?) écrit de polycopié de cours, mais tout est sur diapos en pdf. Je peux, sur demande, fournir tout ou une partie de ce cours. Je peux aussi fournir les bases bibliographiques qui m’ont servies à construire ce cours qui n’existe dans aucun manuel tel quel.

Guillaume Blanc

Voir aussi un petit article que j’avais écrit sur mon blog à propos de ce cours.

L'illusion de l'unique invulnérabilité

Il existe un biais cognitif qui nous conduit à croire que nous sommes justement moins victimes de biais que les autres personnes. Ce biais se nomme en anglais bias blind spot, appelé régulièrement en français « illusion de l’unique invulnérabilité ». Il est une des variantes du biais du supériorité, qui conduit les individus à croire qu’ils ou elles ont de meilleures capacités que les autres.

 On peut par exemple très facilement croire ne pas être influençable par des liens d’intérêt financiers avec le monde industriel lorsqu’on est chercheuse ou chercheur, alors que le biais de financement montre que ces relations ont des conséquences sur les résultats des études. Illustration avec cet extrait d’Envoyé Spécial de décembre 2013 intitulé « Conflits d’intérêt : les liaisons dangereuses ».

Dans cette vidéo, un chercheur en criminologie fait part lors de ses interventions publiques du risque toujours plus fréquent d’usurpation d’identité, et de la nécessité de détruire avec un broyeur de documents ses papiers d’identité pour prévenir ce risque. Or, le chercheur déclare toucher plus de 2000 euros par an pour un partenariat avec une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, lui demandant de réaliser des études commanditées et financées par ce groupe et de participer à des réunions avec la presse financées et organisées également par ce même groupe. Lorsqu’un journaliste lui demande : « vous ne pensez pas qu’il y a un petit conflit d’intérêt ?« , la réponse du chercheur est sans hésitation : « Non. Non, sinon je ne le ferais pas. » Or, il y a tout de lieu de penser que nous sommes ici dans une situation de conflit d’intérêt où le lien financier qu’entretient le chercheur avec l’entreprise de broyeurs de documents peut biaiser son discours : il peut surestimer les cas d’usurpation d’identité, ou la pertinence des broyeurs de documents par rapport à un simple déchirement manuel.

En général, les individus reconnaissent volontiers leurs liens d’intérêt, mais affirment cependant que ces liens n’influencent pas leur action, uniquement celles de leurs pairs. Or, cette attitude n’est pas soutenue par les faits.

Ce biais cognitif a été mis en évidence notamment chez les médecins dans les années 1990. On peut se référer à l’une des premières études sur le sujet de Steinman et al.1 On a demandé à 105 étudiant·e·s en médecine de sixième année et plus s’ils pensaient que les représentant·e·s pharmaceutiques avaient un impact sur leur pratique de prescription et sur celles de leurs collègues. Les étudiant·e·s avaient le choix entre quatre réponses : pas d’influence, une petite influence, une influence modérée ou beaucoup d’inflCorteX_steinman2001uence. Les résultats sont représentés dans le graphique ci-contre. Sans rentrer dans le détail, on peut résumer les résultats de l’étude ainsi : alors que plus de 60% des étudiant·e·s pensent que les représentant·e·s pharmaceutiques n’ont pas d’influence sur leur propre prescription, elles et ils sont moins de 20% à penser que leurs collègues ne sont pas soumis à cette influence. À l’opposé, moins de 5% des étudiant·e·s pensent que ces représentant·e·s exercent une influence modérée à importante sur leurs prescriptions, alors qu’elles et ils sont plus de 30% à penser que leur collègues subissent une telle influence. En plus simplifié, peu d’étudiant·e·s pensent être influençables, mais un nombre beaucoup plus important pense que leurs collègues le sont.

Si nous n’avons hélas pas connaissance d’études de ce type sur des universitaires non professionnel·le·s de santé, il est assez raisonnable de penser que ce biais cognitif conduisant à sous-estimer l’impact des mécanismes d’influence sur soi-même ou à les surestimer chez les autres, existe aussi chez les enseignant·e·s et chercheuses et chercheurs. Ce ne sont pas seulement les individus « sans éthique » ou « faibles psychologiquement » qui en sont les victimes.

Le biais de supériorité se décline sous de nombreux autres variantes. Par exemple, il nous conduit à nous croire meilleure conductrice ou conducteur que les autres2, ou plus populaire que nos ami·es3.

CorteX_couteau_suisse_critique

Grande braderie de l'autodéfense intellectuelle

Les attentats qui ont agité la France et la médiatisation qui s’en est suivie ont crée un processus assez étonnant dont nous sommes un peu les victimes collatérales. La sphère intellectuelle médiatique et enseignante semble avoir trouvé son gadget : l’esprit critique. L’esprit critique redresse les délinquant.es, l’esprit critique ramène dans le droit chemin les complotistes, l’esprit critique calme les djihadistes, bientôt l’esprit critique redressera les sexes tordus et récurera même le linge. Il faut en mettre partout, même dans BFMTV ou dans Le Point, organes pourtant connus pour leur entreprise de décervelage des masses. Et nous dans tout ça ? [Mise à jour du 22 février : réaction de quelques penseurs/se critiques francophones et notre réponse.]

Notre point de vue

Notre point de vue est résumable en un point : l’esprit critique est en train d’être bradé. De trois façons différentes : médiatisation, appauvrissement et dépolitisation.

La médiatisation d’abord : si on enseigne l’autodéfense intellectuelle, on enseigne la critique des médias. Or les travaux bourdieusiens, parmi d’autres, illustrent le fait que le cadre télévisuel en particulier ne permet généralement pas de développer une argumentation complète et rigoureuse, et fait le jeu des slogans et des thèses simples. Donc un.e spécialiste devrait toujours se demander : est-il justifié que je parle dans telle ou telle émission ? Au prix de quelle déformation de mon propos, de quelle mise en scène scénaristique ? Car si nous acceptons de parler dans un média qui bourre le mou de son lecteur ou de son spectateur depuis des années, nous lui donnons une caution évidente, dont il saura se targuer quand des critiques fuseront. Si nous acceptons de ne parler qu’en borborygmes, en quolibet, de ne débattre qu’en se soumettant aux codes violents de la coupure de parole et du horion, que restera-t-il de constructif dans l’explosion de divertissement ? Si nous acceptions de parler dans Le Point, alors que nous faisons des cours critiques basés sur le décorticage des scénaristiques conservatrices, des mensonges chiffrés, des généralisations abusives, voire des fraudes (voir affaire Bintou) sur le même journal, quelle serait la cohérence ? Un.e penseur/se critique qui fait des piges dans des médias corrodés leur sert de danseuse, pour reprendre cette expression un tantinet sexiste. Mais il semble que cela ne leur pose pas trop de problème moral, ou que s’ils/elles en vivent un, les bouffées médiatiques régulières dont leur visage est baigné le leur font vite oublier. En effet, en vertu de l’effet Matthieu, « on donnera à celui qui a, et il sera dans l’abondance, mais à celui qui n’a pas, on ôtera même ce qu’il a » c’est-à-dire que plus ils/elles sont invité.es dans les médias, plus ils/elles sont invité.es dans les médias. Mais rappelons ces deux règles classiques : d’abord, si les médias les invitent, c’est qu’ils/elles ne sont pas trop critique pour eux. Ensuite, les médias se serviront d’eux/elles, les feront parler de tout et son contraire, feront d’eux/elles des fast thinker, et les jetteront lorsque la mode sera passée.

CorteX_on-te-manipule
Logo du site gouvernemental visant à lutter contre les « théories du complot » depuis 2016, en enseignant l’esprit critique

L’appauvrissement : les médias ne sciant pas leur branche, il ne faut pas s’attendre à de la pensée critique très élaborée de la part de ces sortes de « chiens de garde » de l’esprit critique. Foin de la critique des institutions, du système (éducatif, carcéral, etc.). Un exemple ? Nous avons entendu plein de gens « spécialistes » de l’esprit critique se congratuler à l’idée de faire des interventions en prison pour « guérir » les jeunes détenus du complotisme – l’un de nous a même rencontré une fonctionnaire pénitentiaire qui lui a dit récemment « moi je m’en fous, je me tire bientôt, il y a un créneau dans la déradicalisation, j’y connais rien mais on verra bien ». Mais nous n’avons entendu aucun de ces penseur/ses médiatiques « spontané.es » capables d’évoquer les critiques mettant en cause la capacité du système carcéral à endiguer le problème qu’il est censé traiter. Surtout, ne pas toucher aux médias dominants et ne pas toucher à la prison. En gros, ne toucher à rien.

Ce qui amène à la dépolitisation. La pensée critique est censée permettre de plein de façons différentes une seule chose : élargir le champ des possibles pour un individu. En lui expliquant les biais de son cerveau, les représentations sociales non conscientes, etc., on lui donne des leviers sur sa vie, intime et publique. Mais les « chiens de garde » de la pensée critique font le focus sur les biais cognitifs et rient de complotismes naïfs, sans jamais aborder les problèmes de fond comme « À quelle politique post-coloniale doit-on ces poches de descendants d’immigrés qui font le choix de la violence politique ? » ; ou encore « quand dans un programme scolaire est-il abordé le fait que des grandes puissances s’arrogent le droit de bombarder, de nos jours, des peuples civils ? » ou bien « quand, en éducation morale, aborde-t-on la question du nombre de conflits dans lesquelles la France est impliquée, et son statut officiel de 2e vendeur d’armes au monde en 2016 ? » Et quand discutera-t-on avec les élèves du statut du savoir, qu’il est des choses qu’il faut connaître avant d’arriver dans la vie adulte et que l’école est là pour ça, alors que pour eux, le plus souvent, l’école est une corvée, non négociée, non négociable, coercitive, infantilisante et élitiste ?

Nous ne nous reconnaissons pas dans cette autodéfense aseptisée, dans cet esprit critique circonscrit. Un peu comme certain.es rationalistes, prompts à s’acharner sur la mémoire de l’eau, les granules et les croyances du quidam qui passe, mais qui ne présentent pas la même heuristique de doute lorsqu’il s’agit de critiquer leurs propres système de croyances, ainsi que de questionner rationnellement la moralité des comportements qui en résultent. Nous n’avons pas envie de laisser l’autodéfense intellectuelle chomskienne bradée à des petites carrières de pédagogues à la mode, sans aucun mordant, sans aucune velléité de réformer ou modifier un tant soit peu les barreaux de la cage, qui conspuent l’anti-darwinisme chez les élèves musulmans, mais ne raillent pas l’iniquité du contrat didactique tissé à l’école, ni la reproduction des classes sociales que celle-ci proroge, et encore moins l’imposture de certains médias qui font appel à elles/eux, ni le détournement du problème politique soulevé par les « djihadistes » en pur problème cognitivo-mental.

Le CorteX

Des camarades sceptiques nous répondent

Quelques camarades sceptiques nous ont fait le plaisir de réagir à ce texte, et nous les en remercions. Ils nous ont autorisé à reproduire le courrier du 29 janvier 2017 contenant leurs remarques, et à rendre publics nos échanges ultérieurs éventuels. Puisse tout ceci te permettre, ami.e lecteur.rice, de te faire une opinion éclairée de divers points de vue. :

lire leur réaction

Cher CORTECS,

Votre article sur la grande braderie de « l’autodéfense intellectuelle » a heurté plusieurs acteurs des réseaux de l’esprit critique. Nous vous savons ouverts aux critiques, c’est pourquoi nous vous écrivons. Le but n’est pas de se lancer dans un débat, mais de vous fournir nos impressions pour que vous jugiez des suites à donner à votre publication.

Tout d’abord, le ciblage de cet article nous semble problématique, puisque nous avons été plusieurs à ne pas savoir qui était concerné par les accusations qu’il contient : la “cible” réelle n’est apparue aux lecteurs “éclairés” que nous croyons être qu’aux termes de longs échanges, et surtout d’un “décodage” sollicité auprès de Richard Monvoisin par Jérémy Royaux.

Le ton général du texte s’éloigne de la qualité habituelle des contributions du Cortecs par son ton moqueur, ton qui peut parfois même être perçu comme agressif par certains.

Le ressenti spontané de nombreux lecteurs a été celui d’un mépris de votre part envers les initiatives tournées vers les médias populaires. Nous respectons bien évidemment les choix du CORTECS d’agir en dehors de ces médias et de trouver des manières alternatives de transmettre l’esprit critique. Nous sommes néanmoins préoccupés par l’image que votre billet donne, volontairement ou involontairement, de ne pas respecter les autres choix. En effet, l’alternative est féconde, et nous pensons de notre côté qu’il faut encourager la diffusion des outils de la pensée critique, y compris auprès des médias qui font partie du problème. Sans complaisance, mais sans sembler condamner d’emblée les efforts de ceux qui s’impliquent sur ce terrain. Nous sommes beaucoup à avoir conclu, après de longs échanges, que telle n’était pas votre intention… mais ceci n’a semblé évident à personne. Nous comprenons que votre approche du scepticisme soit politisée, et nous respectons votre choix en la matière, mais nous pensons que vous devriez aussi respecter les autres démarches. Depuis l’origine du mouvement sceptique, certains ont principalement étudié le paranormal (Houdini par ex.), d’autres critiqués la religion (comme Richard Dawkins), d’autres encore se sont investis dans les débats politiques (à la Chomsky). Il n’y a pas là un bon choix versus des mauvais choix, uniquement des manières différentes de pratiquer la zététique.

Parallèlement à ces considérations de forme, qui ont nuit à l’intelligibilité des intentions, des débats sur le fond ont émergé. Cette seconde partie de notre lettre portera sur ces questionnements.

Tel que beaucoup ont pu comprendre (et ont compris) votre article, vous semblez rejeter toute participation sceptique aux médias que nous critiquons, en raison d’une supposée validation de ces médias que provoquerait la présence des sceptiques sur leurs ondes. (La présence de Mendax sur Meta TV vaut-elle validation de ce média par la Tronche en Biais ?) Si la question peut être posée, on ne peut y répondre aussi rapidement et encore moins avec une posture aussi marquée.

Cet argument nous paraît peu étayé. Les médias ne sont pas univoques, et des auteurs d’un même journal peuvent donner différents sons de cloche. On peut certes craindre un effet de halo, mais la remise en cause de la fiabilité des médias n’en est pas moins rendue visible par les productions critiques alors publiées. Savoir quel effet prédomine n’est pas clair.

Soulignons de plus que l’intrusion de l’esprit critique dans ces médias grand public (qui nous posent problème par ailleurs) permet de toucher une cible importante, souvent inaccessible autrement : le “grand public”, première victime des dérives de ces médias. Cette cible n’a pas forcément accès aux supports qui remettent en question la légitimité des discours diffusés, et peut ignorer jusqu’à l’existence même d’entités proposant une critique constructive des médias. N’oublions pas qu’il y a peu de temps encore les divers réseaux de l’esprit critique demeuraient relativement confidentiels. L’engouement actuel (par milliers) sur les réseaux du scepticisme est le résultat d’une forme de présence médiatique que nous jugeons bénéfique. Et cet engouement en lui-même nous semble tout à fait souhaitable.

Tel que d’autres lecteurs sont parvenus à le comprendre, votre texte est une récrimination à l’égard de figures médiatisées de façon récurrentes, et qui présenteraient une vision abâtardie, simplifiée, étriquée, de l’esprit critique. Cet esprit critique édulcoré, qui ne peut critiquer les médias car étant DANS les médias, pose très probablement problème. Mais votre texte ne semble offrir qu’une réaction possible : la déception, teintée d’une certaine hargne (ressentie sinon exprimée). Le texte ne semblant pas proposer d’alternative, nous nous demandons encore une fois : quel est son but ?

Enfin l’aspect politique est central dans ce texte et dans la démarche du CORTECS, mais il reste à prouver que cela doive être le cas du scepticisme en général. On pourrait arguer que la zététique en tant que didactique des sciences a pour noyau l’analyse du paranormal ou des pseudosciences. Cette discipline permet une évolution des représentations du champ social vers plus de rationalisme sans que tous les sceptiques se préoccupent forcément de cet objectif. Dans cette optique l’incursion d’un discours politique peut être jugée problématique car potentiellement contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations rétives à une approche politisée. Pourtant aucun d’entre nous n’imagine une seconde contester à quiconque la légitimité de porter ce combat. Nous sommes plus circonspects, encore une fois, quand votre collectif, figure importante et respectée, semble décréter que sa ligne est en quelque sorte « l’authentique scepticisme» et que les autres sont « aseptisés ».

Oui, en somme, et comme l’a confirmé la nécessité des éclaircissements transmis par Richard Monvoisin à Jérémy Royaux, aucun de nous n’a compris le but (ou les buts ?) de cet article. Nous craignons de ne pas être les seuls.

Et c’est bien cette crainte qui nous pousse à vous écrire aujourd’hui. Il est nécessaire que les sceptiques se critiquent. Ils doivent néanmoins s’assurer que leur critique est claire, et ne prête pas à des interprétations abusives. Les “sceptiques du scepticisme”, que beaucoup d’entre nous devons subir dans nos réseaux, vont très certainement instrumentaliser ce texte sans nuance pour nous jeter du “chien de garde du système” avec une délectation accrue par la possibilité de citer le CORTECS à l’appui de telles accusations. Il serait regrettable de ne pas tenir compte des écosystèmes dans lesquels d’autres que vous travaillent, et qui représentent leurs propres défis.

Votre intention n’était peut-être pas, nous en convenons, de critiquer les sceptiques qui ont une approche moins politisée que la vôtre, mais plutôt de cibler quelques figures médiatiques. Néanmoins vous savez aussi bien que nous qu’un article n’est pas qu’une affaire d’intention, mais également d’intelligibilité et de perception. Or cet article nous semble loin d’être transparent aux yeux des éventuels lecteurs potentiels.

Signatures : Jean-Michel Abrassart, Ariane Beldi, Sylvain Bissel des Chroniques Zététiques, Bunker D, Marc Doridant, Thomas Durand, Nichoax Pocus, Jérémy Royaux, Vled Tapas

Le pacte cérébelleux, réponse aux camarades

Nous avons pris bonne note, réfléchi, discuté, et co-écrit une réponse collégiale, postée le 19 février 2017 avec l’espoir qu’elle augure maintes réflexions critiques dans les chaumières – et nous gratifie d’autres courriers, d’accord avec nous ou non. Puisse tout ceci te permettre, ami.e lecteur.rice, d’usiner ta réflexion déjà bien aiguisée (méfie-toi, cette dernière phrase est une technique de flatterie). :

lire notre réponse

Bonjour à vous, consortium d’acteurs et d’actrices de l’esprit critique.

Merci de vos retours et de vos questionnements. Nous avons pris le temps pour répondre car notre collectif a pour fâcheuse habitude de travailler par consensus. Par conséquent, nous avons bossé à plus de 20 mains. C’est plus que Blanche-Neige, qui elle bossait seulement avec 7.

Nous ne voyons pas où serait le problème, comme vous dites, de se « lancer dans un débat », bien au contraire, surtout s’il est rationnel. Nous ne sommes par contre pas sûr.es de voir en quoi le fait de ne pas mentionner une cible réelle serait problématique en soi : ce que nous critiquons, c’est une certaine posture, une disposition vis-à-vis de la diffusion de l’esprit critique. Viser telle ou telle personne raterait doublement l’objectif : d’une part, cela confinerait à de l’ad hominem 1, or ce ne sont pas les personnes qui nous préoccupent, mais les comportements ; et d’autre part ces comportements ayant de réelles conséquences dans la vie publique et politique, il nous semble judicieux que toute la « communauté » sceptique, zététique, rationaliste, matérialiste, bright, peu importe l’épithète, s’empare de ces préoccupations. Nos critiques sont vectorielles, si vous nous passez l’expression, car étant toutes et tous à des implications diverses et au moyen de supports différents, elles visent un effet de direction. Pointer des gens en particulier, c’est possible – certains d’entre vous l’ont fait copieusement à propos d’Idriss Aberkane (épisode 362 du podcast Scepticisme scientifique, ou menace-théoriste en octobre 2016), ou dans un temps plus ancien sur Pierre Lagrange par exemple – mais malgré la justesse de ces critiques, cela nous a souvent laissé une impression de s’en prendre à la culotte du zouave, et non au colonialisme.

Vous avez été « heurté.es », et déplorez un « ton moqueur », « pouvant être perçu comme agressif ».

Nous ne savons pas trop quoi faire avec ça. C’est plutôt paradoxal parce que les affects n’auraient dû justement s’ébouriffer que si nous avions ciblé des individus, ce que volontairement nous n’avons pas fait. Loin de nous toutefois l’intention de développer des ressentis de ce genre, mais, que le lecteur en palpe le caractère corrosif, et le prenne de plein fouet, oui, c’était notre but.

Il faut dire que l’enjeu est de taille. L’un.e d’entre vous a par exemple cité le passage suivant :

« […] des petites carrières de pédagogues à la mode, sans aucun mordant, sans aucune velléité de réformer ou modifier un tant soit peu les barreaux de la cage, qui conspuent l’anti-darwinisme chez les élèves musulmans, mais ne raillent pas l’iniquité du contrat didactique tissé à l’école, ni la reproduction des classes sociales que celle-ci proroge, et encore moins l’imposture de certains médias qui font appel à elles/eux, ni le détournement du problème politique soulevé par les « djihadistes » en pur problème cognitivo-mental. »

N’oubliez pas que ce passage est précédé de « Nous n’avons pas envie de laisser l’autodéfense intellectuelle [ADI] à » ces types de carrières. Il s’agit donc d’un souhait qui ne nous semble pas déraisonnable, et que vous partagez probablement : nous avons du mal à imaginer quelqu’un.e qui souhaiterait que l’ADI soit bradée à des petites carrières de pédagogue à la mode, etc.

Au sujet du ton peu orthodoxe de cet article, il est spécifié dans sa catégorisation qu’il s’agit pas d’un matériel didactique, mais d’un article d’opinion. Ce n’est d’ailleurs pas le premier. Il ne faut donc pas s’attendre à un « standard scientifique » – à moins que l’on y décèle la présence d’assertions fausses (le cas échéant, merci de nous le signaler).

Puisqu’il faut rentrer dans le détail de votre courrier, faisons-le précisément si le mode par incises ne vous gêne pas. Nous en profiterons pour aborder les trois ou quatre points-clés de la discussion.

Vous écrivez :

« Le ressenti spontané de nombreux lecteurs a été celui d’un mépris de votre part envers les initiatives tournées vers les médias populaires. »

Un sentiment étant subjectif, il nous sera difficile d’argumenter dessus. Vous serez d’accord qu’invoquer « de nombreux lecteurs », sans chiffres, fasse un peu flop. Et quand bien même ces lecteurs seraient légion, l’ad populum ne serait pas loin.

Quant aux deux seuls médias explicitement cités, il s’agit de BFMTV et Le Point. Pourvu que ça ne résume pas ce que vous appelez des médias « populaires », terme pour le moins impropre. BFMTV est une filiale du groupe NextRadioTV, elle-même possédée par le groupe News participation dont l’actionnaire principal est André Weill, une des plus grandes fortunes de France. Le Point est une filiale du groupe Sebdo Le Point, elle-même possédée par le groupe Artemis dont l’actionnaire principal est François Pinault, une autre des plus grandes fortunes de France (voir cette infographie). On fait plus « populaire » ! Ce sont des médias qui sont des rouages de propagande bien connus, décrits comme tels depuis longtemps, et coutumiers de toute la panoplie des biais que vous et nous critiquons et d’un certain nombre d’arrangements avec la réalité, confinant parfois à la fraude (voir l’affaire Décugis en 2010, par exemple).

Donc nous ne citons pas de médias « populaires », par conséquent il ne risque pas d’y avoir de « mépris » envers eux dans notre texte.

Peut-être entendez-vous « populaire » au sens de « beaucoup lus ou vus » ? Pas de « mépris » a priori non plus envers ce type de média, ou envers leur lectorat ! Bon, il y a bien deux bémols : pour les presses quotidiennes régionales, qui nous fournissent tant de matériel critique sans le vouloir qu’on a du mal à les prendre au sérieux ; et pour les presses gratuites qui ne sont plus vraiment des presses, mais des publicités.

Répétons-nous si besoin : nous remettons en question le fait de se tourner spontanément et sans hésitation vers ce type de média pour diffuser l’esprit critique. Pas de mépris, donc, mais des doutes rationnels, qui ne semblent pas être vôtres.

Vous dîtes :

« Nous respectons bien évidemment les choix du CORTECS d’agir en dehors de ces médias et de trouver des manières alternatives de transmettre l’esprit critique. Nous sommes néanmoins préoccupés par l’image que votre billet donne, volontairement ou involontairement, de ne pas respecter les autres choix.

En effet, l’alternative est féconde, et nous pensons de notre côté qu’il faut encourager la diffusion des outils de la pensée critique, y compris auprès des médias qui font partie du problème. »

L’alternative est féconde quand il s’agit d’imaginer plusieurs hypothèses pour expliquer un phénomène. En revanche, c’est franchement inadapté dans le cas présent, puisque l’enjeu n’est pas de proposer une théorie alternative, mais d’atteindre un objectif de transformation sociale ou politique – car que peut avoir, in fine, comme autre objectif valable la diffusion de la pensée critique, sinon une transformation sociale vers la fameuse et hypothétique connaissance de cause ?

Attardons-nous une seconde sur ce point : qu’est-ce qu’apprendre à détecter des sophismes, des corrélations hasardeuses, des concepts creux, des mensonges pseudoscientifiques, si ce n’est pour une vertu sociale, ou citoyenne ? Enseigner la zététique sans velléité de transformation sociale, c’est comme chanter en silence, comme danser sans bouger, comme croire sans Dieu ou l’un de ses avatars. Beaucoup d’associations sceptiques revendiquent ce principe plutôt déontologiste, « de ne pas faire de politique », mais elles optent toutes pour des conférences publiques et des apparitions médiatiques : pourquoi sinon pour changer des opinions et faire de l’éducation populaire ? Au sens grec ancien, ça s’appelle de la politique.

Afin d’éviter tout écueil type effet paillasson sur le mot « politique », disons en première approche que par « politisé » nous entendons au minimum :

− qui se questionne ou est disposé à se questionner sur la dimension morale de ses actions (de toutes ses actions) ;

− qui possède une volonté d’agir pour transformer nos systèmes sociaux et politiques ;

− qui croit que l’état actuel de ces systèmes ne résultent pas d’un processus inexorable, d’un deus ex machina, mais résultent en partie de choix, qu’il aurait pu en être autrement et qu’il peut en être autrement (évidemment ce point est lié au précédent). Le scepticisme raisonnable moderne s’inscrit exactement dans cette visée.

Aussi, faire une transmission apolitique de la zététique, c’est un oxymore, pour ne pas dire un non-sens. Que ferait une association zététique vraiment apolitique ? Elle ferait de la pantoufle dans un entre-soi de salon, et se garderait par-dessus tout d’aller dans les médias.

Un peu plus en aval dans votre lettre vous mentionnez que

« […] l’incursion d’un discours politique peut être jugée problématique car potentiellement contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations rétives à une approche politisée. »

On pourrait retourner cet argument comme une chaussette : une zététique qui se dit apolitique pourrait être contre-productive dans la diffusion de l’esprit critique vers des populations avides d’approches politisées – qui sont aussi très présentes dans les classes populaires.

Mais de manière plus vaste, nous ne sommes pas les seul.es à politiser la question. D’autres le font, avec des moyens autrement plus importants que les nôtres, en affichant en outre une prétendue « neutralité ». Or, vous connaissez l’aphorisme de Howard Zinn : « on ne peut pas être neutre dans un train en marche ». Centrer l’apprentissage de l’esprit critique sur certains sujets, en en évitant d’autres est un choix non neutre. Y a-t-il besoin d’exemples ?

Nous sommes sollicité.es pour promouvoir l’esprit critique dans des formations pour les enseignants sur la laïcité : au programme, questionner le port du voile ou faire accepter les fameuses « valeurs de la République »… sans aucune injonction à toucher aux grosses entorses à la laïcité faites par nos institutions, à commencer par la Loi o 59-1557 dite Loi Debré, instaurant un financement étatique des établissements d’enseignement privés et confessionnels. Ou encore, enseigner ce qu’est une propagande au sens donné par Edward Bernaÿs, et l’appliquer sur Daesch et la Corée du Nord plutôt que dans la communication militaire de l’état français. Ce sont des choix politiques implicites. Nous, à l’opposé, nous assumons notre politisation, la rendons explicite, l’exposons, et la soumettons à critique rationnelle.

Nous pensons qu’une approche apolitisée de la zététique est un non-sens. Donc diffuser un esprit critique apolitique, ça ressemble un peu à certaines positions d’associations anti-sectes qui ne souhaitent pas toucher à Freud de peur de perdre leur public. Transmettre la zététique sans un programme progressiste de transformation sociale, ce serait transformer la zététique en hobby de bourgeois, en scepticisme mondain.

Tant mieux, que l’esprit critique soit diffusé dans des populations apolitiques, mais si tant est que le but soit de les rendre plus politisées, en clair plus actrices de leur propre monde.

Revenons maintenant sur cette vertu d’utilité publique, ou de bien social, ou de transformation politique, comme vous voudrez. Dans cette direction, tout ne se vaut malheureusement pas. Le raisonnement n’est pas différent de celui applicable en santé : toutes les thérapies auto-proclamées ne se valent pas pour améliorer la souffrance d’un patient.
En matière d’intervention dans les médias, un certain nombre d’auteurs ont démontré, dans une filiation allant de Nizan à Bourdieu, de Hermann à Finkelstein, qu’ici non plus tout ne se vaut pas.

Fort heureusement, dans les médias tout n’est pas à jeter ! C’est pourquoi il nous arrive, au bout d’un processus algorithmique des plus tortueux et nécessitant moult palabres internes, qu’on cède de ci ou de là : France Inter, France Culture, RFI, ou le Monde comme c’était le cas il y a quelques jours… 2

Néanmoins, présenter qu’il est pertinent de diffuser les outils de la pensée critique tous azimuts sans regard sur le média, montre une ignorance assez forte, qui ne peut pas être vôtre, de la sphère médiatique, et surtout nécessite des preuves. Le problème, c’est qu’afin de constituer ces preuves, il va falloir s’entendre sur ce qu’il est entendu par « pertinent ». Or c’est là que le bât blesse : nous ne sommes, par exemple, pas du tout convaincu.es que le plus pertinent soit de « saupoudrer sur une masse de gens importante », qui plus est par le truchement d’un média corrodé, scénarisant les discours, faisant des coupes. À la rigueur pourriez-vous rétorquer que faire la prétention inverse (il n’est pas pertinent de…) requiert, elle aussi, des preuves, mais ce serait faire fi de la charge de la preuve, qui immanquablement revient à celui qui produit l’énoncé sur le monde, non pas à nous qui en doutons. Autrement dit, c’est aux sceptiques qui pensent qu’utiliser les médias sans distinction de Féminin Psycho au Dauphiné Libéré, d’On est pas couché au Figaro Magazine, est pertinente pour la diffusion de l’esprit critique (et donc la transformation sociale émancipatrice), d’en apporter la preuve. Et ils/elles partent avec un handicap : car écrire dans Le Point par exemple, sert d’abord Le Point avant de servir le propos. Un média a pour objectif de se vendre. Si on lui propose des informations qui scient la branche sur laquelle lui ou ses annonceurs reposent, il n’y a aucune chance qu’il les accepte (pensez à Lazarus sur France 2, ou les films de Pierre Carles, entre autres). Si Gérald Bronner mettait en danger Le Point avec ses chroniques, Le Point aurait tôt fait de mettre un terme à sa pige. Or Le Point vit très bien les chroniques de Gérald. Et toute la soupe économiquement orthodoxe au bouillon réactionnaire gorgé de valeurs conservatrices que déverse ce « journal de milliardaire » peut s’enorgueillir d’un petit croûton à l’ail d’esprit critique, aussi goûtu soit ce croûton. Il est même probable que les chroniques bien tournées de Gérald amènent du lectorat au Point, ce qui serait quand même un comble.

Vous écrivez que nous souhaitons « condamner d’emblée les efforts de ceux qui s’impliquent sur ce terrain » ? Que nenni ! Ça sent un peu l’épouvantail. Ce n’est ni une condamnation, ni « d’emblée », ni des gens.

Mais les implications en question témoignent soit d’une forte ignorance des processus médiatiques ; soit d’un idéalisme angélique que même les théologiens envieraient ; soit de la simple et compréhensible envie d’être reconnu par son boulanger et d’enorgueillir sa maman. Il ne s’agit pas d’un faux trilemme ! À moins que… à moins que la démonstration soit faite qu’une présence bien souvent cantonnée au « gadget » dans un média « populaire », comme vous dites, ait un effet pérenne en matière de pensée critique chez les récipiendaires. Là, c’est comme en santé :on ne peut pas se cantonner à mesurer l’effet satisfaisant d’une intervention. Il s’agit plutôt de mesurer le rapport bénéfice – risque. Et nous rencontrons des publics qui en ont ras la casquette de se faire expliquer qu’ils ne pensent pas comme il faut (conspirations, laïcité, « radicalisation », médecines dites alternatives) mais à qui on rétorque que leurs critiques – souvent rationnelles – envers un système qui les opprime, hé bien, c’est autre chose, voyons, allez circulez y a rien à voir. Ces gens risquent de jeter le bébé (la démarche sceptique en général) avec l’eau du bain (une démarche sceptique ciblée uniquement sur leurs croyances et leurs pratiques).

Merci en tout cas de nous préciser, malgré l’ad populum discret, que vous êtes

« beaucoup à avoir conclu, après de longs échanges, que telle n’était pas [n]otre intention »

C’est gentil, mais dites-nous : de quelle intention s’agissait-il ? S’il s’agit de jalouser des passages médiatiques, ça ne risque pas – on a déjà donné !

S’il s’agit de nuire à quelqu’un.e non plus. S’il s’agit de mettre la pression sur la communauté sceptique pour qu’elle hisse ses critères d’analyse médiatique, alors oui.

S’il s’agit de stresser un peu les candidat.es au rôle de fast thinker médiatique, alors deux fois youpi !

S’il s’agit de dire que le costume de sceptique revêtu en public implique un devoir de constance critique (constance au sens psychologique), alors trois fois hourra !

En attendant, vous « compren[ez] que [n]otre approche du scepticisme soit politisée, et nous respectons votre choix en la matière » : mais il ne s’agit pas d’un choix. La démarche de diffusion du scepticisme est politisée.

Le registre change un peu ici :

« […] nous pensons que vous devriez aussi respecter les autres démarches »

Il serait étonnant que notre billet nuise bien fort à d’autres démarches. Nous ne sabotons pas les passages médiatiques, ne polluons pas les Youtube, ne commentons rien sur Facebook et pour cause (voir à ce sujet Pour les facebookiens, youtubers, twittors et gmaileux – Entrevue avec Thomas vO) et n’empruntons pas à l’Internationale pâtissière ses tartes à la crème pour faire des entartages. Faut-il pour autant « respecter » une démarche qui semble aller à l’encontre du but escompté ? Cet argument du respect, bizarrement, est exactement homologue des arguments des médecines dites alternatives, des nouveaux mouvements religieux, etc. Nous respectons les acteurs et actrices qui se mouillent, mais déplorons le peu de regard sur une machinerie qui se joue souvent d’elles.eux. Comme aurait dit Bernard de Clairvaux un soir de déprime, l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Vous écrivez que

« depuis l’origine du mouvement sceptique, certains ont principalement étudié le paranormal (Houdini par ex.), d’autres critiqués la religion (comme Richard Dawkins), d’autres encore se sont investis dans les débats politiques (à la Chomsky). Il n’y a pas là un bon choix versus des mauvais choix, uniquement des manières différentes de pratiquer la zététique. »

Qu’il y ait différents objets sur lesquels appliquer l’esprit critique (paranormal, religion, pratiques sociales ou politiques, etc.) et qu’il y ait différentes manières de l’appliquer – on peut par exemple critiquer la religion sur ses assertions factuelles ou sur ses assertions morales – est quelque chose que personne chez nous ne songe à remettre en cause. C’est presque un truisme.

En revanche, nous pensons qu’une fois le pavois moral choisi (par exemple, diminuer la souffrance et maximiser le bien-être du plus grand nombre, option type conséquentialiste, dans le sillage ramifié d’un Bentham par exemple, comme certains d’entre vous l’ont traité dans de récents podcasts), tous les moyens utilisés pour diffuser l’esprit critique ne se valent pas – mais nous avons déjà traité ce point plus haut. De surcroît, on remarque que bien souvent les critiques épargnent des sujets avec lesquels les zététicien.nes ont des liens d’intérêt : pensez au peu de crédit qui est donné aux critiques des croyances sur les médias type Google, Facebook, Youtube et sur les questions de propriété intellectuelle ; pensez au peu de présence zététicienne sur les questions de genre, sur les questions de naturalisme/essentialisme, sur les questions d’éthique animale, sur les questions de propagande de guerre, sur le système carcéral, sur le concept de déradicalisation, sur les politiques de santé publique, sur l’indépendance des professionnels de santé vis-à-vis de l’industrie, sur l’économie orthodoxe, et tant d’autres.

Bien entendu, c’est là l’objet d’une discussion à part entière. Nous nous ferons un plaisir d’y revenir si besoin est.

Surtout, ceci : il n’y a pas différentes méthodes d’application de la zététique ! Il n’y a que des sujets différents. L’heuristique elle est la même, et la rigueur doit être maximale. Le tout est de reconnaître qu’on reste dans un champ et dire pourquoi on en sort, de peur d’être incompétent, et non de peur de mouiller la chemise ou de déplaire au public qui nous écoute. Mais, et c’est ce que font certain.es qui méritent bien nos critiques, si quelqu’un.e se présente nationalement comme zététicien.ne professionnel.le, ou comme champion.ne de la pensée critique, et sans le dire cantonne sa critique à des sujets particuliers en occultant sciemment des pans entiers de réflexion, il y a usurpation ! Nous préférons mille fois des membres d’associations qui disent « nous nous cantonnons au paranormal » en regrettant de ne pas se pencher plus avant sur d’autres sujets plus prégnants par manque de temps, d’énergie, etc. – et Broch en fait partie ! Bien qu’il n’ait par contre jamais nié son engagement de transformation sociale d’extrême-gauche – que des personnages qui font leur capital médiatique sur cette pensée critique, mais ne l’appliquent plus sur des énoncés plus graves, possiblement par incompétence (dans ce cas ils usurpent vraiment leur statut d’incarnation de l’esprit critique), plus probablement de peur de heurter de plein fouet les structures de domination dont ils profitent, ou afin de ne pas mordre la main qui les nourrit (ou les flatte) : dans ce cas, ils.elles sont consciemment ou non rouages du système, nervis.es du pouvoir.

Un exemple : nous savons au CorteX que la critique de l’économie orthodoxe est primordiale. Seulement, nous ne sommes pas expert.es. Aussi reconnaissons-nous que nous péchons par incompétence, et qu’il faudrait dans l’absolu y remédier vue la souffrance générale créée par le modèle économique actuel, qui dépasse largement la souffrance générée par l’ésotérisme ou les médecines dites alternatives.

« Tel que beaucoup ont pu comprendre (et ont compris) votre article, vous semblez rejeter toute participation sceptique aux médias que nous critiquons, en raison d’une supposée validation de ces médias que provoquerait la présence des sceptiques sur leurs ondes. (La présence de Mendax sur Meta TV vaut-elle validation de ce média par la Tronche en Biais ?) Si la question peut être posée, on ne peut y répondre aussi rapidement et encore moins avec une posture aussi marquée. »

Encore une fois, il serait profitable à tous de nous citer précisément. Ici, vous nous servez une généralisation abusive (« toute participation ») et un effet cigogne (« en raison d’une supposée ») alors que justement, nous ne rejetons aucune participation dans les médias a priori et nous soupesons chacun de nos choix, selon des critères que nous avons longuement discutés ensemble (et qu’on appelle entre nous notre « algorithme média »). Nous disons en substance : « Car si nous acceptons de parler dans un média qui bourre le mou de son lecteur ou de son spectateur depuis des années, nous lui donnons une caution évidente, dont il saura se targuer quand des critiques fuseront. » La participation d’un.e sceptique à un média constitue une caution, minime, mais réelle, à ce média. D’ailleurs, aucun média ne finance des piges ou des propos qui vont à l’encontre de leur ligne. Autrement dit, en tant que penseur.se critique, si nous acceptons de parler dans ce média-ci, c’est qu’il nous apparaît comme fréquentable, qu’il a suffisamment de bons côtés. Au moins pour des penseurs.ses critiques, la question qui gouverne ces choix doit être la suivante : « La caution que je vais apporter à ce média moisi va-t-elle être contrebalancée par l’effet de mon intervention ? ». Or comme nous l’avons exposé précédemment, la question de l’efficacité de l’intervention n’est pas du tout évidente… les aspects problématiques de bon nombre de médias, eux, par contre, sont évidents. Donc si vous êtes à tendance conséquentialiste, ce qui est assez probable, le choix est souvent assez vite fait.

Pour vous montrer à quel point il n’y a pas grand chose de postural dans notre position : même le média « enseignemental », central dans notre travail, est discuté chez nous. En prison par exemple, le leitmotiv est le suivant : dans quelle mesure faire des cours d’esprit critique en prison légitime une structure de purgation de peine qui est mortifère ? Durant six ans, nous avons pensé que cela valait la peine. En 2017, avec le nouveau plan de lutte anti-terrorisme, il nous est quasiment demandé de fliquer les détenu.es radicalisé.es. Le ratio n’est plus bon. Nous allons nous retirer, en expliquant publiquement pourquoi (voir note supra).

Alors, vous autres camarades et collègues : y a-t-il un comportement de Youtube qui vous ferait un jour quitter la plate-forme ?

Y a-t-il un point qui ferait que vous déclineriez un plateau télé ?

Sans critère de démarcation, une unilatéralisation médiatique est un scénario incontradictible. Comme dans une théorie auto-immune. Comme dans la tombe de Popper. Comme si « évangéliser le grand public » quelle que soit la forme était « bien » en soi. Auquel cas, cela ressemblerait aux postures humanitaristes classiques, fortement déontologistes.

En attendant, pour répondre prosaïquement, oui Mendax sur MétaTV est une caution (non pas dans le sens où Mendax doive cautionner tous ce qui est dit sur MétaTV en général, mais au sens où MétaTV peut se prévaloir de l’avoir invité), Jean-Michel Abrassart dans un magazine « féminin » aussi, Richard Monvoisin sur RFI aussi, Albin Guillaud sur Scepticisme scientifique également, mais bien moins à déplorer que, par exemple, un.e rationaliste qui irait écrire dans Valeurs actuelles ou Le Point : si vraiment la critique filtrait chez les lecteurs du Point, alors il y a fort à parier que les lecteurs… arrêteraient de lire le Point ! Donc si Le Point y trouve son compte, la démonstration est faite. Idem pour un.e sceptique qui irait sur BFMTV. D’ailleurs, regardons ensemble l’argument suivant : c’est probablement plus grave d’aller dans un média décérébrant que dans un média d’opinion assumée comme la presse d’extrême-droite National hebdo. Bizarrement, aucun.e des sceptiques au nom desquels vous parlez n’y va, à notre connaissance. Nous non plus d’ailleurs, à là différence près que nous avons questionné ce choix, de la même manière que celui d’aller dans les autres médias. Et maintenant vous connaissez notre algorithme 3. Mais le vôtre ne nous est pas connu.

Si « tout est bon », pourquoi n’allez-vous pas dans les médias nationalistes ? Et pourquoi, si « zététique apolitique » était vraie, certain.es d’entre vous en veulent à Bricmont de ne pas regarder dans quel média il s’exprime ? N’y-a-t-il pas là contradiction ?

« Les médias ne sont pas univoques, et des auteurs d’un même journal peuvent donner différents sons de cloche. On peut certes craindre un effet de halo, mais la remise en cause de la fiabilité des médias n’en est pas moins rendue visible par les productions critiques alors publiées. Savoir quel effet prédomine n’est pas clair. »

Nous sommes a priori d’accord avec le début (même si nous n’avons pas bien compris la fin de la deuxième phrase).

« Soulignons de plus que l’intrusion de l’esprit critique dans ces médias grand public (qui nous posent problème par ailleurs) permet de toucher une cible importante, souvent inaccessible autrement : le “grand public”, première victime des dérives de ces médias. »

C’est toujours la même antienne.

Notre problème réside dans « toucher une cible importante ». Une personne ayant à cœur la diffusion de l’esprit critique dans une perspective de transformation sociale doit-elle souhaiter qu’un maximum de monde soit « touché » par une intervention critique éructée par un.e sceptique qui doit crier plus fort que les autres ? « touché » par un « savant » qui se voit contraint de se mettre une plume dans un orifice en gloussant entre Miss France et un chroniqueur célèbre ? Ou « touché » par un discours tronqué, coupé quand trop technique, transformant l’outil très abrasif qu’est le rasoir d’Occam en un gadget incompréhensible du type « l’explication simple est toujours la bonne » ? Ou « touché » par une critique d’une thérapie alternative, mais en épargnant l’héritage freudien qui permettra telle une hydre de refaire renaître autant de nouvelles thérapies du même genre ?

Il y a une part d’angélisme dans cette posture qu’au fond, on envierait presque. À ce que nous voyons, les interventions média grand public des zététicien.nes dont vous portez la parole ne sont pas choisies sur un ratio morceaux-d’outils-critiques-transposables-à-telle-heure-devant-tel-public-mangeant-des-cacahuètes-après-le-boulot versus déformation-du-propos-occasionnée-par-le-montage, le cadre et la scénarisation entourant l’intervention, etc.

Baaah, nous ne faisons que radoter. Ces points ont déjà été abordés entre autres dans « Le débat immobile, ou L’argumentation dans le débat médiatique sur les « parasciences » » de Marianne Doury aux éditions Kimé. C’était il y a maintenant 20 ans. Sans doute est-ce trop peu lu.

« N’oublions pas qu’il y a peu de temps encore les divers réseaux de l’esprit critique demeuraient relativement confidentiels. L’engouement actuel (par milliers) sur les réseaux du scepticisme est le résultat d’une forme de présence médiatique que nous jugeons bénéfique. Et cet engouement en lui-même nous semble tout à fait souhaitable. »

Voilà factuellement l’angélisme, humanitariste. D’abord, votre effet cigogne : comment savoir si l’engouement est dû à un effet de seuil dans la population, aux interventions médiatiques, aux enseignements, etc. ? Car, pardon de le rappeler, il y a un faux dilemme à éventer : soit on va dans les médias, soit on prive le grand public de l’esprit critique. C’est le dilemme devant lequel nous avons été mis par la journaliste du Point, d’ailleurs. Il y a pourtant d’autres moyens de diffuser nos outils, dans des cadres qui permettent un meilleur rapport bénéfice risque, par exemple créer des enseignements au long cours.

D’ailleurs, n’êtes-vous pas étonnés de cet engouement ? N’êtes-vous pas étonnés de la prolifération de youtubers, à la qualité parfois vraiment discutable ? Quels sont les critères que vous transmettriez pour discriminer un.e bon.e youtubeu.r.euse zététicien.ne d’un.e mauvais.e ? S’il n’y en a pas, alors on rejoint les chasseurs du Bouchonnois.

Et cet engouement vous paraît souhaitable ? Quel type d’engouement ? Si c’est une pensée critique qui amène les citoyen.nes à trouver des sophismes chez leurs dirigeants, ou leur donne des degrés de libertés en plus, pas de problème. Si c’est une version critique édulcorée, sans dent, sans main, sans rien d’autre que le statut social que l’on peut prendre en discutant très tard de la mémoire de l’eau, mais en quittant la discussion par exemple quand il s’agit de discuter des plafonds de verre des femmes, et des rouages qui font que la majorité des gens se tournant vers la zététique semblent être des hommes, blancs, hétéro, CSP moyenne aisée… alors oui, cela revient à brader la démarche.

On espère que vous ne revendiquez pas l’évangélisation d’une armée de zététicien.nes de surface, cantonné.es à des sujets précis et souvent inoffensifs, avec quelques héraults médiatiques épatant la galerie. Nous, nous voulons former des penseurs.ses critiques sans fard, sans œillères, sans limite sinon des limites assumées, en déclarant par ex. « oui, en tant que penseur critique, je devrais être pointu sur la science officielle qu’est devenue l’économie libérale / la psychanalyse / la pseudo-histoire, mais je n’ai pas eu le temps de m’y pencher. Cependant, c’est un défaut de mon organisation ou de mes goûts, et non une frontière légitime dans l’utilisation de mon cerveau critique qui se doit d’être constante ». Ce genre de réponse serait vraiment géniale. Nous en connaissons quelqu’un.es qui la font et l’assument. C’est une sorte de pacte cérébelleux.

« Tel que d’autres lecteurs sont parvenus à le comprendre, votre texte est une récrimination à l’égard de figures médiatisées de façon récurrentes, et qui présenteraient une vision abâtardie, simplifiée, étriquée, de l’esprit critique. Cet esprit critique édulcoré, qui ne peut critiquer les médias car étant DANS les médias, pose très probablement problème. Mais votre texte ne semble offrir qu’une réaction possible : la déception, teintée d’une certaine hargne (ressentie sinon exprimée). Le texte ne semblant pas proposer d’alternative, nous nous demandons encore une fois : quel est son but ? »

Si ce texte nous a permis de pointer cet embourgeoisement « topique », le premier but est atteint. Nous avons un certain nombre de courriers qui nous en remercient – mais le nombre n’est pas un argument.

S’il nous a permis également d’exprimer que le scepticisme scientifique est une posture qu’on ne peut revêtir facilement, le deuxième but est également atteint. Que le scepticisme et le matérialisme méthodologique soit une posture permanente et non un hobby « pépère » ; et que ceux qui s’octroient du pouvoir aient cette cohérence intellectuelle et la rigueur maximale. CorteX ou pas CorteX, peu importe, il s’agit de hisser le niveau général. De fournir un standard de rigueur et de cohérence intellectuelle. Nous faisons avec notre milieu sceptique la même chose que dans le monde des thérapies manuelles, par exemple : mettre un standard élevé, sous peine de voir la discipline galvaudée. Un certain nombre d’entre vous remplissent d’ailleurs en grande partie ces exigences. Et nous ne proposons pas d’alternatives ? Bien sûr que si : les cours, en amphi, en classe. Les conférences. Les formations pédagogiques de profs. L’auto-hébergement de ressources. La mise en ligne de séquences pédagogiques. La participation aux podcasts qui tiennent sévèrement la route comme Scepticisme scientifique ainsi que nos contributions financières pour soutenir nombre de projets sceptiques de tout type. La publication dans des revues scientifiques libres et dans des maisons d’édition qui ne soient pas des majors. Le financement participatif de films et de documentaires, de webradio, etc.

Il y en a un paquet.

Dans notre démarche, nous sommes loin d’être des modèles : Bertrand Russell est bien plus solide que nous, de même qu’en vrac à différents niveaux des Baillargeon, Lecointre, Bricmont, Chomsky, Zinn, Sand, Dawkins, Nasreen, Bourdieu, Accardo, Gardner, et plus anciens comme Fanon, Rostand, Diderot… et tellement d’autres ! Le bouquin de Charbonnat « Histoire des matérialismes » chez Matériologiques regorge de personnages de ce genre, bien plus proches de ce que nous appelons de nos vœux que nous-mêmes.

« Les “sceptiques du scepticisme”, que beaucoup d’entre nous devons subir dans nos réseaux, vont très certainement instrumentaliser ce texte sans nuance pour nous jeter du “chien de garde du système” avec une délectation accrue par la possibilité de citer le CORTECS à l’appui de telles accusations. Il serait regrettable de ne pas tenir compte des écosystèmes dans lesquels d’autres que vous travaillent, et qui représentent leurs propres défis. »

Les nuances, c’est comme le Dieu de Laplace : cela n’est pas nécessaire ici. L’argument des nuances est un grand classique, par exemple, des curés envers les athées, des Intelligent designers envers les évolutionnistes ! C’est une sorte de sous-ensemble de l’argument du pluralisme démocratique discuté plus haut.

Toute cette inquiétude est réflexive : sommes-nous des chiens de garde du système ? Sommes-nous des « danseuses », des « bouffons » à l’université ou dans l’éducation nationale ? Pour le savoir, il faut essayer de se doter de critères rationnels, et solliciter des regards extérieurs. Nous avons pensé réunir un panel de personnes peu complaisantes qui pourraient nous dire « stop, là, les couleuvres que vous avalez sont trop grosses pour laisser votre scepticisme indemne ». De votre côté, sans critère de ce genre, vous prenez le risque d’être confit.es dans une position relativiste, sans critère de réfutabilité à vos stratégies médiatiques. Et c’est là qu’on devient un.e chien.ne de garde. Alors partageons nos réflexions et nos critères, hissons-nous mutuellement vers le haut.

Quant au risque d’instrumentalisation de notre texte par les sceptiques du scepticisme dans les « écosystèmes » sceptiques francophones, il ne nous inquiète pas vraiment. Les sceptiques du scepticisme sont souvent soit des relativistes cognitifs, soit des croyant.es (avec acte de foi), donc leurs attaques sont fragiles et supportent mal la panoplie atropopaïque des rasoirs d’Occam, critère de Popper, etc. Et il est des « écosystèmes » bien plus difficiles. Car méditons quand même ceci : vous qui semblez défendre une zététique apolitique, comment expliquer qu’en se déplaçant dans des « écosystèmes » un peu plus lointains, chez Basava Premanand ou chez Narendra Dabolkar, ou quelques kilomètres plus loin, chez Avijit Roy, Washiqur Raman ou Ananta Bijoy Das, ou quelques kilomètres plus près comme Raïf Badawi, comment expliquer que le contenu « apolitique » que vous produisez ici vous vaudrait au mieux les fers, au pire l’éventration ailleurs ? Revendiquer une zététique non politisée, comment cela serait-il possible quand déjouer des illusions ou appliquer le pacte cérebelleux vous fait tuer à la machette à quelques milliers de kilomètres ? Si vous y croyez vraiment, alors par pitié ne faites plus de vidéos ou de podcasts ! Car il est des contrées où le simple fait de les utiliser fait prendre le risque d’une rafale de plomb.

Avec toute notre sympathie pour la plupart de vos initiatives, avec doute rationnel pour certaines, et avec l’espoir que toute la communauté sceptique reconnaisse et se saisisse des aspects politiques de la diffusion de la pensée critique.

L’équipe du CorteX


Pour compléter cette réponse, voici le lien vers l’interview de Richard Monvoisin réalisée en octobre 2015 par Jérémy Royaux et Jean-Michel Abrassart pour le balado Scepticisme Scientifique, interview dans laquelle sont abordés plusieurs sujets en rapport direct avec la discussion entamée ci-dessus :

(notamment à partir de 25′)

Pour une pensée critique corrosive. Le CorteX en terres parisiennes

Depuis les attaques qui ont touché Paris en novembre dernier, la pensée critique est mise à toutes les sauces. On ne compte plus les experts auto-consacrés qui raflent de juteux marchés publics en prison (nous avions reproduit un article du Canard enchaîné qui en cause ici) ou dans les écoles. Soyons honnêtes : en plus de nous affliger, la situation nous agace car elle participe à aseptiser et à individualiser une pensée critique que nous concevons comme collective et corrosive. Alors, sur les conseils de nos prédécesseurs comme Normand Baillargeon, nous avons accepté de porter la lutte dans les hautes sphères du Ministère de l’Éducation Nationale à Paris. Récit d’une folle aventure qui va porter le CorteX et le travail discret mais acharné de notre collègue Denis Caroti dans la bouche d’une ministre.

Tout commence par un de ces courriels qui nous invitent à siéger en tant qu’expert dans un obscur « comité de pilotage ». Cette fois-ci, c’est du Ministère de l’Éducation nationale dont il est question. A l’origine la demande est plutôt reçue fraîchement : on se demande ce que va bien pouvoir changer notre participation à une énième réunion d’experts de la pensée critique.  Alors, comme souvent, on pèse le pour et le contre et on en parle autour de nous. Richard Monvoisin en touche notamment un mot à Normand Baillargeon lors de sa participation au colloque Forum et Société de l’Association Francophone pour le Savoir (ACFAS). La réponse de ce dernier est sans équivoque : il nous conseille d’y aller pour porter la cause de toutes celles et ceux qui ont essuyé quolibets, horions et avanies pour avoir enseigné une pensée critique subversive dans des lieux où elle n’était guère la bienvenue.

C’est ainsi que nous avons mandaté nos collègues Denis Caroti et Richard Monvoisin pour participer à cette grand-messe de la pensée critique (il faut dire qu’on sentait bien que tous deux avaient une furieuse envie de voir la Tour Eiffel et les Champs Élysées). Le fonctionnement de telles instances est tellement flou qu’on se dit, qu’à tout le moins, on pourra rapporter ce qu’il s’y passe. 

Arrivés sur les lieux, on se retrouve au milieu d’un panel d’experts invités et mélangés avec un grand nombre de représentants de l’Education Nationale et autres institutions qui y sont rattachés. Aucune justification n’est donnée du panel de personnes présentes mais on se retrouve en compagnie de têtes connues comme Nicolas Gauvrit et d’autres moins connues comme Frédéric Lenoir, plutôt connu pour ses positions spiritualistes ambigues1. L’ordre du jour mentionnait un grand nombre de points à traiter (comme l’évaluation des actions remontées au Ministère par les enseignants depuis un mois suite à l’appel à projets diffusé à tous les professeurs de France), et nous avions peu d’espoir de glisser nos interrogations et propositions et aussi de dire que la pensée critique que nous rêvons de voir enseignée dans les classes n’est pas forcément celle promue par nos prescripteurs.

La réunion flotte alors un peu et c’est à ce moment que nos collègues s’engouffrent dans la brèche et présentent le travail fait depuis ces 10 dernières années, sans taire les griefs contre un « esprit critique » longtemps vanté par tous, enseigné par personne, et désormais improvisé par nombre d’acteurs avec des standards plus ou moins élevés, personnalisant son enseignement et dévoyant son contenu, subversif par nature. Nous en avons été témoins à de maintes reprises : à trop vouloir ramener les détenus, les élèves, et le « grand public » dans le droit chemin au nom de la promotion du « bien penser », on finit par créer les bi-standards que l’on dénonce en plaçant la pensée critique du côté des puissants. On en profite aussi pour souligner les blocages, trop fréquents, auquel on fait face. C’est l’occasion, une fois n’est pas coutume, de souligner l’œuvre de notre collègue Denis Caroti qui a pendant près de 10 ans répandu des centaines (centaines !) de conférences en collège et lycée et des dizaines de formations pour enseignants sur la pensée critique, dans une indifférence presque totale de la part de sa hiérarchie et de l’ESPE surtout. On se dit que, quitte à avoir fait le déplacement, autant le rentabiliser en ne restant pas silencieux. A dire vrai, la sensation fut plutôt positive : écoute et hochements de têtes réguliers accompagnant nos prises de paroles.

La suite, nous n’en espérions pas tant : un directeur de cabinet qui promet de nous revoir, une proposition de création de postes dédiés à la formation continue des enseignants à la pensée critique et… une ministre qui cite dans le CorteX devant un parterre de professeurs à la Sorbonne. Voici un extrait du discours du 9 décembre 2016 de Najat Vallaud-Belkacem, lors du forum Laïcité et esprit critique.

Le reste du discours est ici.

Oh, le discours n’est pas enflammé, la ministre ânonne un peu. Et puis, nous ne sommes pas dupes : cette reconnaissance, on la doit avant tout à un travail obstiné dans l’ombre et aux centaines de professeurs qui sont repartis convaincus de nos formations et qui ont porté le combat dans leurs établissements. Et pour qui nous connaît bien, la recherche des reconnaissances symboliques n’est pas notre fort. Médailles, breloques, citations, ce n’est pas vraiment le carburant qui irrigue nos veines, et nous applaudissons celles et ceux qui les refusent (comme Jacques Bouveresse, vous vous rappelez ? On avait applaudi des deux mains). 

Mais enfin, c’est une brèche, et notre but est de contraindre tous les acteurs auto-revendiqués esprit critique à prendre un standard critique élevé. Car la pensée critique n’existe plus si elle est bradée, ou cantonnée à des sujets limités et consensuels. Elle est corrosive, griffue, difficile à manier et oblige à se la retourner soi-même contre soi.

Petite compromission quand même : Denis répète souvent qu’il faut arrêter de jouer avec l’effet paillasson sur le mot énergie.  Bizarre, il ne l’a pas fait remarquer à la Ministre. Pleutre !

Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 23, décembre 2016

Chaque semestre depuis 2005, les étudiants de l’UE transversale « Zététique & autodéfense intellectuelle » produisent des dossiers d’enquête sur des sujets « critiques ». Si certains dossiers sont peu exploitables, d’autres sont vraiment de très beaux travaux, qui contiennent certes parfois des erreurs ou des fautes, mais témoignent d’une démarche intellectuelle exigeante, d’une vérification des sources et des informations présentées, et allant pour quelques-uns jusqu’à l’élaboration de protocoles expérimentaux. Cette fois, un excellent test sur la sensation d’être observé, autisme et régime GAPS, un peu de Napoléon, du Bushido, MK-Ultra, la théorie réactionnaire de Renaud Camus et plein d’autres choses.

L’objectif à terme serait de mettre tous les dossiers de qualité depuis dix ans. J’ai réussi à le faire le semestres 20 (ici), 21 (), et 22 (par là). En attendant, en décembre 2016 m’ont été rendu 62 travaux (hors rattrapages), dont voici à mon avis (subjectif) les plus stimulants. Bien sûr il y a des coquilles, des fautes d’orthographes, des maladresses, mais pour des étudiant-es commençant leur parcours universitaire, on aura vu bien pire, et difficilement mieux. Bravo à elles/eux.

RM

  • Régime GAPS et autisme, par Hugo GALLIEN, Anaïs GRILLET, Camille MARTINIE et Nolwenn MARQUIS. Télécharger
  • Test de la sensation d’être observé, ou Dans quelle mesure l’apprentissage sceptique peut-il influer sur l’apparition du phénomène de la sensation d’être observé ? par Thomas BADIN, Mina BERNARD-SALMIRS, Mana BOURDET, Clémence CHARLES, Alexanne CHESNEAUX, Laura CITTADINI, Simon DADER, Laurine DELORME, Doriane DEPUYDT, Julia DWORAK, Coralie EYNAUD, Johan FERRAZZI, Charlotte GENIN, Sylvain GUICHARD, Paul MARSEILLE LABRANCHE, Océane MASOERO, Césame MELCHER, Lucile RUEL et Anaïs SETTURA. Télécharger  et Analyse statistique (en cours de reprise sur quelques points)
  •  La théorie du grand remplacement de Renaud Camus, ou notre civilisation est-elle en train de disparaître ? par Marylou BLONDIN, Salomé MAMY, Clementine MARTIN, Scott McGUIGAN, Idris SHAH et Jahm-Aldinne SPELO. Télécharger
  • Bushido, historicité et mythes, par Lucie FLATTET, Alain LEONARD, Louane MATUSZCZAK et Marine PASCALIS. Télécharger
  • La scientificité des motifs d’accusation de sorcellerie de la fin du XVème siècle jusqu’au début du XVIème siècle en France, par Chloé LE BRET, Quentin MARX, David MONTALVO, Morgane ROISSE-MERLIN et Thibault VERNET. Télécharger
  • L’affaire du pain de Pont-St-Esprit, par Emilie BERNAZ, Cécile HERAUD, Baptiste REYNAUD, Clémentine STEPHANT et Laura VUAGNOUX. Télécharger
  • Le discours climato-sceptique, ou Claude Allègre, l’imposture climatique ou la fausse écologie, par Iliana BITZBERGER, François EYRAUD, Corentin FOL, Makan GANDIT et Félicie THORAVAL. Télécharger
  • Test de l’effet Knobe, Thomas FAUCHE, Antonin.MACLES, Emilien MANTEL et Bérenger SCHWAB, supervisés par Timothée GUILHERMET. Télécharger
  • Le fluor, par Mathilde DIEUMEGARD, Océane MANGEL et Audrey MARNAS. Télécharger
  • La rationalité dans l’analyse néo-classique est-elle fondée ? par Thomas BOYER, Ronan JEZEQUEL, Laurent JUVENET, Alexis LAURENT et Nawel REY. Télécharger
  • Le fauteuil de la mort, par Marine AGNEL, Fabrice BOUTET, Lorraine DUMONT GIRARD, Marine DUNIER, Emilie GAUTHIER et David MARTIN CHEVALIER. Télécharger
  • Les lampes en cristal de sel, par Kim BARRET, Alice BATTAREL, Clara MOSCA, Benjamin TAM et Fanny VIDAL. Télécharger
  • Le suaire de Turin, par Sarah CORTAY. Télécharger
  • La partialité dans le traitement historique de Napoléon Bonaparte, par Théo BOURGEOIS, Jordan DEMMER, Avo GHARIBIAN, Mathieu TANTOLIN et Rémi RICHOUX. Télécharger
  • Le projet MK-Ultra et la mort toujours étrange du scientifique de l’US Army Frank Olson, par Bertrand GAUSSENS, Valentin MOULIN, Diego PENA AGUILAR LlOTARD et Francois VIEUX. Télécharger
  • La proposition de résolution Fasquelle, étude de son rejet et de son traitement médiatique, par Grégoire COUTURIER, Nolwen KERLOCH, Aurélien RIGOTTI et Tania SOLIER-BRIN. Télécharger et Annexe Texte de la proposition de loi

Région PACA : cycle de conférences Science Culture en lycées

Depuis 2012, le Cortecs, en collaboration avec l’association ASTS-PACA, gère et organise des conférences à destination des lycées de la région Provence Alpes Côte d’Azur. Dans le cadre du dispositif Science Culture, ces conférences sont proposées aux établissements qui en font la demande. Deux interventions, au choix parmi les sujets ci-dessous, entièrement financées, sont préparées en concertation avec les enseignants et personnels de direction des lycées retenus. Cette page est notamment à destination des collègues souhaitant trouver des informations concernant chaque thématique : description, public visé, ressources. Denis Caroti et Cyrille Baudouin répondent à vos questions si besoin (contacts : carotiatcortecs.org et baudouinatcortecs.org)

Manipulation et influence : du quotidien aux dérives sectaires

Présentation

CorteX_Manipulation1

L’objectif est de montrer que les techniques d’embrigadement sectaires et les aliénations en temps de guerre n’ont rien de très différent des techniques de manipulation classiques dans la vie de tous les jours, que ce soit dans la publicité, les relations au travail ou dans nos interactions quotidiennes personnelles. Pourquoi et comment sommes-nous amenés à faire des choses contre notre gré ? Comment éviter de tomber dans les pièges abscons, effet de gel ou autres tentatives de manipulation ? Comment pouvons-nous comprendre les comportements d’engagement de type sectaire ? Nous aborderons quelques outils d’autodéfense intellectuelle utiles pour maintenir notre vigilance critique dans ce domaine.

Public concerné

De la seconde à la terminale, toutes sections, que ce soit en voie professionnelle ou générale et technologique. La pertinence étant maximale avec les élèves sensibilisés à la philosophie.

Préparation

– On peut commencer par questionner les élèves sur le sens des mots mais également : comment peut-on accepter de faire certaines choses qui semblent, de l’extérieur, totalement irrationnelles et incompréhensibles ? Est-on réellement libre de faire ce que l’on veut ? N’y a-t-il pas des contraintes sociales, culturelles ou génétiques qui pèsent sur nos choix et influences nos décisions ? Proposer aux élèves de définir les termes manipulation, influence, dérive sectaire.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Un article sur l’utilisation de célèbres expériences de psychologie sociale

– Une vidéo de Lazarus sur la manipulation des images

Sciences, esprit critique et autodéfense intellectuelle

Présentation

boite outils

Les connaissances scientifiques garantissent-elles un esprit critique affûté ? En l’absence d’enseignements spécifiques, pas si sûr… L’outillage critique est nécessaire aussi bien pour distinguer les contenus scientifiques des contenus pseudoscientifiques, critiquer les médias, qu’évaluer les thérapies efficaces, déceler les mensonges à but commercial ou politique, ou prévenir l’intrusion des idéologies en science, comme dans le cas du créationnisme. Il ne nécessite pas de bagage scientifique important, et confère pourtant les moyens de se défendre intellectuellement face aux idées reçues, aux préjugés, aux arguments fallacieux avec des outils simples. Cet apprentissage prend son sens non seulement en classe, mais également dans la vie de tout citoyen qui, soumis à des flots incessants d’informations, devrait être en mesure de faire ses choix en connaissance de cause…

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes. 

Préparation

– On peut proposer aux élèves de définir, en quelques minutes, et par groupe, les mots suivants : « paranormal », « surnaturel », croyance, « esprit critique » et « science ». Inviter également les élèves à débattre de l’intérêt de développer ou pas l’esprit critique, comment y parvenir ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur le rasoir d’Occam

Sur les illusions et paréidolies

Sur l’effet puits

Sur la notion de croyance

Science et astrologie : l’astrologie raconte-t-elle des histoires ?

Présentation

Latitude_ecliptique_pluton

L’astrologie est omniprésente dans notre quotidien : radio, télé, magazines, internet, difficile de passer une journée sans entendre parler de son horoscope. Faut-il s’en soucier ? La question devient intéressante et commence à nous interpeler lorsque l’on sait que des entreprises louent les services d’astrologues pour leurs recrutements, qu’une astrologue prétend soigner grâce à un thème astral, ou bien encore qu’un député affirme publiquement consulter le signe de ses collaborateurs. Nous pouvons alors légitimement nous interroger sur la validité et l’efficacité de cette pratique. Quelles différences entre astronomie et astrologie ? Entre science et astrologie ? Dans cette conférence, nous présenterons quelques bases pour mieux comprendre la démarche scientifique et en tirer les outils nécessaires à une critique argumentée et sans détour des revendications scientifiques de l’astrologie.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut proposer aux élèves, par groupe de 4 ou 5, de proposer une définition des termes « astronomie », « astrologie », « science », « pseudosciences ». On peut aussi lancer le débat sur la présence importante des horoscopes dans les médias. Comment expliquer un tel succès ?

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Sur l’effet Barnum/Forer

Sur la critique et l’histoire de l’astrologie

Physique et pseudosciences : quelques outils pour s’y retrouver

Présentation

CorteX_uri_geller

Si en sciences, et notamment en physique, il est possible de donner sous certaines conditions un sens précis aux mots énergie, ondes, dualité, attraction, etc., l’utilisation et même la « réalité » de ces concepts n’ont de sens que sous les conditions et les limites strictes dans lesquelles elles ont été définies. Pourtant, ces termes sont réutilisés et réinterprétés (ce qui n’est pas un mal en soi) dans de nombreuses pratiques ou thérapies : non pour enrichir les savoirs, la connaissance et l’interdisciplinarité (processus normal de l’activité intellectuelle) mais bien plus pour donner un vernis scientifique et tromper l’esprit au son du mésusage de la langue, du dévoiement des concepts et faire obtenir l’adhésion à une kyrielle de pratiques dont les fondements et les preuves sont loin d’être assurés. Comment trier alors dans ce flot d’informations et d’affirmations sans être spécialiste ? On donnera quelques outils et pistes de réflexion pour faire ses choix en connaissance de cause.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Des « pouvoirs » du corps expliqués par des effets physiques

Sur l’utilisation du mot « énergie »

Sur l’effet impact

Sur l’effet paillasson

Utilisation et distorsion des chiffres : méfiance !

Présentation

CorteX_images_chiffres

Chiffres de la délinquance, du chômage, de la fraude aux allocations, de l’immigration, des dépenses publiques, de la croissance, du moral des ménages, du CAC 40, de la consommation : pas un seul journal télévisé, pas un seul quotidien qui n’étale multitude de chiffres et de graphiques. Pas un seul politicien, quelles que soient ses idées, qui n’ait pas recours à une avalanche de pourcentages. Comment se prémunir de ce matraquage de données chiffrées ? Comment lutter contre la « mathophobie » qui nous rend si vulnérables ? Nous essaierons de répondre à toutes ces questions et celles que vous ne manquerez pas de poser !

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections. Adapté en fonction des classes.

Préparation

– On peut commencer par lancer un débat sur l’utilité des mathématiques dans la vie de tous les jours. Revenir aussi sur l’utilisation des chiffres et statistiques dans les médias en questionnement les élèves sur des exemples qui leur sont familiers (JT, documentaires, publicité)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Vidéos et articles

Vidéos : comment tromper avec des graphiques et effet cigogne

Le football et les mathématiques

Loi binomiale et échantillonnage

Sur la « prédiction » des crimes et l’outil statistique

La « Nature » : un pilier des argumentaires pseudoscientifiques

Présentation

CorteX_savon_naturel

Bien que le sens du mot naturel puisse paraître évident, quand on prend un stylo et qu’on essaie d’en donner une définition, on en arrive assez rapidement à se tordre les neurones. Sur quelles idées reposent les différentes définitions de la Nature que l’on rencontre régulièrement dans les médias grand public ou les publicités ? Quelles sont les représentations qu’elles créent dans nos esprits ? Nous verrons que, loin d’être anodines, ces idées peuvent induire non seulement certaines adhésions pseudo-scientifiques, mais surtout des catégorisations sociales dites essentialistes, où l’on postule la nature d’un individu pour le classer selon des critères racialistes ou sexistes.
Des thérapies naturelles au retour vers la nature, de la nature de l’espèce humaine à l’essence de la féminité, nous verrons ainsi en quoi les concepts naturels sont des vecteurs de certaines idéologies et systèmes de domination qu’on penserait disparus.

Public concerné

Elèves de première ou terminale uniquement

Préparation

– On peut demander aux élèves, en petits groupes de 3-4, de s’entendre sur une définition commune du mot « nature ». Ensuite, proposer aux élèves de trouver des exemples où l’on utilise ce mot dans la publicité (« c’est naturel ») ou dans des expressions communes en insistant sur l’aspect moral du jugement qui en découle (c’est bien ou mal d’être naturel ou pas)

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article développant le contenu de la conférence

Science et médecines alternatives : faire ses choix en connaissance de cause

Présentation

CorteX_homeopathie

Les médecines non conventionnelles rencontrent aujourd’hui un succès grandissant auprès du public. Rejet de la médecine « officielle » et « scientifique » ? Peur d’anciens et nouveaux scandales sanitaires ? Attirance pour des thérapies « naturelles », « alternatives » ou « douces » ? Les raisons sont multiples. Mais ce succès est-il pour autant le signe d’une efficacité spécifique réelle ? Les enjeux sont grands et nous concernent tous et toutes car à la santé se greffent bien souvent des questions financières et de choix technopolitiques (pharmaceutiques et/ou thérapeutiques). Les dérives régulièrement recensées, comme les diverses aliénations mentales, nous poussent à nous interroger sur ces pratiques de plus en plus à la mode. La démarche scientifique peut-elle nous aider à répondre à ces questions ? Quels outils critiques peut-on utiliser pour faire des choix en connaissance de cause ?

Public concerné

Élèves de terminale de préférence

Préparation

– On peut demander aux élèves de se réunir par groupes de 3-4 pour définir ensemble les mots « médecine », « science », et, selon le niveau, « placebo ». Puis lancer le débat sur la différence entre science et médecine, sur la notion de placebo et sur les critères qui nous font adhérer à une thérapie donnée. L’idée étant de différencier les types de registres : scientifique, moral, politique, économique.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur les médecines « alternatives »

Science et créationnismes : un état des lieux

Présentation

The_tree_of_life_v2_by_life1_version2

De nombreux enjeux politiques, économiques, technologiques et sociétaux, auxquels sont confrontées nos sociétés contemporaines ne peuvent être appréhendés sans connaissance scientifique : changement climatique, OGM, genres, transhumanisme, nouvelles énergies, etc. Dans la mesure où chaque citoyen ne peut être expert dans tous les domaines, sa capacité à distinguer un discours scientifique d’autres types de discours (idéologiques, religieux) est indispensable pour une démocratie. Or, depuis environ 20 ans, des courants d’inspiration religieuse tentent d’infiltrer les systèmes éducatifs de nombreux pays européens pour promouvoir une vision religieuse du monde en instrumentalisant la science : il s’agit de mouvements créationnistes. Cette intrusion spiritualiste pose le problème de la démarcation entre science et croyances. Comment faire la distinction entre ces différents discours ? En quoi l’instrumentalisation du discours scientifique est-elle un enjeu politique ? Les questions soulevées par ces thématiques sont au cœur des pratiques scientifique, citoyenne et politique actuelles.

Public concerné

Terminales de préférence, premières selon le contexte.

Préparation

– Demander aux élèves de définir, par petits groupes de 3-4, les mots « religion », « science », « croyance » et « créationnisme ». Lancer le débat en questionnant les élèves sur les liens entre science et religion, entre scientifiques et croyances.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une conférence filmée de Julien Peccoud

Une autre conférence filmée de Julien Peccoud

Quantoc : l’art d’accommoder le mot quantique à toutes les sauces

Présentation

CorteX_12_Quanta_relax

Théorie fascinante, toujours en élaboration, la physique quantique est devenue un véritable marronnier de la vulgarisation des sciences, à grands coups de mises en scène nimbées de mystère. Cela serait sans réelle conséquence s’il n’était tout un marché naissant, poussant telle une mousse sur le travail d’Einstein, Heisenberg et leurs continuateurs : techniques de bien-être quantique, thérapies et médecines quantiques soignant les cancers, quand il ne s’agit pas de justifier n’importe quel scénario surnaturel au moyen d’une mécanique quantique revisitée qui n’a plus grand chose à voir avec l’originale. Le quantique a bon dos. Or, comprendre cette physique nécessite un temps d’apprentissage que le public n’a probablement pas. On présentera donc un guide de première nécessité, un modeste guide de survie épistémologique pour tenter d’éventer les baudruches que certains affairistes «quantiques» n’hésitent pas à agiter comme des lanternes. Une mélopée rationnelle parmi les cantiques quantiques. Une mince chandelle dans la physique de l’infiniment petit.

Public concerné

Uniquement terminales ou premières scientifiques

Préparation

– On peut demander aux élèves de définir, en petits groupes de 4-5, le terme « quantique » et de différencier sa définition et sa connotation. Lancer le débat sur la présence de ce terme dans les médias avec des exemples de couverture de Science et Vie par exemple.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Un article sur une couverture de Science et Vie

Un article reprenant la conférence

Sur les implications philosophiques

Zététique : esprit critique es-tu là ?

Présentation

Pyrrhondelis

Le terme zététique (du grec zétèin signifiant chercher) remonte à quelque deux mille trois cents ans. Désignant une attitude de refus envers toute affirmation de type dogmatique, Pyrrhon d’Élis fut le premier des zététiciens : remise en question permanente et doute radical étaient ses marques de fabrique. La zététique aujourd’hui, c’est la méthode scientifique d’investigation des phénomènes « surnaturels », étranges, des théories bizarres : balayant un spectre allant des monstres mystérieux en passant par les poltergeists, les ovnis, ou même la radiesthésie, la télékinésie, la télépathie, jusqu’aux thérapies non conventionnelles, le cœur de la zététique réside dans une méthode d’analyse commune à tous ces phénomènes et appropriable par tout un chacun : la démarche scientifique. Pour mettre en pratique cette démarche, des protocoles expérimentaux sont élaborés pour tester concrètement les affirmations contenues dans ces phénomènes.
La base de la zététique est donc le doute, mais un doute fertile, permettant d’examiner et d’aller vérifier les affirmations produites, les faits soi-disant avérés, de trier parmi les hypothèses pour, in fine, faire ses choix en connaissance de cause. Plus qu’une simple démarche, c’est une pédagogie à l’esprit critique : savoir discerner le bon grain de l’ivraie, le vrai du faux, savoir construire son opinion personnelle et pouvoir la remettre en question par la prise de conscience de la part d’affectivité et de l’influence de préjugés ou de stéréotypes sur nos croyances et nos adhésions.

Public concerné

Tous niveaux, toutes sections.

Préparation

– On peut demander aux élèves, en groupe de 3-4, de proposer une définition des termes suivants : « science », « pseudosciences », « croyance », « paranormal », « surnaturel ». On peut aussi lancer le débat sur la diffusion de ces phénomènes dans les médias et sur les risques/avantages liés à une telle présence.

– Préparer une « banque de questions » : de façon anonyme, chaque élève écrit une question en rapport avec ce qu’il comprend du thème et la remet aux enseignants. Le-la conférencier-ère pourra alors puiser dans cette ressource pour alimenter la discussion et le débat.

Ressources

Une page entièrement dédiée à la zététique

La chaîne youtube « La tronche en biais »

Enquêtes Z au collège Le Bastion

Depuis la rentrée 2014, Marion Margerit, professeure de mathématiques, et Marie-Hélène Hilaire, professeure documentaliste, ont lancé le club Enquêtes Z au sein du collège Le Bastion, à Carcassonne. Une quinzaine d’élèves, essentiellement de 6ème et 5ème, apprennent à douter, expérimentent, formulent des hypothèses et s’approprient les outils zététiques. Et leur mission ne s’arrête pas là : les enseignantes tenaient également à faire réaliser à ces zététiciens et zététiciennes en herbe le montage des vidéos qui résument le travail de chaque séance. Voici en détail la description de leurs séances avec, en prime pour les enseignants qui voudraient se lancer, un retour en images des séquences pédagogiques. Un immense merci à elles pour le temps passé à nous faire partager ce retour d’expérience.

L’idée de créer cet atelier est venue suite à la formation que nous avons suivie Médias, pseudosciences et esprit critique proposée dans le Plan Académique de Formation par Guillemette Reviron et Denis Caroti. Il a pour objectif principal de faire découvrir aux élèves la zététique dont la définition est prise au sens large comme « l’art du doute », l’élaboration d’un esprit critique. Nous, les enseignantes, avons apporté les sujets d’étude et encadré les débats et les expériences, mais toute la démarche d’investigation, de l’analyse aux conclusions en passant par l’expérimentation ainsi que la réalisation d’un montage vidéo de l’étude ont été réalisés par les élèves. Nous souhaitons qu’ils s’emparent des outils mis à leur disposition afin d’élaborer des protocoles d’analyse efficaces et rigoureux. Nous pensons que cette façon de faire leur permettra d’acquérir de l’autonomie et des mécanismes qu’ils pourront mettre beaucoup plus facilement en application par la suite dans leur vie de tous les jours.

La fabrication d’un diaporama nous a paru être un bon moyen pour remettre en ordre les idées qui sont lancées rapidement lors de l’analyse, et de les résumer pour ne garder que l’essentiel et permettre la généralisation.

Cet atelier fait intervenir un grand nombre de disciplines : la documentation avec les médias, le français avec l’analyse des mots et leur sens, l’histoire, la géographie et bien sûr l’ensemble des sciences – les mathématiques, la physique, la chimie, la SVT et l’informatique.

Les séances ont lieu de novembre à juin à raison d’une heure par semaine pendant la pause déjeuner, afin qu’un maximum d’élèves puissent y assister. Il a été financé l’année 2014-2015 par des heures prises sur l’accompagnement éducatif, supprimées pour la rentrée 2015 – 2016. Les élèves présents à l’atelier sont des élèves volontaires : ils se sont inscrits au club en début d’année après être venus à une séance « découverte ». La première saison, ils étaient 12 au départ et 4 se sont inscrits en cours de route grâce au bouche à oreille.

Nous n’avons pas mesuré l’effet de nos enseignements, mais nous pouvons dire tout-à-fait subjectivement que les élèves se sont (pour la plupart) investis avec enthousiasme dans les enquêtes proposées. Nous avons senti au fur et à mesure de l’année qu’ils prenaient de plus en plus de recul face aux médias et aux informations notamment vues à la télévision ou sur internet et nous en ont parlé de manière spontanée au cours de nos séances. Voici le détail de nos séquences.

Saison 1

Séance de découverte

Cette séance consistait à présenter le club Enquêtes Z aux élèves.

Temps : Environ 45 min
Télécharger le diaporama ici.

Séances 1 et 2 – Nos yeux nous trompent ! Nos oreilles nous trompent !

Séances d’initiation à la zététique et à la démarche scientifique qui a pour but de « casser » les idées reçues sur la fiabilité de nos sens.

Temps : 2h pour les illusions d’optiques, 2h pour les illusions auditives

Description

  • Etape 1 – Introduction et présentation d’illusions d’optiques et auditives

Comme certains élèves n’avaient pas assisté à la séance découverte, nous avons débuté cette séance par une présentation « rapide » des objectifs du club et de la zététique.

  • Etape 2 – Présentations d’illusions d’optiques et auditives

Pour remettre en question la valeur d’un ressenti, de l’expérience personnelle et du témoignage, nous nous sommes appuyées sur les ressources pédagogiques présentées ici (voir notre diaporama)

  • Etape 3 – Réalisation par les élèves d’illusions d’optique et auditives

Nous avons ensuite proposé aux élèves de construire des illusions d’optique mais par manque de temps, ils n’ont pas pu réalisé d’illusion auditive.

Matériel utilisé

– Appareils photos / vidéos
– Ordinateurs + logiciels : bureautique (libre office), retouche photos (paint.net) et vidéo (movie maker)
– Papier et crayons pour deux élèves

Bilan

Il est difficile de canaliser certains élèves qui fourmillent d’idées immédiatement et démarrent trois projets en même temps tandis que d’autres ne savent pas comment commencer. Nous avons choisi de proposer à ces derniers des projets moins ambitieux, comme refaire une illusion géométrique vue sur un site internet à l’aide d’un ordinateur.

Nous avons aussi été confrontées à un autre problème non prévu : les élèves n’étaient absolument pas formés en bureautique. Nous avons perdu beaucoup de temps à leur montrer comment créer, modifier et enregistrer leur travail.

Voici quelques-une de leurs réalisations.

Paréidolies

Illusions géométriques

La longueur des flèches est-elle la même ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_2
Les deux formes blanches sont-elles identiques ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_3
Y a t-il des formes blanches identiques ?

enquetes-z_1_illusion-geometrique_4
Les deux petits rectangles ont-ils les mêmes dimensions ?

Montage vidéo – Je vole ou pas ?

Séance 3 – Hypnose et catalepsie

Première mise en place d’une véritable démarche scientifique d’investigation : observation, hypothèses, expériences, conclusions. Support : la vidéo d’un spectacle d’un prestidigitateur se présentant comme hypnotiseur.

Temps : 4h

Description

Nous avons suivi le plan de séance présenté par Denis Caroti lors du deuxième atelier en 5ème et 3ème : l’alternative est féconde.

Illustration 1: tableau sur lequel nous notions les hypothèses proposées

Etape 1 : Présentation de la vidéo aux élèves

Etape 2 : Discussion autour de cette vidéo en vue d’élaborer des hypothèses pouvant expliquer le phénomène

Etape 3 : Expérimentation et conclusion

Étape 4 : Réalisation d’un diaporama

Voici le résumé en vidéo

test avec légende

Bilan

L’expérimentation est très délicate et nécessite du matériel adapté : deux chaises stables ou tréteaux. La position de la personne faisant le test est primordiale : ce sont les épaules et mollets qui doivent reposer sur les tréteaux. Cette partie a été problématique et nous avons dû nous y reprendre plusieurs fois avant de réussir.

Comme c’était la première séance où nous réalisions un diaporama nous avons guidé les élèves pas à pas. Pour commencer, nous leur avons fait réaliser une trame du diaporama : introduction – explication de la vidéo spectacle (hypnose, catalepsie – définition et situation) – liste des hypothèses – explication des tests et de ce qu’ils permettent de montrer – relecture des hypothèses et conclusion (vraisemblable, non vraisemblable, non « testable »). Puis, nous les avons formés à l’usage du logiciel. Chacun (seul ou en groupe) devait s’occuper de l’une des trois tâches suivantes : montage vidéo, réalisation du texte « commentaires » et enregistrement de ce texte via un magnétophone.

Cette étape ne s’est pas déroulée comme nous l’avions envisagée : certains élèves ont réalisé parallèlement les mêmes actions, nous avons donc perdu du temps et, plus problématique, il nous a fallu choisir entre les différentes versions.

Par la suite, nous avons adapté légèrement cette étape. Le diaporama final a été finalisé par nos soins par manque de temps.

Séance 4 – La rumeur

La séance 4 a pour objectif de montrer aux élèves qu’une information qui circule s’appauvrit, se transforme et se trouve facilement faussée ou vidée de son message initial principal. Il est donc nécessaire d’aller à la source de l’information.

Durée : 3h, deux séances d’expérimentation, une d’analyse

Effectifs – Pour l’occasion, nous avions demandé au club de sciences de participer à l’expérience (une dizaine d’élèves). Nos élèves étaient, eux, spectateurs. Nous avons ensuite réalisé une deuxième expérience avec nos élèves acteurs.

Description de la séance

enquetes-z_4_rumeur_homme-invisible

Matériel à prévoir : une photo, une vidéo ou tout autre support qui pourrait être « raconté ». Il faut que le support ait suffisamment de détails. Nous avons choisi pour la première expérience une photo de Liu Bolin, l’homme Invisible « Hiding in the City »

  • Étape 1 – Préparation avant l’expérience

Avant que le club de sciences n’arrive, nous avons présenté l’expérience à nos élèves et analysé la photo.

  • Étape 2 – L’expérience

Nous accueillons le club de sciences dans une salle attenante à la salle d’expérimentation et nous leur demandons de décider d’un ordre de passage.
Le premier élève est invité à entrer dans la salle de l’expérience. Nos élèves lui montrent la photo et lui expliquent qu’il sera le seul à la voir, qu’il doit retenir le maximum d’informations sur cette photo pour pouvoir l’expliquer aux autres qui suivront. Une fois que c’est fait, nous faisons rentrer le deuxième élève du club sciences. Le premier essaie de lui donner un maximum d’informations sur le support que nous lui avons présenté puis va s’asseoir dans le public. Nous demandons au deuxième élève de sortir 5 minutes et surtout de bien retenir toutes les informations données.
Nous faisons une petite analyse de ce qui a été transmis en remplissant à chaque étape un document afin de garder une trace pour l’analyse future.
Nous reproduisons ce processus jusqu’à ce que le dernier élève du club de sciences soit passé.

  • Étape 3 – L’analyse

La deuxième séance est consacrée à l’analyse – nous aurions préféré pouvoir la faire dans la foulée, mais nous n’en avons pas eu le temps. Nous reprenons le tableau complété durant l’expérimentation et demandons aux élèves ce qu’ils ont remarqué. Tout est noté au tableau « en vrac ». Petit à petit, des idées se dégagent :
– de l’information a été perdue durant les communications ; c’est ce à quoi l’on pouvait s’attendre le plus ;
– de l’information a été transformée : un mot est changé par un autre, ce qui a été parfois très comique ;
– de l’information a été rajoutée. C’est peut-être ce qui est le plus impressionnant. Les élèves n’arrivant plus à se rappeler des informations données par la personne précédente, brodent et inventent des détails (peut-être non consciemment).

  • Étape 4 – Conclusion

Nous terminons cette séance par une discussion sur les conséquences de ces mécanismes dans la vie quotidienne : l’information est très facilement biaisée, modifiée, transformée. Tout le monde, même involontairement, est susceptible de corrompre une information. C’est pourquoi il est important de se méfier des « renseignements » que l’on nous donne, y compris si ce sont des gens à qui l’on fait totalement confiance. Il faut toujours chercher à se rapprocher au maximum de la source de l’information.

Bilan

Une dizaine d’élèves suffit pour réaliser l’expérience. En effet, au bout d’un moment, il y a tellement d’informations perdues qu’il ne reste que trois ou quatre mots à transmettre – ce ne sont même plus des phrases. Ces mots sont alors transmis en boucle sans modification jusqu’au dernier élève.

Nous avons réalisé une deuxième expérience à la demande de nos élèves. Ils étaient persuadés que, eux, ayant vu l’expérience précédente, ne se feraient pas « avoir », qu’ils réussiraient bien mieux. Voici le résumé en images :

Ce qui est remarquable c’est que les mêmes mécanismes observés lors de la première expérience se sont reproduits à la deuxième malgré l’analyse qui en avait été faite. Cela a conforté la conclusion que les élèves avaient émis en première analyse.

Pour voir une autre illustration de ces mécanismes, voir l’atelier de Tudy Guyonvarch avec des écoliers ici.

Séance 5 – L’horoscope

Séance faisant intervenir une personne extérieure pour faire découvrir aux élèves l’effet Barnum1.

Durée : 2h. Une séance d’expérimentation et d’analyse + Une séance pour réaliser le diaporama + 1/4h de pré-expérimentation à effectuer la séance précédente

Effectifs : Les élèves du club Enquêtes Z + une intervenante extérieure

Description de la séance

Tout d’abord, nous avons utilisé un document du laboratoire de zététique (2006) détaillant la mise en place de cette séance qu’on nous avait présenté lors de la formation Médias, pseudosciences et esprit critique .

  • Étape 1 : Préparation de l’expérience avec les élèves

A la fin de la séance précédente, nous donnons aux élèves une feuille et leur demandons d’y noter leurs nom, prénom, date de naissance, adresse, signe astrologique ainsi que les mêmes informations sur leurs parents. Nous leur demandons aussi de rajouter ce qu’ils souhaitent (dessin, mot, autre information) et qui leur paraît important. Certains ont rajouté leur couleur préférée, d’autres ont fait un dessin…

Nous leur expliquons qu’une astrologue sera présente la séance suivante et qu’elle leur aura préparé un horoscope personnalisé à partir de ces informations. Bien que nous soyons dans un club d’esprit critique, ils ont tous eu l’air de prendre l’expérience au sérieux et ont rempli la feuille avec application. Certains ont tout de même demandé si c’était une vraie astrologue. Nous leur avons donc demandé ce qu’était pour eux une « vraie » astrologue, question à laquelle ils ont eu du mal à apporter une réponse claire. Nous avons laissé la question en suspend.

  • Étape 2 : Préparation de l’expérience

Nous avons demandé à la documentaliste d’un autre collège de Carcassonne de venir jouer le rôle de notre astrologue. Elle a joué le jeu en se « déguisant » (foulard dans les cheveux, lunettes, collier de planètes) pour paraître un peu « loufoque ». Nous avions aussi préparé un horoscope à partir du document obtenu en formation en y apportant quelques modifications. Tout d’abord,  nous avons reformulé certaines phrases pour que des élèves de collège comprennent tous les mots. Par ailleurs, pour renforcer le sentiment de personnalisation du document, nous avons réalisé une version au féminin et nous avons glissé les « horoscopes » dans des enveloppes portant le nom de chaque élève.

  • Étape 3 : L’expérience

Nous avons présenté l’astrologue, puis elle a distribué à chacun son enveloppe. Nous avons bien insisté sur le fait que ces horoscopes étaient personnels et avons donc proposé aux élèves de s’isoler pour lire le leur. Ils l’ont fait sans se poser de question.

Une fois lu, nous avons distribué à chaque élève un document d’évaluation de la description de personnalité, puis nous avons fait un bilan : 9 élèves sur 10 étaient d’accord pour dire qu’elle leur correspondait parfaitement ou très bien. Un seul a indiqué que cela ne correspondait que moyennement à sa description.

Enfin, nous avons demandé si l’un d’entre eux accepterait de lire son horoscope bien que cela soit très personnel. Un seul a accepté – peut-être les élèves ont-ils estimé que ceci était trop personnel pour le lire à haute voix ?

A la lecture de l’horoscope, les réactions ont été variées : une élève a compris le manège dès la première phrase et s’est pris la tête dans les mains, une autre a ré-ouvert son enveloppe pour relire son horoscope et vérifier que c’était le même, les autres élèves se sont regardés et semblaient s’interroger.

Un point a été fait et la supercherie fut révélée. Un dialogue s’est ensuivi avec nous et l’astrologue pour savoir comment nous avions fait.

  • Étape 4 : L’analyse

Nous avons poursuivi à chaud sur l’analyse. Qu’est-ce qui avait fait que chacun-e s’était reconnu-e dans cet horoscope ? L’explication fut immédiatement amenée par les élèves : les phrases présentes dans cet horoscope étaient faites pour correspondre à tout le monde. C’est ce qu’on appelle l’effet barnum.

Des exemples :
– une phrase qui dit tout et son contraire : « Tu peux te montrer très sociable mais aussi prudent et réservé. »
– une phrase qui parle de quelque chose auquel tout le monde ne peut qu’adhérer : « Tu préfères un peu de changement et de variété et tu es insatisfait lorsque tu te sens bloqué par des règles trop strictes ou des limitations. »
– une phrase qui valorise le lecteur : « Tu possèdes de considérables capacités non employées que tu n’as pas encore utilisées à ton avantage. »

Nous avons ensuite donné aux élèves les journaux de la semaine et leur avons demandé de rechercher ce genre de phrases dans les horoscopes présents. Ils se sont rendus compte avec étonnement que les horoscopes fourmillaient d’effets Barnum.

Nous avons terminé la séance en leur demandant de créer eux-mêmes des horoscopes pour les donner à l’un de leur proche ou professeur (sans dire qu’il vient d’eux) et recueillerir leur avis.

  • Étape 5 : Retour sur l’expérience et fabrication du diaporama

La semaine suivante les élèves nous ont raconté leurs expériences avec les horoscopes créés. Mais peu d’entre eux étaient allé-es jusqu’au bout de l’expérience, nous ne nous sommes donc pas attardées.

Pour la fabrication du diaporama, nous avons fait les choses différemment. Au lieu de constituer des groupes, nous avons fait les choses ensemble. Nous avons commencé par reconstituer la trame :

En amont de la séance :

  • Recueil d’infos les concernant
  • Annonce de la visite prochaine d’une astrologue

Pendant la séance :

  • Présentation de l’astrologue
  • Distribution des enveloppes personnalisées
  • Lecture individuelle de l’horoscope
  • Évaluation de la pertinence de son propre horoscope
  • Un volontaire est invité à lire son horoscope
  • Découverte de l’entourloupe
  • Conclusion

Nous avons ensuite visualisé toutes les vidéos prises lors de l’expérience et les avons réparties sur les différents points que nous souhaitions aborder. Nous avons réalisé le diaporama en coupant et en juxtaposant les vidéos dans l’ordre pré-établi. Finalement, nous avons enregistré les commentaires des élèves dont nous avions besoin à chaud et les avons intégrés directement au diaporama. Voici le résultat :

Cette façon de faire nous a permis de réaliser le diaporama en 1h et tous les élèves ont pu voir les méthodes de création d’une vidéo et y participer.

Bilan

Cette séquence a particulièrement bien fonctionné et les élèves se sont montrés très intéressés par le sujet et particulièrement investis. Nous ne sommes cependant pas passé loin d’un gros écueil : l’un des élèves connaissait la fausse astrologue. Heureusement, le déguisement l’a fait douté et il n’a rien dit avant que la supercherie ne soit exposée.
Pour un effet encore plus important, nous avions imaginé que notre complice puisse associer les noms et les visages pour distribuer les enveloppes directement à la bonne personne. Nous n’avons pas assez anticipé cette étape.

Certains élèves s’en voulaient beaucoup de s’être fait dupés. Pour éviter qu’ils ne se sentent « nuls », nous leur avons bien expliqué que nous avions vécu la même expérience lors de notre formation et que cet effet est puissant.

Note de Guillemette Reviron – Monter ce type de séance nécessite effectivement de prendre des précautions. Tout d’abord, il n’est nullement question de ridiculiser une pratique, mais bien de « faire sentir » à chacun que nous sommes sensibles à certains biais. On ne pourra donc pas conclure à l’issue de cet atelier que l’astrologie n’est pas efficace, mais si l’on prétend qu’elle a une efficacité spécifique, il faudra notamment démontrer qu’elle fait mieux que l’effet barnum.

Séance 6 – L’extraordinaire est possible

Cette séance a pour objectif d’introduire la facette zététique « le bizarre est possible » et le rasoir d’Occam. Thèmes abordés : paniers de basket « impossibles » et pourtant réalisés sans trucages, Loto, tirs de pile ou face, « prédictions » d’animaux sur les résultats d’un match.

Temps : 2 h

Nous avons suivi la séance décrite par Denis Caroti sur le site du Cortecs. Voici le résumé en images :

Bilan

Nous nous sommes fait surprendre : alors que nous n’anticipions aucune difficulté particulière, cette séance a peut-être été la plus difficile à mener. Le manque de motivation des élèves s’est fait ressentir (sauf au moment de l’expérience du pile ou face). Ceux qui s’exprimaient partaient dans toutes les directions et étaient plus excités à l’idée de voir d’autres vidéos de tirs de canettes que de réfléchir sur la possibilité ou non de tels tirs. Nous n’avons pas réussi à réinvestir ce que nous avions mis en place les séances précédentes (échelle de vraisemblance ou rasoir d’Occam)
Nous avons eu tout de même quelques échanges intéressants notamment au moment de l’analyse d’une partie de la vidéo montrant un oiseau frappé par une balle de base-ball en plein vol (la question était de déterminer s’il y avait trucage ou non).

Il nous faudra repenser cette séance afin quelle soit plus efficace sans pour autant céder à l’amusement général.

Séance 7 – La curiosité de Lauriole

Cette séance se proposait d’appliquer la démarche scientifique à l’étude d’un phénomène « étrange » local : une pente qui semble monter alors qu’elle descend.

Durée :  une séance de découverte et de formulation d’hypothèses + une sortie pour expérimenter + une séance d’analyse / diaporama

Effectifs : les élèves du club Enquêtes Z auxquels nous avons associé une classe de 4ème et le club archéologie

Description de la séance

  • Étape 1 – Découverte du phénomène et formulation d’hypothèses

Pour leur faire découvrir la curiosité de Lauriole nous leur avons passé un montage d’une vidéo de Stop Science et d’une vidéo trouvée sur Youtube.
A la suite de la vidéo, nous leur avons demandé d’émettre des hypothèses pour expliquer le phénomène, exactement comme ils sont habitués à le faire dans d’autres matières (par exemple en SVT ou en Physique-Chimie) :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique
– 2ème hypothèse : effet d’un champ magnétique
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale

Puis nous leur avons demandé de proposer des expériences à faire sur place pour tester les hypothèses citées :
– 1ère hypothèse : illusion d’optique – test à l’aide d’une bouteille d’eau, d’une balle, d’un niveau
– 2ème hypothèse : champ magnétique – test à l’aide d’aimants
– 3ème hypothèse : un défaut de construction de la route – test à l’aide d’un niveau sur plusieurs endroits de la route
– 4ème hypothèse : explication paranormale – non testable, prise en considération si les autres hypothèses ne se vérifient pas (rasoir d’Occam)

  • Étape 2 : L’expérience sur place

Les tests sur place se sont déroulés la semaine suivante. Même le chauffeur de bus a participé. Les élèves ont abouti à la conclusion que c’était une illusion d’optique due notamment au talus et au lacet de la route et ont écarté les autres hypothèses grâce au rasoir d’Occam

  • Étape 3 : Analyse et diaporama

La séance suivante fut consacré à l’analyse des résultats et à la réalisation du diaporama. Nous l’avons fait tous ensemble comme pour la séance précédente à l’aide d’un vidéo projecteur. L’analyse fut l’occasion de revenir sur l’une des premières « leçons » de l’année : nos sens nous trompent. Ce que nous percevons n’est pas toujours la réalité.

Voici la résumé en vidéo de cette enquête.

Bilan

Tout d’abord, nous pensons qu’emmener autant d’élèves (environ 55) pour réaliser des expériences était un choix peu judicieux. Même si tout s’est très bien passé, il a été difficile d’effectuer les expériences étape par étape et de réussir à mener une réelle démarche d’investigation. En effet, chaque élève voulait manipuler. Ils testaient toutes les hypothèses en même temps et cela a été délicat de leur faire faire les tests l’un après l’autre. Ceci dit, nous pensons que le fait d’avoir manipulé et vu les expériences sur place marque beaucoup plus les élèves qu’une vidéo projetée avec des expériences effectuées par d’autres. Il nous paraît important pour la suite d’essayer de faire un maximum d’expériences directes et sur place quand c’est possible.

Séance 8 – La maison hantée

Séance d’initiation à l’analyse des médias (marchandisation de l’information) ; biais de confirmation

Les enseignantes n’ont pas eu le temps de décrire cette séance dans le détail, mais elles mettent tout de même à disposition la vidéo réalisée avec les élèves

Saison 2

Au programme de la saison 2 :

  • Séance 1 – Enquête sur la dame blanche de Mauroux (initiation à l’enquête de terrain)
  • Séance 2 – Cartes et magie
  • Séance 3 – Un dragon au CDI ? (matérialisme méthodologique)
  • Séance 5 – Enquête sur un OVNI à Oakland (enquête et croisement d’informations sur internet)

Les résumés vidéo de ces séances sont disponibles sur le site du collège Le Bastion (Carcassonne).

Best of – Les meilleurs dossiers Z du semestre 22, mai 2016

Chaque semestre depuis 2005, les étudiants de l’UE transversale « Zététique & autodéfense intellectuelle » produisent des dossiers d’enquête sur des sujets « critiques ». SI certains dossiers sont vraiment peu exploitables, d’autres sont vraiment de très beaux travaux, qui contiennent certes parfois des erreurs ou des fautes, mais témoignent d’une démarche intellectuelle exigeante, d’une vérification des sources et des informations présentées, et allant pour quelque-uns jusqu’à l’élaboration de protocoles expérimentaux. Cette fois, cartes mystérieuses, psychologie de la santé, protocole Reiki et PNL, de la musique, du lait, des cartes étranges….

L’objectif à terme serait de mettre tous les dossiers réussis depuis dix ans. J’ai réussi à le faire le semestres 20 (ici) et 21 (). En attendant, en mai 2016 m’ont été rendu 74 travaux (hors rattrapages), dont voici à mon avis (subjectif) les plus stimulants. Bien sûr il y a des coquilles, des fautes d’orthographes, des maladresses, mais pour des étudiant-es commençant leur parcours universitaire, on aura vu bien pire, et difficilement mieux. Bravo à elles/eux.

RM

Sur les questions de santé :

Cancer et rôle de l’état psychologique – Camille CHAULAIC, Tristan DIENY, Mathieu KLEIN, Alexandre LEUILLET. Télécharger ici. En annexe, deux audios à écouter :

Homéopathie, le savoir des pharmaciens – Thibaud AYMOZ-BRESSOT, William BLANC, Anaëlle BRION, Lise BRUN, Yoann JULLIARD, Wivina MARCELLINI, Thomas MERCIER, Cheyenne PILLOUD, Marina PONS, Noémie RIEDINGE. Le résultat de cette enquête est proprement stupéfiant. Télécharger là.

La pratique du Reiki – Sonia BOUAÏCHA, Yoann BOUCARD, Marie BOUVIER, Thi-My-Phuong DO, Alexandre GAÏD-BONNET, Sylvain SASSE. Voir l’article ici.

Vertus curatives de la forêt de Vallin, où en est-on ? – Daniel CHARBONNEL, Cyril CHARDON, Kevin BIBET. Télécharger là. Retour sur cette vieille affaire qui a vu plusieurs groupes d’étudiants travailler.

Deux dossiers furent réalisés sur les arguments de Thierry Souccar sur le lait, chacun apportant son lot d’arguments :

  • Thierry Souccar et le lait – Matthieu BATTIER, Elda BAUDA, Vincent CHAUVEAU, Blandine LYONNARD, Justine PAGNIER, Baptiste SERRE. Télécharger là.
  • Les arguments scientifiques avancés par Monsieur Thierry Souccar sur le lait de vache permettent-ils de sérieusement nous alerter sur sa consommation de masse ? – Fanny LA MANNA, Mehdi DJEGHDIR, Julien NOIRAT, Millian DE MAGALHAES. Télécharger ici.

La tisane qui fait dormir – Karine BOUHID, Teddy MERLE, Raphaël MESTRE, Axelle VITALIS. Voir l’article ici.

Le statut ambigu du baume du Tigre – Mathilde ARGAUD, Camille COUTAZ, Fracy DAMOUNE, Ilona DOS ANJOS, Robin DURAND (la version au point arrive sous peu).

Barreurs de feu – critères de sélection à l’hôpital de Grenoble – Solène JOUANNY, Sébastien JOUSLIN, Benoît JOUSSEAUME, Maryse NAPOLEONI, Charlotte PASCAULT, Trygve PRESTGARD. Télécharger là.

Deux bons dossiers sur des cartes mystérieuses :

La carte de Piri Reis – Théo BAUDRY-SHERRY, Elisa BUT, Mouctar Mamadou DIALLO, Lounis MILOUD. Télécharger là.

La carte du Vinland est-elle un faux ? – Julien DEBARD, Félicien GIRAUD.Télécharger ici.

Un peu d’archéologie :

Les sépultures « déviantes » de Kilteasheen – Solenne BARRY, Matthieu BEAL, Iliana GHAZALI, Heniek KATGELY, Bastien TERRIER. Télécharger là.

Archéologie et nazisme – Léo FRANCKE, Maël MOREL, Dorianne SANTO, Meriam ZORGATI. Télécharger là.

De la psychologie :

La vague – The third wave – Ronan CLEREC, Andréine ULIANA, Johanna VATTIER, Laëtitia MASSO, Juliette CONJARD. Télécharger là.

Série Lie to me : la théorie des lapsus faciaux de Ekman est-elle valide ? – Océane BEQUIE, Mégane GELLENS, Clémence PECARELLA, Clément PLANTADE, Héloïse POIROT, Noémie ZEBY. Télécharger ici.

Test de l’affirmation PNL : quelqu’un qui ment regarde vers la gauche, quelqu’un qui dit vrai vers la droite ? – Adrien ALEXANDRE, Perrine BREYTON, Kimberley BRUN, Julie MALIGE. Télécharger ici.

Les expériences de sortie de corps – Paul CANGE, Guillaume ENSENLAZ, Marine REBOULLET, Chloé SUDRE. Télécharger là.

Du complotisme :

MK Ultra et L’affaire du Pain Maudit de Pont-Saint-Esprit – Cléa BOIRON, Sarah DUCREUX, Ingrid EYROLLES, Léa HOUBRE 1

. Télécharger ici.

Et pour les musicologues :

Le LA 432Hz ou « Le Diapason Verdi » : est-il légitime de mettre le LA à 432Hz comme hauteur de référence ? – Didier FLORENT et Baptiste MESSINA. Télécharger ici.

Mention originalité pour ce dossier bringuebalant, mais dont les auteurs se sont creusé la cervelle :

Étude du prix d’une vie – Lucie Rizzo, Hugo Vincent.Télécharger là.

Dossier étudiant 2016 – Protocole expérimental du Reiki, et un peu d'histoire

Voici un très intéressant travail sur le Reiki réalisé par les étudiant-es de Licence de l’Université Grenoble-Alpes en mai 2016. Les tests se sont déroulés dans les bureaux du CorteX. Toute la rédaction est de leur fait (quand c’était nécessaire, j’ai fait des notes, en italiques, notées NdRM, notes de Richard Monvoisin). A la fin, j’ai indiqué l’extrait de notre ouvrage Tout ce… qui concerne le Reiki.

[Toc]

Très brièvement, qu’appelle-t-on le « Reiki » ?

Le Reiki est une technique de soin visant à soigner des zones pathologiques par « apposition des mains ». Cette dernière vient du Japon.
Elle date du début du 20eme siècle. Le Reiki se définit comme étant une « énergie universelle de vie » qui se transmettrait par les mains dans un but de guérison. Pour en devenir praticien, il suffirait de 6 à 7 jours de formations aux côtés d’un thérapeute « confirmé » (qui maîtrise cette pratique).
Il existe des écoles de Reiki, mais le Reiki ne fait l’objet d’aucunes reconnaissances légales, c’est donc une pratique non conventionnée.  Chacun peut donc se déclarer « maître Reiki ».

Notre dossier ci dessous, a pour simple but de vérifier l’existence de cette « énergie universelle », et ainsi de pouvoir répondre à la question suivante : quelle est la validité scientifique du Reiki ?
Pour ce faire, nous avons choisi de tester scientifiquement cette pratique, à l’aide d’une expérience, dont voici le protocole expérimental.

Protocole expérimental : Reiki

Introduction

Dans le cadre du cours autodéfense intellectuelle de notre professeur Richard MONVOISIN (2016) (NdRM : je ne suis pas Professeur, c’est un titre universitaire bien précis que je n’ai pas), notre équipe s’est intéressée au Reiki, sa pratique mais surtout sa validité scientifique.
Alexandre GAÏD-BONNET, membre de celle-ci en est un praticien, nous allons donc avec celui-ci mettre en place un protocole expérimental visant à tester scientifiquement cette pratique.
Alexandre ressent lors de ses consultations, de la chaleur au niveau de ses mains, qui s’avère être plus ou moins intense en fonction des personnes et des zones perçues. Il ressent une « énergie » chez chacun.
Dans le cadre de sa pratique de soin, ce phénomène présente un « trou », un « creux » lorsque ses mains approchent une zone pathologique.

Élaboration du protocole

Le professionnel dit être capable de ressentir la présence de quelqu’un grâce à son énergie.
Alexandre nous affirme percevoir un signal les yeux fermés à travers les vêtements, lorsqu’il est placé à 40 cm d’un sujet en position debout.
L’équipe convient donc de le laisser choisir la personne qu’il ressent le mieux (sujet C défini plus bas).
L’énergie ressentie ne laisse pas de traces à l’endroit où se trouvait le sujet, une fois celui-ci parti.

Nous posons alors les hypothèses suivantes.
Hypothèse théorique : le professionnel est capable de déceler la présence ou l’absence d’un individu grâce à son énergie uniquement.
Hypothèse opérationnelle : le professionnel est capable de déceler la présence ou l’absence d’un individu face à lui sans aucunes conditions restrictives et derrière un paravent, muni d’un casque antibruit.

Protocole expérimental

Matériel :
– 2 casques antibruit ;
– une toile opaque ;
– du gros scotch ;
– une lampe de chevet ;
– 4 paires de bouchons d’oreilles ;
– un masque de nuit ;
– un dé.

Le nombre de passages est de 100.
Nous prenons un seuil α=0.01. (NdRM : nos jeunes collègues ont mis le calcul plus bas – ici, ils indiquent le risque de première espèce). Le nombre de réussites doit être supérieur à 65 pour être une réussite.                                 

Variable indépendante : présence réelle vs. absence de l’individu
Variable dépendante : détection de la présence du sujet vs. absence

Alexandre est d’accord pour rendre l’expérience accessible au public.

Test en « ‘blanc »

cortex_reiki_2016_test
Le praticien de Reiki faisant le test

Début avril (2016), les membres du groupe se sont réunis chez Sylvain pour se familiariser avec le protocole et le finaliser.
Premièrement Alexandre a testé chacun des membres et choisi celui dont l’énergie est la plus perceptible. Il choisit le sujet C.
S’en est suivi un tirage au sort qui détermina le rôle de chacun dans l’expérience (Alexandre étant indifférent concernant la personne qui sera à ses côtés lors de l’expérience).
Sylvain et Yoann sont quant à eux chargés de la randomisation des passages (présence vs. absence du sujet).

Individu A : le professionnel (Alexandre)
Individu B : indique quand le professionnel peut commencer sa tache et note les indications de celui-ci (absence vs. présence du sujet)

Sylvain et Yoann procèdent à la randomisation des passages à l’aide d’un dé. Ils repartissent sur deux exemplaires une série de 0 (absence du sujet) et de 1 (présence du sujet ). Le tout constituant 20 passages.

L’individu se place en face du sujet qui lui-même se trouve devant le professionnel.
Ce dernier a mis une écharpe autour de ses yeux, des bouchons d’oreilles et un casque de musique.
Sylvain et Yoann donnent un exemplaire de la randomisation à l’individu D puis s’isolent.
Ce dernier indique au sujet quand se placer devant le professionnel. Une fois le sujet en place l’individu D tape un coup sur un mur pour indiquer à l’individu B que le sujet est prêt. L’individu B place le professionnel dans l’axe du sujet, celui-ci lève son pouce s’il sent la présence du sujet et forme un zéro avec son pouce s’il n’en sent pas, puis se retire. Le professionnel dispose d’un temps illimité. L’individu B note les indications du professionnel.

L’individu D prend connaissance du signal émis par le professionnel, lance un chronomètre de 10 s, puis fait signe au sujet de se placer ou non (pouce levé : placement vs. zéro avec la main: ne se place pas).
Après les 10 s, il retape un coup sur le mur.
L’expérience est réitérée 19 fois.
Puis, on vérifie que les comptages des deux parties congruent.

Résultats du test en « blanc »

(NdRM : est appelé ici test en blanc le test de réglage, en quelque sorte la répétition générale).

(Suivi à la lettre de la procédure présente dans le protocole expérimental sur le magnétisme de l’Observatoire zététique, cf. bibliographie)

Le nombre de passages valides est de 19/20 : N=19
Le professionnel avoua avoir effleuré les cheveux du sujet lors d’un passage.
Nous calculons alors le nombre d’essais minimum réussis  pour pouvoir valider l’hypothèse.

La probabilité de succès pour chaque essai est de 0.5. « La fourchette dans laquelle se trouve plus de 99% des essais sont centrées autour de M=Np (nombre de résultats attendus en moyenne) plus ou moins un intervalle I donné par la formule suivante :   I=3√[N*p*(1-p)]  On obtient alors : M=9.5 et I=6.54

La nouvelle fourchette est donc :
M-I<M<M+I soit 2,96<9.5≤16.04

Le résultat doit alors être supérieur ou égal à 16 pour être statistiquement recevable.                           

Lors du dépouillement des résultats, nous avons obtenu :

  • essais valides : 19
  • essais réussis : 11
  • essais échoués : 8

Le résultat du test-blanc n’est pas bon : c’est un échec. (NdRM : on ne peut cependant rien en tirer en soi, puisque c’est un test en blanc, émaillé de détails rédhibitoires).

La personne émettrice et sa randomisatrice
La personne émettrice et sa randomisatrice

Expérience finale

Dans les locaux du CorteX, nous prenons les mêmes dispositions que lors du test blanc, et répartissons les rôles de la même manière. Cependant, nous contrôlons certaines variables supplémentaires.

Variables contrôles :
– on dépose une toile opaque au niveau de l’encadrement de la porte, le sujet et le professionnel et leurs assistants s’y placent de part et d’autre de celle-ci.
– L’individu D et le sujet sont séparés de Sylvain et Yoann qui sont dans la pièce à côté, porte fermée.          
Après la randomisation, ils font passer le tirage par la fente de celle-ci a l’individu D.
– Le professionnel porte un masque de nuit (à la place de l’écharpe)
– Les individus B et D, le sujet et le professionnel portent des bouchons d’oreilles.
– L’individu B et le professionnel portent des casques antibruit par dessus.
– L’individu B indique au sujet et à l’individu D que le professionnel est prêt en levant son pouce par dessus la toile.
– Le signal qui indique que le sujet est en place est ici une lampe de chevet se trouvant dans la pièce dans laquelle sont le professionnel et son associé. Le fil de celle-ci passant sous la toile permettant à l’interrupteur de se trouver du côté de l’individu D et de son sujet.
– Les membres de l’équipe n’ont aucun moyen de communication virtuelle (téléphones, ordinateurs…)

Trois pauses sont faites à 25, 50 ; et 75 passages.
A la pause qui suivit le 50eme tirage, le professionnel et l’individu D sortirent de leur pièce, nous conduisant à une nouvelle randomisation pour les 50 derniers passages.

Résultats du test final

Indication d'un signal non ambigu : une lampe (qu'elle soit "à sel" est contingent, c'est la seule lampe de chevet du bureau)
Indication d’un signal non ambigu : une lampe (qu’elle soit « à sel » est contingent, c’est la seule lampe de chevet du bureau)

(Suivi à la lettre de la procédure présente dans le protocole expérimental sur le magnétisme de l’Observatoire zététique, cf. bibliographie)

Le nombre de passages valides est de 100/100 : N=100
Nous calculons alors le nombre d’essais minimum réussis  pour pouvoir valider l’hypothèse.

La probabilité de succès pour chaque essai est de 0.5.

« La fourchette dans laquelle se trouve plus de 99% des essais sont centrées autour de M=Np (nombre de résultats attendus en moyenne) plus ou moins un intervalle I donné par la formule suivante :   I=3√[N*p*(1-p)] »

On obtient alors : M=50 et I=15

La nouvelle fourchette est donc :
M-I<M<M+I soit : 35<50≤65

Le résultat doit alors être supérieur ou égal à 65 pour être statistiquement recevable.

Après dépouillement nous avons :

  • essais valides : 100 ;
  • essais réussis : 51 ;
  • essais échoués : 49.

Le résultat de l’expérience conclue à un échec.                                           

Conclusion

Au terme de cette expérience, le résultat est décevant.
Nous sommes de tout cœur avec Alexandre pour qui l’expérience se solde d’une double déception : en plus de l’échec de l’expérience il doit faire face au fait que ses soins ne présentent pas plus d’effet qu’un placebo (NdRM : ce point est inexact : les étudiant-es n’ont montré que le fait que le sujet ne pouvait distinguer par Reiki la présence ou l’absence de l’émetteur, pas que ses soins étaient placebo. En outre, contrairement à ce que nous avons bien étudié en cours, l’effet placebo est une notion complexe qu’il vaut mieux subdiviser en différents effets contextuels).  Il fait cependant preuve d’un grand fair-play.
Avant l’expérience il nous affirmait qu’il saurait accepter le résultat quel qu’il soit, et ce fut le cas. Nous admirons tous son attitude.

Limites de l’expérience

  • Il n’a pas été possible pour nous d’expérimenter le Reiki sur des patients faute de moyens et de temps. Nous incitons donc vivement d’autres chercheurs à le faire.
  • Bien que l’expérience ait été effectuée en suivant un rigoureux protocole expérimental, elle n’a été faite qu’une fois. Peut-être avons nous omis certaines variables/détails/biais expérimentaux. Nous incitons donc d’autres chercheurs à la reproduire avec de nouveaux locaux, de nouveaux sujets, professionnels.. et même dans d’autres contextes socioculturels.
  • Nous avons tenté de contacter mercredi 4 mai 2016 un professionnel du domaine, le chercheur et kinésithérapeute Nicolas PINSAULT, afin de prendre connaissance de son point de vue sur cette pratique. Ce dernier, sûrement très pris par son travail, (NdRM : il faut dire que vous l’avez contacté à la dernière minute !) nous a affirmé « avoir trop peu travaillé la question pour nous donner un avis éclairé ». Nous le remercions tout de même d’avoir pris le temps de nous répondre.

Bibliographie (NdRM : assez maigrelette, il faut le dire – mais devant un si joli protocole, on ne leur en tiendra pas rigueur) :

Une partie de l'équipe, avec quelques victuailles
Une partie de l’équipe, avec quelques victuailles

DO Thi-My-Phuong : L1 biologie
SASSE Sylvain : L1 Science de la Vie et de la Terre
BOUAÏCHA Sonia : L2 psychologie
BOUCARD Yoann : L1 biologie
BOUVIER Marie : L1 biologie
GAÏD-BONNET Alexandre : L1 chimie-biologie

Extrait de Pinsault N., Monvoisin R., « Tout ce que vous n’avez jamais voulu savoir sur les thérapies manuelles« , Presses Universitaires de Grenoble,pp. 98-99

Reiki (1922)
[Fondateur] Mikao Usui (Japon) (1865-1926), moine bouddhiste.

L’histoire du fondateur est fortement controversée. Il est dit que, fréquentant un temple bouddhiste Tendaï (tradition du Grand Véhicule) au nord de Kyõto, Mikao Usui étudia d’abord le Kiko, version japonaise du Qi Gong (« exercice de Qi », en mandarin), gymnastique traditionnelle chinoise proposant une méthode de respiration fondée sur la maîtrise du Qi, l’énergie vitale alléguée. Sous l’influence d’un « maître », Watanabe Kioshi Itami, il aurait changé d’école bouddhiste en 1894, passant de Tendaï à Shingon (un des bouddhismes tantriques, la grande différence tenant dans la possibilité d’atteindre l’état du bouddha dans cette vie-ci, et non dans une autre).
On a prêté à Usui des études de psychologie (ce qui est peu probable pour l’époque), de médecine (ce que nous n’avons pu vérifier) et un doctorat en théologie de l’université de Chicago, mais l’unique source, The Reiki handbook (Arnold & Nevius, 1992), est pour le moins douteuse (son coauteur étant Larry E. Arnold, bien connu entre autres pour avoir développé des thèses paranormales fantaisistes sur les auto-combustions humaines « spontanées »).
Après vérification, comme l’indique le site ihReiki.com dans son article Historical Reiki inconsistencies, personne de ce nom n’étudia à ladite université dans cette période. Bref, Usui, en proie à des difficultés financières, aurait décidé d’embrasser la carrière monastique et c’est en 1922 qu’il fit une expérience de mort imminente (« visions » ou « sensations » consécutives à une mort clinique ou à un coma avancé), ainsi qu’un satori (une illumination) pendant une retraite jeûnée sur le Mont Kuruma-yama. Il y « reçut » le Reiki. Il ouvrit alors un, puis deux centres, et créa son enseignement.

Mais cette histoire est douteuse et remaniée plusieurs fois. Des héritiers spirituels, en particulier la maître Reiki Hawayo Takata (1900-1980), créèrent de toutes pièces des détails, comme une prétendue inspiration de Usui par le personnage de Jésus, afin de
mieux exporter la méthode en « Occident ». Pire encore, des faux documents prêtés à Usui lui-même étaient en fait l’œuvre d’un faussaire, par ailleurs faux psychologue et faux enseignant de Reiki, le Lama Yeshé, qui s’avéra être… un faux Lama, Richard Blackwell.
Les fraudes et inventions de Blackwell ont dupé et dupent encore un certain nombre de praticiens Reiki, ce qui lui a valu les foudres d’une grande part de la communauté. Blackwell rebondit et fit une résolution de dissonance cognitive spectaculaire en se déclarant en ‘‘channeling’’ avec Usui lui-même. Puis il affirma être poursuivi par la CIA, avant de disparaître vers la fin des années 2000.

Mode de découverte : une épiphanie.
Scientificité de la découverte : aucune publication scientifique publiée du fondateur.
Principe théorique non étayé : l’imposition des mains apporterait des soins dits « énergétiques ».